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20 décembre 2012 4 20 /12 /décembre /2012 20:06

 

 

Le Bouquet St-Paul. D'yeux bleus et verts. Amicaux. Séduisants.
Et le frère que j'ai reconnu. Venu me chercher la veille. Avec sa barbe naissante.
Bertrand Delanoë. Anne Hidalgo. Dominique Voynet. Derrière des banderoles.
Paris bat son pavé. Pour un non. Pour un oui. Le pavé de la rue St-Antoine.
Je suis contre le mariage. Pas contre le mariage pour tous. Mais contre le mariage.
Le mariage civil. Qui est une aberration républicaine.
Mais pour l'égalité des droits, oui, bien sûr. Et d'accord pour marcher dans la ville.
Contre les discriminations. Les préjugés. Et les manifestations de haine.
Je suis un marcheur. Plus qu'un manifestant. J'accompagne mon frère.
Une pierre deux coups. Je partage un moment avec lui. J'exprime ma solidarité.
Trois coups. Même. Lorsque c'est une façon de reprendre possession de ma vieille cité.
De la traverser en promeneur. Hôtel de Ville. St-Michel. Et jusqu'au Luxembourg.
Le contrat civil pour tout le monde. J'aurais préféré cela. Le mariage est discriminant.
Le restera même lorsqu'il sera accordé aux couples de même sexe.
Le mariage est un concept religieux. Qui se respecte. Ce n'est pas la République.
Mais je ne suis pas un laïcard intégriste au point de bouder cette manifestation pacifique.
Je ne vois aucune expression de haine ou de revanche. L'ambiance est bonne. Bon enfant.
Pas de slogans extrémistes. Un peu d'humour ou de taquinerie. Pas de provocations.
Je me sens bien. A ma place. Mon frère à mon bras. Le nez en l'air. Quittant la Bastille.
Je ne suis pas gêné de pouvoir y être vu ou reconnu. Au contraire.
Même si je m'y retrouve un peu par hasard. J'ignorais l'organisation de cette marche.
Mon dimanche était libre. Mon frère me pose la question. " Tu marches avec nous ? "
Je n'ai pas hésité une seconde.

Beaucoup d'homosexuels bien sûr.
Et d'élus. De responsables. Syndicats. Associations.
Le plus touchant, ce sont ces familles. Des couples hétéros avec leurs enfants.
Venus soutenir des gens auxquels on refuse une égalité de traitement et de droits.
Il y a ce couple de personnes âgées. Bras dessus, bras dessous. Monsieur. Madame.
Que j'ai envie d'embrasser. Avec leur pancarte assez sobre : " Foutez-leur la paix ! "
Le génie de la Bastille brille de tout son or. Un bras tendu comme Lady Liberty.
Brandissant sa flamme pour les libertés publiques. Au-dessus de la marée humaine.
Bien sûr que je suis à ma place. Même en étant foncièrement contre le mariage civil.
Contre, précisément, parce que je suis pour l'égalité.
Et c'est pour l'égalité que ces milliers de personnes se sont déplacés.
Nous pouvons ne pas être d'accord sur la méthode. Nous sommes d'accord sur le fond.
Et, face aux conservateurs hystériques, aux xénophobes ulcérés, nous devons être ensemble.
Je ne vois pas de contradictions. Si je marche pour la tolérance comme pour la justice.
Nous ne marchons pas contre les homophobes, mais pour l'égalité des droits.
Homophobes, d'ailleurs... Mon frère a raison. Le mot est mal choisi. Il en faudrait un autre.
Quand les personnes ainsi désignées n'ont pas peur des homosexuels. Elles les haïssent.
La haine n'est pas la peur. Même si souvent, la seconde alimente la première.
Au Bouquet St-Paul, les Parisiens en terrasse conversent et échangent entre eux.
Contrairement aux idées préconçues des Provinciaux, et c'est amusant de le découvrir,
les Parisiens sont beaucoup moins individualistes qu'eux.
Bien sûr, ces derniers se protègent, dans le métro notamment,
derrière un masque ou un journal, pour ne rien risquer ou finir de se réveiller.
Mais partout, ils vivent ensemble, dans la rue, dans l'immeuble, un quartier,
comme dans les transports en commun, ne rejoignent pas dans leur voiture individuelle
un pavillon individuel, dans des cercles finis qui ne s'ouvrent à personne.
Ici, on fraternise d'une table à l'autre. On plaisante. Sur le trottoir de la rue St-Antoine.
Comme on pourrait l'imaginer pour la carte postale provençale avec ses platanes.
L'accent méridional et les cigales en moins. Il y a mille villages dans la ville.
On déjeune coude à coude. Et le peuple de Paris n'est pas un mythe de l'Histoire.
Il défile sous mes yeux. Et je me joins à lui.




 

 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Paris 

 

 

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20 décembre 2012 4 20 /12 /décembre /2012 12:24

 

 

Le trac ? Moi ? Vous plaisantez ?...
J'ai vu crever ma mère et habillé son cadavre.
J'ai traversé l'Atlantique cent fois, tout seul, et jeté mes valises.
J'ai bu la mort des nuits entières. Vomi le sexe et le plaisir.
De la fièvre des partouzes à celle de la syphilis.
De quoi est-ce que vous me parlez ?...
Comment ? Paris ? Eh bien... quoi ?
Une ville où je vais régulièrement depuis que j'ai 20 ans.
Découverte à 17. Où j'ai vécu cinq ans. De quel trac parle-t-on ?
Quand je vais retrouver à la fois une ville et un frère.
Le zip du sac de voyage. Une sinusoïde qui cicatrise la toile noire du bagage.
Un trait sur la trousse de toilette. Les fringues. Les cours. La fermeture éclair.
J'ai fermé les volets. De mes deux portes-fenêtres. Un dernier mail pour toi.
Je débranche l'installation télé/téléphone/internet. Je ferme l'eau. Je suis prêt.
Le passeport. La convocation. La carte bancaire. Les clés. Le smart phone.
Je passe la porte et me retourne sur l'appartement vide. Plongé dans le noir.
Qui semble déjà avoir cette odeur étrange des logements au retour des vacances.
L'odeur d'un chez soi abandonné quinze jours. Et livré à lui-même.
Je n'ai pas le trac. Je n'ai pas le coeur serré. Je suis dans l'action.
Deux tours de clé. Je prends le sac. Puis l'escalier. Voici la rue.
Voici la route ou le trajet que je ferai à pied. Un arrêt au distributeur.
Le boulevard Clémenceau. Suivi par les roulettes. Un peu de cash.
Je suis dans les temps. Place de Catalogne.
Et voilà que j'entre dans le champ.

C'est un plateau de tournage. L'avenue de la gare. Barrée.
Interdite à la circulation automobile. Pour une brocante géante.
La rue barrée comme on barre la 6ème Avenue pour une fête.
New York à Perpignan. Avenue of the Americas. Des stands et un air de kermesse.
Des vieux meubles. Des bibelots. Des badauds au milieu de la chaussée. La perspective.
Le Centre du Monde est au bout. J'en vois la façade. A un kilomètre de moi.
Dressée comme celle d'un Helmsley Building sur Grand Central, au fond de Park Avenue.
Je ne boude pas mon plaisir. Celui de marcher au milieu de la rue. Avec d'autres.
Un oeil sur l'heure, je fends la foule. Avec mon bagage à roulettes. Derrière moi.
Que je traîne sur la longueur sans relâcher ma foulée. Le tempo est rapide.
Je n'ai pas le temps d'avoir le trac. Et j'ai déjà affronté des caméras.
J'avance vers la porte de sortie de la ville. Au milieu des lampes et des armoires.
De la vaisselle. Des cartes postales. Ou de vieux disques. Dans leurs caisses.
J'entends de la musique. Qui monte. Synchro. Pile au tempo de ma marche.
Je vis dans un film. BO. Soundtrack. Je n'en crois pas mes oreilles. Une Sardane.
Je pars à Paris. Perpignan me salue. Une cobla installée au prochain carrefour.
Le ciel est incertain. Déclinant. Avec son soleil timide aux nuages du couchant.
Et je marche vers lui en traînant ma valise. Un catwalk sur l'asphalte.
La basse s'enroule à mes talons que j'enfonce dans le sol pour battre la mesure.
Le front est haut. Mon nez aussi. Mon nez qui coule. La fraîcheur est d'hiver.
Paris me revoilà. Je reviens. J'ai un trac amoureux. De l'amour que je quitte.
De la ville que je retrouve. La Sardane compose comme une haie d'honneur.
Et dans ce travelling, je voyage en ouvrant mes épaules, prêt à en découdre.
L'avenue de la gare transfigurée. Dans ce joyeux désordre. Joyeux et triste.
Le soleil se couche sur tout quand tout commence ici.

Ma vie est un film. Le hasard le confirme.
Ce hasard qui a barré la rue pour m'ouvrir un passage.
Qui a placé un orchestre pour me donner du rythme.
Les hôtels miteux. Les vendeurs de kebabs. Tout devient magnifique.
A cette nuit qui tombe au soir de mon départ.
Les trois coups répétés scandent une pulsation.
Celle du folklore catalan qui se déroule comme un tapis de fleurs.
Dans ma poitrine, la musique est la tramontane qui me pousse vers le large.
La musique des racines, de mon identité, qui laboure un sillage où je peux m'engouffrer.
Ca retourne la terre comme mon estomac. Ca poignarde le ventre au moment de partir.
Ma petite caravane parade un jour de triomphe sur la 5ème Avenue.
Avec le caillou dans la chaussure d'avoir à m'éloigner de toi.
Ici, la terre est rouge. Le battement obsessionnel d'une Sardane.
Mes pieds marquent le parvis où Dali s'est donné en spectacle.
La musique s'affaiblit autant que la lumière.
Je traverse le vieux bâtiment. Des annonces dans les haut-parleurs.
Je regarde le tableau. Mon train est affiché. Je prends l'escalator. Je passe sous les voies.
Dans un couloir dont le premier tiers est antique. Le reste sent le neuf et la modernité.
Je réapparais côté gare TGV. Les deux gares côte à côte. Je pense à un sourire.
J'ai du temps devant moi. Pour une cigarette. Je pense à un regard.
Je ne vais pas voie F. Je suis même en avance. Je traverse l'atrium pour gagner la rue.
Quatre énormes cubes aux quatre coins d'une place couverte d'une vague photovoltaïque.
Je marche vers le quartier St-Assiscle. Je pense à un prénom.
Dans la nouvelle gare, il y a une estrade et un piano à queue. Un homme joue.
Décidément, il s'agit bien d'un long-métrage. La BO s'enrichit d'un tango.
Qui accompagne mes pas décidés jusqu'aux portes automatiques.
Je danse avec mon bagage. Jusqu'au pavé d'un boulevard barcelonais.

L'éclairage public s'est allumé partout.
Avec les décorations de Noël. Et les phares des voitures.
Le pianiste me porte comme la Sardane plus tôt.
Il fait du moindre mouvement l'élément étudié d'une chorégraphie.
Je vérifie mes billets en revenant sur mes pas. Puisque c'est un tango.
Que j'ai un train à prendre pour quitter cette ville. Qui n'est pas un talgo.
Mais ce TGV tout neuf qui vient là se ranger le long de la voie F.
Je ne vais pas à Barcelone. Ne passerai pas sur ce pont sous lequel je marchais.
Chaque jour que j'allais au centre de formation. En suivant le bordel de la gare de triage.
Ce train va à Paris. A Paris-Gare de Lyon. Où je retrouverai ce frère revenu en France.
Avec qui j'avais habillé le cadavre de ma mère. La nôtre. Qui est morte. Il y a juste 15 ans.
Le tango s'est perdu dans un seul plan séquence, qui me cadre sur le quai.
Des couples s'embrassent. Se serrent dans leurs bras. Se disent des mots doux.
Quand le mien ne peut se déchirer quelle que soit la distance.
Mes mâchoires serrées sur un chewing-gum, je joue avec ma bague.
Les voyageurs se mettent en mouvement vers des portes numérotées.
Je cherche la voiture 15. Trouve le wagon-duplex où je cale mon bagage.
Des annonces à l'intérieur du train. Pour couvrir celles du quai.
Je m'installe à ma place. Côté fenêtre. Et mes yeux se perdent dehors.
Il y a du mouvement. Le bruit incessant des portes à l'ouverture pneumatique.
A l'heure prévue, une sonnerie retentit. " Prenez garde à la fermeture... "
Mon train est verrouillé. Se met en marche lentement. En douceur.
A moins que ce ne soit la gare qui avance dans le sens opposé.
Le trac s'effiloche sur la rivière que nous traversons au pas.
Puis, en lambeaux, sur les caténaires qui défilent dans mes yeux.
Je pense à mon amour. Et le tango en tête, je ne pense plus à rien.



 

 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 11:23



Je me lève et je vois. Il y a un chat noir dans la rue. Là, sur le trottoir d'en face.
J'étais au lit. Je travaillais. Sur mon ordi. Et mon téléphone a sonné.
" Salut chéri ! " Oh, mon amour. Comme il fait nuit.
Comme c'est gentil de m'appeler.
Je me lève et je vois. La rue déserte ne l'est pas.
Y'a un gros chat. Là. Juste en bas.
Qui paraît bien apprivoisé.
Au téléphone, sans raccrocher.
Je décide de le faire entrer.



 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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14 décembre 2012 5 14 /12 /décembre /2012 15:30



Le Canigou me laisse de marbre.
Je suis concentré sur autre chose. To allow : permettre. To provide : fournir.
Les vieilles chaussures aux pieds. Usées par la marche. Je ne m'en soucie pas.
Turmoil : tourmente, agitation. To swirl : tourbillonner. Mes fiches de vocabulaire.
Les articles de presse. Le New York Times. Que je lisais déjà. Il est vrai.
Mais que je commence à comprendre. Et l'idée me fait sourire. Me fait rire.
Ignorant la brique rouge de l'église St-Martin. Sur mon itinéraire du matin.
Je me rends compte que mon stress est superflu. Quand je n'ai rien à perdre.
Je laisse, sur le côté, une gare que je verrai bientôt. Pour autre chose que les clopes.
Les cigarettes du dimanche. Les travaux sur l'avenue. Tout ça est autre part.
Shale gas : gaz de schiste. GDP : PIB. Gross Domestic Product. L'actualité.
La crèche de Charlotte. La fête pour Noël. Des parents aussi béats que leurs enfants.
Au milieu des parts de babas au rhum, des plats de biscuits et de friandises.
Les mains dans les poches, je rumine un crayon. Dans un magasin de porcelaine.
Comme chez l'antiquaire en bas, dans ma rue, fêtant la première année de son installation.
Je n'y suis pas. Je n'y suis plus. Je marche. Les semelles rongées. Ignorant le décor.
Retrouver mon poste informatique. La feuille d'émargement.
To tame : apprivoiser, domestiquer. Outcome : résultat. Income : revenu.
Des mots peu utilisés par David Letterman, Kathy Griffin ou Wendy Williams.
Je dois écouter CNN. Davantage que les talk-shows. Les analyses économiques.
Favoriser les médias britanniques. Trottoir : sidewalk (US) / pavement (UK).
Sur lequel je passe sous le pont de la voie ferrée. Le Canigou gris bleu.
Une fois de plus. Je ne prendrai pas le Talgo.



 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 22:28

 


Je l'aurai en claquant la porte. En tournant la clé dans la serrure.
Je l'aurai en descendant ma valise dans l'escalier. En atteignant la rue.
Je l'aurai en traversant le parvis. Puis la ville entière. Sur l'avenue de la gare.
A hauteur d'une agence de location de voitures. Où j'ai déjà connu le trac.
Je l'aurai sur le quai. Dans la rame. A ma place. Dans le wagon duplex.
Je l'aurai dans les fenêtres. Dans les Corbières. Dans l'Aude. Dans l'Hérault.
Je l'aurai dans le ciel. Dans les vignes. Dans le paysage. Et la vallée du Rhône.
Je l'aurai Gare de Lyon. Dans le sourire de mon frère. Dans la voiture. Dans le taxi.
Je l'aurai dans les vitres. Dans la pluie. Dans la nuit. Place de la Bastille.
Je l'aurai dans l'appart. Dans la chambre. Dans mon lit. Dans mes draps.
Je l'aurai dans la douche. Dans la tasse. Le café. Dans le sucre mélangé.
Je l'aurai à St-Paul. A Concorde. A Etoile. Dans le noir du métro.
Dans ma peau. Dans mes fringues. Mes cheveux. Dans mes ongles.
Ton regard.

Je l'aurai dans ma bouche. Je l'aurai dans mes yeux.
Dans l'encre du stylo. Dans la fibre du papier. Dans le froid de décembre.
Dans le vol des corbeaux. Les brumes paysannes. Et les eaux de la Seine.
Je l'aurai contre moi. Je l'aurai en écharpe. Je l'aurai dans mes mains.
Ce regard que je porte. Ce regard qui est le tien.
Le tien que je regarde où que mes yeux se posent et quoi que mes yeux voient.
J'ai aussi ton sourire. Et le son de ta voix. Qui animent mes membres.
Me font me lever tôt. Me font prendre le train. Me font quitter la chambre.
Descendre l'escalier. Traverser le parvis. Attendre sur le quai. Traverser le pays.
Sur les toits de Bourgogne. Les banlieues de Paris. J'ai ton regard partout.
Qui m'anime. Me réchauffe. Qui me donne du coeur. Qui me donne du sang.
Le souvenir de ta peau. Le souvenir de ton sexe. Le souvenir de la nuit.
Et sa lumière orange. Ses baisers langoureux. L'envie d'en faire un texte.
D'écrire quelque part. Que je suis un peu toi. Que je suis plus que moi.
Que je suis toujours deux.



 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 10:22



" Eh bien, merci jeunes gens, à la semaine prochaine... " terminait Violetta
en rangeant déjà le classeur dans son cartable de professeur d'Histoire-Géographie.
A ses mots, un vacarme insensé de chaises qu'on tire, qu'on pousse, qu'on traîne,
s'éleva du sol raclé, comme une explosion, suivie d'un tremblement de terre,
et d'une vague d'adolescents de 4ème revenus d'entre les morts, qui montait
et allait déferler sur la porte de la salle de classe pour s'engouffrer dans le couloir.
Violetta se laissa prendre par le courant, et ne sortit du flot qu'à l'extérieur du collège,
pour gagner sur le parking sa 2CV bleu pâle garée près du portail automobile.
Elle reconnut Pascal qui fit clignoter sa voiture à distance. Qui lui avait posé un lapin.
" Je t'ai attendu hier soir... " lui lança-t-elle en essayant de sourire.
Le jeune prof de sport sembla d'abord n'avoir rien entendu. Puis il leva les yeux vers elle.
" Ah, Violetta, bonjour. Tu m'as... quoi ? fit-il sans se détourner de sa trajectoire.
- Je t'avais proposé de venir dîner à la maison, tu te rappelles ?... "
Elle avait jeté son cartable à l'arrière et se tenait debout devant la portière ouverte,
attendant vaguement une explication du jeune homme avant de s'asseoir au volant, qui,
de son côté, progressait vers son véhicule en regardant par terre comme s'il la cherchait.
" Oh, c'était hier soir, je... j'avais un entraînement tu sais, j'ai fini tard et...
Je ne t'ai quand même pas promis d'y être, ça m'étonnerait, s'enquit-il soudain,
j'ai cet entraînement tous les jeudi, je ne sais jamais à quelle heure je finis et...
- Oui, tu m'avais dit, mais tu aurais pu m'appeler. Enfin, ce n'est pas grave.
- On remet ça à une autre fois si tu veux... sourit-il approximativement.
- Bien sûr, t'inquiète, y'a pas mort d'homme. "
Le visage de Violetta vint s'éteindre dans le pare-brise étroit de sa Citroën
alors qu'elle tournait la clé dans le contact avant de faire ronfler hystériquement le moteur.
Elle agita sa tignasse frisée comme le tic de quelqu'un qui veut se reprendre,
qu'elle avait toujours avant d'enclencher la marche arrière.
" Y'a pas mort d'homme... oui, pour l'instant. " songea-t-elle.

Clémentine prospectait dans les rayons de la librairie.
Vaporeuse comme l'encens qui brûlait sur le bureau de Carolina.
" Vous cherchez quelque chose de précis mademoiselle ?... demanda l'hôtesse.
- Je ne sais pas trop... Vous avez quelque chose sur les pierres et les cristaux ? "
Carolina réajusta son poncho en se levant pour venir rejoindre sa cliente.
" Regardez derrière vous. Tout est là. Lithothérapie. Vous voyez ?...
- Oh ?... J'étais proche ! s'illumina Clémentine une main sur son décolleté.
- On n'est jamais très loin de ce que l'on cherche vraiment vous savez.
Voyez. Vous avez le Nora Fischer, ici. Le Barbara Wall et son encyclopédie.
Angelo Gabrielli et son dictionnaire, très bien fait. Et ça, vraiment, c'est la bible.
Si vous voulez l'alpha et l'oméga sur la question, je vous recommande celui-ci. "
Clémentine feuilleta l'énorme volume que Carolina avait sorti de son étagère.
" En effet, celui-là semble très détaillé. " Elle lisait pour elle-même.
Propriétés énergétiques des pierres et des cristaux.
" C'est pour vous ou pour offrir ?...
- Pour moi qui n'y connais rien, s'excusa Clémentine.
J'ai toujours aimé les pierres. Les bijoux. Vous voyez. J'aime les porter.
Mais une amie m'a parlé des vertus de certaines d'entre elles, et, cela m'a impressionnée,
d'autant que j'ai eu le sentiment bizarre de savoir déjà ce qu'elle m'en disait.
Comme si c'était un savoir que je portais sans le savoir.
- On n'est jamais très loin de ce que l'on cherche vraiment.
- Et des cristaux, vous en vendez ?... "
Carolina dévisagea la jeune femme. Un sourire vint se dessiner sur son visage.
" Vous n'allez pas être déçue... suivez-moi. "




 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 11:28

 


Le trimestre de rentrée touche à sa fin.
Nous arrivons en haut de la côte. Nous arrivons au plat des Fêtes.
Il y aura encore quelques lacets avant que la route ne se précipite dans la pente.
Celle qui nous ramènera vers le sable et le soleil brûlants.
Je n'ai pas vu la mer depuis longtemps.
Au plus tard, je lui tournerai le dos dans la baie de Rosas.
Lorsque la famille sera réunie chez mon père, en Espagne.
Me rappellerai aux pins un peu crispés dans les fenêtres, combien il est bon,
et voluptueux, de descendre en maillot et pieds nus la rue jusqu'à la plage.
Mon corps pris dans un pull, un gilet, une veste, un manteau, je me rappellerai
combien il est bon d'être à poil, au soleil, offert sur une serviette à tous les éléments,
dérivant mollement sur un rectangle d'eau, matelas pneumatique, dans la lumière aveugle.
La piqûre des moustiques. La marque du bronzage. Je m'en rappellerai.
Face au spectacle désolant de la baie décolorée et pâlotte. Endormie. Eprouvante.
J'aurai revu Paris. Qui ne me manquait pas. Et j'aurai d'autres pistes pour le virage à suivre.




 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 15:59



Ce sont ces ourlets de chair que je presse sur mes lèvres.
Dodus. Epais. Pulpeux. Quand ils viennent de lubrifier l'extrémité sensible.
Une peau douce et humide sur la peau fine de ma bouche. Irriguée.
Celle des bordures souples de l'orifice béant que ma langue peut fouiller.
Les pelles promises. Les voilà. Enfiévrées. Au baiser que l'on se donne.
Quand tu viens de lécher l'appendice qui fait de moi un homme.
Et le froc aux chevilles, je te serre dans mes bras lorsque tu te relèves.
Pour dévorer mon visage après avoir mangé mon sexe.
Puisqu'il n'y a plus d'innocence dans le jardin d'ici, celui d'Adam et Eve,
que nous avons bouffé la pomme jusqu'au trognon, à pleines dents,
autant nous faire du bien, en connaissance de cause, quitte à être damnés.
Chassés du Paradis ? La belle jambe que ça te fait. Que je caresse. Et que je palpe.
Quand j'extirpe la mienne d'un noeud de jean et de sous-vêtement, empêtré,
avec un dard en proue impatient de retrouver la pression de tes doigts,
le contact de ta peau, de toutes tes substances, où je veux m'emmêler,
plus encore qu'au textile.
Le corps fait son ouvrage. Mais je ne te perds pas. Ne te perds pas de vue.
Les regards magnétiques au-dessus du volcan. Du chaudron de désirs.
Je dois voir dans tes yeux le sourire qui m'assure me vouloir comme me reconnaître.
Il me dit aussi bien " je suis moi, et je sais qui tu es " que " je te veux, maintenant ",
moi qui ne veux que toi, n'ai besoin que de toi, lorsque nos corps s'allongent.
Ton bras est relevé, ma main s'ouvre à l'aisselle, la paume peut la couvrir,
remonter l'intérieur du biceps pour rejoindre le coude d'une idole crucifiée.
Nos cuisses quadruplées se frictionnent entre elles à nos pâtes malaxées
que je pétris vigoureusement en cherchant ton parfum sous le cuir chevelu.
Au départ de ta nuque. Quand ma barbe vient râper le coin de ta mâchoire.
Nos bouches se retrouvent. Nos regards s'aperçoivent entre deux coups de langue,
et deux volées de cils, quand je veux être ici, et plus bas, et partout à la fois.
Etre un duvet de plumes, couverture ou brasier, et l'eau chaude de la douche.
Je suis le gel qui perle et l'huile pour le corps. Le savon qu'on promène.
Et ses traînées de mousse. Qui se frayent un chemin jusqu'au bas de tes jambes.
Au-dessus de l'orgie, il y a nos âmes pures, éblouies d'être ensemble, émues d'être séparées
par les parois osseuses des crânes bosselés ou le tissu des muscles, les cloisons de la chair,
et ses caissons étanches, où deux coeurs, l'un sur l'autre, ne peuvent fusionner.
Deux pantins hystériques et désarticulés, qui s'enrobent l'un l'autre, en flammes et enragés
de ne pouvoir s'atteindre, de ne pouvoir se fondre, d'être deux entités.

Ce sont deux ourlets de chair que je presse sur le filtre.
Inspirant le poison qui fait plisser les yeux.
Accoudé près de toi qui regarde le plafond.
Baiser est toujours décevant. Quand j'ai appris très tôt qu'il valait mieux aimer.
Quand la moindre caresse devient l'allumette craquée et son flash de phosphore.
Que le moindre regard offre des sensations dont je frissonne encore.
Certes, à ta chair de poule, les coussins de mes doigts t'effleurent doucement,
jouent à la provoquer, aux abords des tétons comme aux flancs voluptueux.
Prolongeant le plaisir de ce dernier orage. Extirpant son écume. Et ses derniers sursauts.
Quand à mes jeux lubriques, s'ajoute une émotion qui n'a pas débandé,
qui est montée puissamment, plus forte que l'orgasme, me brûler les rétines,
me crever la poitrine et défoncer ma gueule, qu'on pourrait résumer en deux mots, j'imagine,
mais que je ne dis pas, quand mes doigts les dessinent sur ton ventre inondé.
Le volutes silencieuses le disent mieux que moi. Elles s'étirent dans la chambre.
Et dans leurs arabesques, elles minaudent les aveux d'un coeur d'adolescent.
Dans les odeurs de foutre, et celles du tabac, il y a ce parfum exhalé de ta nuque.
Qui se fait un chemin autour de mes narines. S'enroule à ma fumée.
Je ne suis qu'un esprit. Pourrait bien être eunuque. Je flotte dans la pièce.
Dans les rais de lumière qui pleuvent sur le lit. Je respire tes pensées dans ta respiration.
Qui a retrouvé la paix dans un dernier méandre.
C'est l'odeur du whisky qui ranime mon corps quand à ton grain de peau,
je reconnais le nombre de tes grains de beauté, alignés, à leur place, et dont je suis accro.
Le processus psychique. Celui de l'addiction. A l'arête du nez. Celle de ton menton.
Le plan incliné de ton front. Le départ des cheveux. Où mes doigts aiment se perdre.
Je me consume. Pars en fumée. Tu bascules la tête. Calée dans l'oreiller.
Tes yeux glissent avec détermination se loger dans les miens.
Je suis cloué. Criblé de balles. Et je pense : " mon Dieu... mon Dieu... "
Dans une panique d'une sérénité étrange. " Je suis un homme heureux. "
Je ne fuis pas ton regard. Et je pense : " je n'ai jamais rien vu d'aussi beau. "
Et je n'en suis plus à me demander si je mérite une telle perfection.
Mes iris sur la braise, je sens mes yeux griller à cette intensité dont la douceur m'apaise.
Qu'y a-t-il d'important dans ce monde ? Quand on brille en son sein. Au centre de la terre.
Qu'est-ce qui existe encore ? Quand le regard donné recrée tout l'univers.
Je suis l'eau de la douche. Qui voyage sur ta peau. Son halo de vapeur. La buée sur la vitre.
L'éponge du peignoir. Celle de la serviette. Et le tapis de bain. Je suis la nuit d'automne.
Tout le chaud et le froid. La barre de chocolat. Et la tasse de café.
Je suis tout ce que tu portes. Aux deux ourlets de chair. Qui dessinent ta bouche.
Je suis un homme heureux. Dans un monde parfait.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 17:25



Il y a ce samedi noir de la télévision française.
Que j'avais oublié. Samedi noir de la télé.
Miss France et le Téléthon.
Depuis des années déjà.
Et mon cerveau embrumé, enrhumé,
qui fête Noël avant l'heure.
Les deux premières chaînes nationales congestionnées.
Le nez qui coule et la toux grasse. Plus de nuit que de jour.
Et des chants qui tournent en boucle dans les rues commerçantes.
Mon corps lâche. En peignoir. Il déserte le monde. En stand-by.
La tête dans le sable. Je ne veux pas voir ça.
Les touristes prenant des pingouins bleus en guirlandes devant un igloo.
En photo. En famille. Sous un sapin glacial. Erigé face à la cathédrale.
Je m'éclipse. Me retire. Rase les murs. Dois me moucher.
Dois ménager mes forces. Pour le week-end prochain.
Où je devrai passer le cap de l'année. De la saison. Et du siècle peut-être.
Un samedi noir. Qu'il faudra éponger. Entre autres réjouissances.
Le changement d'heure. La Toussaint. Et la foire St-Martin.
Je me débarrasse, méthodiquement, de tout ce qui m'emmerde.
De tout ce qui m'est pesant, désagréable, et définitivement étranger.
Je n'aime pas les gants, les bonnets, les écharpes et les manteaux fourrés.
Ni les chalets stupides, sagement alignés, pour aligner la thune et les bons sentiments.
Je vomis le programme, et cette exhibition. De ces enfants malades. Arrangés.
Que l'on ressort tous les ans, pour passer parmi vous : " à votre bon coeur ".
Quand TF1 y oppose, le comble de la vacuité, de la vulgarité, et du mépris des êtres.
Une autre exhibition. De pantins et de cloches. Pour ramasser du fric.
Mon corps abandonne. Il y a trop de pression. Je dois me préserver.
Couper le son. De la rue. De la télévision. De ce qui m'exaspère.
Pour espérer trouver ce qui vaut d'être vu. Entendu. Eprouvé.
Dans ce tunnel de nuits. Qui n'en finissent pas.
Que je passe avec moi. Que je passe sans toi.
En attendant l'issue. La porte de sortie.
Le moment idéal pour moi d'être malade.
Où je préfère cent fois être en hibernation.
Tirer ma révérence.
Je reviendrai plus tard.
Le rideau est baissé.




 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 11:44



Je ne suis pas expert en sciences physiques, mais il me semble que cela se conçoit.
C'est un peu comme la poussée d'Archimède. Ce qui pèse ici ne pèsera pas là.
Ce qui est en contact, et se confronte, provoque une réaction à la pénétration d'un objet.
Qui a un volume et une masse. Rien ne se perd, rien ne se crée, disait l'autre.
Ce qui était là, avant la réaction, l'est toujours, même si déplacé, ou sous une autre forme.
L'air dans lequel vous vous déplacez se déplace. Vous le déplacez, sans doute.
A votre passage. Comme en l'inspirant et l'expirant. Mais il en demeure une même quantité.
Ici, le volume d'eau de départ, peut se transformer, en vapeur comme en glace,
celui pris à la mer sera restitué en pluies, sans aucune déperdition.
La Chine. La voilà. Qui a ouvert la porte de son enclave politique géante.
Le barrage a cédé sous la pression des eaux de la mondialisation.
Et si le régime fait encore de la résistance, il ne pourra pas lutter
contre les lois physiques.

Les plus vieux, dont je suis déjà, se rappellent du modèle japonais.
Electronique. Photo. Vidéo. Hi-Fi. Jusqu'à la culture de masse avec ses dessins animés.
Au lendemain de la guerre, dispensé de dépenses militaires, comme un autre vaincu
divisé en deux Allemagne, l'Empire Nippon pouvait s'enivrer d'une croissance hallucinante,
qui créait autant l'admiration que la crainte, sur les ruines du cataclysme nucléaire.
Les Années 60. Vous voyez. Nous avons eu des Jeux Olympiques à Pékin en 2008.
En 1964, c'est Tokyo, qui voulait montrer sa force et son rayonnement au reste du monde.
Des Jeux et des Expositions Universelles. Pour valider l'entrée du pays chez les puissants.
Après des décennies de croissance, les Japonais eurent envie de consommer et de jouir.
Et l'Empire, arrivé au rang de deuxième puissance mondiale, put goûter au déclin.
Le pays délocalise et sous-traite autant que les autres. Sa dette est aussi abyssale qu'ailleurs.
Le prédateur repus connut les revendications syndicales et démocratiques.
Et ce grand pays se mit à produire moins, de façon moins compulsive et compétitive.
Le cas de la Chine est différent sur deux points.
Une différence de nature, qui est celle de sa démographie monstrueuse.
Une différence de contexte, qui est celui de la globalisation accélérée par internet.
Mais les lois de vases communicants restent les mêmes. Le principe des écluses.
Nous voyons déjà la République Populaire commencer à délocaliser à son tour.
Car déjà, l'ouvrier chinois n'est plus le moins cher de la biosphère sociale du monde.
Pour la première fois, sans doute avec une impulsion politique accompagnant les forces
observées de la tectonique des plaques, on relocalise de l'emploi industriel aux Etats-Unis. 
Hier, Apple, rien de moins, annonçait l'installation d'une chaîne de production d'ordinateurs
sur le territoire américain, lorsque la compétitivité asiatique a fini par s'essouffler.
Caterpillar ou General Electric ont déjà redonné de l'emploi aux ouvriers US,
rouvrant des usines, comme Whirlpool dans l'Ohio, à ce point de bascule, où la Chine
commence, mathématiquement, à devenir victime de son propre succès.
S'il y a eu un moment désagréable à passer, chez nous, en Occident, qui nous empêchait
bien sûr - bien qu'égoïstement - de nous réjouir du développement de pays qui furent pauvres,
nous pouvons nous réjouir de l'essor phénoménal des pays dits émergents.
Car, si la première conséquence fut, en effet, de ruiner ce qu'il restait de nos industries,
il y avait déjà une raison humaine de nous satisfaire de voir la misère reculer dans le monde,
quand il y a aussi, de façon plus pragmatique, des marchés fantastiques à conquérir
quand ces millions d'ouvriers, si compétitifs, deviendront des millions de consommateurs.

L'ouvrier chinois, rendez-vous compte, n'est pas la fourmi laborieuse que nous imaginions.
Figurez-vous que, comme la fourmi occidentale, il préfère passer des vacances avec ses proches
que descendre à la mine avec le risque de ne jamais en revenir vivant.
Il y eut des pressions déjà, pour des augmentations de salaires.
Et, avec l'apparition de ce que l'on imaginait impossible dans un pays communiste,
une classe moyenne, les ouvriers européens et américains peuvent espérer retourner au travail.
La démographie et l'époque ont permis à la Chine de faire en cinquante ans
le parcours que l'Occident avait fait en trois siècles.
Mais le fantasme de la personne asiatique disciplinée proche du robot docile est un leurre.
Les Chinois rêvent tous d'être aussi désoeuvrés et oisifs que les Occidentaux décadents.
Rêvent d'avoir le confort et le loisir des machines et technologies qu'ils ont produites.
N'ayant pas le goût particulier, bien que Chinois, d'être exploités comme des esclaves.
Et, comme les Japonais avant eux, vous verrez qu'ils prendront vite goût au crédit.
Que l'Etat, lui-même, désirant être puissance politique, lancé dans des dépenses militaires,
devra, ne serait-ce qu'à l'envergure d'équipements à réaliser sur un territoire aussi vaste,
lui aussi - quand des chiffres non communiqués pourraient nous révéler que c'est
une logique déjà en marche, dans certaines provinces notamment - se soumettre à la dette.
Le développement, bien que sous régime prétendument collectiviste, se fait selon les règles
dites capitalistes de l'offre et de la demande, un modèle libéral triomphant dans le monde
depuis la chute du Mur de Berlin, auxquels les Chinois ont adhéré, à leurs risques et périls.
Le modèle, sorti des considérations idéologiques, est celui du progrès à l'échelle globale.
Car si nous pouvions pester à l'idée que des Brésiliens ou des Indiens nous prennent, certes,
des emplois comme des parts de marché, nous pouvons peut-être apprécier que le Tiers-Monde
qui nous faisait pleurer à chaudes larmes dans les Années 80, finisse par disparaître tout à fait.

L'Occident est comme le fils aîné d'une famille.
Qui, à l'arrivée de petits frères et petites soeurs, doit accepter l'idée de partager.
Partager sa chambre ou l'affection des parents. Mais la famille s'agrandit.
Parce qu'elle a les moyens de le faire.
Nous avons traversé des turbulences prévisibles à l'éveil de mastodontes démographiques,
mais dont la feuille de route est la même pour tous, l'aspiration à la prospérité et à la liberté.
Les perturbations ont encore de beaux jours devant elles, mais la logique des forces
est de parvenir à une harmonisation, mondiale, qui atténuera tous les déséquilibres.
Il y aura bien des guerres ou des tensions politiques autour de l'énergie notamment.
Mais le monde, opportuniste, suivant les lois physiques qui le régissent malgré nous,
parviendra à faire réapparaître ici ce que l'on avait dissimulé ou repoussé ailleurs.
L'équilibre qui se fait, certes sur des générations, est une réaction aussi implacable
que celle du ballon plongé sous l'eau remontant furieusement à la surface.
La production industrielle, avant d'obéir à des décrets politiques nationaux,
suit le cours naturel de règles comme la rentabilité, la compétitivité,
que certains peuvent juger nihilistes ou inhumaines, mais dont les causes et les effets
ont le mérite d'être aussi attendus qu'immuables. Comme aux lois de la gravitation.
Des choses dont nous pouvons ne pas nous satisfaire, mais dont nous connaissons les forces,
depuis que notre espèce a découvert l'agriculture et l'idée du progrès.
Ainsi, comme nous pouvions nous y attendre, la Chine n'est déjà plus le conquérant terrible
qui alimentait autant de fantasmes que de phobies au cours de la dernière décennie.
Lorsqu'elle suit précisément le mode de développement que nous avons suivi avant elle.
Qu'elle n'oppose aucun modèle, comme elle tenta de le faire avec l'URSS en d'autres temps,
embrassant au contraire celui d'un capitalisme dont nous connaissons parfaitement les codes.
Si les tensions géopolitiques resteront vives, en particulier sur la zone Pacifique,
nous voyons que sur le plan économique et industriel, la crise de croissance, toujours en cours,
aura ses limites, quand nous commençons à en voir les premières conséquences aujourd'hui.
L'emploi délocalisé commence ici ou là à revenir, sur des filières connues et exploitées,
comme il y aura de nouveaux emplois à pourvoir sur des filières encore inconnues.
Ce n'est donc pas une marinière, un label, ou les incantations politiques,
qui ramèneront des usines sur le territoire français, mais un modèle social, un modus vivendi,
et des aspirations qui ne sont pas occidentales mais proprement humaines,
qui nous sortiront, curieusement, de certaines crises par le haut, lorsque la tendance de fond
n'est pas d'aligner nos salaires sur ceux des pays émergents, mais les leurs sur les nôtres.
Bien sûr, cela ne se fait pas en une génération, et nous traversons, en Europe, sans doute,
une période sinistre de perte de confiance en nous, mais la courbe générale montre
qu'il ne s'agit pas de baisser notre niveau de vie occidental à celui des pays émergents,
mais de hisser celui des pays émergents à notre niveau de vie, qui nous paraît précaire,
mais que les Indiens et les Chinois voudront, et pourront,
maintenir pour nous comme pour eux-mêmes.




 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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