Le feu, depuis mon âme, dans mes bois descendit.
Et de mes champs en flammes, j'ai connu l'incendie.
Tout vint à crépiter, à noircir, à craquer.
Le vent précipitait mon bonheur détraqué.
Mes arbres calcinés, noyés dans la fumée.
Mes noyers décimés. Mes foyers allumés.
De troncs noueux, vrillés, quelques branches pendaient.
Les oiseaux s'enfuyaient, la mort se répandait.
Tout hurlait, éclatait, s'effondrait et sifflait.
Mes fourrés étouffaient. Mes sous-bois s'essoufflaient.
Des flancs du sang pissait, de charognes tordues.
La vie déguerpissait, à la nuque mordue.
Toute bête, au galop, cherchait à s'en sortir.
Affolé et ballot, j'hésitais à partir.
Et dans cette torpeur, j'ai perdu le berger.
La foudre avec fureur, foudroyait mon verger,
mes récoltes brûlait, mes troupeaux éventrait.
Dans l'air acidulé, l'horreur se concentrait.
Et moi, je titubais, tout seul, dans la tourmente,
dans ce feu qui gerbait une lie véhémente,
sa colère excitée, sa violence attisée,
dévastant ma cité, mon ciel électrisé.
Il fallait expirer, pour pouvoir respirer :
par mon souffle empirait le poison inspiré,
car c'était sur la braise que ma bouche soufflait.
Le cul entre deux chaises, le cou emmitouflé.
Je m'auto-asphyxiais. Je m'auto-suicidais.
Je buvais à l'excès la ciguë, décidé.
C'est moi seul qui avais flanqué le feu aux poudres.
Les mains je m'en lavais. Mais je dois en découdre.
Honte démaquillée. Le costume plié.
J'ai tout cassé, pillé, détruit et oublié.
Dans mon terreau fumant, le grain était méchant,
par ma peur inhumant mon futur alléchant.
Sur mon sol ravagé plut la consternation,
mon coeur endommagé et la désolation.
En terre absolument, il me fallait descendre
le corps de tes amants, cuisant là dans la cendre.
Dans ma vie déboisée, mon jardin attristé,
avant de le croiser, j'étais loin d'exister ...
Le miracle a eu lieu, venu de nulle part,
s'imposant comme un dieu sur la case départ.
Mon parc à ciel ouvert s'est mis à reverdir,
et sous ses pouces verts, j'ai fini par fleurir.
Je frémis sous ses doigts dont la chair me construit.
Dans ses yeux je me vois plus beau que je ne suis.
Et ma peur de se taire. Chenille ou papillon.
Il retourne ma terre, arrose mes sillons.
Sous son soc motivé bout ma fertilité.
Il sait me cultiver par sa vitalité.
Ma nature en sommeil vint à s'émerveiller.
Et puis sous son soleil, je me suis réveillé.
Mes fleurs à son toucher éclatent en couleurs.
Il est venu faucher le blé de ma douleur.
Et sa main m'accompagne dans le gouffre du temps.
Je serais la campagne, s'il était le printemps.
C'est la révolution, par l'Amour suscitée.
C'est ma libération. Je suis ressuscité.
Phoenix, je suis sauvé, renaissant de mes flammes,
de mes cendres lovées dans le four de mon âme.
Il m'a sorti du sang, de l'enfer, de la boue.
Il m'a sorti du rang pour me tenir debout.
Mon ciel s'est éclairci, les fantômes chassés,
ma clairière embellie, mes affaires classées.
J'ai relevé la tête, par son bras soulevé.
Il a tué la bête qui voulait m'achever.
Un fier cocorico vint percer le brouillard.
Rouge coquelicot, je me suis vu trouillard.
Oubliant le péché, le vice et la boisson,
sur ma terre asséchée j'attendrai la moisson.
Mes labours assainis, mes arbres élagués,
l'eau des cieux est bénie, sous mon passage à gué.
Mes torrents purifiés virent leurs alluvions.
Mon château fortifié, j'ai fui mes illusions.
C'est à lui que je dois cette reconstruction.
Je verdis sous ses doigts et sous sa protection.
La confiance rendue, j'ai enfin pu souhaiter
un avenir tendu à la félicité.
Renouveau génital. Bonheur invétéré.
Bouche-à-bouche vital. Je suis régénéré !
Philippe LATGER
Novembre 2001 à Toulouse