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1 février 2014 6 01 /02 /février /2014 01:55

 

 

J'en veux. J'en viens.
De cette lumière froide, clinique, acier, tranchante.
De ce soleil d'hiver comme on en trouve au Québec.
J'en veux encore. Avant que le printemps ne vienne.
Céret en pleine gloire. Les ombres sur les façades nues.
De platanes sans feuillages. De platanes immenses, impavides et secs.
Sur du bleu qui me brûle les mains même au fond de mes poches.
J'en viens. Je me réchauffe. Aux rayons qui frémissent au coin d'une terrasse.
La lumière est meilleure pour prendre des photos. Meilleure qu'en été.
Que lorsqu'il fait trop chaud. Que le soleil au zénith est trop haut.
Qu'il dévore tout. Les contrastes. Les mystères. Qu'il écrase les villes.
Ici, en ce jour, il les frôle, il les rase. Il s'encline pour faire quelques effets.
J'avais consulté, fébrile, les prévisions, quotidiennement, de Météo France.
Choisi la date. Avec le trac au ventre. Entre passages nuageux et averses.
Ils annonçaient du beau fixe pour ce dernier jour de janvier.
Qui était mon dernier jour de chance.
J'ai promis ces photos. Le ciel est avec moi. Et avec mon esprit.
Je traverse Perpignan en trottant, courant presque,
pour la gare routière où je prendrais un bus, n'ayant pas de voiture.
Contre la coque colorée du Centre del Mon, des dizaines de quais.
Un chauffeur que je salue. A qui je paie ma place.
L'autocar dans ses éructations s'ébranle pour dériver.
S'élance sur la route. M'arrache à Perpignan.
J'ai envie de pleurer. Je ne sais pas pourquoi. La journée est superbe.
Le Canigou somptueux. Trônant dans nos fenêtres. La plaine du Roussillon.
Qui m'échappe. Me caresse. Et j'en veux. Et j'en viens.
A la vitesse molle d'une allure de rien.

Le soleil sur la neige. La neige sur les sommets.
Au-delà de nos vignes. Au-delà des clochers.
Nos montagnes sont bleues et de blanc dévorées.
Le lieu où je vais est un autre pays. Celui du Vallespir.
Où j'ai été reçu la semaine passée. Et j'en veux. J'y reviens.
Pour prendre mes photos. Une journée sans pluie.
J'avais promis. Et j'y retourne. Céret, me revoici.
Je descends cette fois au tout premier arrêt.
Je veux prendre les ponts. Je veux prendre les trois.
Ces trois ponts délirants. Côte à côte. Sur le Tech.
Et me voici à pied seul au bord de la route. Je marche le coeur léger.
Vers l'arche fantastique qui franchit la rivière au bon vouloir du diable.
Construction médiévale. Et sa modernité. Qui m'ensorcelle et me fascine.
La campagne est paisible. Presque fumante. S'étirant à midi.
Et je sais déjà que je vais carburer, que j'aurai ce que je suis venu chercher.
Le village, plus bas, sommeille sur ses ravines, épouse des collines,
sur le flanc des Albères qui s'enfuient vers la mer.
La lumière. J'en veux. Me fait étreindre l'air que je sens sur la peau,
chaud et froid à la fois, comme aux jours de soleil qui s'invitent en hiver.
Le pont du chemin de fer. J'aime cette architecture. Industrielle.
D'une révolution. Les halles des marchés comme les halles de gares.
Dans les vallées, ce que l'on nomme si justement ouvrages d'art.
Pour conduire des trains au-delà des obstacles, au bout de nos délires.
Le pont du chemin de fer se reflète dans l'eau comme le Pont du Diable.
Et je suis comme un gosse. Je mitraille. Je panique. Je m'arrête.
Tout est trop beau. Partout. Et je ne sais où donner de la tête.
Je descends des sentiers pour m'approcher de l'eau.
Passer sous les jupes. Sous les arcs. Cherchant de nouveaux angles.
Aveuglé par le jeu du soleil et des flots.

Dans la nature heureuse, j'ai pu passer ma main
sur les aberrations dues à la main de l'Homme.
Fou de joie à la débauche démente de choses belles à voir,
à ce point de rencontre de tant d'intelligences.
J'essaie de tout saisir. De tout retenir. Je veux tout.
Et je m'épuise comme aux fins des orgasmes.
Vidé de moi-même. Je m'éloigne du fleuve pour aller au village.
Des maisons s'éparpillent sur de fausses falaises. Et j'avance.
Dans les rues où l'urbain se réveille. La ville se densifie.
Les mimosas qui osent tant de jaune et de vert aux jardins suspendus.
Et j'ai hâte d'arriver aux cours qui servent de boulevards pour y prendre un café.
Je suis un mauvais peintre. Mais je prends des photos.
Pas pour faire du beau mais pour faire exister.
C'est ce que je veux faire. Saisir et faire rester.
Baiser la gueule au temps. Lui arracher l'instant.
Fixer ce qui a été. L'empêcher de vieillir. L'empêcher de mourir.
C'est avec cette rage que je prends mes clichés. J'aimerais tout garder.
Ma progression est lente quand je suis ralenti par tout ce qu'il faut prendre.
Puisqu'aux rues que je monte, la République, St-Ferréol, le soleil rend aimables
de longs alignements de façades modestes aux couleurs sublimées.
C'est doux et c'est violent. Comme l'homme sait l'être. Tout comme ce pays.
Qui vous aime et vous mord, vous veut et vous insulte.
J'aimerais être en terrasse. Profiter du soleil. Et ne penser à rien.
Mais je suis arrêté tous les trois pas peut-être par un nouveau tableau
qu'il me faut honorer, qu'il me faut encadrer dans mon petit smartphone.
Une contrée de liège, de pierre et de fagots, de cerisiers qui saignent,
comme au sang des taureaux, d'exilés pathétiques. Sardanes et Flamenco.
Et tout devient ivresse. Quand je sens le passé qui me tire vers le haut.
Au soleil irréel d'un hiver qui s'amuse.

De l'Espagne qui s'agrippe. J'en veux. J'en viens.
Quand des Républicains mêlés aux Catalans savent faire un seul peuple.
Si moi, je suis un traître, quand je ne suis ni l'un, ni l'autre, je le crains,
je deviens l'un et l'autre pour être ce que j'aime lorsque j'aime les deux.
Je marche vers le ciel. Je marche sous du bleu. D'une pureté criante.
Elle me hurle une essence qui vient me diluer comme un amas de gouache.
Je m'étale aux trottoirs parmi de longues ombres qui rampent avec moi,
celles de vieux platanes dessinés sur l'allée comme autant de panaches.
Je retrouve le Musée. L'effet de la courbure d'un canyon merveilleux.
Où se promènent toujours quelques jeunes, quelques vieux,
et une foule de fantômes.
Et des morts m'accompagnent, avec tous les absents,
qui m'escortent partout où je me sens heureux.
La mère qui n'est plus comme l'homme que j'aime.
Les amis qui ne sont pas si loin et ceux que j'ai perdus.
Je ronronne en hiver aux marches de mes terres, Catalogne ou Castille,
quand je suis un bâtard ou fils des ennemis criblé de banderilles.
Le café est servi. Je le prends avec toi. J'en aime l'amertume.
Au soleil qui s'incline, qui décline, même aux jours qui s'allongent.
Il me faut faire vite. Je n'ai qu'une heure ou deux.
C'était la bonne date pour croquer dans Céret.
Mes croquis de pixels. La Douleur de Maillol. La fontaine des neuf jets.
Aux lumières d'été qui se pensent hivernales. Aux lumières du froid.
A celles des frontières. Et celles des Pyrénées.
Aux lumières de chaleurs en Méditerranée.
J'en veux. J'en viens.
Janvier. 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 23:06

 

 

Non seulement je suis croyant,
mais je crois que Dieu se fout éperdument de ma sexualité.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 23:41

 

 

C'est bizarre. Quand j'y pense. Vraiment. Tout ça est bizarre.
Il fait nuit. Il pleut. Il tombe de l'eau du ciel.
Bien sûr, je sais. L'attraction terrestre. On m'a expliqué.
Je suis au courant. L'eau ne peut pas partir dans tous les sens.
Je suis d'accord. Donc, elle tombe du ciel vers le sol. Avant de s'évaporer.
Mais l'eau, déjà, rien que l'eau, quand on y pense... c'est bizarre.
L'humeur. Une autre chose que l'on peut m'expliquer. Que je ne comprends pas.
Nous sommes fin janvier. Il fait nuit. Il pleut. Je suis seul. Dans mon lit.
Et l'humeur... Comment est-ce possible ? Je suis heureux.
Je le sens dans ma gorge. Dans ma tête. Dans ma poitrine. Dans mes membres.
Je sens, je sais que je suis heureux. Et je n'en reviens pas.
Et je n'en finis pas de trouver ça bizarre.
L'humeur, comme l'eau. Qui tombe. Qui s'évapore. Un cycle.
La nuit d'avant, j'aurais voulu me suicider.
Cette nuit, je suis heureux de ne l'avoir pas fait.
Et je suis bien. Aussi vrai que j'étais mal. Aussi intensément que j'étais mal.
J'ai même cette intuition que je me sens d'autant plus bien que j'ai été mal.
Que cette nuit d'horreur, celle d'avant, a participé à mon bonheur présent.
C'est bizarre. De se sentir bien. De se sentir mal. De se sentir.
J'aime la nuit. J'aime la pluie. J'aime la fin janvier. J'aime l'hiver et ma ville.
J'aime les gens. Oh oui. Je les aime. Même les cons. Les furieux. Les violents.
Je les aime tous. Même les moins aimables. Ils font partie de moi.
Un cycle. On pleut. On s'évapore. Rien ne se perd, rien ne se crée.
Tout se transforme.
Je suis amoureux. Au-delà de l'amour. Amoureux de tout.
De la pluie. De la nuit. De ma ville. De l'hiver qui s'en va.
Je le sens dans mes bras. Dans ma gorge. Dans ma tête.
Je suis heureux d'être là.

Je crois savoir ce que c'est. Ce bonheur. Là. Tout de suite.
Je suis dans mon lit comme dans un bain. Tranquille. Serein. Olympien.
Je sais ce que c'est. Mon impatience ! Voilà. L'impatience s'est tue.
Cette impatience, tyrannique, qui a fini par fermer sa gueule.
Le bien que ça fait. Si vous saviez. Ce que c'est bon...
Elle a fini par lâcher prise, par s'épuiser, par me lâcher la grappe. Me foutre la paix.
Voilà. La paix. Je suis dans la baignoire de mon lit. J'existe. Ici. Right now.
Et j'ai confiance en tout. En moi. En toi. En nous. En eux. En la vie.
Je n'ai rien fumé. Je n'ai rien gagné. Je n'ai rien perdu. J'écoute la pluie.
Le bruit qu'elle fait. Au silence de la rue. Rien qu'elle. Rien que la pluie.
J'en pleurerais. Tellement c'est beau. Tellement c'est doux. Envoûtant et sexy.
La pluie qui pleure. Qui m'éclabousse. Sans m'agacer. Je la reçois. Avec plaisir.
Avec tendresse. Quand elle n'empêche rien. Alors qu'elle me caresse.
Le désir alors n'est plus une frustration. Le désir devient une promesse.
Et s'il n'est plus une torture, il devient quelque chose de solaire aussi fou que l'espoir.
Le désir dont mon corps est capable ne le malmène plus, n'est plus une souffrance.
Le désir que je porte devient aussi bienfaisant que la pluie. Aussi doux. Aussi beau.
Et ce n'est plus l'enclume qui m'accable, mais la clé d'une geôle pour ma libération.
Je ne suis pas pressé. Je suis libre. Et cette liberté à l'instant ne provoque aucune panique.
Au contraire. Je l'embrasse. Avec vous. Ceux qui me lisent et ceux qui ne me lisent pas.
Ceux qui m'aiment et ceux qui ne m'aiment pas. Je suis libre. Vivant. Heureux.
Parce que je prends mon temps.
Je prends le temps de l'être.
Tout va bien. Le reste peut attendre.
On meurt bien assez tôt.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 16:02

 

 

On trouve dans la presse locale de grandes leçons de journalisme.
D'ailleurs, il ne s'agit pas vraiment de presse, et je pense que les personnes que je vise,
sans jugement de valeur, assumeraient aussi bien le statut de blogueurs, plus approprié.
Ce statut est bien commode, puisqu'il permet ce que l'on voit proliférer sur internet,
depuis longtemps, un phénomène auquel je participe d'ailleurs à ma façon en écrivant ici.
Internet et les réseaux sociaux permettent le développement de faiseurs d'opinion
avec une efficacité redoutable, une vitesse de réaction formidable,
qui contournent les rédactions - et codes déontologiques associés - des journaux classiques.
Et j'invite tout le monde à faire tout de même la nuance, entre la presse écrite, qui subsiste,
et ces blogs qui n'ont pas toujours la même rigueur, concernant par exemple les vérifications.
Je sais qu'hélas même les journaux de référence français perdent de leur crédibilité,
lorsqu'ils essaient d'être à la page, d'être présents, de ne pas se laisser dépasser,
et l'on voit bien que, à la course, le niveau d'exigence s'est effondré en vingt ans,
comme dans tous les grands médias, mais il demeure, quelle que soit la ligne éditoriale,
des rédactions et des journalistes formés qui ont l'habitude de recouper leurs informations.
Si la presse traditionnelle a été doublée par cette vague extraordinaire de blogs,
et autant de journalistes autoproclamés, ces derniers sont doublés à leur tour
par Facebook et Twitter où toute personne connectée peut les prendre de vitesse.
Et l'on voit bien, surtout dans une période de stress pré-électoral,
que tout le monde est dans la surenchère pour accrocher l'audience et exister.
Si nous pouvons nous réjouir de l'autonomie du citoyen acquise par le biais d'internet,
où le citoyen connecté a la liberté de se procurer l'information où il veut et quand il veut,
la liberté d'être informé en temps réel, comme celle, aussi essentielle, de s'exprimer lui-même,
de réagir, de commenter, de donner son avis sans même attendre d'être consulté,
il s'est opéré un basculement des fonctions dans la chaîne du relais de l'information,
lorsque c'est au citoyen lui-même qu'il revient finalement de vérifier et de recouper
ce qu'il peut absorber ou pas comme réalité de faits.

Je ne peux pas regretter le temps où la télévision reine, avec une ou deux chaînes,
donnait la becquée d'une information officielle à toute une population
qui n'avait pas les moyens techniques d'y échapper.
Je ne peux pas regretter le temps où il était aisé d'installer censure et propagande
dans cette organisation où une élite maîtrisait tous les flux de l'information.
Je me suis réjoui à l'explosion des bouquets de chaînes par le réseau satellitaire,
et par le numérique, à l'accès possible aux médias étrangers, puisque nous pouvions
échapper enfin aux seules messes du 20 heures de TF1 ou Antenne 2. Voir autre chose.
Sauf qu'à la multiplication de l'offre, le citoyen/consommateur ne peut jouir de sa liberté
qu'à la maîtrise du libre arbitre, puisque cette nouvelle liberté, comme toutes les autres,
lui impose une responsabilité, celle de décider tout seul pour lui-même.
Pour l'audiovisuel comme la presse écrite, désormais, avec internet, nous sommes encore
au-delà de la multiplication, nous sommes dans un Big Bang où tout fut pulvérisé.
Ainsi, chacun de nous est seul face à des milliards d'informations qui nous assaillent,
hiérarchisées ici ou là sur les quelques grands médias qui résistent tant bien que mal.
Nous ne sommes pas tous devenus journalistes malgré nous, seulement au pouvoir
que nous avons de diffuser nous-mêmes une information via Facebook ou Twitter,
nous le sommes devenus aussi quand c'est à nous de dégrossir l'information reçue,
quand c'est à nous, à la réception, de la vérifier et de la hiérarchiser.
C'est une responsabilité nouvelle puisque c'est une liberté nouvelle.
C'est une responsabilité nouvelle. Dont nous n'avons pas toujours conscience.
Mais c'en est une, puisque nous sommes tous devenus les relais actifs de l'info.
Nous l'étions déjà en conversant entre nous dans nos quartiers, au marché,
à la sortie de l'école ou dans les repas de famille, bien entendu.
Le bouche à oreille suffisait, bien avant internet, à répandre des informations,
vraies ou fausses, quand les bouches et les oreilles humaines suffisent en effet
à colporter et répandre des rumeurs, même sans l'aide de technologies.
Mais l'abondance des données et leur vitesse de propagation aujourd'hui sont telles,
qu'il est d'autant plus difficile pour le citoyen de pouvoir se faire une idée par lui-même.

Les élites dépossédées ont pu garder la main en profitant de cette confusion,
lorsque, précisément, à la masse de ce qui circule sur les réseaux sociaux,
le journal télévisé de France-Télévision peut apparaître comme un phare salutaire.
Un moyen de recadrer, réorganiser les choses, même de façon désormais rétrospective.
Les grands médias ne nous annoncent plus les évènements,
mais ils nous permettent de les remettre dans un ordre qui, bien qu'arbitraire, en est un,
en en faisant une lecture de l'actualité qui demeure celle de notre communauté.
Le média national est encore, même si moins audible, celui qui donne la vision du monde
d'un territoire et d'une nation, auxquels nous appartenons toujours, physiquement,
qu'on le veuille ou non, qu'on y adhère ou pas, et ce, avec ou sans internet.
Ce pourquoi, si nous, citoyens, avons une responsabilité plus grande,
à devoir vérifier par nous-mêmes les informations collectées sur nos smartphones,
les journalistes professionnels doivent aussi résister à la précipitation du temps,
doivent aussi prendre le temps, et l'avoir en somme, de recouper l'information,
au lieu de copier-coller des contenus entiers de Wikipedia pour faire vite.
Pour les blogueurs, aussi, dans cette tranche intermédiaire qu'ils occupent,
depuis dix ans, entre les grands médias et la population, il y a une responsabilité.
Puisque écrire et être lu nous en donne une.
Mais je ne suis pas là pour ajouter des leçons de journalisme à des leçons de journalisme.
Je suis là pour dire que nous tous, où que nous soyons, rédacteur en chef ou citoyen,
présentateur du JT ou simple internaute, nous sommes tous acteurs désormais et donc
coresponsables de la transmission de l'information, et que nous devons être scrupuleux,
prudents, avec de telles données dans les mains parfois aussi puissantes que des bombes.
Des effets de buzz peuvent détruire des vies, réduire des carrières et des familles à néant,
peuvent faire monter des tensions, pousser au conflit, à l'affrontement, et j'en passe.
L'information n'est pas un bien de consommation. Cela doit se manier avec précautions.
Quand le savoir, pour le meilleur comme pour le pire, est l'arme la plus redoutable de toutes.
Ecrire, poster, relayer, transmettre, partager, diffuser, n'est pas sans conséquences.
Et même avec le format court d'un twitt, des personnalités publiques en connaissent le prix,
il peut être bon de réfléchir à deux fois avant d'appuyer sur Publier.


 

 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 15:16

 

 

C'est fou tous les scrupules
dont le selfie nous débarrasse.
   


 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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24 janvier 2014 5 24 /01 /janvier /2014 01:08

 

 

Le vent s'est tu. A l'extérieur. Il me semble. Je tends l'oreille...
Oui, c'est ça. Ce que j'entends n'est plus que le ventilateur d'Ordi VI,
qui chauffe mes cuisses à travers la couette, puisque je l'ai pris avec moi, vous savez bien,
dans ce lit-bureau où j'ai tant fait l'amour et écrit tant de textes, ce qui revient au même.
L'ordinateur portable fait un bruit régulier qui s'est installé dans ma chambre.
La tramontane a finalement décidé de fermer sa gueule. Et j'aime autant.
J'ai assez de bourrasques échevelées dans mon crâne pour qu'elle n'en rajoute pas une couche.
C'est que je ne sais plus où donner de la tête. Il faut canaliser les choses. Un job à part entière.
Assis dans mon lit, bien sûr, une seule chose arrive à m'apaiser. L'idée de l'étreinte. Intime.
Amoureuse. Dans laquelle je pourrais régresser. Me cacher. Me dissoudre.
Ces mugs ramenées d'Amérique sont assez vulgaires, j'en ai bien conscience.
Celle du show de David Letterman où je verse du café. Dans lequel je lâche un sucre.
Je suis ce sucre. Dans le café. Qui ne disparaît pas. Il se transforme. A ton contact.
Je me répands. Je t'enrichis. Je te dénature. Ma langue dans ta bouche. Je te pénètre.
Je deviens autre chose. Nous formons autre chose. Ensemble. Un monstre déconcertant.
Où j'ai la paix d'être autre chose que moi-même. Puisque je suis un peu toi. Un peu nous.
Je suis troublé. Le vent m'apporte des choses à la fois nouvelles et anciennes.
Des sensations que je suis heureux de retrouver. Mais je dois faire le tri. Ranger.
Eparpillé. Je dois me regrouper. Reconstituer le sac de billes que je crois être.
Je pars dans tous les sens. Je commence mille choses. Je dois me concentrer.
Sur le filtre de ma clope, j'inspire tout ce que j'ai laissé déborder et m'échapper peut-être.
A la fraise qui scintille au papier consumé, j'avale tout Perpignan et les choses à y faire,
les hommes que j'ai aimés, les amis négligés, les projets pour l'Europe et les mots, diaboliques,
qui auraient pu convaincre, convaincre et rassembler, tout ce qu'il faudrait faire, mon amour,
pour arranger les choses, améliorer le monde, le transmettre meilleur à ceux qui arrivent,
pour pouvoir mourir avec quelque chose de digne, un sourire satisfait, victorieux,
celui, fantastique, hors de prix, des missions accomplies.
T'ai-je dit combien je peux être amoureux ?...

J'écrase ma cigarette avec le constat d'une chance.
Les gens que je rencontre, encore et encore, à quarante ans, sont décidément aimables.
Et cela m'oblige. Davantage. Toujours plus. A aller piocher dans mes tripes et mon crâne.
A piocher pour aller chercher le meilleur de moi-même.
Je sais qu'écrire ne sert jamais à rien. Moi qui n'aime pas lire. D'autres aiment ça pour moi.
Je ne m'agite pas. Je ne cours pas comme un canard décapité dans la cour de la ferme.
Je sais exactement ce que je fais. Je cherche à donner le meilleur de moi-même.
Qu'en ferais-je pour moi ? Je suis un sucre. Qui n'a pas vocation à être montagne de sucre.
Je dois trouver ma tasse et me fondre dedans. Que faisons-nous d'autre en mourant ?
La chair se décompose. Nous nourrissons la terre pour la rendre fertile.
Mort ou vif, c'est la même logique. On n'est rien en soi. On n'est qu'en se mélangeant.
Comme je ne suis qu'avec toi. Je ne peux être qu'avec toi. Que j'aime plus que tout.
Toi, le lieu où je deviens quelque chose d'acceptable à mes yeux.
Le lieu auquel je participe et me donne une essence. Je sers à quelque chose.
Je sers à t'aimer, et je suis fou de joie, quand on se valorise à s'oublier enfin.
J'existe pour te dire combien tu es unique, combien j'ai envie ou bien besoin de toi.
J'existe pour te donner une valeur qui m'en donne au passage. Et c'est opportuniste.
Quand nous sommes, à nous deux, deux êtres d'exception qui insultons la mort.
Dans les yeux l'un de l'autre. Tu me donnes un regard qui, grandi dans le mien,
te revient décuplé, et tu renvoies la balle qui a triplé de volume et je te la retourne,
l'émotion redoublée, le désir renchéri, et la boule de neige nous porte encore plus haut,
pour nous ensevelir, aux montagnes d'attraction qui captivent et libèrent à la fois.
Je sers à t'aimer, et je suis fou de toi.

Ordi VI ne me chauffe que les cuisses.
Mon sexe est au repos. Je n'ai pas le goût de me masturber.
J'ai envie d'un câlin. J'ai envie de dormir. Ou bien de respirer.
Quel bonheur de pouvoir s'endormir contre l'autre.
Saurai-je encore comment on fait ?...
Est-ce que je ne respire pas trop fort ? Est-ce que mon coude te fait mal ?...
Est-ce que je ne t'écrase pas ? La poitrine ? Le ventre ? Je vais sans doute ronfler.
Et ce sera atroce. Je vais te déranger et tu vas me maudire. Sais-je comment on fait ?
S'endormir avec toi. L'esprit serein. Sans panique. Au coeur de l'univers. L'origine et la fin.
Deux âmes pures qui hibernent ensemble. Le sucre et le café. Enlacés. Mélangés.
Faire des enfants ne remplace pas ça. Faire autre chose que nous n'est pas nous.
Ce sont les enfants que nous sommes qui m'animent, qui m'inspirent, que je veux consoler.
Je me fous du mélange des gènes, de la chair et du sang, qui accouche d'autres êtres,
ce qui m'intéresse, c'est ce que je suis avec eux, avec toi, avec d'autres, ce que je deviens,
quand je n'ai pas d'énergie à la séparation, que je n'en trouve qu'à ce qui fédère et fusionne.
Je me fous du matos génétique, le partage est ailleurs, et c'est ce qui enrichit.
J'ai déjà des enfants à tout ce que j'enseigne, à tout ce que je donne, et ce que je transmets.
Je suis déjà parent, oncle et petit frère, parrain, meilleur ami, amant et camarade.
J'aime la responsabilité quand tout cela m'engage. Quand ça me mobilise.
Etre un père géniteur me ferait une fois mort une sacrée belle jambe.
Quand mon nom ne vaut rien, quand je n'ai aucun bien et aucun patrimoine matériel.
Je veux être unique pour toi. A ce moment précis où nous sommes ensemble.
Ce moment où l'idée-même de mourir me fait une belle jambe.
Je sais, contre toi, avec toi, que je suis hors du temps, rendu inatteignable,
puisque je deviens nous, que je ne peux souffrir, que je ne peux plus m'éteindre.
Un câlin. Et voilà que je suis la ville. La forêt. Et la nuit. Et la mer.
Je deviens plus que toi, l'autre moitié du monde.

Je tends l'oreille. Il n'y a plus rien. Le vent s'est tu.
Mais la vie a tant de ressources. Vois-tu. Même quand il n'y a plus rien.
Le silence n'est apparu qu'à la disparition de quelque chose d'envahissant.
La tramontane. En s'enfuyant. En se taisant. Me permet d'entendre autre chose.
Qui n'est pas du silence. Le souffle de l'ordi. Ce ventilateur. Dont le bruit s'épaissit.
Il monte. Le long de mes doigts. Mes poignets. Mes avant-bras. Dans ma poitrine.
Il ronronne dans ma cage thoracique. Et c'est une caresse.
Elle est d'autant plus plaisante que c'est à toi que je pense. Et ça, ça fait du bruit.
Au silence de la rue. Au silence de la nuit. Mes doigts qui pianotent sur le clavier.
Combien je pense à toi. Combien je n'aime que toi.
Je ferme les yeux. Tu viens t'asseoir sur moi. Me prendre le visage. Entre tes mains.
Je sens ton souffle. Sur ma bouche. Les yeux fermés. Je te laisse faire.
Je sens ta chaleur. Ton désir. Et ta reconnaissance. Et bien des paradoxes.
Qui n'en sont pas vraiment. C'est sexuel et c'est chaste. Maternel et lascif. Masculin. Féminin.
Quelque chose de pur et de libidineux. D'amical. D'amoureux. Quand c'est tout à la fois.
Le bonheur. Le chagrin. La douceur. La violence. La paix et la panique. L'ordre et le chaos.
Tu portes l'univers au baiser que tu donnes. Dans une combinaison que je peux reconnaître.
Les paumes de tes mains. Le contact de ta peau. Ton parfum. Intime, familier, toujours étrange.
Qui m'enveloppent de tout le bien dont la vie est capable.
Et c'est un amour plus fort encore que celui de ma mère.
Puisqu'au-delà du bien que tu peux me souhaiter, il t'est permis de m'en faire.
Et c'est avec toi que je m'endors en rêvant que je meurs doucement et heureux.
Que je descends en terre où je peux me dissoudre, comme un morceau de sucre,
pourvu qu'elle soit toi.


 

 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 20:38

 

 

L'arrêt est loin de la petite ville fortifiée restée le coeur de la commune.
Il fait déjà nuit puisque nous sommes en hiver. Il fait froid. Et il pleut.
Je grille une clope sur la pointe des pieds, le cou dans les épaules, raide comme un bâton,
dans mon vieux caban informe, plein de mille informations collectées que je dois digérer.
Le Vallespir se vide de sa population. Sa capitale doit se battre pour garder ses jeunes.
Pour garder les administrations de la sous-préfecture qu'elle est toujours.
Et son lycée. Quand la plaine et la côte dépeuplent ensemble l'arrière-pays avec voracité.
Je pense à cette voie ferrée et cette gare qu'il me paraîtrait judicieux de remettre en service.
L'automobile n'est plus reine quand trop de gens n'ont plus les moyens d'y avoir recours.
Le bus à 1 euro, que je vais prendre, est un dispositif salutaire pour désenclaver le lieu.
Mais bon sang. Le train montait jusqu'à Prats-de-Mollo.
Il va falloir convaincre l'Etat, la Région, le Département, de rouvrir cette ligne.
Le berceau du Cubisme. Tout de même. Rien que ça.
Je vis au bord de ce triangle d'or de l'Histoire de la peinture, une part prestigieuse,
s'il vous plaît, de l'Histoire de l'Humanité : à Cadaquès, le Surréalisme,
à Collioure, le Fauvisme, et à Céret, le Cubisme. Rendez-vous compte.
Cette région est une terre sainte de l'Art Moderne.
Qu'il est insupportable de laisser crever la gueule ouverte.
Picasso, Braque, Gris, Matisse, Soutine, Chagall... quelle affiche.
Un dernier tour en voiture pour arriver à l'Ermitage de St-Ferréol.
Un lieu magnifique qui ferait une merveilleuse résidence d'artistes.
Et me voici à attendre cet autocar qui arrive dans un ruissellement de nuit.
A l'abri de la pluie. Les transports en commun. Pour lesquels j'ai une tendresse.
Le ramassage scolaire de l'enfance, quand il fallait aller au collège ou au lycée.
Les voyages américains et les gares routières de Montréal, Albany, Boston et New York.
Je m'installe derrière le chauffeur. L'immense pare-brise balayé par le grand essuie-glace.
Son aller-retour indolent me berce aussitôt sur la piste sombre de la route.
Quand mon regard se perd dans les noirceurs où je peux m'évader.

Le Musée est une splendeur dont je me rappelais bien.
On m'a parlé d'une extension dont j'ai hâte de découvrir le projet.
Il y a des éléments de béton extérieurs qui ne vieillissent pas bien,
mais les espaces sont beaux, l'ensemble est réussi et traverse le temps à merveille.
Sans parler des collections hallucinantes, bien sûr, qui font la richesse inestimable du lieu.
On parle de Musée d'Art Moderne à Perpignan et je m'interroge sur cette fausse bonne idée.
Ou bien, n'est-ce envisageable que pour ouvrir, précisément, un Musée de Céret à Perpignan,
pour déployer et projeter des oeuvres dans une annexe installée au coeur du Roussillon.
Une antenne de Céret à Perpignan, peut-être, quand il serait aussi vain que ridicule
de créer une nouvelle structure qui serait fatalement en concurrence avec l'autre,
d'autant plus dans un lieu qui n'a pas la légitimité de Céret pour exploiter la période.
Perpignan a un Musée Rigaud à faire valoir. Ce sont les collections qui font les musées.
Et je regarde la route, par-dessus l'épaule du chauffeur, convaincu que notre Palais des Congrès
n'aurait pas d'autre vocation que d'agrandir les espaces d'exposition de l'institution cérétane.
Pourquoi pas ? Il ne coûte rien d'en éveiller le fantasme. Et je réfléchis.
La pluie fouette le museau de l'autocar dont les pneumatiques tracent leurs empreintes,
entre les lignes du marquage au sol phosphorescent que l'on découvre au plus près du véhicule,
sorti de l'obscurité pour y disparaître aussitôt, en pointillé, alors que nous avançons vers la ville,
ma ville de Perpignan, dont le halo de lumière, au loin, commence à prendre forme.



 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 17:23

 

 

Perpignan donc, est gothique et art-déco. Qu'on se le dise.
Et pour le gothique, c'est comme pour l'art-déco,
vous ne trouverez aucun monument véritablement époustouflant ni remarquable.
Le Palais des Rois de Majorque, tout de même, est une splendeur, c'est entendu.
Mais nous n'avons, Castillet mis à part, et encore, aucun monument emblématique
qui fasse notre réputation nationale ou internationale.
Rien qui ne fasse, pour être honnête, qu'un touriste fera spécialement le voyage pour le voir.
Cependant, il y a, dans les deux âges et les deux styles, une densité urbaine étonnante.
Ce qui est frappant à Perpignan - et c'est déjà quelque chose -
tient plus de la quantité que de la qualité.
La densité des constructions art-déco, sur les boulevards et en faubourgs,
les rues et leurs alignements, est à elle-seule une curiosité.
Certes, il n'y a pas l'équivalent ici du Trocadéro ni du Théâtre des Champs-Elysées,
mais il y a un tropical déco à la sauce catalane, streamliné façon South Beach Miami,
qui s'étale modestement et l'air de rien sur des hectares, et c'est à la quantité qu'opère le vertige.
Pas de grands buildings charismatiques capables de devenir des icônes du genre,
mais un vaste parc homogène, à la fois sobre et foisonnant, qui est tout de suite saisissant.
De la même façon, pour la partie médiévale, il n'y a pas de cathédrales gothiques prestigieuses
à opposer à celles de Barcelone ou celles flamboyantes que l'on connaît en France, pardon,
mais nous avons des quartiers entiers, dans leur jus, qui ont traversé les siècles
depuis le Royaume de Majorque :
St-Mathieu, quartier fondé par les Templiers, et St-Jacques, à cette époque d'expansion,
fulgurante, où la Cour s'est installée et où la cité royale prospérait.
Il y a des perspectives. Des ruelles. Pentues. Etroites. Tantôt sinueuses. Tantôt parallèles.
Qui font un tissu urbain qui est en soi un patrimoine remarquable.
La physionomie d'une ville. Et c'est l'abondance qui fait l'attraction.
Même si ces quartiers n'ont pas les palais et les hôtels particuliers, charmants ou précieux,
que l'on trouve dans d'autres, même s'il s'agit ici de maisons et d'immeubles plus modestes,
ils font ensemble un paysage urbain singulier, celui du XIVème siècle, en l'état,
que nous laissons s'effondrer sans nous en émouvoir.
Outre la catastrophe sociale, qui mérite à elle-seule que l'on se réveille d'urgence,
il y a ici une catastrophe patrimoniale.
Au prétexte qu'il n'y a pas ici de chefs-d'oeuvre d'architecture,
on laisse disparaître une oeuvre sans pareille d'ingénierie et d'urbanisme.
Alors très bien. Laissons s'effondrer les maisons une à une.
Ouvrons des places dont on ne sait plus quoi faire à chaque pâté de maisons,
et oublions toute ambition de communiquer sur notre passé de cité royale.
Le bout de rempart miraculeusement sauvegardé au Nord et nos quelques basiliques,
nos deux couvents et notre Palais, bien qu'intéressants, ne suffiront pas à subjuguer le visiteur
quand d'autres villes ont mieux à proposer de cette même période.
Nos quelques monuments prennent leur envergure à la densité d'un centre-ville médiéval
qui est précisément la particularité de Perpignan, son originalité et son charme.
Abandonner St-Jacques et St-Mathieu, avec leurs labyrinthes aussi étendus qu'envoûtants,
est un suicide, culturel, touristique et économique, qui relève du crime,
quand nous aurions pu prétendre rivaliser avec Gérone, Montpellier ou Carcassonne.

A l'abside de St-Mathieu, qui possède assez d'épines du Christ,
pour révéler l'importance que cette basilique put avoir en d'autres temps,
on découvre une place ouverte sur son chevet rénové qui ne profite qu'aux pigeons.
Les Perpignanais eux-mêmes, s'ils fréquentent la rue Foch où ils ne font que passer,
ignorent totalement les quelques rues du lotissement médiéval qui les séparent
du Palais des Rois de Majorque, où les maisons fragilisées s'effondrent régulièrement.
Et ce sont, avec St-Jacques et le quartier de la Réal,
les trois-quarts de la ville médiévale qui sont inexploités, à l'abandon,
quand les Perpignanais eux-mêmes ne les connaissent même pas.
La place et la fontaine Blanqui, la rue Hyacinthe Rigaud derrière l'hôtel Pams,
les vestiges du couvent des Dames chanoinesses de Saint-Sauveur,
le trident des rues de l'ancien quartier juif qui monte depuis la fontaine à la salamandre,
au coin de la place de la Révolution Française, jusqu'à la place du Puig et sa caserne,
à l'arrière du couvent des Minimes, le long de la côte, leurs ruelles de traverse,
perpendiculaires, à celles parfaitement parallèles du four St-Jacques, des Farines,
des 15 Degrés, Joseph Denis, de l'Anguille et de St-François de Paule,
les escaliers de la rue Joseph Bertrand, impraticable par les automobiles, pittoresque,
les petites maisons lovées entre les murs-boutants de l'église éventrée des Carmes...
quels Perpignanais connaissent véritablement le dédale de cette médina catalane ?
Si vous n'avez pas la curiosité de vous y promener, ouvrez simplement un plan de la ville.
La densité de ces quartiers saute aux yeux. Et nous ne sommes pas obligés de tout mélanger,
de jeter le bébé avec l'eau du bain aux problèmes sanitaires ou de sécurité publique
que notre seule négligence et notre inculture parfois rendent de plus en plus inextricables.
D'autant qu'aux spécificités médiévales de ces constructions qu'il ne faut pas raser
ni attendre qu'elles s'effondrent, il y a une tendance mondiale et nationale
qui impulse de nouveaux standards, étudiés en ce moment dans les ministères,
qui sont notre chance de réagir et de faire d'une pierre deux coups :
préserver nos quartiers historiques en l'état et être à la pointe de l'éco-construction.
Sauver notre patrimoine et respecter l'exigence responsable d'éco-compatibilité.

Au Plan Marshall que l'Olivier Nouveau Pays Catalan réclame pour St-Jacques,
il se trouve qu'il existe une conjoncture favorable. Et à vrai dire inespérée.
De sources sûres, les autorités nationales ont compris les bienfaits des circuits courts,
y compris s'agissant de matériaux de construction, lorsqu'il est moins cher d'exploiter
ce qui est disponible sur le territoire que de faire venir du grès de Chine par exemple,
et ont observé aussi combien les matériaux utilisés tout au long du Moyen-Âge
étaient bien plus isolants (bois/torchis) que le parpaing (béton).
Au virage environnemental qui semble enfin pris par notre civilisation occidentale,
sous la contrainte de crises qui nous obligent à l'économie d'énergie et de transports,
les méthodes et technologies médiévales sont enfin revisitées, comparées,
et les études des filières du bois, de l'utilisation de la terre pour la construction,
sont finalement l'objet de réflexions sérieuses chez les experts et fonctionnaires
du ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie,
comme par celui de l'Egalité des Territoires et du Logement de Cécile Duflot.
Ainsi, les maisons bâties à la hâte et en une vitesse record pour l'époque, à St-Jacques,
au moment du boom démographique dû au choix de Perpignan comme capitale royale
par les Rois de Majorque, sont en terre crue, suivant une technique révolutionnaire
qui permit une construction rapide de ce qui fut un véritable lotissement.
Les murs en terre banchée étaient déjà un concept de murs en panneaux préfabriqués,
conçus à l'aide de coffrages, qui permirent de dupliquer des constructions à la chaîne.
Et St-Jacques, précisément, a pour cette raison intéressé nos chercheurs parisiens.
Des modifications plus tardives ont malheureusement fragilisé les constructions d'origine.
Sans parler du contexte social et politique qui n'est pas en faveur d'une réhabilitation.
Mais il serait navrant que les autorités locales de Perpignan ne saisissent pas l'opportunité
d'être en pointe sur ces nouveaux marchés de construction et d'habitat éco-compatibles
à faible consommation d'énergie, lorsque ce serait bon pour l'industrie (filières matériaux),
pour le bâtiment, pour l'immobilier, pour les populations (confort/sécurité/économies)
et, accessoirement, pour le patrimoine.

Que Perpignan se batte, avec son parc médiéval incroyable, pour être l'inespéré laboratoire,
national, et à ciel ouvert, dont l'Etat aura besoin pour tester ces pratiques et leur bien-fondé,
quand Perpignan est le lieu idéal pour être une région pilote dans ces secteurs d'avenir.
Que Perpignan, au besoin, n'attende pas l'Etat pour innover dans le domaine,
non plus en reconstruisant des îlots entiers avec de l'architecture grotesque (Médiathèque),
de véritables verrues irrattrapables auxquelles on préfère finalement les terrains vagues,
mais en rénovant ses quartiers avec les technologies du Moyen-Âge augmentées des actuelles.
Nous avons ici une chance à saisir qui est du gagnant-gagnant pur jus,
à cette époque pivot où nous redécouvrons les vertus des matériaux naturels,
l'opportunité de reconstruire du logement digne, à la fois solide et économique,
tout en respectant le patrimoine, celui de l'urbanisme, du bâti, comme des techniques,
et l'harmonie de quartiers qui sont la spécificité et l'identité historique de la ville.
Si les touristes russes et bretons ne viendront pas à Perpignan pour un seul Campo Santo
ni un seul Palais des Rois de Majorque, aussi somptueux et intéressants soient-ils,
ils viendront se perdre volontiers dans le dédale d'une ville médiévale pratiquement intacte,
qui a eu la chance, dans son malheur (faute de moyens), de n'être ni rasée, ni reconstruite,
ni trop défigurée au cours des siècles. Et à cette miraculeuse configuration, nous comprendrons
peut-être à temps que St-Mathieu et St-Jacques ne sont pas que des problèmes,
qu'ils sont des solutions, de développement industriel, économique et touristique.



 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 17:11

 

 

C'est un peu comme décortiquer un poulet.
Ce sont les articulations qui résistent.
Des choses que l'on ne peut scier à la lime à ongles.
Démembrer un corps humain n'est pas chose facile.
Surtout à la raideur cadavérique.
L'acide peut aider. Il y a des tronçonneuses.



 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 16:01

 

 

Les deux chambres étaient séparées par une salle de bains commune.
Haute de plafond, cette dernière était tapissée de céramiques blanches,
rectangulaires et biseautées, qui rappelaient le carrelage du métro parisien.
La baignoire en fonte, sur pieds, le lavabo sur colonne Années 30 en faïence,
avec sa robinetterie d'époque, et son miroir encadrés de spots à la lumière puissante.
C'était le lieu où me brosser les dents avant d'aller au lit.
On m'avait installé dans la chambre d'amis occupée par mes parents,
à une époque où il était opportun que je dorme encore avec eux, un petit lit de camp,
sous la grande fenêtre ouverte sur un bout de jardin qui nous tenait à distance de la rue.
La route de Fronton. Au-delà de la Barrière de Paris. A Toulouse.
La maison du grand-père que je n'avais pas connu. Décédé un an avant ma naissance.
Le père de ma mère. Ma grand-mère y vivait toujours, avec l'une de mes tantes, Maria,
restée célibataire et sans enfants, qui s'occupait autant de la maison que de la petite mémé.
A chacun de nos séjours à Toulouse, c'est ici que nous posions nos valises.
On ouvrait le portail noir pour garer la DS et nous montions nos bagages à l'étage.
C'était une maison cossue, art-déco, à trois faces, autour de laquelle le jardin s'enroulait.
Un énorme cerisier, à l'arrière, offrait des floraisons démentes, féériques,
lors de nos visites pour Pâques, ou pour la fête des mères, et j'adorais la sensation de neige
aux pluies de pétales qui venaient délicatement blanchir le gazon à ses pieds.
Dans le salon, ma grand-mère, ma tante et ma mère étaient alignées toutes les trois
dans le canapé, tard le soir, après le dîner, devant les films américains de la télévision.
Si nous étions là, c'est que nous étions en vacances, et j'avais le droit de veiller.
De veiller plus tard encore qu'à l'accoutumée. Et c'était un bonheur de pouvoir regarder,
allongé de tout mon long sur le tapis, sous la table, dans l'espèce de cabane qu'elle faisait,
Humphrey Bogart et Lauren Bacall, en noir et blanc, se faire du gringue en version originale.
Lire les sous-titres, si tard dans la nuit, me demandait trop d'efforts, et je me contentais
d'associer des images parlantes à des intonations qui suffisaient à dire les intentions.
Cette langue étrangère que je ne comprenais pas était une musique que je pouvais comprendre.
Et je savais, sans reconnaître les mots, que l'une était troublée par l'autre,
que l'autre voulait la convaincre qu'il était pareillement troublé.

Les trois femmes, près de moi, s'étaient endormies depuis longtemps.
Mon père, sur une chaise, s'était peut-être assoupi avant elles.
Et j'étais la seule âme consciente de la maison, bien que luttant contre le sommeil,
à assister finalement au baiser qu'un déferlement de cordes dans l'orchestre,
avait annoncé comme irrépressible et inévitable.
Au premier coup de feu, mon père ou ma mère se réveillait en sursaut,
réalisait que je n'étais toujours pas au lit, et m'invitait gentiment à y aller.
Dans la chambre d'amis, mitoyenne, je me retrouvais au chaud sous une couette.
Dans ce petit lit pliant très près du sol. Si près que mon bras, quand je le laissais pendre,
pouvait épouser le bois vernis et sensuel du parquet dont j'aimais le contact.
On avait éteint la lumière. Seule celle du couloir demeurait avant de refermer la porte,
au moment de me souhaiter une bonne nuit et de beaux rêves, avant d'être réduite
comme toujours au seul rai incandescent qui persisterait au ras du sol.
L'obscurité, je le savais, ne durerait pas longtemps.
Le store de bois de la grande fenêtre sous laquelle j'étais allongé,
ne fermait jamais complètement, il restait toujours un bon dix centimètres
qui permettait à la lumière artificielle de la rue de s'inviter timidement dans la pièce.
La noirceur première, j'en avais l'habitude, finirait par se teinter d'un gris diaphane,
et après avoir subitement perdu de vue tout ce qui se trouvait autour de moi,
les meubles et les objets finissaient par réapparaître doucement, le lit de papa et maman,
la chaise, la table de chevet, les cadres et les tableaux sur les murs, tout revenait, à pas de loup,
comme des trésors remontant à la surface, bien qu'avec un aspect différent ou étrange.
Un voilage blanc filtrait la lumière fade de l'extérieur, et, même tiré de tout son long,
il continuait à faire une série de plis réguliers qui ondulaient et déformaient les ombres.
La clarté permettait la projection des lattes du store qui me maintenait dans l'ambiance
des films noirs de détectives privés, dont j'entendais toujours les dialogues.

Rien ici ne pouvait inquiéter l'enfant de sept ou huit ans laissé seul dans la chambre.
Il savait ses parents à côté. Derrière la cloison. Connaissait le lieu et ses phénomènes.
La musique hollywoodienne saturée dans le poste de télévision faisait partie du décor,
au même titre que le balayage de l'espace par les phares des voitures qui passaient, en bas,
de temps à autres, sur la route de Fronton, qui venaient éclairer d'un bout à l'autre,
d'une lumière plus vive, parfaitement synchronisée avec le bruit lointain, étouffé,
d'un moteur automobile, toute la pièce dont je retrouvais un instant les détails.
Il y avait le crescendo du vrombissement qui précédait l'éclosion d'une lueur intense,
qui comme les projecteurs sur les façades de théâtres à Los Angeles ou New York,
viendrait se plaquer dans un coin pour parcourir tout le mur, avant que tout ne s'évanouisse,
en même temps, à l'opposé, stimulant mon oeil et mon oreille, jusqu'au prochain passage,
mais sans la régularité implacable des phares sur la côte.
L'enfant se laissait porter par ces mouvements et ces sons qui constituaient un mobile.
Qui avait le pouvoir, malgré la monstruosité des ombres, de le rassurer et de le bercer.
J'étais dans un lieu saint. Un sanctuaire. Où j'étais à l'abri quand ma mère y était.
Nous étions chez elle. Dans la maison où elle était venue au monde.
Et je sentais à distance qu'elle était gagnée par une sérénité primale, animale,
que je prenais pour moi, faisais mienne, quand nous ne faisions qu'un.
Perméable à son stress comme à ses plénitudes, je ne pouvais être tranquille
que lorsque ma mère l'était, et me sentais en sécurité quand elle se sentait l'être.
Je pouvais m'endormir tout seul, au chaud, au pied de la fenêtre,
avec les protestations de Liz Taylor ou celles de Vivien Leigh,
et des ténèbres amicales qui ne pouvaient en rien devenir menaçantes.
La tête dans l'oreiller. Les doigts sur le parquet.
Et du rêve à revendre.



 

 

Philippe LATGER
Janvier 2014 à Perpignan

 

 

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Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

  Parolier / Discographie 

 

LaViedeChateauArtMengo

 

 BlondedanslaCasbahBiyouna

 

 

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OuvontlesHistoiresThierryAmiel

 

 

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  Compilations  

        Compilation 2009

 

 

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cinéma

 

MauvaiseFoi

 

 

 

 

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