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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 17:08

 

 

Le feu, depuis mon âme, dans mes bois descendit.
Et de mes champs en flammes, j'ai connu l'incendie.
Tout vint à crépiter, à noircir, à craquer.
Le vent précipitait mon bonheur détraqué.
Mes arbres calcinés, noyés dans la fumée.
Mes noyers décimés. Mes foyers allumés.
De troncs noueux, vrillés, quelques branches pendaient.
Les oiseaux s'enfuyaient, la mort se répandait.
Tout hurlait, éclatait, s'effondrait et sifflait.
Mes fourrés étouffaient. Mes sous-bois s'essoufflaient.
Des flancs du sang pissait, de charognes tordues.
La vie déguerpissait, à la nuque mordue.
Toute bête, au galop, cherchait à s'en sortir.
Affolé et ballot, j'hésitais à partir.
Et dans cette torpeur, j'ai perdu le berger.
La foudre avec fureur, foudroyait mon verger,
mes récoltes brûlait, mes troupeaux éventrait.
Dans l'air acidulé, l'horreur se concentrait.
Et moi, je titubais, tout seul, dans la tourmente,
dans ce feu qui gerbait une lie véhémente,
sa colère excitée, sa violence attisée,
dévastant ma cité, mon ciel électrisé.
Il fallait expirer, pour pouvoir respirer :
par mon souffle empirait le poison inspiré,
car c'était sur la braise que ma bouche soufflait.
Le cul entre deux chaises, le cou emmitouflé.
Je m'auto-asphyxiais. Je m'auto-suicidais.
Je buvais à l'excès la ciguë, décidé.
C'est moi seul qui avais flanqué le feu aux poudres.
Les mains je m'en lavais. Mais je dois en découdre.
Honte démaquillée. Le costume plié.
J'ai tout cassé, pillé, détruit et oublié.
Dans mon terreau fumant, le grain était méchant,
par ma peur inhumant mon futur alléchant.
Sur mon sol ravagé plut la consternation,
mon coeur endommagé et la désolation.
En terre absolument, il me fallait descendre
le corps de tes amants, cuisant là dans la cendre.
Dans ma vie déboisée, mon jardin attristé,
avant de le croiser, j'étais loin d'exister ...

Le miracle a eu lieu, venu de nulle part,
s'imposant comme un dieu sur la case départ.
Mon parc à ciel ouvert s'est mis à reverdir,
et sous ses pouces verts, j'ai fini par fleurir.
Je frémis sous ses doigts dont la chair me construit.
Dans ses yeux je me vois plus beau que je ne suis.
Et ma peur de se taire. Chenille ou papillon.
Il retourne ma terre, arrose mes sillons.
Sous son soc motivé bout ma fertilité.
Il sait me cultiver par sa vitalité.
Ma nature en sommeil vint à s'émerveiller.
Et puis sous son soleil, je me suis réveillé.
Mes fleurs à son toucher éclatent en couleurs.
Il est venu faucher le blé de ma douleur.
Et sa main m'accompagne dans le gouffre du temps.
Je serais la campagne, s'il était le printemps.
C'est la révolution, par l'Amour suscitée.
C'est ma libération. Je suis ressuscité.
Phoenix, je suis sauvé, renaissant de mes flammes,
de mes cendres lovées dans le four de mon âme.
Il m'a sorti du sang, de l'enfer, de la boue.
Il m'a sorti du rang pour me tenir debout.
Mon ciel s'est éclairci, les fantômes chassés,
ma clairière embellie, mes affaires classées.
J'ai relevé la tête, par son bras soulevé.
Il a tué la bête qui voulait m'achever.
Un fier cocorico vint percer le brouillard.
Rouge coquelicot, je me suis vu trouillard.
Oubliant le péché, le vice et la boisson,
sur ma terre asséchée j'attendrai la moisson.
Mes labours assainis, mes arbres élagués,
l'eau des cieux est bénie, sous mon passage à gué.
Mes torrents purifiés virent leurs alluvions.
Mon château fortifié, j'ai fui mes illusions.
C'est à lui que je dois cette reconstruction.
Je verdis sous ses doigts et sous sa protection.
La confiance rendue, j'ai enfin pu souhaiter
un avenir tendu à la félicité.
Renouveau génital. Bonheur invétéré.
Bouche-à-bouche vital. Je suis régénéré !






Philippe LATGER
Novembre 2001 à Toulouse

 

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 16:58

 

 

Ta voix au téléphone, résonne, et m'électrise,
et sur l'électrophone, faisait ses vocalises.
Je l'ai gardée au fond de mon oreille émue.
Elle s'enroule au plafond et, dans ma chambre, elle mue.
C'est dans mon vestibule qu'elle pose son manteau,
monte comme une bulle et heurte le marteau.
J'ouvre mon pavillon, tous mes conduits pimpants,
pour que le tourbillon balaye mes tympans.
Ta voix est invitée à mes soirées de bal.
Dans mon intimité, la trompe d'Hannibal.
Et dans celle d'Eustache, glisse ton doux phrasé,
puis se tend, se relâche, avant de s'écraser.
De ces microsillons jaillissait ta chaleur,
comme un grand papillon allant de fleur en fleur.
Ce vent sur tous les tons, entrait dans mon séjour.
Sopranes et barytons se répondent toujours.
Je me nourris aussi de nos conversations,
l'échange radouci des communications.
Jouissive sonnerie d'un appel attendu.
Je tremble et je souris, à l'appareil pendu.
Je sens sous ton profil, le souffle au combiné,
qui vibre au bout du fil qui m'a embobiné.
Je te sens dans mon poing, toi et tes dérivés.
Ta voix part de si loin pour au coeur arriver.
Elle a su se frayer un chemin souterrain
sous le disque rayé de mon âme d'airain.
Elle creusait un sentier, dégageait une voie
dans mon corps tout entier où elle se fourvoie.
Tes airs, à l'unisson, au-delà des déserts,
me donnent le frisson, font bouillir mes geysers.
Je percevais tes ondes, aux sirènes pareilles.
De l'autre bout du monde, me venaient aux oreilles
la clameur d'une horde, le cri de ton organe,
ton instrument à cordes, ou le violon tzigane
qui s'accorde à mon corps, aux orgues de mon dieu.
Ta voix dans mon décor met de la poudre aux yeux.
Je l'aime à la radio comme dans l'écouteur,
sur une bande audio, lecteur ou projecteur ...
mais c'est sur l'oreiller que je voudrais l'entendre
pour être émerveillé et avoir su l'attendre.

 

 

 



Philippe LATGER
Novembre 2001 à Toulouse 

 

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 11:58

 

 

Emmène-moi ailleurs, sans attendre la nuit,
dans un monde meilleur où l'on rit de l'ennui.
Mène-moi loin d'ici pour aller droit devant,
sur ton tapis, assis, volant vers le levant.
Dans le vent emportés, sur tes nuages clairs
par le feu escortés, au-dessus des éclairs,
nous saurons affronter l'orage et le désert,
le tonnerre effronté, le vertige des airs.
Emmène-moi là-bas, au-delà des forêts,
des feuilles de tabac, des sapins décorés,
loin des champs de coton, des plaines calcinées,
des troupeaux de moutons, des villes dessinées,
des arbres décimés, des plages mazoutées,
du sang millésimé dans nos veines shootées.
Emporte-moi au loin, dans ces pays lointains
où l'on dort dans le foin jusqu'au petit matin.
Je veux voir le soleil, un océan d'oiseaux,
une lune en vermeil jouer dans les roseaux.
Emmène-moi courir sur la terre adoptée
où je pourrai nourrir des chevaux indomptés,
ce paradis secret où l'on est courageux,
où le sel est sucré, où l'amour est un jeu.
Peux-tu lever les fers d'une vie insultée,
pour aller voir la mer, et rire et exulter !
Mes valises levées seront vites bouclées.
De ton monde rêvé je veux avoir la clé.
Emmène-moi danser dans ta salle de bal.
Devenir fiancés en un rite tribal.
Je veux toucher le ciel, fouiller tous les envers.
Je veux goûter au miel de tous tes univers.
Je veux fuir les hivers, et les cirques glacés,
pour fondre tous mes vers au feu de mon passé.
Emmène-moi direct à la case printemps,
loin des regrets abjects et des affres du temps.
La neige c'est de l'eau. Le vent c'est des pensées.
La flamme est un halo que je veux dépenser.
Avec toi je vivrai, toujours de port en port,
et mon corps délivré sera ton passeport.
Je pourrai tout brûler, sauf mon désir pour toi :
ce goût acidulé me brûlera à moi.
Nous trouverons de l'or et des îles à tribord.
Tes yeux seront alors mon seul journal de bord.
Nous irons convoler en terres enchantées.
Emmène-moi voler sur des landes hantées,
dans les sombres manoirs, les superbes palais.
Nous irons nous asseoir sur des bancs de galets.
Nous roulerons nos corps dans les herbes et les prés.
Et si tu es d'accord, mon paquetage est prêt.
Emmène-moi ailleurs, peu importe l'endroit,
au pire ou au meilleur, car mon ailleurs c'est toi.






Philippe LATGER
Décembre 2001 à Toulouse

 

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 11:45

 

 

Rien ne vaut d'être aimé, adulé et chéri.
Que veut dire jamais quand le coeur est guéri ?
Coups de coeur ou coups bas, je n'en regrette aucun.
Rien ne vaut ici-bas de trembler pour quelqu'un.
Chair de poule soudain, quand j'entends son prénom.
C'est un coup de gourdin, pour un oui, pour un non.
C'est un coup de couteau, la foudre sur mon coeur.
Si l'amour est costaud, on est toujours vainqueur.
Je n'ai plus peur de rien. Rien à perdre à présent,
si ce n'est son soutien et mon désir cuisant.
Je lui donnerai tout, toujours, et sans compter,
mon énergie à bout, ma ferveur éhontée.
Rien ne vaut d'embrasser le bonheur sur la bouche,
ne pas s'embarrasser du peignoir sous la douche.
Sans avoir à punir tous ceux de ma tribu,
je peux me démunir de tous mes attributs,
oublier mon passé, ce qui faisait de moi
un homme compassé, mes valeurs et ma foi.
L'amour a dénoué le bandeau sur mes yeux.
Il a su déjouer notre sort insidieux.
Je m'envoûte aux parfums du jasmin, du henné.
Se lier à quelqu'un, ce n'est pas s'aliéner.
C'est reprendre ses droits, trouver sa liberté,
le pouvoir d'être soi, recouvrer sa fierté.
Au-delà des tabous, je vais contre le vent
qui me maintient debout, sait me rendre vivant.
Rien ne vaut la chaleur de ses épaules nues.
Je me ris du malheur, des angoisses connues.
Je me fous du savoir, du succès ou des cieux.
Rien ne vaut de valoir quelque chose à ses yeux.



 




Philippe LATGER
Décembre 2001 à Toulouse

 

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 11:28

 

 

Je n'ai plus de folies. Et je n'ai plus de thunes.
J'ai ouvert grand mon lit pour la septième lune.
Seul mon amour est fou. Je n'ai pas d'autres camps.
Si je ne sais pas où, si je ne sais pas quand,
je sais bien que c'est toi. Je sais bien que c'est nous.
Je le sens dans mes doigts. Je le veux à genoux.
Je n'ai plus de folies. Seul mon coeur m'importune.
Tout le ciel a pâli sous la septième lune.
Si je n'ai plus d'argent, plus riche que jamais,
je regarde les gens et je sais que j'aimais,
que j'aimerai demain et que j'aime aujourd'hui.
Je le vois dans mes mains. Je le lis dans la nuit.
Je n'ai plus de raison, je n'ai plus de fortune.
Je n'ai que ta maison dans la septième lune.
J'ai perdu ma rancoeur, le venin, le poison.
Tu me donnes du coeur, éventres mes prisons.
Six mois miraculeux ou un conte de fées.
Le visage anguleux. Un lien plus-que-parfait.
Je n'ai plus un euro, je n'ai plus une thune.
J'ai trouvé le héros sur la septième lune.
Fauché comme les blés, le blé, je l'ai planté,
je me suis attablé aux rêves supplantés,
au désir harponneur. L'argent sent le moisi.
Du fric ou du bonheur, c'est toi que j'ai choisie.
Si j'avais tout perdu, j'ai trouvé ma fortune :
c'est toi qu'on m'a rendue sous la première lune.
Mes yeux reconnaissants l'ont reconnu à temps.
De cerceaux en croissants, l'astre est un coeur battant.
Sur mon oeil imprimé, il éclaire les dunes.
Je vais tout arrimer à ma septième lune.






Philippe LATGER
Décembre 2001 à Toulouse

 

 

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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 11:14

 

 

Il a perdu sa mère et des amours polies.
Il a pleuré la mer, invoqué la folie.
Du destin affranchi, il dénoua les liens.
L'Atlantique franchie, il regretta les siens.
A New York arrivé, de Montréal parti,
se laissant dériver, pour le temps imparti,
il cherchait le ressort de son propre destin.
Il maudissait le sort, le vin de ses festins.
Des liasses de dollars laissées sur les comptoirs,
crachées comme mollards lâchés sur le trottoir,
son verre remplissaient, d'alcool et de désirs.
Il buvait puis pissait sa honte du plaisir.
L'ivresse et l'abandon étaient son quotidien,
vomissant le pardon sous d'autres méridiens.
Les escortes payées pour ébranler son lit,
les amants balayés, noyés dans sa chienlit,
les rares prétendants, les amoureux transis,
ont tous été perdants de Brooklyn à Chelsea.
Il a traqué l'espoir dans les aéroports,
vanté le désespoir comme ultime support,
source de création et de bonheur tordu,
cour de récréation pour une âme perdue.
Il a cherché l'issue, limousine ou taxi,
la Cinquième Avenue, son avenir occis.
Il a cherché la mort, le soir, ivre au volant,
les limites du corps, le coeur sanguinolent.
Voulant payer le prix, mais sans gagner sa vie,
il but avec mépris tout le butin ravi,
dépensa sans compter, ni compter sur personne,
ce dans tout le comté, et jusqu'à Barcelone.

De son bonheur tari il paraissait comblé.

Il revint à Paris fauché comme les blés.
Il avait tout fumé, tout pris, tout embrassé,
tout brûlé, consommé, tout vu et tout brassé.
Il ne reconnaissait ce qu'il avait osé.
Toute sa vie passée lui donnait la nausée.
On le croyait fini. Il se pensait mauvais.
On le croyait puni. Il se savait sauvé.
Ces impasses voulues, empruntées de surcroît,
furent pour lui, moulu, tout un chemin de croix.
Lavé de ses péchés, il parvint à genoux,
à venir se cacher, dans ses terres, chez nous.
Nous l'avons accueilli, un peu embarrassés.
Il m'a semblé vieilli. Il m'a vu terrassé.
Nous avons fait pour lui ce que nous avons pu.
Il est resté la nuit, guérir sa vie rompue.
Son cynisme brisé vint à s'évaporer
sous le soleil grisé de sa mer adorée :
la fin de la tempête et le ciel pur d'après.
Il redressa la tête et son coeur était prêt.
C'est alors qu'est venu, un ange bienveillant.
Un souffle contenu. Un sourire saillant.
Pas de mauvais bagou, mais de l'effervescence !
Il a repris le goût, il a trouvé le sens.
Ce regard averti a fait fondre sa glace.
Cet amour l'investit et le remplit de grâce.
Son coeur comme fusée, explosa sous mon nez.
Tout le parcours usé, au but l'avait mené.
Au Diable le passé, l'errance et les impasses !
Il faut, j'en sais assez, que jeunesse se passe.



 



Philippe LATGER
Janvier 2002 à Toulouse

 

 

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 21:29

 

 

La foudre est tombée sur la tour Eiffel.
La zébrure a crépité de biais, pour éteindre le phare parisien.
Une décharge phénoménale, comme il en tombe sur le mât de l'Empire State Building.
Les rideaux phosphorescents se balancent, comme dans le couloir d'une maison hantée.
J'ai ouvert toutes les fenêtres pour changer l'air de l'appartement.
La fraîcheur bienfaitrice peut enfin prendre place,
souffler sur l'épaisseur d'une poussière stagnante.
Il y a enfin de l'air. Des courants d'air.
Et les rideaux surfent dessus comme des méduses dans l'obscurité.
J'ai tout éteint. Toute source électrique.
Seule la lumière de la rue entre dans la chambre comme une lumière de pleine lune.
Une lumière orange, presque rouge,
anéantie, dévorée régulièrement par les flashs voraces des éclairs.
J'ai tout ouvert. J'ai tout éteint.
La nature reprend le dessus. La nature reprend ses droits.
La vie humaine se fige.
Des voisins se sont flanqués à leurs fenêtres pour admirer le spectacle.
A la fois éblouis, ravis et craintifs. Impressionnés, de toute façon.

Le vent s'est levé d'un coup.

Des portes et des volets ont claqué.
Des bruits de déménagements, de chutes d'objets, de bris de glace.
Et l'eau est tombée du ciel. Providentielle.
Le Salut vient souvent du ciel. Comme le soleil.
Le soleil et l'eau...
Nous sommes des plantes vertes.
Des végétaux déguisés en animaux.
La noirceur est arrivée avec le clapotis lourd de gouttes amples et compactes.
Un début d'averse en crescendo, comme pour une pluie de grenouilles et de crapauds.
Qui viennent s'écraser au sol de façon éparse d'abord,
avant que le processus ne s'intensifie soudain.
Quelqu'un en bas avait tiré sur la corde,
sans savoir ce qui tenait en équilibre au-dessus,
et les premiers gravats neigeaient déjà,
annonçant un déluge aussi catastrophique qu'irrémédiable.
L'écume de la déferlante.
La pluie prenait son élan. Tandis que la lumière réduisait.
La nuit est tombée vite ce soir.
Les éclairages publics n'étaient pas programmés pour si tôt.
La rue s'est retrouvée dans des ténèbres inhabituelles.
Des bourrasques de fin du monde faisaient voltiger des choses sorties de nulle part,
les avaient débusquées et tirées de leur oubli pour les faire valser dans la rue.
Et puis, la lumière artificielle s'est réveillée, trop tard,
débordée par des éclats de lumière du jour, stroboscopiques.
Chaque éclair révélait l'embouteillage de cumulo-nimbus sur Paris.
La foudre est tombée sur la tour Eiffel.

J'ai tout ouvert. J'ai tout éteint.

Téléviseur. Ordinateur.
Toute activité est suspendue.
Comme ma respiration.
Quelle probabilité que la foudre tombe chez moi, tombe sur moi ?
Serait-ce une belle mort ? Foudroyé en caleçon à sa fenêtre...
Dans la fleur de l'âge, la fleur de la nuit, la fleur de l'été.
L'éclair s'abat comme l'Esprit Saint. Raide comme la Justice.
Et la Justice est aveugle. Dieu aussi. La Mort aussi.
La Nature est un monstre.
Un monstre qui nous nourrit. Un monstre qui nous ignore.
Seule la vie est sacrée, malgré elle.
La vie humaine ne pèse pas lourd.
Elle n'a de prix qu'aux yeux des humains.
Que pèse un homme face à un cumulo-nimbus ?
Que pèse un homme face au cycle immuable de l'eau,
aux chemins aléatoires de l'électricité, aux écosystèmes,
aux causes et aux effets ?...
Chaque coup de tonnerre est une gifle à notre orgueil.
L'égo se rétracte : tentacules oculaires de l'escargot.
L'homme rentre dans sa coquille. Ou s'agenouille.
Il se tapit. Se fait petit. Se fait oublier.
Que la foudre ne tombe pas sur moi...
S'il vous plaît... pas sur moi.

L'orage exulte.

Il m'exalte.
Mes rideaux dansent voluptueusement,
fêtant la tempête et le désordre.
Est-ce que je crois en Dieu ?
A qui ai-je dit S'il vous plaît ?...
A la providence ? Au hasard ?
La Nature est aveugle... et sourde !
A qui me suis-je donc adressé ?
A qui ai-je fait cette honteuse prière...
Pas sur moi ?...
La tourmente libère autant l'égoïsme que la superstition.
Nous avons bâti des logements, des villes, des routes et des cathédrales.
Nous avons canalisé l'électricité, le vent et l'eau pour animer nos machines.
Nous avons composé des requiem, voyagé dans l'espace.
Quel genre de végétaux déguisés en animaux sommes-nous ?
La génétique. Le nucléaire...
Les abeilles auraient-elles fait voler des avions, elles,
si elles n'avaient pas eu d'ailes ?
Les fourmis n'ont pas inventé la roue, ni le moteur à combustion.
Et l'homme n'a pas inventé l'esclavage...
Derrière les barreaux de mes fenêtres,
je vois des visages fascinés à leurs balcons
qui regardent vers le ciel...
Nous avons encore à apprendre.
Nous maîtrisons si peu de choses.
L'homme n'est jamais aussi grand
que lorsqu'il se sait petit.

C'est comme être face à la mort...

Face à sa propre mort.
Soudain, les factures n'ont plus d'importance.
Les hiérarchies sociales sont balayées.
Nous sommes tous égaux.
Face à l'orage...
Il n'y a plus d'ambition, de compétition, d'hypocrisies.
Plus de jeux de rôles. Plus de raisonnements.
Tout ce petit monde tremble, menace de s'écrouler.
Poussière. D'étoiles ou d'autre chose.
Nous sommes poussière.
Et le vent de l'orage souffle sur notre épaisseur stagnante.
La pluie génératrice.
La purification par le feu.
Figés face à notre condition,
la crainte et le soulagement se mêlent en nous.
Aussi forts l'un que l'autre.
La peur de n'être rien.
La peur d'être quelque chose.
Le soulagement d'être quelque chose.
Le soulagement de n'être rien.
Tout cela résonne à chaque coup de tonnerre.
Comme une vérité venue d'ailleurs, ou de nous-mêmes.
La foudre est tombée sur la tour Eiffel.

J'aime l'odeur de la campagne après la pluie.

L'odeur de l'herbe après l'arrosage du soir.
Paris sent bon aussi, après l'orage.
Les toits lavés, les trottoirs rincés, les feuillages ranimés...
Une bonne douche pour repartir du bon pied.
Le retour à la normale. Ou presque.
Il y a des factures à payer, certes...
Mais ce qui paraissait insurmontable
semble bien dérisoire lorsqu'on a failli mourir.
Le monde a failli mourir, à chaque tempête, à chaque orage.
Le phare de la tour Eiffel tourne à nouveau dans le ciel,
comme s'il ne s'était rien passé.
Pourtant, il s'est passé quelque chose :
je suis heureux d'être toujours là pour le voir tourner.
Et je le regarde... comme si je le découvrais.
Comme les gens se sont regardés dans la rue, dans la panique...
Dans la catastrophe, l'humain fraternise, se serre la main, se serre les coudes.
L'humain prend conscience de lui-même, prend conscience des autres,
découvre qu'il a des voisins, des contemporains, des congénères ou des frères.
On court sous la pluie et des regards se croisent : on se sourit.
Bonjour : vous existez... j'existe aussi.
Demain, on se croisera, sans s'adresser la parole,
tout rentrera dans l'ordre.
Ambition. Compétition. Factures.
Mais ce soir, la foudre est tombée sur la tour Eiffel.
J'ai tout ouvert...

 

 

 



Philippe LATGER
Juillet 2006 à Paris

 

 

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 12:42

 

 

L'éblouissement. A ta bouche. A ton souffle. A ton âme.
A tes regards qui me sortent par les yeux. Enflamment le pigment.
A mes mains faites pour ta nuque. A tes ongles dans ma peau.
A tes cils qui m'éventent. A tes larmes à mes lèvres.
A ton bras replié sur mes hanches. A tes hanches qui s'évasent.
Tes chevaux qui s'évadent. A mon coeur qui s'évide.
A nos vases communicants. A nos fleurs solitaires.
Et nos peurs de disparaître dans l'autre.
A tes veines qui palpitent. A ta fièvre qui bourdonne.
A mes tempes qui résonnent. A mon pouls qui s'emballe.
Tes cheveux tourbillonnent comme volutes en spirales.
A tes jambes à mon cou. A mon sexe captif.
Et le désir de se dissoudre dans l'autre.

Au sourire au menton. A la langue à l'oreille.

Aux rouleaux d'océans. A l'écume, aux embruns.
A tes doigts innocents. A mes orgues, à tes cordes.
A nos choeurs consacrés. A ton nom. Ton parfum.
A ta voix qui se fraye. Aux chemins infinis.
Aux arènes encerclées. A mes taureaux exsangues.
Aux plaisirs volatiles. Sur le bout de ma langue.
Mille odeurs de paresse. De lumières en brasiers.
Et nos peurs d'exister ou d'apparaître à l'autre.
Aux étreintes invisibles. Aux liens inaliénables.
A tes cils qui m'inventent. Mes iris qui te créent.
Mes voeux qui t'imaginent. Et nos élans secrets.
Aux sécrétions tactiles. Aux substances de mort.
Aux appels érectiles. Horizons et aurores.
Plus beaux que la réalité.

Je n'avais pas vécu. Je n'avais pas été.

Moi qui craignais de me fondre. De me perdre.
J'existe enfin pour exister à tes yeux qui me fixent.
Qui me clouent au plafond. Qui crèvent l'édredon.
En une pluie de plumes. A nos corps qui écument.
Et tu sais être en vie. Et je sais être en manque.
Tu es la condition. Quand je suis le problème.
A tes pas qui s'en vont. A ton rire qui s'éloigne.
A ton dos qui se tourne. Et la porte emportée.
En orages qui souffrent. Du phosphore et la foudre.
Et la noirceur superbe qui révèle l'empreinte.
De silence et d'oubli. D'un espace sans toi.
Qui m'aspire et m'abîme. Me fustige et m'éreinte.
La chaleur de ton ventre où j'aurais, endormi,
rêvé d'être à nouveau, au plus près de moi-même,
au plus profond de toi, déshabillé du temps,
de mirages ou de pièges, face à face, en dedans,
au plus vrai que l'on puisse. L'histoire est suspendue.
Les rivières immobiles. Et l'Eden s'est perdu.

Narcisse veut son miroir. Mais il a ton image.

La plus belle de toutes. Un échange est possible.
A tes doutes touchants. A mes vagues d'angoisse.
A nos mers agitées, nos torrents qui affluent,
dont le fleuve a besoin, dont le ciel se nourrit,
à nos pluies de baisers, l'hydratation vitale.
Retrouvailles solaires. Tout s'arrête ou reprend.
A ta bouche. A ton souffle. A ton âme.
Enfin libres.

 

 

 



Philippe LATGER
Novembre 2009 à Paris

 

 

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 12:38

 

 

 

 

ILS RIENT...
Et si tu oublies le T
ça fait rien.

 

 



Philippe LATGER
Septembre 2009 à Paris

 

 

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 12:24

 

 

La bâtisse, éblouissante de blancheur, se dressait sous les pins et les eucalyptus,
au-dessus desquels s'ouvrait un ciel immense.
Sous la jupe des arbres, scintillaient les volutes de reflets indisciplinés que le soleil
faisait danser par réverbération sur l'eau de la piscine.
Une eau claire, translucide, à peine frémissante, dont la surface aveuglante
était comme une feuille de papier aluminium que l'on aurait froissée joyeusement.
Dans un tintamarre assourdissant de cigales, des enfants couraient dans les allées,
ivres de joie, lorsqu'ils sortirent de la maison. Habillés de vêtements amples
aux couleurs vives, les adultes descendirent les marches du perron de la cuisine
avec des plats de viandes, des salades fraîches, et des coupes de fruits.

Je reconnaissais la tante Maria, Juliette, l'oncle Esteban, des cousins, plus âgés, radieux,
dont les pans de chemises ouvertes ou les paréos flottaient dans la brise,
prolongeant leurs mouvements harmonieux, cédant la place au bel homme qui apparût
- mon père - qui en m'apercevant m'adressa son plus beau sourire.
Mais il se détourna très vite pour lui ouvrir cérémonieusement le passage.
Les cheveux relevés en chignon, dégageant sa nuque et ses épaules, la peau laiteuse ...
 

Elle sortit à son tour de la maison dans une robe sans formes, qui prenait la lumière
pour l'envelopper d'un halo, effaçant tout tout autour d'elle, et,
s'arrêtant sur les marches pour balayer le parc du regard comme si elle cherchait quelqu'un,
ses yeux se posèrent sur moi et son visage s'illumina.
Maman ! criai-je en m'élançant comme un fou.
Elle ouvrit grand les bras en descendant à ma rencontre et j'ai couru, de toutes mes forces.

Nous étions très proches, sur le point de nous embrasser, et cet instant dura.
Anormalement. Alors que je courais toujours. Quelque chose m'empêchait d'avancer davantage.
La distance se distordait. Le ciel bleu sans nuages, changea de couleur.
Et les cigales se sont tues. La famille avait disparu.
De la boue épaisse remontait du fond de la piscine.
Les contrastes d'ombres et de lumière dans le parc s'effacèrent. Tout était gris.
Et les pins devinrent d'horribles arbres morts, comme calcinés par un incendie.
Maman se tenait à deux mètres de moi, et je ne pouvais l'atteindre.
Ma course était ralentie par une force contraire. Mes pas étaient lourds, s'enfonçaient dans la neige.
Immobile, quand j'avançais toujours, elle s'éloigna sans bouger, m'échappait, et comme je l'appelais,
hors d'haleine, elle finit par se détourner de moi pour relever sa capuche.
Les gargouilles de terre cuite aux têtes de tigres se mirent en mouvement, alors que les murs
de la maison s'allongeaient, que les pentes du toit s'accentuèrent vertigineusement.
L'eau de la piscine était glauque, peuplée de crapauds et d'animaux en décomposition.
Les palmiers devinrent fourchus et menaçants sur un ciel d'apocalypse, et les tigres des gargouilles,
en chiens de l'enfer musculeux, sautèrent des terrasses soudain hors de portée,
pour se masser autour de ma mère et me dissuader de continuer.
Dans sa robe de bure, j'eus l'impression que les molosses lui obéissaient
et compris qu'ils n'étaient pas venus l'emprisonner mais la protéger.
Puis que cette silhouette qui me tournait le dos n'était pas celle de ma mère.

 

 

 


Philippe LATGER
Août 2009 à Paris

 

 

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