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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 17:22

 

 

Laissons l'Hudson à New York...
Utzon, c'est autre chose.
Utzon est à Sydney
ce que Garnier est à Paris.
Sur l'autre hémisphère d'un cerveau gorgé d'eau,
la tête en bas, les pieds en haut,
on arrive sur l'écume d'une déferlante.
New Wave. New Wales.
Nouvelle-Galles du Sud.
Pile entre Poitiers et Bechet...
Il y a Sydney.
James Cook et ses pirates,
dans la baie de Port Jackson.
La plus belle prison du monde.
Je ne suis pas un condamné au bagne,
un criminel déporté aux marges de l'Empire,
aux enfers d'après les mers,
dans les abysses d'au-delà l'horizon,
déporté comme mille autres
dans le vide-ordures du bord d'une terre plate.
La terre est ronde.
Partout l'on s'y tient debout.
Il n'y a pas de chute aux bords du monde.
Il n'y a pas d'enfers aux confins de l'Empire.
Le bagne des prisonniers était un paradis.
Un paradis d'or et de lumière.
Je ne suis pas un surfeur décoloré non plus.
Un athlète au teint de carotte râpée,
enveloppé d'iode, d'encens et de haschisch.
Je n'ai ni le diamant du mollet,
ni les capsules abdominales,
ni l'équilibre équivoque du rodéo.
Mes cheveux frisent plus dans le charbon
que dans le jaune de la paille.
Revenus de Bali ou d'Hawaii... Aloha.
Des corps gorgés de bière s'offrent aux plages,
échoués comme des cétacés déshydratés.
Rejetés par les vagues, qui reviennent les lécher,
comme on lèche ses plaies.
Je ne suis pas arrivé par les mers.
C'est le ciel qui m'a lâché.

Deux avions venaient de s'encastrer
dans les jumelles babyloniennes de Manhattan.
Dans la panique et l'horreur générale,
dans l'hystérie planétaire immédiate,
nul besoin d'expliquer comment ce double impact a bien pu suffire
pour provoquer l'effondrement complet de deux tours d'acier.
D'acier, d'amiante... et de contrats d'assurances.
Mais dans ce tremblement de terre et d'images,
je décollai vers d'autres lieux de la zone dollar.
Vers d'autres nouveaux mondes.
Quelques jours après cet électrochoc titanesque
qui fit saigner mes yeux, mon coeur, mon âme,
qui fit pleurer mes stigmates de néo-algonquin déchu,
je survolais l'Axe du Mal dans un puissant Boeing.
C'est dans la baie de Sydney que j'ai atterri, atterré,
cherchant à rejoindre les plis tendres d'une histoire d'amour,
d'une chaleur humaine, simple et gratuite,
instinctive, animale,
et salutaire.
Les cendres de Ground Zero
neigeaient jusqu'à cette autre Amérique.
Ici aussi, la terre avait tremblé,
faisant décoller des nuées d'oiseaux,
les chauves-souris géantes des arbres du jardin botanique.
Mon amour m'attendait, à l'abri du désordre.
Dans les tours d'une ville vide de sens.
Loin de la jungle ambiguë et cynique de New York,
Sydney est une capitale de province, paisible et sans histoires.
Montréal... mais sans le grain de folie québécois.
Le mall commercial et culturel d'un pays rural,
d'un immense désert poussiéreux.
A Manhattan, tout est superbe ou monstrueux.
Ou les deux à la fois.
A Sydney, tout est seulement mignon.
Son trésor, le vrai, c'est sa baie.
Une dentelle fantastique,
en guise de cadre doré, baroque, rococo,
cadre d'un miroir aux mille reflets d'argent, tourné vers le ciel.
Une glace sans tain, où s'enlisent quelques yachts désabusés,
où patinent quelques voiles égarées ou de laborieux ferries.
D'hystériques jet-skis s'agitent et s'ébrouent dans leurs gerbes d'écume,
comme pour singer une hyperactivité, une fébrilité dérisoire,
un fun dont il faut se convaincre.
Ces moustiques pétaradent sous l'indifférence d'un pont stoïque.
L'arche majestueuse du Harbor Bridge.
Quatre mini-skyscrapers des Années 30,
très New Yorkais, en guise de piles, puissantes,
tendent les cordages rouillés d'une voûte ferroviaire.
Porto s'endort sur d'autres continents,
lorsque la lumière se lève, ici,
embrasant à la fois le ciel et l'eau,
sur une splendide station balnéaire.

C'est à quai que l'oeuvre d'Utzon est amarrée.
Pris dans les glaces, le bâtiment a hissé ses voiles.
Mille choeurs, mille cordes, mille voix
ont soufflé leur foi à coup de cors et timbales.
L'air inspiré. L'air expiré...
pour tendre une voilure de granit blanc.
Une barrière de corail contenant le désert intérieur,
un récif de nacre qui sépare le vide du néant,
posé au milieu de nulle part.
La machinerie du navire active ses pompes, ses pistons,
avec une volonté farouche d'arriver à quelque chose :
des orgues phénoménales,
comme porte-voix de toute une population
qui appelle un dieu qui n'existe plus,
ou pire encore, qui l'a totalement oubliée.
La machinerie s'est mise en marche, gronde ses opéras,
met en scène la condition humaine.
Mille galériens transpirent pour avancer...
mais le vaisseau fait du surplace.
On ne fait pas naviguer un phare.
Le businessman ou le cow-boy, débarque sur le même quai.
L'Australie est une île. Une île de prisonniers.
Et ce Temple est un coquillage géant.
Une corne d'abondance.
Celle de l'âme humaine, de son imagination
- sans limites, sans frontières -
qui permet tous les voyages immobiles,
les voyages dans le temps,
l'exaltation des rêves et des désirs,
la transcendance.
Cette coquille vide est pleine d'espoirs déçus,
d'ambitions trahies, de solitudes désemparées.
Le chaos de trajectoires désespérées.
L'errance de moussaillons naufragés.
Les pointes immaculées, déchirant les cieux,
sont autant de flèches vers l'absolu,
autant de mains tendues vers l'ailleurs.
Ensablés, ancrés dans cet Eden sans Dieu,
les pionniers sont aussi volontaristes que volontaires,
aussi déterministes que déterminés.
S'il n'y a pas de sens, ils en inventeront un.
Et ils érigeront des tours de Babel.
Et ils composeront des opéras...
pour chanter leur existence de toutes leurs forces,
gonfler les voiles de ce navire brisé.
Les griffes du bâtiment s'arrondissent.
La lame virile s'évase d'un galbe féminin.
Le désespoir s'assoupit, la colère se détend.
La sérénité se révèle comme fondation, tellurique.

Des bras de l'amour, je m'extirpe.
Je quitte la chambre, pieds nus,
pour respirer le crépuscule.
J'attends mon spectacle favori.
Le réveil des chauves-souris géantes.
Les nuages de bats, contre le soleil couchant.
Les vampires s'envolent vers la nuit,
se nourrir d'embruns et de fruits.
C'est un faux départ d'oiseaux migrateurs.
Comme les gens d'ici, les chauves-souris...
reviendront se pendre par les pieds, la tête en bas,
dans les branches de l'aube.
De la terrasse dominant le jardin botanique,
mon regard s'illumine de tendresse pour ces créatures,
ces frères, mammifères, aussi seuls que nombreux.
Mon coeur les suit dans leur envol vers la baie,
dans le rouge écarlate de l'horizon,
alors que la nuit gagne du terrain, à leurs trousses.
Le voilier d'Utzon prend les couleurs du couchant,
douces, mélancoliques...
Je survole le miroir avec mes frères chiroptères, noctambules,
les dents de requin de l'Opéra, la toile sombre du pont,
et les moutons de silence, à perte de vue...
Une envie de pleurer me monte à la gorge.
Si le monde est devenu fou... quelle importance ?
La folie du monde n'est-elle pas dérisoire ?
Ce qui est fou, c'est d'être là.
C'est d'être né. C'est d'être.
Homme ou chauve-souris. Pont ou Opéra.
Ce qui est fou c'est d'exister.
Je ne sais même pas qui remercier pour ça.

Sydney est un décor de théâtre.
Un purgatoire pour mon âme blessée.
Des millions d'univers errent dans ses banlieues,
entre alcool et crèmes de nuit.
Ce n'est ni Montréal, ni Barcelone.
Le repos des ténèbres s'est abattu sur la ville.
Des lumières scintillent sur le port, répondant aux étoiles.
Des phares vacillent, cherchant une issue ou l'aventure.
Je suis au bout du monde. Aux portes de la Tasmanie.
Au bout des certitudes. A la fin d'une époque.
Un amour inespéré enveloppe la charnière,
en protège le coude.
J'ai perdu mon enfance.
J'ai perdu ma mère.
J'ai perdu Montréal... et Manhattan aussi.
Autant de vies qui s'effondrent.
Autant d'identités arrachées à ma structure,
comme autant de lambeaux de chair.
La vie me déshabille peu à peu.
Mais cet amour me rejoint sur la terrasse.
Cet amour qui me tient encore debout.
Debout au milieu des décombres.
Cet amour qui me voit, me renvoie que j'existe.
Il faut bien que je sois pour qu'il m'aime.
Il aime ce qu'il reste de moi.
Mes yeux croisent les siens.
Ô mon amour...
Et je sais soudain qui remercier.

Laissons l'Hudson à New York...
Utzon, c'est autre chose.
Utzon est à Sydney
ce que Garnier est à Paris.
Sur l'autre hémisphère d'un cerveau gorgé d'eau,
la tête en bas, les pieds en haut,
on arrive sur l'écume d'une déferlante.
Seul, atterré, meurtri...
mais amoureux.

 

 

 

 



Philippe LATGER
Avril 2007 à Paris

 

 

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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 21:34
 
Ici la terre est rouge.
Le sang s'est répandu en granules de terre pour nourrir la vigne.
Elle pousse dans ma gorge.
C'est ici que je suis né.
Venus d'ailleurs mes parents ont fait l'amour à Perpignan.
C'est ici qu'ils m'ont donné le jour.
Notre-Dame de Bonne Espérance, priez pour nous pauvres pécheurs,
protégez nos coques de noix aux voiles catalanes
dans la baie de Collioure,
pour ramener le sel de l'anchois et les récits de l'aube.
Je suis loin de ma plaine, de cet écrin allongé entre Albères et Corbières,
remparts contre l'Espagne, contre la France...
le Roussillon est une île :

la dernière des îles Baléares,
amarrée au continent par erreur.
J'ai pris le large, mais je revois tout.

Perpignan...
ce nom est le souffle d'une poignée d'âmes, rocailleuses,

le dernier point de l'hexagone qui déborde ailleurs.
Les montagnes n'existent pas.
Les cordes gitanes claquent comme des coups de fouets.
Des mains lourdes de saintes vierges en or
tambourinent sur les caisses de bois,
et des voix écorchées par la douleur de l'exil, de l'amour impossible,
s'élèvent pour couvrir la clameur de la mer.
Les rues de Saint-Jacques croulent sous les forêts d'antennes,
les guirlandes de linge qui sèche, et les enfants qui jouent.
Une ville dans la ville, loin des platanes alignés sur la Basse.
Perpignan est gitane. En partie... depuis des siècles.
Et ses enfants meurent du Sida bercés par des litanies évangélistes.
Il y a deux villes. J'aime les deux.
J'ai pris le large. Je me suis réveillé sur les quais de New York.
Ceux où sont arrivées les colonnes de marbre rose de Saint Michel de Cuxa.
Le musée des Cloîtres de Manhattan expose notre art roman,
comme les rondeurs féminines de Maillol s'exhibent au Guggenheim,
avec la même innocence que sur la Loge.
Perpignan m'avait suivi jusque là.
Et j'ai entendu dans mon coeur le battement obsessionnel d'une Sardane.
Envie de partager ma nostalgie.
Parler à cet Américain de la Procession de la Sanch,
avec ses cagoules écarlates et ses roulements de tambours
et ses christs ensanglantés...
je cachais mon visage dans les jupes de ma mère à leur passage.
Ce ne sont pas les fantômes du Ku Klux Klan. Les pénitents.
Parler des cerises de Céret, des abricots mûrs et parfumés,
d'une pêche juteuse...
Parler des palmiers décoiffés par le vent, des roseaux sur les étangs,
des haies robustes de cyprès qui embaument, des frissons des peupliers,
des troncs nerveux des oliviers... le soleil.
Parler des exilés espagnols pour lesquels Hemingway avait combattu,
les Républicains parqués comme des animaux à Rivesaltes.
Parler des exilés des contrées nord-africaines,
revenus dans un pays qui n'était plus le leur.
Terre d'accueil sans en avoir conscience.
Parler des belles soirées d'été,
des petites ruelles bondées de tablées huileuses,
sous un étroit couloir d'étoiles, où les bougies vacillent dans les yeux,
se reflètent comme mille étincelles dans les verres de muscat.
Ici les gens parlent fort, et rient aux éclats...
tonitruants, volubiles, emportés.
Ces gens qui se prennent la main, en une ronde fraternelle, solennelle,
ensorcelée par la musique stridente des coblas.
Un peuple. Solidaire et fier, arrogant.
Parler de ces gens. Insoumis.
Chez moi, les buildings ne sont pas en béton et en verre.
Ils sont faits de Castellers.
Sept ou huit étages de rugbymen et de jardiniers, de guingois,
couronnés d'un enfant en guise de flèche d'acier Art Déco.
Perdu dans Manhattan, je sens la tramontane se lever,
et m'apporter les couleurs sang et or de mon île,
avec ses odeurs d'ail frais, de lavande et de poussière.
La beauté de ma ville n'est pas évidente.
Bien des gens la traversent en méprisant son pont sordide
sur le no man's land de la Têt.
Ignorant qu'ils passent à côté de son labyrinthe de rues escarpées,
sous le patchwork de ses toits orangés,
à côté de sa medina brune et rouge,
abritant des palais endormis, avec leurs façades de cayrou,
ces pierres rondes de rivière qui appellent le toucher,
que l'on caresse à pleine main,
à côté de ses petites places où chuinte une fontaine,
à l'ombre d'un platane centenaire,
à côté de sa vie nocturne, trépidante et conviviale,
avec sa jeunesse étudiante,
transpirant à coup de techno,
fière de la Makina de Valence et des raves du Rachdingue, si proche...
à côté d'une douceur de vivre balayée par le vent,
arrosée de Banyuls et de Maury,
bercée de vieilles chansons catalanes qui traversent les âges.
C'est outre-Atlantique que j'ouvre les yeux sur mon être,
que je sens violemment l'appartenance à mon peuple, à ma terre.
New York m'a pris par le col pour me rappeler qui je suis, d'où je viens.
C'est dans la terre de cette île que Maman est enterrée.
Ma racine, mon arbre, ma sève, ma peau salée, mon regard sombre.
Méditerranéen je suis. Catalan je suis devenu.
Par ma mère castillane qui renaît en vignobles au soleil,
je suis amarré à Perpignan
comme Perpignan est amarrée au continent... par erreur.
Maman a aimé cette ville,
où elle a fait l'amour à mon père avant de me donner le jour.
Maman est cette terre. Je suis son fils, fidèle, amoureux, malheureux.
Un avion descendra sur les pierres blanches de l'Aude,
et je verrai par le hublot la carcasse des Corbières.
Alors, mon regard sera flou, brouillé par l'émotion,
quand les couleurs rouille et brique des sillons
éclateront sous le soleil et le bleu insensé du ciel.
Mes couleurs, intenses, insoutenables de lumière.
L'avion bascule pour amorcer sa boucle sur la mer,
et je reconnais Salses, et Torreilles et Sainte-Marie.
La frange d'écume sur la plage de Canet et de Saint-Cyprien.
Le spectacle est grandiose et je suis saisi par mes souvenirs.
Le Canigou, Fuji-Yama vibrant dans une légère brume,
trône avec élégance comme un volcan redouté.
De la neige phosphorescente brille à son sommet.
Il veille sur le Roussillon.
Mystérieux, imposant, serein...
Alors, je reconnais le clocher de l'église Saint-Jacques
ou l'étoile du Palais des Rois de Majorque,
dans la débauche de toits désordonnés.
Je jette un oeil sur mon voisin qui, sans me regarder,
les yeux rivés sur le hublot m'adresse un sourire, sans un mot.
Il sait ce que je ressens, et il ressent la même chose.
Une émotion superbe, mêlée de tendresse et d'orgueil,
une fierté sourde qui irradie tout le corps d'un sourire apaisant.
Nous rentrons à la maison.
Perpignan... ma petite ville chérie... Maman.
Je suis toi. Je t'ai emmenée avec moi partout où j'allais.
Je ne t'ai jamais quittée.
Tu es toujours avec moi, dans mes valises,
dans mes veines, dans mes rêves.
Je ne reviens pas... je ne suis jamais vraiment parti.
J'irai prendre un café à la terrasse de La Bourse,
retrouver des amis qui n'ont jamais eu l'idée saugrenue de partir,
manger au pied de la Cathédrale ou place Arago.
Et j'irai voir la mer. La toucher, la sentir.
Ici, je suis en sécurité. A l'abri de tout.
Avec les gens que j'aime. Dans le ventre de ma mère.
Ici la terre est rouge.
Le sang s'est répandu en granules de terre pour nourrir la vigne.
Elle pousse dans ma gorge.
C'est ici que je mourrai.

 
 
 
 


Philippe LATGER
Mai 2000 à Montréal
 
 
 
 
 
  
     
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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 18:59

 

 

Lissant les surfaces liquides,
les miroirs de nacre et d'aluminium,
mon train fend les airs iodés,
les eaux troubles,
soulevant ici des vagues d'échassiers surpris,
de flamants roses effrayés,
laissant là des taureaux impassibles dans leurs marécages crépus.
Les roseaux s'inclinent sur leurs barrières de guingois,
se couchent sur des clôtures aux piquets de bois mort et poli par le sel,
des tamaris frissonnent au passage de nos voitures grinçantes.
La mer s'ouvre sous la crosse confiante d'un nouveau Moïse.
Il existe un passage.
La voie se dessine, sinueuse, ferrée, mais rongée par la chaleur
comme aux sabots d'un cheval de Camargue.
Le sable a remplacé la terre,
léopardée de flaques frémissantes.
Les étangs se déploient de part et d'autre
comme ailes de papillon diaphane
et notre train prend son envol,
au-dessus des franges d'écume, de vases odorantes,
happé par le soleil.
La lumière aveuglante a incendié les ondes
comme elle a saigné la pierre,
lacéré la terre de vignes assoiffées, insatiables.
Tout brûle,
de la garrigue jusqu'aux cumulus d'albâtre.
Jusqu'au bleu absolu
qui maquille les noirceurs au-delà
d'un univers sans fond.
Notre étoile,
telle une explosion nucléaire sans fin,
irradie le décor de son feu féroce,
traque l'ombre du moindre poteau électrique,
fait éclater les pignes des pins,
sèche leurs aiguilles et les herbes sauvages,
craquelle le sol quand l'eau s'est retirée,
fait apparaître le sel en croûtes agglomérées,
fait proliférer la vie jusque dans l'épaisseur de la boue.
La rocaille noueuse résiste et s'impose,
émergée des entrailles,
et le train lui caresse les flancs.
Entre les arbustes hirsutes,
nous progressons mollement,
les rideaux crasseux en balanciers,
au milieu de cet instant d'hésitation entre terre et mer.
Etang de Leucate. Etang de Salses.
Et tant d'autres merveilles.
Nous arrivons à Perpignan.


 

 

 



Philippe LATGER
Juin 2006 à Narbonne

 

 

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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 15:09

 

 

Partir à la campagne...
bien sûr, ça ne pouvait pas me faire de mal.

J'étais cloué à mon ordinateur, à mon piano, à ma terrasse de bois,
à ma rue St Timothée, à ses jardins, à mon village et à sa nuit.
Cloué à internet, aux forums d'amours potentiels et d'amitiés certaines,
cloué aux bars du Unity, aux verres de canadian whisky,
aux étoiles du strip-tease, aux touristes de Boston,
francophones, anglophones,
lesbiennes, prostitués, travestis, que sais-je...
Cloué sur ma croix.
Une autre s'allumait sur le flanc de la montagne quand le jour s'enfuyait.
A l'heure où le piteux vampire se levait de table, déjà ivre.
La table d'un souper, en guise de petit-déjeuner,
que les hôtes quittaient pour aller dormir après un dernier digestif.
Le prédateur partait alors dans la nuit, se vautrer dans l'alcool, la neige et l'oubli.
Les enseignes du Campus ou du Stock clignotaient dans mes yeux vitreux.
L'accolade bienveillante de Geneviève. Le sourire de Brad, heureux de me reconnaître.
Les rasades généreuses de Jean. Les décibels du Sky ou du Stereo.
Les escaliers ou les parquets où mon corps tanguait, titubait, prêt à s'effondrer.
Pourtant, les mots sortaient dans l'ordre
pour demander un paquet de Players King Size chez le dépanneur,
l'épicier du quartier, salutaire, ouvert toute la nuit,
ou pour commander un dernier whisky sur glace.
Une journée à la campagne... évidemment.
Mes voisins, pour mon bien, avaient organisé l'entreprise.
Je n'ai pas su trouver une de ses excuses bidons,
dont j'avais le secret et surtout le culot.
Avant même le départ, mon coeur se serrait d'une angoisse singulière.
Pouvait-il y avoir un vide plus vide encore que celui de ma vie en ville ?
Je me retrouvais, inquiet, sur la banquette arrière d'une voiture américaine,
qui remontait Ste-Catherine jusqu'à Papineau.
Mes amis, à l'avant, s'efforçaient de détendre l'atmosphère en parlant de choses,
ou essayant de me faire parler, réagissant à des panneaux, boutiques ou restaurants.
Ceux où l'on avait déjà dîné ensemble. Ceux où il faudrait qu'ils m'emmènent.
Pourtant, une seule idée pouvait vraiment me distraire de mon anxiété :
nous allions emprunter le pont Jacques Cartier.
Traverser le majestueux St-Laurent dans la grille métallique du pont
me grisait
autant que la vue splendide sur le Centre-Ville me ravissait.
Ce zoom arrière, cette distance, me firent prendre conscience d'une réalité,
l'espace d'un instant - mais non sans émerveillement :
mon appartement, ma rue, ma vie...
toutes ces choses auxquelles j'étais cloué

étaient dans cette ville nord-américaine,
dans le magma de la métropole québécoise.
Je vivais à Montréal... Avais-je fini par l'oublier ?
Je regardais la ville comme si je la découvrais à nouveau,
retrouvant presque l'émotion de la toute première image,
l'électrochoc du coup de foudre.
Entre la montagne et le fleuve, la skyline se déployait de toute sa puissance.
Mon esprit embrumé se concentrait sur cette vision de toutes ses forces.
Mon quotidien désormais est ici, sur cette rive de l'Atlantique.
Français pour les Québécois. Québécois pour les Français.
J'étais bel et bien devenu les deux à la fois.
Les imposantes poutres rouillées de la structure
ouvraient les perspectives d'un road movie.

Un plan cinématographique m'offrait, devant moi,
des espaces à conquérir, encore vierges.

Et derrière moi, la ville qui s'éloignait et m'échappait.
Français et Québécois, hein ?...
Les deux à la fois ?...
Quelle imposture.
Le vide me remplissait à nouveau.
Je n'étais plus rien du tout.

Nous roulions sur la 20. L'autoroute Jean-Lesage.

Le moment de grâce, comme instant d'euphorie, fit place à la dépression.
L'image de la voiture filant dans la dentelle lourde du pont cantaliver,
avait certes tous les accessoires du film américain :
les poutres vertes et leurs rivets, les trucks, limousines, gratte-ciel, sirènes de police,
jusqu'aux petits autobus scolaires jaunes, aux balises oranges clignotantes,
jusqu'aux monstrueuses montagnes russes en bois du parc d'attractions de La Ronde,
que nous enjambions avec hauteur.
Mais, prise dans l'engrenage du projecteur, bloquée sur la chaleur de la lampe,
cette image vint à jaunir avant de disparaître dans une blancheur aveuglante.
J'étais en route pour nulle part. A des milliers de kilomètres de chez moi.
Pourquoi m'enlevait-on à la fureur illusoire de la ville ?
Savoir que nous rentrions le soir-même me donnait un peu de courage.
Mais la journée entière qu'il fallait combler semblait être perpétuité.
La nuit me délivrerait.
Allais-je pouvoir faire bonne figure jusque-là ?
Allions-nous à Drummondville ? Dans les Cantons de l'Est ?
Rendre visite à des amis ou à la famille de mes amis ?
Je ne sais pas. Il y eut plusieurs expéditions de ce genre.
Il fallait que je raconte ma dernière nuit à l'Entrepeau et au Sisters.
Avais-je croisé Rufus Wainwright ou Mado Lamotte ?
Avais-je fini chez moi ou à l'hôtel Gouverneur, Place Dupuis ? Et avec qui ?
Quel intérêt pouvais-je trouver à rencontrer du monde sur internet ?
Quelles relations peut-on bien développer si elles ne sont que virtuelles ?
Est-ce qu'en France on fait ceci comme cela, ou cela comme ceci ?
Est-ce que mon cousin avait aimé le Québec ? Allait-il revenir ?
" A droite, c'est le Mont St-Bruno ! "...
Je revois sa silhouette trapue, mutilée de quelques pistes de neige,
comme sortie de nulle part,
et les lignes téléphoniques étirées le long de la route, à perte de vue.
Une des collines montérégiennes, dressée comme un Ayers Rock
sur le plat pays de la Rive Sud.
Dans la mollesse des suspensions et l'odeur étrangère d'une couverture,
le nez contre la vitre, je me demandais ce que je fichais là.
On était loin de Thelma et Louise ou de Macadam Cow Boy.
Nous étions peut-être chez les parents de l'un ou de l'autre.
Boire un jus de canneberge dans le salon, autour du napperon,
pour arroser une part de tarte servie par maman.
Des gens adorables, très âgés, et toujours très amoureux.
On appela une soeur au téléphone, et son mari, et ses enfants,
qui passèrent se joindre à nous et désordonner les coussins des canapés.
Le père n'avait rien d'un looser que sa matrone aurait insulté avec dégoût,
ou méprisé à longueur de journée, comme il arrive parfois
quand une épouse a été abusée, saturée d'illusions et de promesses.
Très digne, avec ses cheveux gris et blancs lissés, bien peignés en arrière,
le visage sec, hâlé et buriné, d'un homme qui a passé son temps dehors,
il n'avait pas les mains déformées ou mutilées de l'artisan, de l'ouvrier ou de l'agriculteur.
Des ongles propres parfaitement coupés, une alliance sur des doigts fins et nerveux,
pianotaient d'impatience le bois des accoudoirs de son fauteuil de patriarche.
Madame s'activait de toute sa rondeur pour couper des parts, les servir,
remplir les verres, vider le réfrigérateur...
la seule qui s'autorisait à rester debout,
refusant toute aide catégoriquement.
Une situation impensable à Montréal, dans un Québec féministe,
où les femmes dominent les hommes, malmènent leurs époux.
Nous étions tous dans les canapés autour de la table basse.
Le père avait droit au fauteuil. Son fauteuil.
Son port altier, son mutisme de vieux sage,
la neige des cheveux sur le cuivre de sa peau,
lui donnaient l'air d'un Grand Chef Iroquois.
Il avait fait de la politique, toute sa vie, sur le terrain.
Un élu local, brillant et respecté, adoré de son clan.
Tous autour de moi l'admiraient, et je l'admirais pour ça.
La télévision allumée, retransmettait des images de Washington.
Un nuage noir vint obscurcir le visage du père.
Sous la pluie, un homme nerveux faisait un discours sur les marches du Capitole.
George Walker Bush, fils de son père, frère de son frère, entre autres choses,
devenait le prochain Président des Etats Unis.
Le World Trade Center était toujours debout,
j'avais pu le vérifier moi-même, quelques jours plus tôt,
mais la Démocratie avait été mise à mal par une élection plus que douteuse.
On sait qui a donné le pouvoir à Kennedy, et qui le lui a repris.
On sait qui a imposé George W Bush à l'Amérique.
Les nuages sur Washington comme ceux dans les yeux du Grand Chef Iroquois,
annonçaient la tempête, présageaient le pire.
Le patriarche savait lire les signes, ceux de la nature, ceux de l'Histoire.
Comme la fuite d'animaux précède l'incendie, le silence des oiseaux la catastrophe,
le comptage vaseux de voix en Floride sentait le soufre et le roussi.
Tout le monde exprima son indignation, sa méfiance, sa colère ou ses craintes,
avant de revenir aux potins de la famille et de la communauté.
Mais le père ne lâchait pas le téléviseur des yeux.
Il fallut saluer l'assemblée, car nous avions de la route pour rentrer à Montréal.
Déjà, mon coeur piaffait, piétinait frénétiquement le linoléum
comme un chien quand il comprend,
voyant son maître saisir la laisse, qu'il va faire sa promenade :
nous allions rentrer à la maison.
Il me fallait, par politesse, contenir mon enthousiasme et mon impatience.
C'est à ce moment seulement, que j'ai ouvert les yeux sur ce qui m'entourait,
que j'ai découvert le charme de ce petit pavillon typique, du quartier arboré,
que j'ai su voir enfin la beauté paisible des Cantons de l'Est.
En sale gamin capricieux, je me retrouvais presque à regretter de devoir partir si tôt,
alors que pour être honnête, on m'aurait dit qu'il fallait finalement y passer la nuit,
la panique serait revenue aussitôt.
Je m'attachais soudain à cette famille aimante qui nous faisait de grands signes d'au revoir,
sachant sans doute que cette nostalgie subite,
ne venait au fond que de la certitude
de ne la revoir plus jamais.
Qu'ai-je vu du Québec ? En plus de deux ans...
La Gaspésie ? Traversée au pas de course, quand notre auto soulevait des vagues d'oiseaux.
Tadoussac ? Où le fleuve regorge de baleines et de traversiers.
La ville de Québec où je me suis rendu quelquefois, avec son ferry pour Lévis,
ses fiacres, ses peintres, ses touristes du Petit Champlain,
et la silhouette disgracieuse du Château Frontenac...
C'est bien peu.
Ma réalité, c'était cette lueur orange qui embrasait la nuit au bout de l'autoroute.
Cette lueur qui donnait l'impression d'être en plein jour lorsqu'il neigeait
et que le coton épais de l'air s'imprégnait d'une teinte anis,
que toute la ville, figée dans la douceur du nuage, flottait dans un incendie sans flammes.
De la noirceur de la Montérégie, nous filions comme des moustiques attirés par la lumière.
Une nappe de couleur incandescente, à l'horizon, nous indiquait le lieu de la métropole,
le lieu de tous les désirs, de tous les plaisirs,
comme une émanation de chaleur humaine, de millions d'âmes vibrantes.
L'excitation montait dans ma gorge, ému, de chagrin et de bonheur,
imaginant les étudiants, les couples, les enfants, les vieillards, les familles,
dans les restaurants, les bars, les appartements, devant la télévision, à table, au lit,
ignorant mon existence quand je pensais à eux, avec tendresse et fraternité,
à eux que je voyais dans les taxis, dans les théâtres, dans les hôtels, ou le métro,
mes petits québécois chéris, mes petits touristes français ou américains,
mes serveurs de café, mes ouvreuses de cinéma, mes putes et mes bonnes soeurs...
Mes cuisiniers de China Town, mes businessmen de la rue Crescent,
mes concierges de René-Lévesque,
mes bimbos, mes joueurs de hockey,
mes comédiens, mes architectes, mes caissières et mes sans-abris.
J'étais en communion avec ce bourbier de vies, cet essaim de solitudes superbes.
Mes amis étaient amusés de me voir euphorique, aérien, lumineux, sur leur banquette arrière.
Le vampire retrouvait la nuit,
le goût du sang, de la chair humaine, l'énergie de la vie qui irradiait le ciel.
Je ne pouvais plus dissimuler mon sourire de satisfaction, et de soulagement.
De vieux motels, des stations-service, des hangars industriels, commençaient à apparaître.
Le paysage commençait enfin à s'urbaniser un peu.
Au détour d'un échangeur, elle s'est révélée à nous, enfin, éclaboussant le pare-brise,
comme un feu d'artifice suspendu : la fleur d'étincelles s'était ouverte sous nos yeux,
crépitante de fenêtres allumées, de phares de voitures et d'éclairages publics.
Une mer de lucioles oranges et jaunes, s'étalait sur des kilomètres de banlieues,
et de ce tapis de braises ardentes, s'élevaient des skyscrapers étincelants,
brillants de mille feux, en une somptueuse éruption volcanique.
Sur ces coulées de lave, ou les cuivres rutilants d'un big band endiablé,
tournoyait le phare de la Place Ville-Marie.
Mon coeur était en fusion, ébloui de techno et de salsa, de blues de chez Biddle,
s'accordant aux cordes de l'OSM, aux tangos et au jazz, aux respirations secrètes,
reconnaissant l'érection phosphorescente du Stade Olympique,
l'enseigne Molson au sommet d'un building,
la rose rouge de la tour de Radio Canada, le Q électrique d'Hydro Québec,
la Tour de l'horloge et le dôme d'aluminium du Marché Bonsecours,
et le désordre de néons rivalisant d'audace, au-delà...
La voiture s'est embarquée à nouveau dans la cage du pont Jacques Cartier,
pour me ramener sur mon île.
Chaque brasse aérienne du grand phare nous rapprochait du rivage.
Nous survolions le fleuve sombre, large, impassible,
puis la trachée infernale de la rue Ste Catherine.
Nous avons amorcé la boucle qui nous déposa sur le boulevard Maisonneuve,
où j'ai reconnu l'alignement de façades familières...
Je rentrais chez moi. Il n'y avait aucun doute là-dessus.



 

 



Philippe LATGER
Avril 2007 à Paris

 

 

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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 23:31

 

 

Tu l'as perçu toi-même...
Barcelone a une odeur.
Une odeur bien à elle, qui n'est pas celle de Paris,
ni celle de Londres, ni celle de New York.
Ce n'est pas du pétrole mais de l'huile.
Ce n'est pas de la poussière mais du sable.
L'iode et la branche de tomate mêlée,
avec une sueur de cerveza éventée.
Un soupçon de pin parasol dans la fumée d'un cigare.
Des détergents, de l'ammoniac, des lessives
venues des draps qui sèchent dans les ruelles.
Rappelle-toi, nous aussi avons étendu notre linge propre,
jusqu'à nos taies d'oreiller dans les arbres des Ramblas.
Ces arbres qui embaumaient, malgré les relents de fritures.
La chaleur de Barcelone a une odeur.
Une odeur de parking souterrain, de terre cuite, de goudron amolli,
de vapeurs d'essence, de pollution orangée, de façades crasseuses,
de géraniums malades, de pigeons souffreteux,
d'embouteillages monstres avec leurs mirages vibrants,
les feux de signalisation vaporeux, les pare-brises aveuglants de soleils,
d'échappements mazouteux, d'égoûts pestilentiels et de colonia bon marché.
Toute cette graisse cuisante, cette bouffe accablée, cette humanité grouillante,
rafraîchie par le sel de la mer, une entrée maritime piquante,
ou un vent sec qui ouvre les poumons.
J'ai le goût du Cacaolat dans la bouche.
Dormais-tu déjà ? Etais-tu juste devant un DVD ?
J'allais pieds nus dans la cuisine, ouvrir le frigo,
pris par la soif, ou la faim, ou les deux,
et je croquais un cornichon russe que tu aimais tant.
Barcelone a le goût du cornichon russe.
Le goût des petites asperges blanches,
que tu disposais dans de larges assiettes avec les tomates cerises.
Comme pour ces dîners en tête à tête,
sur le petit balcon de la Calle Canuda.
J'ai encore la cire des bougies sous les ongles.
Leurs flammes dans les yeux,
émerveillé de te voir là, en face de moi,
dans l'écrin de la nuit,
dans celui de mon enfance.
Comme nous étions heureux de l'avoir trouvé celui-là.
C'est toi qui l'avais débusqué !
Tu travaillais lorsque je suis entré seul dans le trois étoiles.
La gravure des skyscrapers au-dessus du lit m'a enchanté.
Les sourires indiens et leur douceur hindoue.
Les trois marches de marbre verni, les grands rideaux doublés.
Notre nid de moiteur et d'ombrages, de passions déchirantes.
Tu avais visé juste. En plein dans le mille.
Et les étoiles se multiplièrent, à l'infini,
sur la robe de Juliette Gréco au théâtre du même nom,
dans le ciel immense de nuits pétillantes du bonheur de te rejoindre,
à celui de te présenter mon cousin, et les vieilles dorures de la Paloma.
L'odeur de Barcelone m'aide à respirer depuis que je suis au monde.
Il était égoïste de marier cette ville à mon deuxième amour.
La Rambla de Catalunya a remplacé le Rembrandt et ce premier étage,
concrétisant notre désir de construire.
Nous avons cherché, euphoriques, le cadre idéal.
Nous avons pris de l'altitude. Avec ascenseur.
De cet appartement, j'ai gardé le contact chaud et doux,
sous mes pieds, de son carrelage moucheté,
lorsque je me levais, sans soif ni faim, pour ouvrir le frigo
et boire le Cacaolat à pleine bouche, sans jamais être rassasié.
" Le train... à destination... de... Montpellier... "
Le Talgo déglingué s'immobilisait devant moi, le coeur serré.
La station du Paseo de Gracia.
Ma valise aux roulettes défoncées.
Je revenais toujours, quelques nuits plus tard.
Le canapé orange. La lampe au tube de papier.
Le carrelage brûlant de notre terrasse.
Les portes qui s'ouvraient à la moindre bourrasque,
à maintenir contre les orages et les pluies battantes,
nos tempêtes.
La céramique vert pâle de la salle de bains.
Toi, au milieu du grand lit.
Te levant pour allumer une cigarette.
Nous avons dormi si peu.
Soit parce que nous étions heureux.
Soit parce que nous étions malheureux.
Dans les deux cas, difficile de dormir.
Quand avons-nous vraiment dormi ?...
Parler de toi, de ta famille, de tes souvenirs,
jusqu'au matin, où il fallut aller chercher des croissants.
Courir toute la nuit les hôpitaux de la ville pour te retrouver,
pris de panique, parce que du verre brisé nous avait mutilés.
Du verre brisé. Comme les espoirs déçus. Les trahisons.
La colère... aussi furieuse que notre désir, que notre amour.
Un livre sur Antoni Tàpies.
Remonté du Drugstore, au bas de l'immeuble.
Un film de Robert Altman ou de Fritz Lang.
Et Porgy and Bess, sur les quelques pouces d'un ordinateur portable.
A un moment ou un autre, nous faisions l'amour.
C'est, au fond, ce que nous faisions le mieux.
Le tabac était plus léger ensuite, moins amer.
La chambre devenait belle, son jaune moins ordinaire.
En refermant le frigo, j'arrivais peut-être à la terrasse,
prendre une grande inspiration, comme une ligne,
de Barcelone toute entière, dans l'espace, dans le temps.
Embrasser toute ma vie, toute la région, toute la mer.
Respirer la nuit devenue magique, bienveillante, éternelle.
La pénombre de l'appartement était sensuelle, un peu triste.
Tu ne disais rien.
Et je traînais, le lendemain, ma valise jusqu'au Talgo.
J'ai traversé cette frontière, à Portbou,
des dizaines de fois.
J'ai usé le Perpignan-Barcelone,
comme j'avais usé auparavant le Bordeaux-Toulouse.
Avec un grain de sable dans la chaussure,
dans les deux cas :
l'angoisse de perdre l'être aimé.
Ma mère, que j'ai perdue, entre Bordeaux et Toulouse,
à force de chimiothérapies.
Toi, que je perdais, entre la Catalogne du Nord et celle du Sud.
J'allais et venais.
Attirance / répulsion.
Le Talgo revenait toujours en gare de Barcelone.
Et mes roulettes faisaient un boucan d'enfer
sur les rainures régulières des trottoirs.
Le coeur joyeux, j'arrivais à l'ascenseur.
Retrouvais notre deux pièces avec soulagement.
Et je t'attendais.
Tu rentrais quelques heures plus tard.
Et nous faisions l'amour quand nous ne nous engueulions pas.
Et nous nous engueulions lorsque nous ne faisions pas l'amour.
L'évangile selon Saint-Matthieu
alternait avec La Passion selon Saint-Jean.
Bach avec Pasolini.
Et il fallait descendre les bouteilles vides de Cacaolat.
Vider les cendriers. Faire une machine de linge.
Te caresser les cheveux et t'embrasser comme personne.
Paris. Square Carpeaux : des lunes plus tard,
un réveil rouge affiche ses chiffres stupides sur mon téléviseur.
Les mêmes chiffres qui tournaient dans notre chambre.
Une des acquisitions de cette époque.
Avec la boule à facettes.
Des vestiges d'un bonheur évanoui.
L'ordinateur portable a été vendu.
Les DVD de Milos Forman, de Ridley Scott ou Woody Allen aussi.
Adieu Rosemary's Baby et Le Festin de Babette.
T'ai-je montré Les Gens de Dublin ?
Anjelica Huston y est sublime.
Il faut lire James Joyce. Absolument.
Pourquoi diable ne t'ai-je pas montré ce film ?
Il me reste des photos.
Cette série sur le fond orange du canapé,
où tu égraines sourires et grimaces, les cheveux mouillés.
Les visages se succèdent, figés dans leur instant,
un instant de bonheur simple et ludique, joueur, espiègle.
Des petits papiers, récupérés ici ou là :
" A tout à l'heure. Je t'aime. "
" Bon réveil. Je pense à toi. Bisous. "
" Bonjour, tu passes me chercher ? Je t'aime. "
" Je t'aime. " " Je t'aime. " " Je t'aime. "
Je ne devrais pas fumer.
Ma gorge est saturée.
Mais je dois ouvrir mes poumons.
Barcelone n'est plus là pour m'aider à respirer.
Vendus les disques.
Bach et Beethoven. En fumée...
Tant mieux pour Copland.
Aaron Copland...
Nous n'avions pas attendu d'être à Paris pour aller au théâtre.
Nous sommes allés à l'Opéra.
Le Liceu. Gutrune. Wagner. Tes pieds nus.
Nous sommes allés au Palais de la Musique Catalane,
ce temple de l'Art Nouveau, cette folie toute barcelonaise,
applaudir un dieu : Keith Jarrett.
Comme j'étais heureux de partager cela avec toi.
Et puis, l'Auditori...
où nous découvrions ensemble le compositeur américain.
Les vagues de cordes s'enlisaient dans ma poitrine.
La descente aux enfers, aux flambeaux, aux ténèbres.
L'orchestre et ses archets ont lacéré mon coeur.
Profondément.
Je ne pouvais plus écouter cette musique.
Vendue la symphonie d'Aaron Copland.
Les violons étaient autant d'arbalètes.
Les harmonies autant de flèches décochées.
Le crin frottait mes propres veines tendues,
du cordier à la cheville,
mes artères prêtes à céder,
me ramenant tout ce bonheur perdu,
des nappes d'émotion insupportables.
Il me fallait fermer les yeux.
Les paupières tressaillaient,
autant que mes lèvres.
Replié sur les skyscrapers de l'hôtel Rembrandt,
sur les taies d'oreiller dans les arbres,
sur la terrasse du Julius, la chambre du Jazz,
les aubes blanches sous les draps de Perpignan,
les silences jaloux des dîners au restaurant,
les baisers interminables, voraces, vertigineux,
les bouquets de fleurs, les assiettes anglaises,
le souci de bien faire, et la quête, dans tes yeux angoissés,
d'un signe d'approbation, de satisfaction, de plaisir...
Les gestes tendres. Les sourires entendus.
Les âmes qui se reconnaissent.
Les mains qui se retiennent.
Copland... je te maudis.

( ... )

Dans la fragrance de Barcelone,
il y a de l'huile solaire, de l'huile d'olive,
un soupçon de poivron et de citron vert,
un brin de café, de crème anti-moustiques,
une odeur de cuir et de Manchego,
de la fleur d'acanthe et d'aloès,
et de peinture d'auto qui cuit au soleil.
Je respire une branche de tomate et m'émerveille.
Je suis heureux d'être toujours en vie,
juste pour ça...
pour cette odeur forte, si particulière,
d'une branche de tomate...
Je l'inspire au plus profond,
et elle m'enivre autant que l'eau de Cologne Lavanda Puig.
Il y a une odeur de terre, fraîche, saine, qui anticipe le jus.
Le jus de Barcelone est fait du jus de tomate, notamment.
De gaspacho peut-être, de sangria à coup sûr.
Le potage est aussi subtil qu'écoeurant.
Il y a de l'ail. Il y a la peau huileuse de poulet.
Il y a la sauce spécifique des patatas bravas.
Il y a les anchois et les olives.
Il y a aussi la sueur des ouvriers,
le sang des anarchistes.
Le sperme des marins.
Les premières années,
les hommes de la Guardia Civil
avaient encore leurs tricornes de plastique.
Je suis né en 1973.
Le général Franco est mort en 1975.
Nous n'avons pas eu le temps de tout voir.
Je te dois encore l'ascension des tours moussues
de la Sagrada Familia.
Nous sommes allés à la Fondation Tàpies.
Et au parc de la Ciutadella ...
Je te l'ai dit mille fois, j'imagine,
l'Arc de triomphe était la porte principale de l'Expo de 1888.
Quel dommage que le destin bigarré d'Onofre Bouvila
n'ait pas su te divertir ni te passionner !
C'est précisément celui de cette ville !
La Ville des Prodiges.
Paris s'enorgueillit de l'Expo de 37,
où elle confirmait au monde sa réputation de " Ville Lumière "
avec de désuets effets d'eau et d'éclairages autour du Trocadéro,
lorsque Barcelone avait déjà sa " Fontaine Magique ",
à l'Exposition Universelle de 1929.
Un jour peut-être liras-tu Eduardo Mendoza.
Prendre toute la mesure du génie catalan.
De cette deuxième Expo,
tu connais le Pueblo Espanol,
mais nous avions aussi vu ensemble
un de ses vestiges révolutionnaires,
le pavillon de Mies van der Rohe,
le magnifique designer des fameux fauteuils,
que nous connaissons sous le nom, justement,
de Barcelonaises...
De Gaudi, nous n'avons pas vu les oeuvres du Parque Güell,
mais nous avons escaladé ensemble la Pedrera
et ses cheminées de meringue.
Des repères qui ont résisté aux mutations de la cité.
Une ville que je reconnais à peine.
Qui est exactement la ville de mon enfance
et tout son contraire.
C'est ici que j'ai vu ma première corrida,
avec mon père, à la Monumental.
Mon premier taureau a été gracié.
Pour des raisons qui m'ont échappé.
Cet effet est assez rare en tauromachie
pour que j'en fasse un signe du destin.
... Ou tu porteras mon deuil.
Est-ce l'épopée de la guerre civile espagnole
ou de la vie extraordinaire d'El Cordobès ?
Les deux sont mêlées.
Lis ce livre si tu peux.
Si La Ville des Prodiges éclaire Barcelone,
celui-ci éclaire toute l'Espagne,
et me rappelle que je ne suis pas catalan,
ou seulement d'adoption.
Mes racines sont ancrées dans la roche de Castille.
Celle qui a toujours méprisé
la désinvolture et l'arrogance barcelonaises.
Le lait peut être plus fort que le sang.
Comme celui que je buvais par litres de Cacaolat,
toujours plus, sans jamais être désaltéré.
Mon Espagne à moi, paradoxalement,
c'est à Barcelone que je l'ai découverte,
moi, le Castillan.
Et c'est à Barcelone que j'ai choisi mon placenta.
Celui où j'ai choisi de te conduire.
Madrid est trop loin de la Méditerranée à mon goût.
Nous parlions de politique. N'est-ce pas ?...
Tu me donnais la réplique,
pour me faire plaisir. Ok...
T'ai-je parlé de la Guerre Civile ?
T'ai-je parlé du général Franco ?
Sais-tu que les Corts Catalans
qui traversent le damier urbain de part en part,
s'appelaient Avenue Général Franco ?
T'ai-je parlé de la " Semaine Tragique " ?
Bien avant 1936... bien avant le cataclysme.
C'est à ce propos qu'un préfet de la ville aurait dit :
" A Barcelone, on ne prépare pas la révolution,
pour la simple raison qu'elle est toujours prête. "
La sueur des ouvriers. Le sang des anarchistes.
Celui des taureaux.
Barcelone sent le soufre.
Elle sent l'iode et la poudre.
Nous avons écouté Bernstein et Gershwin.
Nous avons goûté aux coeurs de palmiers.
Aimé Polanski et Tim Burton.
Tu m'as donné les Contes de la rue Broca.
Je t'ai donné Caligula.
Et Manuel de Falla.
J'ai dû soigner les plaies que j'avais moi-même ouvertes.
La boule à facettes tournait dans le vide de nos solitudes.
Mille étincelles. Mille éclats de verre.
Le verre brisé.
Ton coeur. Le mien.
Les urgences.
Les ruptures.
Des musiques venues de Paris attendaient mes mots.
Des musiques de Philippe Delettrez ont marqué le décor.
Il fallait que ça bouge.
Il fallait que ça change.
Tu as été d'accord pour suivre.
Pour revenir dans cette ville que tu avais fuie.
Tu as accepté par amour.
Pour rester près de moi.
Nous avons quitté Barcelone.
La rue Cyrano de Bergerac à Montmartre,
serait notre nouvelle adresse.
Loin des tapas et des taies d'oreiller dans les arbres.
Déménagement.
Dernier Talgo. Aller simple.
Passeport à Port Bou.
Adieu l'appartement aux murs jaunes.
Son solarium sur les toits terrasses,
et sa vue imprenable...
Le Tibidabo d'un côté.
De l'autre, deux lignes vertes dégringolant les Ramblas,
jusqu'au pylône rouillé du téléphérique sur le port.
Un écran bleu, plus intense que le ciel,
s'ouvrait au-delà,
jusqu'à l'horizon...
A Paris, nous avons pu le vérifier ensemble,
ce n'est pas la même odeur.
L'odeur du métro, celle de l'humidité dans les murs...
c'est autre chose.
Depuis que tu n'es plus là,
je le constate chaque jour.
Le lait chocolaté n'a pas le même goût.
La musique de Bach et de Beethoven non plus.
Il n'y a plus ces instants d'éternité après l'amour.
Il n'y a plus ces étoiles multipliées à l'infini dans la nuit.
Le phare de la tour Eiffel me console comme il peut.
Nous dormions peu.
Je dors beaucoup.
Le sommeil n'a pas d'odeurs.
Les draps ne sentent rien.
Mon coeur ne sent rien.
Seulement des insuffisances respiratoires.
Seules les cigarettes m'aident à respirer.
A respirer le poison.
Il faut que je retourne à Barcelone.
Juste pour rouvrir mes poumons.
Juste pour respirer à nouveau.
Je reconnaîtrai son odeur tout de suite.
Ce mélange subtil d'huile et de sable,
de cerveza éventée, de pin parasol,
de géranium et d'ammoniac.
La terre cuite.
La branche de tomate...
Je connais cette odeur par coeur.
Elle s'est enrichie avec le temps.
J'en distingue chaque strate.
La colonia, la poudre et la lessive.
La crème anti-moustiques et les cornichons russes.
La cire sous mes ongles.
Ton baiser sur mes lèvres.
Barcelone sent le sang et la sueur.
Ta sueur...
Et la musique d'Aaron Copland.

 

 



Philippe LATGER
Juin 2006 à Paris

 

 

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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 23:28

 

 

Le plastique jauni des tablettes du Talgo.
" Mesdames et messieurs les voyageurs... "
Les rideaux accordéon bruns et vanille se balancent.
La carcasse du train grince de tous ses rhumatismes.
Portbou...
La mer est sublime,
agitée au bas des rochers, au pied des falaises,
calme et infinie au-delà,
vers l'Italie peut-être et les Baléares,
puis l'Afrique probablement, et les Canaries.
Portbou...
Combien de fois ai-je fait ce voyage ?
Le changement d'essieux,
le contrôle des passeports...
tout est en ordre.
Un ordre immuable,
que je connais par coeur,
à la minute près.
" Mesdames et messieurs les voyageurs... "
Filer ainsi dans les noirceurs aurait pu me noyer
dans un gouffre de mélancolie.
Enfant, je n'aimais pas les lampadaires de novembre,
dont les timides halos, à la blancheur maussade,
bavaient un peu sur l'obscurité des rues désertes.
Ici, les lumières blafardes de l'hiver
ne m'impressionnaient guère, parce que,
même si la nuit tombait tôt,
fraîche, en brumes et brouillards,
je savais que j'allais te rejoindre à Barcelone.
Ce train démodé, sordide, vide,
abandonné par les touristes et les vacances,
s'arrêtait inlassablement à Figueres, puis à Gérone,
que je reconnaissais à peine sous la buée des vitres,
et j'anticipais, brûlant, l'arrêt du Paseo de Gracia.
L'ouverture des portières, à la main, vers l'intérieur.
Les fleurs grossières comme pyrogravées.
La flûte saturée des annonces.
" Proxima estacion... "
Perpignan - Portbou - Barcelone.
Septembre. Octobre. Novembre.
Etait-ce la ville, ou toi, les deux à la fois ?
Je ne saurais dire, sinon que c'était l'été,
sans discontinuer,
jusque dans nos draps où ta chaleur m'attendait.

Juillet naissant sur la voie ferrée
qui se taille une route entre les criques
et les tunnels, sous l'écume des Pyrénées,
frisant les vagues de sa ferraille rouge.
Je reconnais mes vignes en terrasses.
La nuit à cinq heures de l'après-midi est ailleurs.
Les couleurs sont éclatantes.
Le soleil exulte.
Je suis chez moi, sur mes terres.
Curieusement, je me sens oppressé,
comme un étranger.
Quelque chose a changé,
s'est brisé sans doute...
Tu n'es plus au bout de la route.
Et cet été a des parfums d'hiver.
Mon excitation d'enfant s'est tue.
Mon impatience d'amant s'est déchirée.
Je voudrais que le voyage ne se termine jamais,
préférant repousser l'heure du constat final :
le temps a passé et tu n'es plus dans ma vie.
Et pourtant... tu y es... plus que jamais.
Le Talgo me menait invariablement à toi.
Comme je l'aimais ce vieux train...
Comme je l'aime.
Je n'avais peur de rien,
sinon de te trouver en colère ou taciturne.
L'âme légère, le torse plein d'espoirs et d'hélium,
seul mon bagage me lestait de ses livres et effets personnels.
Un déménagement de six mois : valise après valise.
Talgo après Talgo.
Je reviens sur les lieux du crime.
Les mains pleines de sang.
Les yeux embués comme les vitres de l'hiver.
J'ai tué mon enfance et une histoire d'amour.
La magie du train n'est plus qu'un arrière-goût.
Une vulgaire madeleine.
Nous avions tourné la page catalane, pris le large.
La vague avait reflué jusqu'à Paris.
Les livres et les effets personnels.
Un troisième chapitre.
D'autres sensations tenaces.
En sommeil...

Aujourd'hui, je rentre.
Je suis chez moi.
A ma place.
A mon siège.
Mais le Talgo est vide.
Même bondé de touristes insouciants.
La destination est vaine.
Aujourd'hui, je ne rentre plus...
je suis un étranger.
Il me faut tout réapprendre.
Je découvre l'itinéraire, le wagon,
le plastique jauni des tablettes,
les fleurs près de la porte
et les rideaux accordéon.
Il me faut tout réinventer pour ne pas avoir mal.
Je ne suis jamais venu ici.
Je n'ai jamais entendu cette petite musique.
" Mesdames et messieurs les voyageurs... "
Proxima estacion : Portbou.



 



Philippe LATGER
Juillet 2006 à Port Bou

 

 

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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 23:26

 

 

Les dalles de béton sont brûlantes.
Le sable de la plage est brûlant.
Le goudron de la rue est brûlant.
Et pourtant, c'est pieds nus qu'on les arpente.
La plante résiste comme pour qui marche sur des braises.
Le cuir des sièges de l'auto est brûlant.
La portière comme accoudoir, vitre baissée, est brûlante.
Et pourtant, le temps du trajet, l'air chaud suffit à supporter la fournaise.
Ma peau est devenue cuir.
Un cuir tanné par le soleil.
Le dieu soleil... ma raison de vivre... ma raison d'être...
Comment ai-je pu survivre à un nouvel hiver ?
Un parfum a brisé la glace, un parfum m'a réveillé...
c'était au marché, à Paris... cette branche de tomate...
J'ai revu tout le Roussillon sous mes yeux.
Cette région de jardins maraîchers.
Mes artichauts, mes salades, mes asperges de Salanque.
La route bordée de platanes, entre Bompas et Ste Marie la Mer.
La résidence principale. La résidence secondaire.
Les quartiers d'été. Les grandes vacances.
Qu'est-ce que je fiche ici ?...
Les sandales pleines de sable.
Le délicieux picotement d'un coup de soleil.
L'odeur de la crème anti-moustiques ou de l'huile solaire.
La marque du maillot de bain.
Le goût chloré de la piscine.
Les dessins sous les jupes des arbres,
que fait le soleil sur l'eau par réverbération,
qui dansent comme des volutes de cigarettes en accéléré.
Ces reflets se balancent partout, jusqu'au plafond de la chambre,
en accord avec la clameur entêtante des cigales.

Mon vieux Montmartre crève de chaud.

La foule du 14 juillet cherche le chemin de la plage.
Je me fraye un passage entre touristes et saisonniers.
Le feu d'artifice, éjaculé au-dessus du Champ de Mars,
fait trembler la terre et bondir les coeurs dans les poitrines.
La nuit sera longue.
Et la saison, cette année, sera colombienne.
Je fume encore, malgré les avertissements et les alarmes.
L'Amérique latine pose un décor d'opérette, me fait parler espagnol.
Je cherche sachant que je n'ai nulle part où aller.
La plage seule est une destination possible.
Cette maudite branche de tomate...
elle m'a ouvert les poumons, elle m'a ouvert les yeux.
Je sens le froid intense de la brûlure, sur la voûte plantaire,
qui me fait courir en riant sur la plage jusqu'au sable mouillé.
Je sens la morsure du sel sur des plaies invisibles autour des ongles
alors que j'ouvre mes bras pour gagner encore quelques mètres
en une ultime brasse sous-marine.
Des tongs claquent sur des talons sur le ponton de bois.
Des filins tintent dans la forêt de mâts
de leur cliquetis métallique sur le port de plaisance.
Mon corps est fait pour l'été.
C'est mon métabolisme.
Mon patrimoine génétique.
Besoin du jour à dix heures du soir.
Besoin de la pleine lune énorme se levant sur la mer.
Besoin du trac délicieux de la nuit se levant sur l'amour.

La douche froide.

Pour enlever le sable.
Pour hydrater la peau.
Pour se caresser.
Les muscles se redessinent.
Le galbe de l'épaule. Celui du biceps.
Le bronzage souligne abdominaux et pectoraux.
Pas besoin de se sécher.
Quelques pas suffisent et tout s'évapore comme par magie.
La trace des pas. La trace des mains.
Sous la moustiquaire coloniale, le radeau blanc d'un lit.
Un seul drap, repoussé aux pieds pour être déjà de trop.
Un corps étendu, à rejoindre peut-être.
La trace des mains...
Le duvet sur la nuque a blondi,
doré sur la peau brune, à peine perceptible.
Cette peau restée claire sur les flancs et sous les ongles.
Tant de lumière. Tant de contrastes.
Les persiennes baissées.
Les reflets de la piscine au plafond.
Une transpiration familière, érotique.
La paresse d'une sieste.
Le crépuscule viendra nous réveiller.

Des corps dansent au bord de la mer.

Des corps qui se sont révélés, déshabillés,
pour plonger dans les vagues,
pour sauter au filet d'un beach volley.
Des mollets saillants sur des chevilles fines,
des cuisses tendues s'échappant de caleçons flottants.
Des poitrines gonflées et pesantes, ou pointées vers le ciel,
des hanches découvertes au maillot échancré.
La jeunesse exulte.
Elle insulte la vieillesse et les coeurs malheureux.
Des chiots agités, bagarreurs, fanfarons,
qui soulèvent la poussière comme hordes de chevaux.
Il y a le sourire amusé des filles de bandes,
qui dévisagent leurs rivales, celles qui arpentent la plage,
le rivage, par paires, marchant dans l'écume, l'air innocent.
Celui aguicheur qu'elles réservent aux sauveteurs
ou au jeune athlète baratineur qui vend ses glaces et ses beignets.
Trop grands pour faire des châteaux de sable.
Trop petits pour penser à la mort ou à la fin du monde.
Le soleil gagne la moindre parcelle d'ombre.

Aller pieds nus est un plaisir avant d'être un luxe.

Des margelles d'Ibiza aux chapes de Castelldefels,
des pelouses de Rosas à la terre battue de Barcelone.
Sentir le sol, ses moindres aspérités.
Sentir les petits cailloux se défiler avec la vague qui se retire.
Sentir la fraîcheur lisse du marbre ou les échardes de vieilles planches.
Sentir le monde. La terre qui tourne.
Les tiens fouillent le drap rejeté au fond du lit,
labourent le matelas entre deux sommeils, deux rêves peut-être...
d'un mouvement contrarié, presque brusque.
Le genou relevé, la cuisse a trouvé un endroit où le drap est plus frais,
où le lit est moins moite, et ton corps tout entier s'enlise à nouveau.
Le dos et les fessiers offerts au ventilateur qui tourne au plafond,
mollement, zébré du scintillement des eaux de la piscine,
tu as trouvé la position idéale pour refluer dans ton rêve.
Des petits cheveux collés au front, les tempes luisantes,
la joue écrasée sur le traversin trituré, tu dors sagement,
abandonnant ton corps sublime à ma seule conscience,
à mon seul regard à la fois subjugué et inquiet,
incarnes à merveille tout l'érotisme de la saison.

L'odeur de caoutchouc brûlé m'est revenue.

Celle de joints cuits par le soleil dans la 2CV sur la route de Ste Marie.
L'odeur de l'échappement mazouté d'un camion, transfigurée par la chaleur.
Celle du matelas pneumatique qui dérivait sur l'eau.
J'ai revu les mirages loin devant sur la route.
J'ai revu les ombres légères que faisaient des aiguilles de pins,
au fond de la piscine, en flottant à la surface.
J'ai revu ton corps allongé sur le ventre dans toute cette blancheur,
dans toute cette pénombre,
cette peine... perdue.
Le feu d'artifice du 14 juillet déchire le ciel de Paris, et mon âme...
Echos des détonations dans la poitrine, à l'infini.
La foule est désincarnée, anonyme, indifférente.
Il me faut prendre le large.
J'y serai en quelques brasses.
J'ouvre mes bras et avance encore de quelques mètres.
Sous l'eau. Encore et encore.
Et ce n'est qu'à ta bouche que je reprendrai ma respiration.
Remonter à la surface. Faire voler les cheveux d'un coup de tête.
Radieux.
Perlé d'eau de mer.
Et du plus beau sourire.

 

 

 



Philippe LATGER
Juillet 2006 à Paris

 

 

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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 21:01

 

 

Les bonnes femmes de Bonhomme.
L'appel à l'amour,
sous toutes ses formes.
De formidables formes reformulées.
L'élégance et la pudeur.
Des femmes.
Bien roulées,
moulues, moulées.
Fortes.
Vulnérables.
Qu'est-ce qui inspire ce bonhomme ?
Les bonnes femmes.
Y'a-t-il d'ailleurs un mystère sur terre,
bien plus que celui de la vie,
bien plus que celui de Dieu lui-même !
aussi fascinant, aussi troublant
que celui de la Femme ?
Il n'y a rien d'organique, de pornographique.
Oubliez les cours d'anatomie.
Sait-on ce qu'est un corps après tout ?
Un contenant de l'âme ? Une ancre qui nous leste ?
Un objet de désir ? Un désir sexuel ?
Une pâle copie de nous-même ?
Une création ratée de Celui qui nous a fait à son image
et dont le mystère est moins troublant que celui de la Femme ?
D'ailleurs, plus je regarde ces créatures,
plus je me dis qu'il y a eu une erreur d'impression.
C'est l'homme qui a été façonné dans la côte de la femme.
Et Dieu est une femme.
Alors, son mystère est réhabilité.
Au Diable la Virginité !
Bonhomme n'a pas attendu les législateurs pour cloner des êtres.
Il clone des femmes.
Et n'en déplaise aux législateurs, il les clone avec cerveau.
Elles ne pourraient être songeuses, sereines, arrogantes,
dans l'attente, dans la tourmente,
si notre Pygmalion ne leur avait donné un coeur et un cerveau.
Elles réfléchissent,
et pas seulement la beauté.
C'est cela. Les sculptures de Bonhomme ont une âme.
Il détient la formule secrète.
Il existe donc, entre les roseaux ébouriffés de la Salanque,
un étrange laboratoire d'alchimiste moderne.
Je suis prêt à parier que les soirs de pleine lune,
l'une se détache les cheveux, l'autre baille et s'étire,
change de position, se recroqueville,
les autres vont chercher l'eau du puits dans leurs cruches de terre cuite.
Des Odalisques. Des Tribades peut-être.
Hétaïres catalanes.
On ne peut soustraire la charge sensuelle de ces créatures.
Mais l'oedipe se réveille et le désir s'interrompt.
C'est l'effet Mère.
Je regarde celle-ci, qui coiffe sa longue chevelure,
et reconnaît la femme qui m'a porté dans son ventre.
Je crois deviner son odeur, sa chaleur, sa respiration.
Je reviendrai lui parler un soir de pleine lune.
J'ai oublié de lui dire que je l'aime.
Les hommes sont d'abord des petits garçons.
Un Catalan, comme tout méditerranéen,
reste définitivement un fils avant d'être un époux.
Le corps est donc poussière compacte,
menaçant de partir en mille morceaux au premier coup de Tramontane.
Tempête de sable. Sirocco.
Le corps, c'est cela. De la matière.
Palpable. A pleines mains.
Faite pour être caressée.
Voilà à quoi sert le travail de notre alchimiste !
A nous rappeler que nous avons des mains pour caresser.
Pour être tendues. Pour être ouvertes.
Pour construire et non terrasser.
Pour caresser et non détruire.
Nous rappeler que nous sommes fragiles,
que le bronze, le marbre, le granit sont fragiles.
Il y a un coeur et un cerveau dans chaque caillou.
Nous rappeler que nous avons besoin d'être caressés,
palpés, à pleines mains.
Pour tout dire, son oeuvre est là
pour nous rappeler de lui dire je t'aime.
Si on oublie, la Tramontane se lève, et vlan !
La matière redevient poussière.
Tout nous échappe.
Il est trop tard.
Le coeur libéré s'envole comme un sac de plastique dans les vignes.
On ne peut retenir ce qui glisse entre nos doigts ou dans les sabliers.
Alors, en attendant la pleine lune pour racheter mes actes manqués,
je sens que ma vie a changé.
Je ne sais pas sculpter,
mais j'ai appris de cet homme, bon ou pas,
à me servir de mes mains.






Philippe LATGER
Février 2001 à Montréal

 

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 17:35

 

 

Loup dans la bergerie, proche de la victoire,
entré, le coeur fleuri, seul, sur mon territoire,
tu es, je m'en souviens, chez moi ... j'en suis touché.
A l'étage tu viens, dans la chambre à coucher.
Nos mains avec pudeur ôtent nos vêtements.
Ivre de tes odeurs, je souris bêtement.
Nues dans cette maison, nos âmes étonnées
se rient de la raison, mon passé bétonné.
Nos muscles frémissants, tendus par le désir,
abreuvent de leur sang les sillons du plaisir.
Nous découvrons, saisis, nos joyaux, nos émaux,
brûlants de frénésie comme des animaux.
Si je palpe et je hume, et je lèche, et j'enlace
tous les moindres volumes de toute ta surface,
vorace, en te toisant, tes toisons je respire.
Je me colle en biaisant à ta peau qui transpire.
L'air ne peut contenir nos chairs humidifiées.
Rien ne peut retenir nos membres lubrifiés.
Et j'essore avec force l'éponge de ton coeur,
sous celle de ton torse, l'écorce de nos peurs.
Ta matière salée, juteuse comme un fruit,
s'essuie, se laisse aller, et se tord sans un bruit.
Dans ce nouveau décor, des cheveux aux semelles,
la sueur de ton corps à la mienne se mêle.
Nos doigts glissent le long de nos dos ruisselants.
De la nuque aux talons, je te sens chancelant.
En chaleur d'équateur, je jouis, lumière éteinte,
tapi dans la moiteur d'une féroce étreinte.
De ces furieux ébats, mon esprit est victime.
Défait, je me débats, et sombre dans l'abîme.
Sur tes abdos luisants, pleut un bonheur suprême.
Le cri agonisant qui te dit que je t'aime.





Philippe LATGER
Août 2001 à Perpignan

 

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 17:30

 

 

Dans la dune ensablée d'une plage salée,
de sa peau endiablée le grain s'en est allé.
Dans la lune esseulée d'un ciel noir tourmenté,
son regard décelait des chagrins éventés.
Il marchait droit, debout, dans le sable léger.
De Leucate à Port Bou, de l'écume il neigeait.
Si ses pieds s'enfonçaient, il partait, décidé,
vers les vagues froncées, comme un noble équidé.
Et le nez dans le vent, les cheveux en volées,
le menton en avant, le front auréolé,
comme un fou sous la pluie, sur un terrain miné,
il régnait sur la nuit et la mer dominait.
Et de ses yeux perçants, il narguait sans trembler
les rouleaux menaçants, les foudres rassemblées
des éléments furieux, la tempête enragée !
Un sourire curieux semblait s'en dégager.
Il ouvrit grand les bras, comme un prêtre damné,
l'horizon célébra, le matin condamné.
Et dans la turbulence, un brin de puberté.
Tout ivre de violence et d'autres libertés,
quand les embruns en gerbes fusaient pour l'honorer.
Certes il était superbe. Qui eut pu l'ignorer...
La blancheur de ses dents en un rire éclatait.
C'est à corps défendant que mon coeur dilatait
les veines du désir, et la peur de plonger
dans un obscur plaisir revenu me ronger.
Le gouffre dessiné, je n'ai rien empêché
tant j'étais fasciné, captivé, éméché.
Ravi, tourbillonnant, exalté, élancé,
fougueux, papillonnant, il me faisait danser.
Perplexe et étourdi, j'essayais d'observer,
les membres engourdis et le coeur réservé.
La nuit comme manteau, ses mains en bracelets,
l'amour sur mes linteaux, j'étais ensorcelé.
Pression sur mes poignets de ses doigts énervés.
Et la peur s'éloignait. Mon bonheur on servait.
Dans le chaos du ciel, les étoiles cachées,
de feux artificiels nos pupilles tachaient.
Dans la lune esseulée d'un tableau tourmenté
son regard décelait des chagrins éventés.
C'étaient les miens alors qui par le vent chassés,
s'enfuyaient de mon corps, par la joie remplacés.
La tempête dehors faisait rage dedans.
La surprise du sort était l'or évident.
Il a su voir en moi le désespoir usé,
le cynisme et l'émoi qui partaient en fusées.
Tout était déchirant, lumineux, violenté,
nébuleux, délirant, dans nos âmes hantées.
Un appel si puissant des aveux réclamait.
Nos yeux incandescents un amour déclamaient.
La nature épousait nos esprits enlisés.
Communion qui cousait une mer défrisée
aux cieux noirs démontés, tissus mouvementés.
Hurlements éhontés d'un typhon enchanté,
de bourrasques cinglées, du vent marin piqué,
qui venait épingler nos voeux sophistiqués.
Tout volait en tout sens. Tous les sens survoltés.
L'existence et l'essence venaient se révolter.
Du sel sur notre peau les visages tannait.
Pas un brin de repos dans l'air instantané.
Sur mon torse frileux ses bras se resserraient.
Et mon trouble bileux dans le sol s'enterrait.
J'étais au Paradis. A l'Enfer enlevé.
Je retiens ce jeudi où j'ai été sauvé.
Mes fers il a levés, dans la nuit déchaînée,
par la grâce rêvée, de quinze ans mon aînée.
Sous son désir pressant, à terre j'ai roulé.
En moi le goût du sang. Ses odeurs me soûlaient.
Dans nos ébats, parbleu ! nous semblions tout noués,
comme des algues bleues sur la grève échouées.
La mer dans sa fureur nous avait rejetés
sur le sable en chaleur d'un orage d'été.
Nous nous aimions enfin, en toute impunité.
L'appétit et la faim sont notre immunité.
En confiance j'étais, et en sécurité.
A lui je me donnais, nu dans l'obscurité.
A ce prince radieux pouvais-je résister ?
J'ai adoré mon dieu pour me faire exister
La promesse bénie de cette nuit glacée
me brûle quand je hennis comme un cheval blessé,
retient soudain mes mors quand vers lui je courais,
me fait craindre la Mort quand pour lui je mourrais.
Longtemps après, j'avoue, j'entends le vent siffler,
la mer qui se dénoue et nos corps essoufflés.
Peut-être j'oublierai dans des milliards d'années
ces instants vénérés sur la plage à Canet.
Il semblait si parfait, si sûr de lui, si vrai,
impérieux, assoiffé, le bon grain et l'ivraie,
dur tant que vulnérable, hésitant mais dressé,
précieux et adorable, très précis et pressé,
pur et vil à la fois, ange et démon mêlés,
habile et maladroit dans ses gestes zélés,
que je ne pourrai pas son visage effacer,
de son rire l'éclat, les pulsions enlacées,
ses yeux indéfinis, ses muscles contractés,
sa voix dans l'infini, toute sa voie lactée.
Si je l'aime toujours, c'est pour m'être écouté
à compter de ce jour où la mer s'égouttait.
Dans la dune ensablée d'une plage salée,
de sa peau endiablée le grain s'en est allé.






Philippe LATGER
Octobre 2001 à Toulouse

 

 

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Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

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