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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 12:57

 

 

 

 

     
             
 
Texte original : Et l'univers entier...    
                                   
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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 21:44

7 juillet 2000 au Campo Santo de Perpignan (Estivales)

 

Le Compartiment ( Philippe Latger ) par Carmen Maura et Lambert Wilson

La Terre est Rouge ( Philippe Latger ) par Lambert Wilson

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29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 12:35

Lecture : Stéphane Facco (2007)

illustration : l'Esperit Català d'Antoni Tàpies

 

 

 

 

 

Ici la terre est rouge.
Le sang s'est répandu en granules de terre pour nourrir la vigne.
Elle pousse dans ma gorge.
C'est ici que je suis né.
Venus d'ailleurs mes parents ont fait l'amour à Perpignan.
C'est ici qu'ils m'ont donné le jour.
Notre-Dame de Bonne Espérance, priez pour nous pauvres pécheurs,
protégez nos coques de noix aux voiles catalanes
dans la baie de Collioure,
pour ramener le sel de l'anchois et les récits de l'aube.
Je suis loin de ma plaine, de cet écrin allongé entre Albères et Corbières,
remparts contre l'Espagne, contre la France...
le Roussillon est une île :

la dernière des îles Baléares,
amarrée au continent par erreur.
J'ai pris le large, mais je revois tout.

Perpignan...
ce nom est le souffle d'une poignée d'âmes, rocailleuses,

le dernier point de l'hexagone qui déborde ailleurs.
Les montagnes n'existent pas.
Les cordes gitanes claquent comme des coups de fouets.
Des mains lourdes de saintes vierges en or
tambourinent sur les caisses de bois,
et des voix écorchées par la douleur de l'exil, de l'amour impossible,
s'élèvent pour couvrir la clameur de la mer.
Les rues de Saint-Jacques croulent sous les forêts d'antennes,
les guirlandes de linge qui sèche, et les enfants qui jouent.
Une ville dans la ville, loin des platanes alignés sur la Basse.
Perpignan est gitane. En partie... depuis des siècles.
Et ses enfants meurent du Sida bercés par des litanies évangélistes.
Il y a deux villes. J'aime les deux.
J'ai pris le large. Je me suis réveillé sur les quais de New York.
Ceux où sont arrivées les colonnes de marbre rose de Saint Michel de Cuxa.
Le musée des Cloîtres de Manhattan expose notre art roman,
comme les rondeurs féminines de Maillol s'exhibent au Guggenheim,
avec la même innocence que sur la Loge.
Perpignan m'avait suivi jusque là.
Et j'ai entendu dans mon coeur le battement obsessionnel d'une Sardane.
Envie de partager ma nostalgie.
Parler à cet Américain de la Procession de la Sanch,
avec ses cagoules écarlates et ses roulements de tambours
et ses christs ensanglantés...
je cachais mon visage dans les jupes de ma mère à leur passage.
Ce ne sont pas les fantômes du Ku Klux Klan. Les pénitents.
Parler des cerises de Céret, des abricots mûrs et parfumés,
d'une pêche juteuse...
Parler des palmiers décoiffés par le vent, des roseaux sur les étangs,
des haies robustes de cyprès qui embaument, des frissons des peupliers,
des troncs nerveux des oliviers... le soleil.
Parler des exilés espagnols pour lesquels Hemingway avait combattu,
les Républicains parqués comme des animaux à Rivesaltes.
Parler des exilés des contrées nord-africaines,
revenus dans un pays qui n'était plus le leur.
Terre d'accueil sans en avoir conscience.
Parler des belles soirées d'été,
des petites ruelles bondées de tablées huileuses,
sous un étroit couloir d'étoiles, où les bougies vacillent dans les yeux,
se reflètent comme mille étincelles dans les verres de muscat.
Ici les gens parlent fort, et rient aux éclats...
tonitruants, volubiles, emportés.
Ces gens qui se prennent la main, en une ronde fraternelle, solennelle,
ensorcelée par la musique stridente des coblas.
Un peuple. Solidaire et fier, arrogant.
Parler de ces gens. Insoumis.
Chez moi, les buildings ne sont pas en béton et en verre.
Ils sont faits de Castellers.
Sept ou huit étages de rugbymen et de jardiniers, de guingois,
couronnés d'un enfant en guise de flèche d'acier Art Déco.
Perdu dans Manhattan, je sens la tramontane se lever,
et m'apporter les couleurs sang et or de mon île,
avec ses odeurs d'ail frais, de lavande et de poussière.
La beauté de ma ville n'est pas évidente.
Bien des gens la traversent en méprisant son pont sordide
sur le no man's land de la Têt.
Ignorant qu'ils passent à côté de son labyrinthe de rues escarpées,
sous le patchwork de ses toits orangés,
à côté de sa medina brune et rouge,
abritant des palais endormis, avec leurs façades de cayrou,
ces pierres rondes de rivière qui appellent le toucher,
que l'on caresse à pleine main,
à côté de ses petites places où chuinte une fontaine,
à l'ombre d'un platane centenaire,
à côté de sa vie nocturne, trépidante et conviviale,
avec sa jeunesse étudiante,
transpirant à coup de techno,
fière de la Makina de Valence et des raves du Rachdingue, si proche...
à côté d'une douceur de vivre balayée par le vent,
arrosée de Banyuls et de Maury,
bercée de vieilles chansons catalanes qui traversent les âges.
C'est outre-Atlantique que j'ouvre les yeux sur mon être,
que je sens violemment l'appartenance à mon peuple, à ma terre.
New York m'a pris par le col pour me rappeler qui je suis, d'où je viens.
C'est dans la terre de cette île que Maman est enterrée.
Ma racine, mon arbre, ma sève, ma peau salée, mon regard sombre.
Méditerranéen je suis. Catalan je suis devenu.
Par ma mère castillane qui renaît en vignobles au soleil,
je suis amarré à Perpignan
comme Perpignan est amarrée au continent... par erreur.
Maman a aimé cette ville,
où elle a fait l'amour à mon père avant de me donner le jour.
Maman est cette terre. Je suis son fils, fidèle, amoureux, malheureux.
Un avion descendra sur les pierres blanches de l'Aude,
et je verrai par le hublot la carcasse des Corbières.
Alors, mon regard sera flou, brouillé par l'émotion,
quand les couleurs rouille et brique des sillons
éclateront sous le soleil et le bleu insensé du ciel.
Mes couleurs, intenses, insoutenables de lumière.
L'avion bascule pour amorcer sa boucle sur la mer,
et je reconnais Salses, et Torreilles et Sainte-Marie.
La frange d'écume sur la plage de Canet et de Saint-Cyprien.
Le spectacle est grandiose et je suis saisi par mes souvenirs.
Le Canigou, Fuji-Yama vibrant dans une légère brume,
trône avec élégance comme un volcan redouté.
De la neige phosphorescente brille à son sommet.
Il veille sur le Roussillon.
Mystérieux, imposant, serein...
Alors, je reconnais le clocher de l'église Saint-Jacques
ou l'étoile du Palais des Rois de Majorque,
dans la débauche de toits désordonnés.
Je jette un oeil sur mon voisin qui, sans me regarder,
les yeux rivés sur le hublot m'adresse un sourire, sans un mot.
Il sait ce que je ressens, et il ressent la même chose.
Une émotion superbe, mêlée de tendresse et d'orgueil,
une fierté sourde qui irradie tout le corps d'un sourire apaisant.
Nous rentrons à la maison.
Perpignan... ma petite ville chérie... Maman.
Je suis toi. Je t'ai emmenée avec moi partout où j'allais.
Je ne t'ai jamais quittée.
Tu es toujours avec moi, dans mes valises,
dans mes veines, dans mes rêves.
Je ne reviens pas... je ne suis jamais vraiment parti.
J'irai prendre un café à la terrasse de La Bourse,
retrouver des amis qui n'ont jamais eu l'idée saugrenue de partir,
manger au pied de la Cathédrale ou place Arago.
Et j'irai voir la mer. La toucher, la sentir.
Ici, je suis en sécurité. A l'abri de tout.
Avec les gens que j'aime. Dans le ventre de ma mère.
Ici la terre est rouge.
Le sang s'est répandu en granules de terre pour nourrir la vigne.
Elle pousse dans ma gorge.
C'est ici que je mourrai.


 

 

 

 



Philippe LATGER
Mai 2000 à Montréal

 

 

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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 23:52

Lecture : Lambert Wilson (2002) / Musique additionnelle : Philippe Latger

 

 

La maison était un nid d'aigle
accroché au flanc du coteau.
La Garonne curieuse serpentait à ses pieds,
pour tenter de s'en approcher, d'en percer les secrets,
mais la maison trônait sur ses hauteurs, indifférente.
Elle nous accueillait dans son jardin, là-haut,
au bout d'un escalier surréaliste, entre les boutons de roses.
Un chien venait toujours nous faire la fête à la grille,
s'agiter dans nos jambes en piaffant d'impatience.
Ils étaient là, robustes, intemporels,
prêts à monter avec nous encore plusieurs marches,
et d'autres encore jusqu'au perron.
La grosse porte ouvrait sur son vestibule.
Maison de photographe,
refuge idéal pour une Isadora Duncan,
avec ses grandes fenêtres sur le fleuve,
et ses deux arches vitrées, en enfilade,
séparant le salon de la salle à dîner.
On s'embrassait et je pensais déjà au Gaveau
et sa caisse de bois qui cachait une harpe.
Le parquet ciré allait recevoir mon battement de pied,
pour ponctuer mes accords maladroits.
Il y avait un portrait sorti tout droit de Gatsby le Magnifique,
d'une mondaine venue de Boston ou de Biarritz.
C'était Georgette, notre hôtesse,
qui libérait pour nous de la bibliothèque
de fabuleux vestiges.
Une superbe collection de Jules Verne,

des cartes postales de l'Exposition Universelle de Barcelone.
1929. Toute une mythologie.
En découvrant le riche service de table Art Déco,
les coupes à champagne travaillées,
à martini pour le Nouveau-Monde,
j'entendais les rires dans une salle de bal
couverts par des clarinettes charleston endiablées.
Georgette était la vestale d'un monde étrange,
d'Orient Express et de courses de chevaux,
de voiles légers et de casques de perles,
d'une imagerie livrée par Agatha Christie.
Nous mangions à la grande table, en famille,
et j'obtenais vite le droit de gagner le piano,
dans la pièce voisine, où je forgeais mon univers.
Mes doigts hésitaient entre le rock et le jazz.
Une main était pop, l'autre était fox-trot.
La Garonne par la vitre m'emmenait à Bordeaux,
où m'attendait déjà un navire transatlantique.
Georgette m'avait emmené voir la France.
Un jour, Nîmes et Orange.
Un autre, Pau et Arcachon.
Mais elle m'avait surtout embarqué, sans le savoir,
dans une machine à remonter le temps.
Je n'avais pas adhéré à l'occupation allemande,

j'avais refusé la guerre et la collaboration.
Mon bateau de croisière partait pour 1929.
Barcelone-New York.
En plein Krach de la Bourse.
Je ferai le voyage avec une certaine Berenice Abbott
qui me fera part de sa passion pour la photographie.
J'ai entendu parler de George Gershwin
qui vient de composer An American in Paris.
J'aimerais le voir sur scène, au Carnegie Hall.
Et puis dîner ensuite au Cotton Club.
J'allais assister à la construction du Chrysler Building.
Voir les esquisses de Howard Cook,
les études de Hugh Ferriss, Charles Demuth,
et les couleurs mélancoliques d'Edward Hopper.
Alors, oui...
Antoni Gaudi est mort il y a plus de deux ans, sous un tramway...

J'ai appris la nouvelle aussitôt.
Mais dans mon voyage,
il a pu réaliser le projet de cet hôtel temple,
commandé par ce riche Américain à Manhattan.
Quand j'ouvre les yeux, les doigts sur le clavier,
les eaux de la Garonne coulent entre les arbres.
Le pont suspendu que je vois n'est pas celui de Brooklyn.
Je sais que le fleuve n'est qu'un passage.
Je sais que cette matière vivante,
qui a jailli dans la roche des Pyrénées,
est faite pour se nourrir de la terre occitane,
se pavaner sous la façade des Beaux Arts et le Pont-Neuf,
avant de faire plus loin encore,
une dernière révérence aux quais girondins.
La musique scandée qui bout dans mes doigts,
me répète que malgré les méandres,
le parcours est tracé de la source à l'océan.
Georgette m'accueillait dans cet observatoire,
une tour de contrôle dominant mon destin.
J'allais prendre des pierres de St-Gaudens dans mes poches,
des cailloux de Puylaurens,
de la terre du Lauragais pour planter du tournesol.
C'est de cela aussi que je suis fait.
Mes bagages sont bouclés.
J'emporte avec moi les parfums du verger,
quelques marches plus haut où le chien jappe et court.
J'emporte les stores de bois fermés sur le sapin de Noël.
J'emporte les éclats de rire dans la cuisine,
les bonnes farces et les chansons.
Je ne vis pas dans un roman de Dos Passos.
Je vis dans le rêve du bonheur que les miens m'ont donné.
Un rêve plus tangible que la réalité.
Les jeux de l'enfance, les secrets de châteaux,
les légendes du pays de Cocagne avec ses fantômes.
Les manoirs hantés qui veillent sur les vallées.
Le vieux vélo qui dévale la côte au milieu des champs

avec le grincement de ses freins usés.
Les orages terribles sur les pigeonniers.
Les ciels de ces nuits du mois d'août
qui crépitent de grillons et d'étoiles.
Le regard doux et serein d'une vache,
et le lait frais du matin qui me retourne l'estomac.
Le cri des canards et des oies,
la mélodie mécanique d'une boîte à musique.
Des sabres et des chapeaux dans les greniers poussiéreux.
L'imaginaire s'ouvre dans un passé retrouvé.
Mon orgueil catalan n'est peut-être après tout
qu'une fierté cathare.
Georgette était descendue de son portrait mondain,
pour pétrir le pain et la viande.
Toujours coquette, notre Louise Brooks
avait troqué son carré pour une mise en plis
et sa robe frangée pour un simple tablier.
Dans ses doigts vernis, le stylo de la cruciverbiste
était aussi élégant qu'un fume-cigarette.
Auprès d'elle, je distinguais aussi distinctement
le marché de Lavaur qui grouillait sous mes yeux,
que tous les casinos de la Côte d'Azur.
La maison sur la Garonne, aux portes du Capitole,
fut vidée et vendue.
Je me suis laissé porter à la dérive dans le flot.
J'ai suivi dans ce lit le parcours indiqué.
Au-delà de Bordeaux, j'ai rejoint d'autres quais.
Reste la maison de campagne avec ses esprits.
Comme une ancre lourde et inoxydable
engloutie au milieu de l'océan.
Je fais des brasses, en rond, tout autour,
croyant être libre et sans attaches,
comme un bouc tourne autour de son piquet.
Mais je sais qu'au fond, lesté par mes bagages,
le cordon élastique ne se rompra jamais.
Je revois les sourires en haut de l'escalier,
à peine distrait par l'agitation hystérique du chien.
La DS est garée sur la berge face à la grille.
Le Gaveau m'attend et la prémonition du destin.
Notre hôtesse exilée en Roussillon,
terre voisine mais étrangère pour l'Occitane,
vide son sablier entre ses doigts vernis,
entre deux promenades entre les rangs de platanes.
Elle repense peut-être à chacun des méandres,
les ponts et les îles, les obstacles franchis,
les joies et les peines qui mènent à l'embouchure.
Pardon pour mes fautes qui l'auront offensée.
Je dois dire je t'aime maintenant,
avant le retour à la source.
Je t'aime et merci pour les trésors de l'enfance.
Tous ces voyages, dans l'espace et le temps,
qui ont formé l'homme que je suis.
J'ai entendu Gershwin au Carnegie Hall.
Et je fais toujours la fête au Cotton Club.


 

 

 

 



Philippe LATGER
Montréal 2000

 

 

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  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

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