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30 juin 2013 7 30 /06 /juin /2013 23:44



Je ne sais pas ce qu'ont ressenti les gars qui ont découvert Ray Charles ou Miles Davis.
Ceux qui ont entendu Prince à ses débuts, avant le reste du monde.
J'ai été impressionné par Bernard de Bosson expliquant avoir fondu en larmes
dans un petit studio d'enregistrement parisien en 1971, entendant le piano-voix singulier
d'une jeune femme de 22 ans qui s'appelait Véronique Sanson.
J'imaginais l'émotion que ce devait être. Se prendre le talent brut dans la gueule.
Comme cela a dû être violent de découvrir Stevie Wonder, George Benson ou Nina Simone.
Des gens qui n'imitent personne. Qui sont eux-mêmes. Avec leur vérité étrange.
J'ai été gosse et je jouais du piano. Mais j'imitais, sans parvenir à devenir moi-même.
Quand je voulais être un savant mélange de Prince et de Serge Gainsbourg.
De l'eau a coulé sous les ponts et j'ai eu le temps de me déplumer au feu de la realpolitik.
Renoncer à certaines choses. Même si l'on m'a donné ma chance et permis d'entrer dans le club.
Celui du showbusiness dont j'ai pu étudier de près les vanités, les aberrations et les limites.
Pour tout vous dire, sans être particulièrement aigri, j'avais fini par jeter l'éponge.
En dix ans de parcours, plus rien de ce milieu ne parvenait encore à me faire rêver.
Il n'y a pas de rancune quand je n'ai jamais eu d'ambition personnelle, comprenez-moi,
je veux dire rien d'ordre carriériste, ni d'attentes financières ou simplement professionnelles.
Mais j'étais furieux d'avoir perdu l'émerveillement du gosse que j'ai été pour la musique.
Quand plus rien ne m'intéressait de ce que j'entendais. La flamme s'était éteinte.
A force de commandes, de désillusions, de caprices de stars, de guerres d'ego à deux balles,
de paresse intellectuelle, de logiques commerciales, j'avais eu mon overdose de médiocrité.
Quand bien trop de gens font ce prétendu métier pour de mauvaises raisons.
Pourquoi serais-je tombé en pamoison devant un Benjamin Biolay qui ne s'est pas trouvé,
peut s'abstenir de le faire quand il a du succès en continuant à faire " à la façon de " ?
Pour quoi pourrais-je m'enthousiasmer quand on remâche les mêmes vieux chewing-gums,
que l'on stagne depuis dix ans dans le service minimum de la reprise, du remix et du revival ?
Je flotte depuis les Années 2000, en attendant qu'il se passe quelque chose.
Puisqu'il ne s'est rien passé en musique depuis les Années 90 où nous avons vu exploser
les deux derniers courants dignes de ce nom que furent le Rap et la Techno.
Dites-moi si je me trompe. Prouvez-moi que je me trompe. J'ai raté un truc ?...
La seule révolution depuis fut celle du support. La vulgarisation d'internet.
Mais musicalement parlant, permettez-moi de vous dire qu'on s'emmerde ferme.
Je n'achète plus de disques depuis 2000. Je veux dire aucun nouvel album.
Et me suis replié sur les classiques. Préférant les originaux aux ersatz.
Classique. Jazz. Pop. Chanson française. Whatever. Vous me suivez ?
Ce n'était pas de la rancoeur mais du désenchantement.
Et j'étais profondément triste de ne plus rien attendre de la musique.

Je ne suis pas Bernard de Bosson et il n'est pas Véronique Sanson. Non.
Ce n'était pas dans un studio d'enregistrement parisien en 1971.
C'était devant mon écran. C'était hier. Et j'ai été submergé.
La fatigue peut-être. Une semaine sans fumer. Quand j'essaie d'arrêter.
J'ai chialé. Oui, je crois que j'étais fatigué. Je n'avais pas dormi. Ou si peu.
Je suis sur Facebook de bon matin. Un contact publie une vidéo. Désoeuvré, je clique.
J'écoute. Je regarde. J'écarquille mes yeux et mes oreilles. Il se passe quelque chose.
C'est un contact FB déjà ancien. Dont je ne me rappelais pas. Un gars que je ne connais pas.
Aux amis que nous avons en commun, je comprends que c'est le réseau jazz.
Je n'étais jamais allé sur son mur auparavant. N'avais jamais lu son nom avant ce matin.
Il y a le velouté de la semi-acoustique. Celui de la chaleur du whisky et des clubs exigus.
Les rues de Manhattan à l'aube. Le jour qui se lève, encore gris, sur des cuivres embrumés. 
Le jazz a ce pouvoir troublant d'être à la fois optimiste et désespéré. Doux-amer.
Saudade. Comme la bossanova. Plus complexe que le rock. Multiple. Paradoxal.
C'est pour ça que je suis au point du jour. Au partage des eaux. Entre l'espoir et la résignation.
La nuit perdue. Le jour qui vient. Entre deux eaux. Le jazz. C'est ça. En équilibre. Fragile.
Ici, il est feutré. Abîmé mais ravissant. Sombre et lumineux. Sobre et élégant.
Il y a ce chat qui trotte dans une ruelle de Brooklyn. Des cargos dans le port.
Et une parfaite synchronisation. C'est le petit matin, ici aussi, à Perpignan.
A la nuit qui se retire, aux horreurs, aux angoisses, aux doutes qui se dispersent, enfin,
il est temps de vivre, de se lever, ouvrir les fenêtres, de respirer la fraîcheur fade de la ville.
Revenir dans sa vie, dans le monde. Et un gosse de 17 ans parvient à m'en convaincre.
Quelque chose dans le timbre me fait penser à Etienne Daho. En mieux sans doute.
C'est plus dans l'attitude. Une assurance timide. Mais imparable. Le refus de la joliesse.
Le gosse chante. Point. Sans épreuves de force. Sûr de son affaire plus que de lui-même.
Il n'est pas dans la démonstration. Il sert quelque chose de plus grand que lui.
Il sert un travail. Une équipe. Une chanson qui s'installe dans les écouteurs dont je m'empare.
J'ai faim de café. De croissants. Une faim de loup. Et des basses. Je veux les basses.
Dans les écouteurs. La Gibson trotte dans les rues de New York sous la vague de cuivres.
Je m'accroche à mon fauteuil. Je suis encore dans l'expectative. Je veux être sûr...
D'être bien réveillé. Le manque de tabac affecte peut-être ma perception. Du sang froid.
Je ne sais plus respirer sans mon paquet de clopes quotidien. Une semaine que j'étouffe.
Je dois ouvrir les fenêtres. Respirer. J'ai besoin de respirer. Qu'est-ce que j'entends ?...
La mélodie est réduite à un refrain resserré, efficace, comme on en fait toujours dans le jazz.
Le gimmick est d'une simplicité redoutable. Parole et musique. Nombre d'or de l'architecture.
Je tends l'oreille. Je lis son nom. Jean Castells.
Et je m'en sors criblé de balles.

Il est à l'écran. Cohérent. Il ressemble à ce qu'il fait. Et cela me trouble beaucoup.
Qu'un gamin de cet âge dont les os du crâne ne sont pas tout à fait soudés soit si accompli.
Les os sont encore souples, et cela se sent dans la voix, dans sa musique, ses arrangements.
Les marges de manoeuvre sont infinies. Mais dans la fulgurance on sent sa part de finitude.
D'où il vient et où il va. C'est là. En entier. Immuable. Avec un champ de possibles effrayant.
J'avance dans la vidéo. Ace the Phoenix. Caj Flow. Pour ne pas être seul peut-être.
Pas pour s'excuser d'être là. Ni pour se planquer derrière eux. Pour les mettre en lumière.
En contraste. Faire quelque chose ensemble. Et ça s'accorde. Fonctionne à merveille.
C'est beau. C'est intelligent. Quand j'ai toujours eu du mal à concevoir l'un sans l'autre.
Et, comble du luxe, c'est sensuel. Intelligent et sensuel. Voilà déjà qui est plus acrobatique.
Alors, oui, tout de même. Qu'on se mette d'accord tout de suite sur un point important.
J'ai quelqu'un dans ma vie, dans la peau, et je ne drague pas sur Facebook. Je suis amoureux.
Heureux en amour. Je n'ai besoin de rien de ce côté-là. Si vous voyez ce que je veux dire.
J'assume la part de coup de foudre que c'est, puisque c'en est un. Manifestement.
Mais il n'y a pas de manoeuvres crapuleuses. Seulement un éblouissement.
Et cette émotion que l'on a lorsqu'on découvre et reconnaît un pur génie au début de sa route.
J'étais bouleversé. Et n'ai pas pu faire autrement que partager aussitôt cette révélation.
C'était trop beau et trop fort pour moi. Et je continuerai à partager autant que possible.
D'autant qu'au-delà du titre Breathe, que j'ai réécouté plusieurs fois de suite,
j'ai visionné d'autres vidéos du gamin et n'étais pas au bout de mes surprises.
Je ne suis pas curieux de la personne de Jean Castells que je n'ai pas le désir particulier
d'approcher, de rencontrer ou de connaître, lorsque, comme lui j'imagine, l'intérêt est ailleurs,
quand je pense qu'il est le premier à s'intéresser plus à sa musique qu'à lui-même.
Pour ma part, je vois exactement le gosse que j'aurais aimé être à son âge.
Celui qui a assez de maturité pour ne plus imiter mais trouver sa propre voix.
Et plutôt que de penser, " merde, ce petit con a réussi ", je suis heureux de voir cela possible.
Du haut de mes quarante ans, je respire, oui, enfin, soulagé, de voir que c'est possible.
D'être soi-même, et non un sous-Prince ou un sous-Gainsbourg de plus.
Du haut de ses 17 ans, le gosse m'a foutu une grande tarte dans la gueule.
Il est plus costaud qu'il n'y paraît. Il ira très loin. Et je suis déjà fier de le connaître.
Quand il est armé psychologiquement pour passer les obstacles de ce milieu féroce.
Qu'il est assez habité par son travail, comme beaucoup de jazzmen à vrai dire,
pour ne pas se planter d'objectifs ni se perdre dans de trop nombreuses motivations illusoires.
Même dans son rapport à la caméra, on sent ce sens inné de l'équilibre. Impressionnant.
Entre la sincérité et la distance. Entre l'honnêteté intellectuelle et la retenue.
Cet équilibre délicat entre la pudeur et l'impudeur. L'assurance et le doute.
Une intelligence qui révèle son travail. Une intuition qui révèle son talent.

J'écoute tous les titres disponibles sur sa chaîne Youtube.
Guitariste, auteur-compositeur, il est aussi chanteur. Plus encore. Crooner.
J'y pense. Même dans son physique et sa présentation. Il a tout pour plaire à l'Amérique.
Des références notamment. Il s'attaque à Cole Porter avec une décontraction crédible.
I've Got You Under My Skin. Diablos. Mais qu'est-ce que c'est que cet animal.
Je suis convaincu qu'il ne restera pas méconnu longtemps. Cela ne peut être autrement.
Bye bye Peter Cincotti et Harry Connick Jr. Ecrasés par qui se prend moins au sérieux.
Lorsqu'il n'y a rien de présomptueux dans la démarche du kid qui vit pour sa musique.
Lorsqu'il a plus de talent que les deux lascars précités réunis. Jamie Cullum, tiens-toi bien.
La relève est prête. En embuscade. Entre électro et hip hop. Les mutations du jazz.
Je partage Breathe sur FB. Un ami parle justement de fraîcheur. En plein dans le mille.
That's it. La fraîcheur vivifiante de l'aube. Je respire profondément à ma fenêtre.
Et franchement, ça sent bon. La journée va être belle. Ce sont des retrouvailles pour moi.
Avec le gosse que j'ai été et que j'avais abandonné. Avec la musique que j'aime.
Vive le conservatoire. Et vive internet. Le même ami écrit le mot sain. Rebelote.
Jack a visé juste. Et mon enthousiasme pour Castells est aussi sain que le travail qu'il produit.
Puisque c'est exactement ce que cela inspire. Une pureté que je désespérais de retrouver.
Qui redonne confiance. Qui fait sourire. Qui donne des forces. Et me réconcilie.
Si je ne retiens pas mes coups, c'est que j'ai déjà embarrassé le gosse avec mes louanges.
Qu'il ne se trompe pas lui non plus sur mes intentions. Je n'attends rien. C'est gratos.
Je veux qu'on sache qu'il existe. Et que les producteurs de musique fassent leur job.
Il ne me devra jamais rien. Quand je ne suis ni mécène ni agent. Ni même de ses groupies.
Mon effusion et mon émotion ne doivent pas décrédibiliser mon jugement implacable :
ce garçon est une mine d'or pour qui aura le bon sens de l'exploiter.
J'en suis sûr à sa parfaite interprétation de Say It Ain't So de Murray Head.
Comme à cet instrumental que je découvre ce soir, Impossible Love, somptueux,
aux lignes de cordes et de cuivres d'une efficacité diabolique, qui me fait penser
que Hollywood pourrait songer à l'atteler aux grandes partitions dont le cinéma a besoin.
Une autre piste de réalisation pour ce petit monstre qui peut tout explorer et sublimer.
Le potentiel donne le vertige. Mais je ne doute pas qu'il gardera la tête froide.
Quoi que je puisse écrire le concernant. Ce soir comme prochainement.
Quand j'aurai plus à dire encore. Puisqu'il y a matière.

 

 

 

   

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan
 
 
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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 23:35
       
 
J'inciserai. Et ça s'ouvrira comme du boeuf tendre et saignant.
Les joues de madame. L'une après l'autre. Ce sera drôle de découvrir ses gencives et ses dents.
Une petite lame de rasoir suffira. Elle est attachée dans la cave. La dame. A un vieux sommier.
Un sommier métallique transformé en lit de barbelés. Pour écorcher son dos. Bien à vif.
" Alors ?... Tu fais moins la maline... Tu veux faire la maline, Dorothée ?... "
Elle ne répond pas. J'ai flanqué du ruban adhésif sur sa bouche. Du bon gros chatterton.
Qu'il me restait de mon dernier déménagement. Elle a renoncé à hurler des sons de muets.
Ces sons qui mettent tout le monde mal à l'aise. Ok, je crois qu'elle a compris.
Elle a gardé sa grimace de nana horrifiée, les yeux écarquillés, avec une expression,
évidemment, que je n'avais jamais vue sur le magnifique visage poupin de Dorothée.
Mais elle avait cessé de crier. Et cela me manquait presque. J'avais envie qu'elle crie.
J'avais besoin qu'elle hurle. Il est peut-être temps de lui montrer la lame de rasoir.
Qu'elle comprenne qu'elle n'est pas au bout de ses peines.

Pierre a un bon alibi. Assez banal je dois dire. Pierre a une maîtresse.
Il passe le week-end avec elle. A Baltimore. Avec une collaboratrice. Une collègue.
Ce que les hommes infidèles sont classiques. Prévisibles. Enfin, rien de plus normal.
Pourquoi s'emmerder à aller chercher ailleurs qu'à l'étage du building où l'on passe son temps.
" Ne me dis pas que tu ne savais pas... Dorothée, enfin... " Quelle conne.
Ouais. Avec Sophie. Qui est déjà venue dîner chez toi alors qu'ils couchaient déjà ensemble.
Mais au moins voilà. Vous savez que Pierre ne ferait pas de mal à Dorothée. Pas de cette façon.
Lorsque révéler sa liaison fait partie du supplice chinois qui complètera les sévices physiques
que je réserve à la truie que j'ai attachée, à poil, le dos en sang, dans la cave de son immeuble.
Non, la part de Pierre, c'est de lui briser le coeur. Moi, je m'occupe de lui briser les os.
Et c'est formidable pour moi de pouvoir cumuler les plaisirs.
" Ton mari ne viendra pas te sauver ma chérie. Trop occupé à prendre son pied avec Sophie. "
Il ne s'étonnera pas de son absence non plus. Il y a des situations, assez nombreuses en fait,
où les maris infidèles peuvent nous simplifier la vie.

Je parle de Pierre avec ce détachement assez naturel et compréhensible.
Quand Pierre n'est pas mon père. Et je l'ai toujours su. Pierre, c'est mon beau-père.
Et ma mère, je lui découpe les joues avec une petite lame de rasoir prise à la salle de bains.
" On fait moins la maline, hein ?... " Vous devez me trouver cruelle, sadique et inhumaine.
Peut-être monstrueuse. Bonne à enfermer ou à griller sur la chaise électrique.
Mais comprenez que je rends à ma mère la monnaie de sa pièce.
La belle Dorothée et son visage poupin d'épouse parfaite...
Je me rends compte que je l'ai toujours appelée par son prénom. Depuis toute petite.
Je ne l'ai jamais appelée maman. D'ailleurs, ce seul mot me donne envie de vomir.
Et à ce propos, je pense qu'il serait judicieux de retirer tout ce qu'il y a dans son ventre.
" Tu as déjà été mère, toi... Tu n'as plus besoin de tout ça... " lui dis-je gentiment.
Elle avait eu trois enfants. J'étais celle du milieu. Et la seule qui ait survécu.
Puisque je n'ai pas eu cette chance ou ce privilège de mourir avec mes frères.
Un dé de beurre dans la poêle. Au menu, de la joue. De la joue de mère indigne.
Je garde le meilleur pour la fin. J'ai toujours fait ça. Même enfant. Tu te rappelles ?...
     
     
 
    
 
Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan
 
 
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27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 22:28



La nourriture me fait du bien. Me fait du mal. Tout à la fois.
L'eau que je bois. Le vin que je bois. Meilleur ami et faux-frère.
Je suis en manque de trop de choses à la fois. Je suis à côté de moi.
A côté de chez moi. A côté de ma vie. A côté de tout.
Et je n'ai rien à observer depuis mes propres yeux.
Une ville que j'aime. Et qui m'échappe un peu.
La pente douce vers le coeur du cratère. Des casernes sinistres.
A la nuit qui s'installe gentiment. La lumière orange dans les rues désertes.
Tout le monde fait la fête côté boulevard Clémenceau. Autour du nouveau théâtre.
Où le festival bat son plein. Les terrasses sont bondées et joyeuses. Une marée humaine.
Le centre, lui, est abandonné. Et moi avec. Errant sur des places vides, esseulées.
De bonnes adresses autour de la cathédrale attendent le client. Et c'est triste à pleurer.
Du Mont des Oliviers, ou de la Maison Rouge, il y a ma pente douce jusqu'à la médina.
Deux silhouettes rondes comme du Botero, endeuillées, sont assises côte à côte et de dos.
Deux femmes gitanes donnent à manger à une meute de chats maigres dans la lumière orange.
J'ai envie de chialer. Parce que c'est beau. Que ça me manque. Comme la lune. L'état d'amour.
La fièvre d'un été déjà vieux de trois ans. Qu'ai-je fait du vertige ?
J'ouvre les yeux et c'est la baie. Et la pinède. Et la piscine. Toute l'Espagne.
Ma ville arrachée à mon ventre. A la nuit tombée. Sais-je encore qui je suis.
Je suis en manque. Je ne suis rien. Ou pas grand-chose.
Je veux combler ce que le temps a pu creuser à coups de pelle, à coups de pioche.
Me remblayer. Me remplumer. Retrouver le goût d'être moi. Ou d'être un autre.
Redevenir quelqu'un.

 

    

 

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan

 

 

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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 18:55


Sur le transat, à Bompas, le soleil me dévore le ventre.
Virginie a taillé l'énorme figuier de barbarie. Les murs sont blancs.
Le carré de piscine impose son bleu franc sous celui d'un ciel immense.
Les parfums du jardin, ceux de ma peau en train de cuire, tout évoque le plaisir.
Celui, chaste, du paradis perdu. Dont j'ai retrouvé la porte. Dans les gonds de juin.
Déjà, traverser la ville fut un ravissement. Ecrasée sous une chaleur fantastique.
Et chez mon amie, je peux libérer mon corps. Mes pieds de mes chaussures.
Mes jambes. Mon torse. Enfin déshabillé. Pour m'envelopper de l'air. De lui-seul.
Capable d'épaisseur et de légèreté. Un air chargé d'odeurs voluptueuses et de beaux souvenirs.
Mon visage. Ma poitrine. Mes jambes. Tout est pris d'assaut. Le bronzage attendu. Délicieux.
Et ma peau peut éclore. Changer de couleur. Virer au rose. Au brun. Au doré. Délivrée.
Je peux fermer les yeux sur les abysses de mon existence, une vie entière, jusqu'à l'enfance,
retrouver toutes les sensations du bonheur et de la plénitude, celles du vivant.
Retrouver des voix et des gens que j'ai perdus en route. Quelques éclats de rire.
Un chat a trouvé une plage de fraîcheur sous la table de la terrasse, étalé de tout son long.
La brise ne dérange rien. Ne fait pas frissonner. Fait du bien à tout ce qu'elle rencontre.
J'y flotte à l'horizontale, au-dessus du sol, comme du linge qui sèche offert aux éléments.
Mon sexe et mes fesses dans un maillot de bain, le reste peut s'ébrouer à l'air libre.
Le soleil me dévore les cuisses. Dévore mes abdos. Mes pectoraux.
Et j'aime son étreinte.

J'ai pu rentrer du village régénéré. Retrouver Perpignan. Le centre-ville.
Ma peau tranchant désormais sur une chemise blanche éblouissante.
Avec l'aimable morsure du textile sur mon écorce brûlée.
Un coup de soleil monstrueux sans doute. Quand je n'utilise aucune huile.
Que je n'ai jamais tartiné mon corps d'ambre solaire. Je suis rouge. Ou orange.
Et je devrai dormir sur le dos. Heureux du picotement qui se fait déjà sentir.
Aussi merveilleux que les piqûres de moustiques de quand nous étions gosses.
Mai n'avait pas tenu ses promesses. Nous avions une revanche à prendre.
Barboter dans le bouillon de lumières aux étincelles agitées et volutes aveuglantes,
cette eau tiède, enveloppante, à peine fraîche, aussi bienfaisante que l'air alentour.
Renouer avec la nature. Avec l'été. Avec l'amour. Avec une chair à soigner.
Dans la piscine. Sous le soleil. A l'ombre de la pergola où le chat faisait sa sieste.
Je reviens dans mon appartement avec cette certitude. Le bonheur, c'est cela.
Mon bonheur. L'histoire de ma vie. Mon équilibre. Ma raison d'être. Juin. Le vrai.
Qui tarde encore à s'installer. C'est cette chaleur sur mes épaules nues.
Marcher pieds nus sur les lattes de bois brûlantes. Mes yeux plissés dans le ciel.
La langueur d'un après-midi qui n'en finit pas de ronronner. La soirée en cadeau.
Lorsqu'il est possible de reprendre ses esprits et une activité. Mon centre-ville.
Je suis revenu gitan du village de mon enfance. Le sourire insolent.
Je suis prêt pour le sexe et les nuits indolentes. Le corps s'est dérouillé.
A reconquis ses forces. Le goût de l'érotisme. Et de la séduction.
Je sens les muscles à leur place. Leur bon fonctionnement. Je suis bien dans ma peau.
Quand j'attendais cela depuis l'été dernier.
 

 

 

 

 
Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan
 
 
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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 15:48
  
 
On ne peut plus être patriote sans être européen.

 

 

 
Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan
 
    
 
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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 00:25



Bon, ok, ils m'ont niqué le parvis. Pas grave.
Bien des choses changent. Et d'autres ne changent jamais.
Il reste la cathédrale. Il reste le platane. Même avec le sabot ignoble qu'on lui a mis au pied.
Ah ça, il ne manque rien. Moins deux, et nous avions droit à la roue de charrette.
Ou à la machine viticole. Comme on en trouve au milieu des ronds-points des villages alentour.
Des trucs qui ne servent à rien. Ah, si... pardon. Qui servent à " faire joli ". J'imagine.
Bref, ici, à la Cathédrale St-Jean, étendre le pavage de granit rose ne semblait pas suffire.
Il a fallu pas moins de 7 matériaux et types de revêtement différents.
Qui comptent double dans un mouchoir de poche de 400 m2.
Le granit utilisé pour toute la surface piétonnière de la ville, et le seul légitime à mes yeux,
et puis du gros galet, et du petit galet, et de la brique rouge, et ce matériau 70 venu de nulle part
pour emprisonner mon platane, et cet autre dallage qui vient bouffer, contre le porche,
le grand rectangle de marbre rose dont on suppose qu'il fut le plateau d'un autel plus ancien.
Au patchwork de goudron déglingué que nous avions, nous en avons obtenu un autre.
" Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? " avais-je titré sur Facebook,
photo à l'appui, lorsqu'on m'a à juste titre peut-être rétorqué que c'était toujours mieux qu'avant.
Certes, je n'ai jamais trouvé les voitures en ville ni très utiles, ni très décoratives.
Et j'enrage toujours aux stationnements le long de trottoirs de rues étroites ou historiques,
quand elles viennent emmerder les piétons, fauteuils roulants et poussettes,
et abîmer les perspectives, empêchent de jouir des façades et de leurs alignements.
Pensez qu'à la place de la Pyramide du Louvre, il n'y a pas si longtemps,
se trouvait encore un parking de surface qui serait inimaginable aujourd'hui.
Ici aussi, au beau milieu de la place de la cathédrale, j'ai connu le temps où l'on avait trouvé
pratique d'offrir du stationnement à une vingtaine de voitures, que personne ne regrette.
Il ne tiendrait qu'à moi, tout le coeur de ville serait piéton depuis longtemps.
Véhicules prioritaires, livraisons, résidents. Ok. Avec accès par badge comme ça existe.
Pour le reste, pas de stationnement possible à l'intérieur des boulevards. On peut marcher.
Et en effet, il était honteux qu'il reste quelques places au pied de mon campanile.
Nous avons sacrifié le parking devant le Castillet. Il était temps d'en faire autant ici.
Mon ironie ne disait en aucun cas que je regrettais la présence de l'automobile.
Elle portait sur le travail de concepteurs qui ont tenu à laisser leur trace en faisant du zèle.
J'hésite d'ailleurs à utiliser le mot d'architecte. Paysagiste peut-être serait plus approprié.
On pouvait faire propre, net, économique, écologique, et bien d'autres choses encore,
en se contentant de virer les bagnoles avec une seule chape, unie, sans fioritures.
St-Jean ne suffisait-elle pas à embellir les lieux à elle-seule ? Il faut croire que non.
Car c'est bien pour faire "joli" que l'on a utilisé la brique rouge ici et le gros galet là.
Voilà que ce fourre-tout de grand n'importe quoi vient détourner l'attention de ce qui importe.
La rampe pour handicapés, qui est une bonne chose, est d'une lourdeur qui vient casser
l'harmonie de la porte latérale, ravissante, avec ses colonnes blanches et son fronton brisé,
le bac enserrant désormais mon platane est tout aussi grossier qu'inutile, déplacé, ridicule,
et gâche de surcroît les deux petits escaliers charmants qui se trouvent derrière.
Bref, j'accuse les concepteurs d'avoir préféré mettre en valeur leur propre délire
que mettre en valeur le patrimoine existant qui n'avait pas besoin de ça.
J'ai connu ça dans la musique, où des chanteurs essayaient de tirer la couverture à eux,
où des auteurs voulaient l'emporter sur les compositeurs, et inversement, se mettre en avant,
au lieu de travailler ensemble, en équipe, au service de l'oeuvre plutôt qu'à leurs petites gloires.
On trouve partout, dans tous les secteurs, ces dérives mégalomaniaques. Les luttes d'ego.
Je ne jette pas la pierre au maître d'oeuvre et à ses ouvriers, qui eux, exécutent les plans.
Et qui, j'en suis témoin, ont été remarquables, ont parfaitement travaillé. Vite, et bien.
Je maudis juste ceux qui ont décidé de ce foutoir, leur en veux d'avoir défiguré mon parvis.
Qui ressemble désormais à celui de la Mairie de Bompas ou de Ste-Marie-la-mer.
Puisque ça vaut à peine les délires des designers improvisés de conseils municipaux.

Je suis peut-être sévère. Je suis d'abord en colère.
Parce qu'ils ont réussi à ôter tout charme à ce lieu qui en avait tant.
Au bénéfice du recul de la voiture dont je devrais me réjouir, je reste perplexe.
Mieux qu'avant ? Permettez-moi finalement d'en douter.
Quand aux arguments écologiques que je comprends sur la guerre contre l'automobile,
je réponds que le désert minéral que l'on y oppose n'est pas non plus une panacée,
puisqu'il contrarie les cycles de l'eau et ses réseaux d'évacuation naturelle.
Mon platane était ce qu'il restait de végétal dans mes fenêtres,
et le voici pris dans une camisole débile qui me rend malade pour lui.
L'éclairage orange est le même que lorsque je me suis installé dans cet appartement.
Et je suis heureux de retrouver son feuillage dense contre le marbre et la pierre de la tour.
C'est toujours ce même décor d'Opéra qui avait su me convaincre à la première visite.
Mais oui. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cela me désole.
J'attendais que les travaux progressent pour réagir. Je rongeais mon frein.
Pouvais être confiant au départ, craindre le pire en cours de route. J'attendais de voir.
Et ce soir, à mon garde-fou, oui, je vois. Je vois le résultat.
Une belle branlette de gens qui se sont fait plaisir. Grand bien leur fasse.
Ce n'est sans doute pas si grave. Ce que je disais au camarade Fonquernie.
Flanqué dans mon autre porte-fenêtre pour constater les dégâts.
Il n'y a rien ici d'irréparable. Rien d'irrattrapable. Ce ne sont que des galets.
Des choses que l'on pourra changer. Virer. Transformer. Et c'est un moindre mal.
Mais c'est un coup de griffe. Dans la tronche. Quand mon coeur a une belle balafre.
Quand j'ai conscience que ma réaction révèle d'autres enjeux plus personnels.
Qu'en touchant à ce lieu ils n'ont pas seulement touché à un lieu mais à toute une histoire.
Ce qu'ils en font ne me plaît pas. La tournure que ça lui donne ne me plaît pas.
J'étais dans mon élément et mon amour avec moi dans le charme discret, émouvant,
d'une parcelle gothique habitée de fantômes et de liaisons secrètes, propice aux roucoulades,
à l'errance des chats et au chuintement des fontaines, et nous voici dans la pompe grotesque,
outrancière et sans âme, de vanités locales, aussi ostentatoires qu'absurdes.
Je m'attendais à une plus-value. Pour mon appartement comme pour mon histoire d'amour.
Et vous me trouvez déçu. Amèrement déçu. Prêt à jeter l'éponge. Ou être indifférent.
Cela profitera à d'autres. Ce n'est sans doute qu'une affaire de goût.
Il y a bien des touristes et des Perpignanais peut-être qui trouveront ça " joli ".
Le petit sentier façon Magicien d'Oz pour les chaises roulantes. Ne manque que des nains.
Pour chanter à leur passage. Ou un petit âne avec des fleurs dans des paniers.
Pour qu'ils sachent par où passer s'ils venaient par mégarde à s'égarer si près du but.
Ok. Il y a des choses qui ne changent jamais. Mais il y en a qui changent.
Et certains changements ne me plaisent pas du tout. Des choses qui se dégradent.
Qui se délitent. Qui s'abîment. Quand c'est un des tranchants de la lame du temps.
Que je dois accepter. Des choses s'améliorent. D'autres se détériorent. C'est le jeu.
Très bien. Il n'y aura plus de voitures. Alléluia. Et je me dis, refermant ma fenêtre,
que ça me fait une belle jambe.

   

    

 

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan

 

 

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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 02:26


Le 5 juin dernier, la Commission Européenne a validé une date.
Celle du 1er janvier 2014. Choisie par Riga pour adopter l'euro.
Membre de l'Union Economique et Monétaire de l'Union Européenne,
la Lettonie sera le deuxième pays balte à intégrer la zone euro,
qui comptera alors 18 Etats sur les 28 de l'Union.
L'ex République Socialiste Soviétique faisait partie des 10 pays de l'élargissement de 2004,
adhérant à l'Union après avoir adhéré à l'OTAN la même année, et l'objectif fixé au départ
en 2008 pour l'adoption de la monnaie unique n'avait pu être tenu.
Finalement, une deuxième échéance fut proposée dont nous approchons à grands pas.
D'autant que la Commission a publié le rapport de convergence 2013
portant une appréciation favorable, en guise de feu vert, il y a quelques jours à peine.
Dans six mois, la Lettonie devrait abandonner le lats au profit de l'euro,
alors que des élections en mai renouvelleront le Parlement Européen en suivant.
Des débats seront appréciés pour essayer de comprendre comment nous allons gérer
cette Europe que nous avons construite à géométrie variable, sans doute heureusement,
lorsque nous ne pouvons plus depuis longtemps avancer sur le principe d'unanimité.
Au sein de l'Union, une zone euro, qui sera donc prochainement de 18/28.
Et au sein de la zone euro, et nulle part ailleurs, un nouveau noyau de convergence
à promouvoir et à porter, constitué de qui voudra, pour planter une graine fédérale,
avec la nécessité du gouvernement économique que le Président Hollande défendait encore
en mai dernier, qui serait en charge d'assurer une harmonisation fiscale des plus urgentes.
Les négociations actuelles avec les Etats-Unis sur l'accord de libre-échange,
dont les difficultés sont médiatisées grâce à la question de l'exception culturelle,
doivent nous convaincre que notre continent doit se doter d'institutions plus solides,
et au plus vite, lorsque nous avons en face de nous un Congrès américain bien rodé,
une machine de guerre politique, éminemment démocratique, vieille de deux siècles,
un système fédéral organisé, implacable, auquel nous devrons être capables de répondre.
L'union avec Washington est sans doute un moyen de résister face à l'Inde et à la Chine.
Mais au sein de cette union, à nous de décider combien on souhaite de pôles politiques.
Et la structure bureaucratique actuelle n'aura aucune crédibilité ni force de décision
si nous n'avons pas une représentation démocratique et un exécutif élu à opposer
à celui des Etats-Unis d'Amérique.
Nous pouvons élargir l'Union et la zone euro indéfiniment,
l'union ne fera la force que si nous la faisons vraiment.

 

 

 

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan

 

 

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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 03:26



Il y a sous le Palmarium deux arcs au moins qui méritent leur éclairage.
De ce treillis métallique digne des grandes heures de la Révolution Industrielle.
Ce n'est pas la Tour Eiffel, mais tout de même, nous sommes au tout début du XXème siècle,
et le Palmarium est une figure emblématique de Perpignan au même titre que le Castillet.
1907 me dit-on ? C'est possible. Nous avions ici un vestige de l'Art Nouveau.
Et il fallut tout un lot de nouvelles technologies pour poser cette coquille sur la Basse.
La rivière se précipite sous les voûtes sombres d'un pont si large qu'il est devenu place,
et des projecteurs judicieusement positionnés pourraient sans doute en dévoiler les secrets
à qui se promène sur le quai Vauban ou sur Sadi Carnot à distance nécessaire.
Le Palmarium n'est pas seulement la carapace de tortue que l'on connait en surface.
Et si cette dernière mérite à elle-seule une mise en lumière à l'issue d'une rénovation,
un nettoyage s'impose aussi en-dessous, lorsqu'il sera féérique, et dans l'esprit de l'époque,
de montrer la beauté étrange, animale, végétale, des jupons de fonte et de rivets de l'ensemble.
C'était l'ère bénie du chemin de fer dont les rails répondaient aux structures de gares délirantes.
Où les grands magasins étaient tout aussi monstrueusement monumentaux et révolutionnaires.
Quand des deux que nous avions, les Dames de France en donnent encore la mesure.
C'était le temps du tramway et des bouches de métro d'Hector Guimard à Paris.
Celui des Expositions Universelles éblouissantes et de la fièvre moderniste de Barcelone.
Antoni Gaudi sublimait le Passeig de Gràcia. Et Gustave Eiffel effectuait d'autres miracles.
Lorsqu'aux extravagances superflues, l'utilitaire se payait le luxe d'être à lui-seul esthétique.
Au-delà de la marquise du cinéma du Castillet, la Basse ouvre une perspective étonnante,
et ses eaux s'amuseraient à refléter la débauche de poutres et piliers savamment éclairée,
qui de nuit finiraient de donner à l'édifice son air de vaisseau spatial toujours avant-gardiste.
La question des enseignes qui s'y succèdent est un autre débat que je n'ouvrirai pas.
Je me contente ici de dire que le joyau que nous connaissons n'est qu'une partie émergée.
Et que nous gagnerions à mettre le Palmarium en valeur au complet.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan
    
 
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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 16:13



" Fais attention Francis, non... laisse-moi faire. "
Alice attacha elle-même la ceinture de sécurité avant de fermer la portière.
Elle contourna l'auto, sur ses talons, dans un tailleur rose façon Chanel.
C'est elle qui conduisait. Depuis longtemps. Francis n'y voyait plus grand-chose.
" Tu es un danger au volant ! " avait-elle décrété il y a déjà cinq ans.
Soixante-sept ans de mariage. Imaginez. Elle l'aimait son Francis.
Maquillée, coiffée, la belle Alice s'installa dans la petite Peugeot 208.
C'était dimanche. Ils allaient déjeuner en amoureux.
Elle arrangea sa jupe. Et mit la clé dans le contact.

Nous étions arrivés en même temps qu'elle.
Elle nous prit même la place idéale qui se trouvait à l'ombre d'un pin.
Ma soeur finalement avait dû laisser l'auto en plein soleil un peu plus loin.
C'était la fête des pères. Nous allions rejoindre le nôtre. Dans un restaurant de l'Empordà.
L'arrière-pays de la Costa Brava. La Catalogne espagnole. A dix minutes de Rosas.
C'est là que papa, comme bien d'autres personnes âgées, s'était trouvé une maison.
Une colonie toulousaine. Le lieu idéal pour la retraite. Aux hivers doux. Au bord de la mer.
Le mois de juin évidemment pouvait être d'une chaleur féroce. Et nous cherchions la fraîcheur.
Sur le grand parking poussiéreux, déjà, ça sentait la Péninsule Ibérique et les vacances.
Nous l'avons traversé pour accéder au parc ombragé du restaurant qui grouillait de monde.
De chevelures blanches et grisonnantes essentiellement. Et c'était une drôle d'impression.
Ce que cela pouvait provoquer de sensations physiques et de mélancolie.
Mes nièces étaient là pour faire chuter la moyenne d'âge. Sans grand succès.
Lorsque les jeunes étaient rares. Puisque même les enfants s'avéraient être quinquagénaires.
Nous nous présentions pour préciser que nous avions une réservation.
Nous sommes passés devant la Peugeot 208.

De grandes tablées joyeuses s'étalaient sous les mûriers platanes et les parasols.
Nous avons suivi une dame dans le dédale bruyant jusqu'à la nappe immaculée
autour de laquelle nous avons pris place avec la profonde inspiration qu'on prend avant l'effort.
Nous n'allions pas nous laisser abattre. Nous allions profiter de ce repas avec notre vieux papa.
En refusant la vague d'effroi et de tristesse qui hésitait à nous envahir dans un lieu pareil.
Une ambiance de maison de retraite pouvait rendre ce restaurant pathétique.
Et j'ai dû me ressaisir en apercevant quelques personnes ici ou là qui déjeunaient toutes seules.
J'ai dû me reprendre quand me vint une envie de chialer grotesque. Mon père me parlait.
" Pardon ?... " Non, merci papa. Je ne boirai pas de vin. Nous étions en famille.
Comme la plupart des convives alentour. A quelques exceptions près.
Il y avait quelques couples aussi. Plutôt attendrissants. Amoureux et bien mis.
Alice, elle, était rayonnante. La poudre de riz colorant sa peau paraissant moins ridée.
Le maquillage n'était pas grossier. Juste ce qu'il fallait pour rehausser les couleurs.
Elle s'installa face à Francis qui semblait un peu diminué. Mais c'était jour de sortie.
Et elle n'était pas disposée à s'apitoyer. Bien au contraire. Et elle aimait s'occuper de lui.
Le restaurant offrait un buffet ouvert, et c'est elle qui prit tout en main.
" Tu voudras des poivrons ? Tu aimes les poivrons... "
Elle lui servait de l'eau dans son verre, s'assura qu'il ne manquait de rien.
" Non, les anchois, c'est trop salé, tu n'y as pas droit... "

Je les regardais faire. Du coin de l'oeil. Bouleversé.
Elle s'éloigna d'un pas sûr pour aller chercher les entrées sous un chapiteau.
J'imaginais ce qu'avait dû être leur vie. Peut-être qu'Alice tenait sa revanche.
A quatre-vingt-cinq ans. Francis avait été beau. Il avait eu des maîtresses. C'était arrivé.
Mais elle avait tenu bon. Et pas seulement pour les enfants. Pour son couple d'abord.
Désormais, toutes ces histoires étaient derrière eux. Seul le présent comptait. Plus que jamais.
Et Alice, en fin de partie, savourait sa victoire. L'homme d'affaires était devenu dépendant.
Dépendant d'elle. Et elle n'avait pas la grimace affreuse de celles qui profitent de la situation.
On sentait qu'elle était heureuse. Enfin. Elle ne cherchait pas à lui faire payer quoi que ce soit.
Les scènes, les humiliations, la colère, la rage, le désespoir... tout cet enfer... c'était ailleurs.
C'était une autre vie. Et autant d'épreuves qui rendaient leur amour encore plus sublime.
Parce qu'il y avait eu l'indulgence. Parce qu'il y avait eu le pardon.
Francis avait fait des bêtises. Mais c'était son homme. Son seul amour. Son mari.
Et elle savait qu'elle avait eu sans doute sa part de responsabilités parfois. Ici ou là.
A certaines périodes où elle l'avait délaissé sous prétexte de s'occuper des enfants.
Elle revint, droite et digne, dans son tailleur rose, le regard malicieux,
avec deux assiettes généreuses de hors-d'oeuvre.
Je me suis amusé de découvrir une débauche de charcuterie grasse,
acceptable il faut croire pour le régime de monsieur qui fut privé d'anchois.

Tous ces vieux bien portants avaient un appétit d'ogre.
Mon père le premier avait un sacré coup de fourchette.
Le chorizo. Le boudin. Les fruits de mer. Les calamars. Tout y passait.
Deux générations, enfants et petits-enfants, observaient cela avec un mélange attendu
d'écoeurement et d'admiration, lorsqu'elles en ingurgitaient la moitié avec peine.
C'était un ballet entêtant, sous le soleil accablant du déjeuner, à l'heure espagnole,
où des gens s'agitaient partout, allaient assiette vide, revenaient assiette pleine,
échangeant parfois des sourires ou de petits commentaires amicaux.
" Je vous conseille le jambon serrano. Il est délicieux... " Tout le monde parlait français.
Y compris notre voisine de table. Qui faisait la conversation à son époux.
Ma soeur et mes nièces me consultent. C'est bien la dame qui nous a pris la place de parking.
Que j'ai décidé d'appeler Alice parce que ça lui va bien. Dans son tailleur façon Chanel.
On me dit à voix basse. " Tu as vu ?... Elle parle toute seule. " Ce fut un électrochoc.
Une décharge électrique. Et un crève-coeur. Non. Elle ne déjeunait pas seule.
Francis n'était pas mort l'année dernière. Il l'avait accompagnée cette année encore.
Il se tenait dans son fauteuil, face à elle, sous les mûriers platanes.
Certes, il se contentait de manger et de l'écouter. Quand il ne disait pas un mot.
Mais c'était parce qu'Alice parle tout le temps. De toute façon.
Elle avait garé sa Peugeot 208 sous le pin parasol. Avait réservé une table pour deux.
Elle avait passé du temps à se faire belle pour lui. Mais ne lui avait pas ouvert la portière.
La chaise ne pouvait pas être vide. Il y avait quelqu'un à qui elle s'adressait.
Un homme que j'ai décidé d'appeler Francis parce que ça lui va bien.
Avec qui elle passait un moment délicieux. Dont elle continuait à s'occuper.
Qui partageait sa vie comme ce repas. Seul à seul. En tête-à-tête.
Quand elle pouvait sourire. Tranquille et bienheureuse.


   

 

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan

 

 

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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 03:07



L'état de fatigue est tel que je n'ai pas d'autre choix
que faire la paix avec moi-même.
Mon esprit démissionne et fait confiance à mon corps.
Mon corps démissionne et fait confiance à mon esprit.
Je ne promets aucune révolution immédiate,
quand je ne renonce à rien de ce que je voudrais transmettre.
De progrès. De justice. Ou de démocratie.
Lorsque, à cette heure, mes ambitions n'ont rien de mégalomaniaque.
Lorsque, à cette heure, je sais que les suivantes me verront affiner ma pensée.
Puisque j'apprends tous les jours. Assez pour rendre humble.
Même si écrire est une immodestie. C'est aussi l'aveu que l'on n'a pas le dernier mot.
Que je chercherai toute ma vie en sachant que je ne pourrai pas l'atteindre.
J'apprends des vérités différentes des miennes. Qui m'apprennent la prudence.
Je voyage et découvre le monde, à chaque jour qui passe, même sur le kilomètre carré
de la petite ville médiévale où je me suis égaré sans pouvoir en sortir.
Perpignan est plus vaste qu'elle en a l'air. Et je le suis avec elle.
Chaque verrou que je fais sauter m'épuise aussi vrai qu'il me renforce.
Je ne promets pas de trouver de solutions. Quand j'aimerais être utile.
Pas pour être aimé, quand je le suis tellement et que je sais ma chance,
mais parce que c'est une exigence comme une éducation. Une raison de vivre.
Ma fatigue n'est pas une douleur. Elle est même agréable.
Elle me libère un peu. Et je peux l'accueillir.

Je sais dans les bras de qui j'aurai mon vrai repos.
Et je tiens sur mes nerfs jusqu'au moment béni de l'étreinte-refuge.
Où l'homme pourra se retirer. Redevenir un gosse.
Mais peut-être devrais-je cesser de mélanger les genres.
Quand je perds mes lecteurs entre philosophie, poésie et fiction, politique et romances.
Peut-être devrais-je séparer, pour être plus précis, les discours, les idées,
comme mes intentions, classer et ordonner chacune des disciplines,
lorsque j'ai parfois du mal à me positionner en faisant abstraction de certaines digressions.
Je ne prétends être que moi-même. Vous me pardonnerez.
Vous le faites sans doute si vous êtes encore là.
Je ne prétends pas être historien, philosophe, politique, journaliste, poète ou romancier.
Quand je ne suis rien de tout cela, et que je ne fantasme ni convoite aucun de ces statuts.
Je n'en ai rien à foutre. Je n'ai jamais cherché à être quelqu'un. Rien d'autre que moi-même.
Et c'est exténué que je me sens proche du but. De ce que je veux dire.
Je n'ai pas même l'intention de justifier mon travail d'une quelconque façon.
En disant par exemple que " si mon expérience personnelle pouvait aider des gens ",
comme on le sert souvent dans les éditions pour vendre de l'autofiction ou autobiographie.
Puisque le noeud de ma vie n'est jamais qu'essayer de comprendre ce qu'elle est.
Comprendre qui nous sommes. Ce que nous faisons là.

J'ai la faiblesse souvent de me présenter à mon avantage.
Mais je n'hésite pas non plus à plonger mes deux mains dans mes pires aspects.
Qui ne sont pas la suffisance, le narcissisme, et la paranoïa. Il y a plus grave sans doute.
Et j'ai l'idée chrétienne de vouloir progresser. Que Dieu existe ou non.
Je viens ici penser et sentir à voix haute tout ce qui me traverse.
Si je mélange tout, c'est parce que je suis mélangé.
De philosophie, de romance, de politique, d'histoires et de grossièretés.
Et en parlant d'Europe, je peux dire je t'aime à l'amour de ma vie, lorsque ça me bouleverse.
Ce n'est pas hors sujet. Ce n'est pas digresser. C'est même la même chose. Une même énergie.
Quand tout ça n'est que moi. Et que j'ai la paresse de faire croire que ce serait mieux que ça.
Quel Tartuffe je serais en m'inventant poète. Chroniqueur ou expert.
Spécialiste en quoi que ce soit. Quand je ne maîtrise rien de mieux que ce que j'écris là.
J'affirme sur une ligne, que les institutions prévalent sur toutes les politiques.
Sur la suivante, que je meurs d'amour pour un être que j'adule.
Que notre seul ennemi n'est autre que nous-mêmes quand nous aimons souffrir.
Et que personne au monde ne peut nous faire plus de mal que nous nous en faisons.
Au moment où j'abdique, prêt à aimer dormir, peut-être même à mourir,
j'embrasse la fatigue comme un cadeau précieux dont je fais une force.
Si je n'ai pas d'enfants, je leur écris quand même, que c'est extraordinaire d'être un être vivant.
Que c'est extraordinaire d'être là pour l'écrire. A quatre heures du matin. Une nuit de juin.
Qui restera fixée quelque part dans le désert du web. Parmi des milliards d'autres.
J'aime l'humanité. De ces gens que je sais à ceux que je devine.
De tous ceux qui sont là, et ceux qui ont été, comme ceux qui seront.
Quand nous sommes singuliers et la même personne.

Je suis trop épuisé pour pouvoir asséner.
Trop fatigué ce soir pour avoir peur de pouvoir me tromper.
Je me trompe volontiers. Je suis prêt à l'admettre.
Quand je n'ai plus la force de polémiquer et de croiser le fer.
Je n'ai que celle de faire durer la nuit et la douce faiblesse qui se répand ici,
cet alanguissement qui me porte vers toi, mon amour, qui apparaît toujours
au détour d'une ligne,
qui se déploie de ce côté-ci de l'ordinateur qui ne peut être le vôtre,
à moins que je sois vous, que vous ne soyez moi, et qu'il n'y ait plus d'écrans.
Peu à peu, avec moi, puisque vous êtes là, à ce niveau du texte,
vous glissez gentiment vers le bas d'une page où je vais m'endormir,
et daigner vous porter jusqu'à ce point final.
Que je retarde un peu pour dire que je vous aime.


  

 

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan

 

 

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Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

  Parolier / Discographie 

 

LaViedeChateauArtMengo

 

 BlondedanslaCasbahBiyouna

 

 

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OuvontlesHistoiresThierryAmiel

 

 

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        Compilation 2009

 

 

Compilation 2010 Universal

 

 

 

 

cinéma

 

MauvaiseFoi

 

 

 

 

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