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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 23:26

 

 

Les dalles de béton sont brûlantes.
Le sable de la plage est brûlant.
Le goudron de la rue est brûlant.
Et pourtant, c'est pieds nus qu'on les arpente.
La plante résiste comme pour qui marche sur des braises.
Le cuir des sièges de l'auto est brûlant.
La portière comme accoudoir, vitre baissée, est brûlante.
Et pourtant, le temps du trajet, l'air chaud suffit à supporter la fournaise.
Ma peau est devenue cuir.
Un cuir tanné par le soleil.
Le dieu soleil... ma raison de vivre... ma raison d'être...
Comment ai-je pu survivre à un nouvel hiver ?
Un parfum a brisé la glace, un parfum m'a réveillé...
c'était au marché, à Paris... cette branche de tomate...
J'ai revu tout le Roussillon sous mes yeux.
Cette région de jardins maraîchers.
Mes artichauts, mes salades, mes asperges de Salanque.
La route bordée de platanes, entre Bompas et Ste Marie la Mer.
La résidence principale. La résidence secondaire.
Les quartiers d'été. Les grandes vacances.
Qu'est-ce que je fiche ici ?...
Les sandales pleines de sable.
Le délicieux picotement d'un coup de soleil.
L'odeur de la crème anti-moustiques ou de l'huile solaire.
La marque du maillot de bain.
Le goût chloré de la piscine.
Les dessins sous les jupes des arbres,
que fait le soleil sur l'eau par réverbération,
qui dansent comme des volutes de cigarettes en accéléré.
Ces reflets se balancent partout, jusqu'au plafond de la chambre,
en accord avec la clameur entêtante des cigales.

Mon vieux Montmartre crève de chaud.

La foule du 14 juillet cherche le chemin de la plage.
Je me fraye un passage entre touristes et saisonniers.
Le feu d'artifice, éjaculé au-dessus du Champ de Mars,
fait trembler la terre et bondir les coeurs dans les poitrines.
La nuit sera longue.
Et la saison, cette année, sera colombienne.
Je fume encore, malgré les avertissements et les alarmes.
L'Amérique latine pose un décor d'opérette, me fait parler espagnol.
Je cherche sachant que je n'ai nulle part où aller.
La plage seule est une destination possible.
Cette maudite branche de tomate...
elle m'a ouvert les poumons, elle m'a ouvert les yeux.
Je sens le froid intense de la brûlure, sur la voûte plantaire,
qui me fait courir en riant sur la plage jusqu'au sable mouillé.
Je sens la morsure du sel sur des plaies invisibles autour des ongles
alors que j'ouvre mes bras pour gagner encore quelques mètres
en une ultime brasse sous-marine.
Des tongs claquent sur des talons sur le ponton de bois.
Des filins tintent dans la forêt de mâts
de leur cliquetis métallique sur le port de plaisance.
Mon corps est fait pour l'été.
C'est mon métabolisme.
Mon patrimoine génétique.
Besoin du jour à dix heures du soir.
Besoin de la pleine lune énorme se levant sur la mer.
Besoin du trac délicieux de la nuit se levant sur l'amour.

La douche froide.

Pour enlever le sable.
Pour hydrater la peau.
Pour se caresser.
Les muscles se redessinent.
Le galbe de l'épaule. Celui du biceps.
Le bronzage souligne abdominaux et pectoraux.
Pas besoin de se sécher.
Quelques pas suffisent et tout s'évapore comme par magie.
La trace des pas. La trace des mains.
Sous la moustiquaire coloniale, le radeau blanc d'un lit.
Un seul drap, repoussé aux pieds pour être déjà de trop.
Un corps étendu, à rejoindre peut-être.
La trace des mains...
Le duvet sur la nuque a blondi,
doré sur la peau brune, à peine perceptible.
Cette peau restée claire sur les flancs et sous les ongles.
Tant de lumière. Tant de contrastes.
Les persiennes baissées.
Les reflets de la piscine au plafond.
Une transpiration familière, érotique.
La paresse d'une sieste.
Le crépuscule viendra nous réveiller.

Des corps dansent au bord de la mer.

Des corps qui se sont révélés, déshabillés,
pour plonger dans les vagues,
pour sauter au filet d'un beach volley.
Des mollets saillants sur des chevilles fines,
des cuisses tendues s'échappant de caleçons flottants.
Des poitrines gonflées et pesantes, ou pointées vers le ciel,
des hanches découvertes au maillot échancré.
La jeunesse exulte.
Elle insulte la vieillesse et les coeurs malheureux.
Des chiots agités, bagarreurs, fanfarons,
qui soulèvent la poussière comme hordes de chevaux.
Il y a le sourire amusé des filles de bandes,
qui dévisagent leurs rivales, celles qui arpentent la plage,
le rivage, par paires, marchant dans l'écume, l'air innocent.
Celui aguicheur qu'elles réservent aux sauveteurs
ou au jeune athlète baratineur qui vend ses glaces et ses beignets.
Trop grands pour faire des châteaux de sable.
Trop petits pour penser à la mort ou à la fin du monde.
Le soleil gagne la moindre parcelle d'ombre.

Aller pieds nus est un plaisir avant d'être un luxe.

Des margelles d'Ibiza aux chapes de Castelldefels,
des pelouses de Rosas à la terre battue de Barcelone.
Sentir le sol, ses moindres aspérités.
Sentir les petits cailloux se défiler avec la vague qui se retire.
Sentir la fraîcheur lisse du marbre ou les échardes de vieilles planches.
Sentir le monde. La terre qui tourne.
Les tiens fouillent le drap rejeté au fond du lit,
labourent le matelas entre deux sommeils, deux rêves peut-être...
d'un mouvement contrarié, presque brusque.
Le genou relevé, la cuisse a trouvé un endroit où le drap est plus frais,
où le lit est moins moite, et ton corps tout entier s'enlise à nouveau.
Le dos et les fessiers offerts au ventilateur qui tourne au plafond,
mollement, zébré du scintillement des eaux de la piscine,
tu as trouvé la position idéale pour refluer dans ton rêve.
Des petits cheveux collés au front, les tempes luisantes,
la joue écrasée sur le traversin trituré, tu dors sagement,
abandonnant ton corps sublime à ma seule conscience,
à mon seul regard à la fois subjugué et inquiet,
incarnes à merveille tout l'érotisme de la saison.

L'odeur de caoutchouc brûlé m'est revenue.

Celle de joints cuits par le soleil dans la 2CV sur la route de Ste Marie.
L'odeur de l'échappement mazouté d'un camion, transfigurée par la chaleur.
Celle du matelas pneumatique qui dérivait sur l'eau.
J'ai revu les mirages loin devant sur la route.
J'ai revu les ombres légères que faisaient des aiguilles de pins,
au fond de la piscine, en flottant à la surface.
J'ai revu ton corps allongé sur le ventre dans toute cette blancheur,
dans toute cette pénombre,
cette peine... perdue.
Le feu d'artifice du 14 juillet déchire le ciel de Paris, et mon âme...
Echos des détonations dans la poitrine, à l'infini.
La foule est désincarnée, anonyme, indifférente.
Il me faut prendre le large.
J'y serai en quelques brasses.
J'ouvre mes bras et avance encore de quelques mètres.
Sous l'eau. Encore et encore.
Et ce n'est qu'à ta bouche que je reprendrai ma respiration.
Remonter à la surface. Faire voler les cheveux d'un coup de tête.
Radieux.
Perlé d'eau de mer.
Et du plus beau sourire.

 

 

 



Philippe LATGER
Juillet 2006 à Paris

 

 

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