Je ne suis pas loin de vérifier une pensée de Descartes, dans ma chair,
qui disait qu'à employer trop de temps à voyager,
on devient étranger à son pays.
Partout... Mes déclarations d'amour tombent à plat.
Et je ne comprends plus les gens que j'avais laissés ici.
Ce que j'éprouve, bien sûr, n'allait pas soulever des montagnes.
Mais l'indifférence générale de mes proches soulève quelques questions.
J'étais parti. Et qui va à la chasse, en effet, je le confirme, perd plus qu'il ne l'imagine.
Il n'y a pas de dépit amoureux de ma part.
Je n'aime pas Perpignan plus que de raison.
J'ai l'affection filiale. Le respect du cimetière et des morts.
J'ai l'émotion intacte d'une enfance heureuse.
Mais si rien ne me retient ici, eh bien, c'est que mon destin est ailleurs.
Je n'aurai pas plus le coeur lourd à distance que je ne l'ai sur les lieux.
A me battre contre le vide qui m'envahit inexorablement.
Je vois les limites de l'attachement. Et la mesure de décalages.
Béants. Sur lesquels mon masque commence à se craqueler.
Je comprends ce que les gens font ici. Ils élèvent des enfants.
Ils gagnent leur vie et élèvent des enfants.
Remettons les choses dans l'ordre, à propos de la chasse.
Ce n'est pas parce que je suis parti que je n'ai plus ma place ici.
C'est parce que je n'avais pas ma place ici que je suis parti.
Adolescent déjà, je m'en souviens maintenant, j'avais fait le tour de la question.
Et je me rappelle pourquoi j'avais pris le large, dès que possible.
A Bordeaux d'abord, au Québec ensuite. Barcelone et Paris.
Convaincu que je n'étais pas fait pour fonder une famille et vivre dans un pavillon.
Je n'ai jamais jugé mes amis et compatriotes qui se sont épanouis dans ce modus vivendi.
Ayant même une forme d'admiration, quand je n'ai pas les qualités requises.
Déjà, jeune homme, l'apéro devant la télévision me déprimait profondément.
Les courses du samedi dans les zones industrielles et les grandes surfaces.
Et le sceau du bon sens : " il faut bien vivre ", " il faut bien manger ", " il faut bien... "
me rendait fou de rage au manque d'ambition comme au manque d'imagination.
J'avais besoin, comme tous les chats, d'activités cérébrales, intellectuelles et artistiques.
Ronronnant au travail de cerveaux bouillonnants au désir de changer le monde.
Heureux dans les grandes villes, où bien sûr, l'électricité de l'ébullition me rendait vivant.
Les maisons d'édition. Les sièges de sociétés. Les plateaux de télévision. Les théâtres.
Où les " il faut bien " n'ont plus cours, puisque c'est ici que l'on imagine le reste.
Les laboratoires de l'humanité. Les ateliers d'artistes. Les galeries d'exposition.
Où l'orgueil se manifeste autrement qu'en se reproduisant sexuellement.
Je ne suis pas fait pour aller en voiture faire mes courses du samedi au supermarché.
Ce n'est pas un jugement de valeur. Quand je ne dis pas valoir mieux que ça.
Je suis simplement honnête en expliquant que cela ne me rend pas heureux.
Et que je veux l'être.
Apparaître sur un écran de cinéma n'avait rien d'extraordinaire, je présume.
D'autant plus lorsqu'il s'agissait d'un passage très bref, en forme de clin d'oeil.
Ce qui m'a le plus surpris est que ce sont des gens du deux ou troisième cercle,
qui ont vu le film et qui m'en ont parlé, lorsque personne du premier n'avait eu cette curiosité.
Je ne l'ai pas mal pris. J'en ai pris acte. Quand cela confirmait une tendance générale.
Le peu de choses publiées à l'échelle nationale n'intéressait personne de mes proches.
Je ne ferai pas ici encore de name-dropping, qui finirait de me rendre pathétique à ce stade,
quand on sait que des personnalités de qualité m'ont fait confiance et m'ont encouragé.
Amis d'enfance ? Famille ? Il y avait bien quelques questions d'usage, de politesse.
Mais je voyais vite que, dans la mesure où je n'étais pas Lady Gaga en personne,
ce que je réalisais n'avait que peu d'impact ou d'attraits. Soit. Pas de quoi fouetter un chat.
Il suffisait de s'adapter. Et nous pouvions parler des soldes comme de Secret Story.
Pire encore, pour certains, le peu que j'avais fait n'était rien de moins que de la merde.
D'une certaine façon, je suis d'accord avec eux. Quand je n'ai écrit que pour les autres.
Et que j'étais corseté par le formatage imposé aux maisons de disques.
Mais j'étais bien placé pour savoir, moi, l'exploit qui consistait à placer un titre sur un album.
Si je ne pouvais me glorifier d'avoir écrit Les limites de Julien Doré ou le Au soleil de Jenifer,
qui ont, outre leur qualité discutable, eu au moins la respectabilité du succès,
je savais d'où je venais et où je me situais, y compris économiquement,
dans une masse d'auteurs, certes, que l'on ne voit jamais chez Nagui ou chez Michel Drucker.
En somme, il était difficile de venir, avec mes réalités quotidiennes, celles du business,
briser les fantasmes des consommateurs qui ne veulent rien savoir de l'envers du décor.
Je suis assez construit pour ne pas me formaliser.
S'il est confortable pour certains de considérer que j'ai - encore - échoué, grand bien leur fasse.
Je n'avais jamais fait qu'accepter des propositions, qui, de façon tout à fait immorale,
étaient tombées du ciel avec une simplicité à faire s'étouffer de rage les tenants du mérite,
et, sans aller jusqu'à parler de jalousie, je peux au moins dire que j'ai reconnu le mépris.
D'entrée de jeu, il est aisé aussi de partir du principe que je me la pète.
Et que je regarde de haut ceux qui vont faire leurs courses au supermarché le samedi.
" On n'est pas assez bien pour toi... " Voilà une phrase qui a pu me laisser perplexe.
Lorsque je pense que, s'il pouvait y avoir du vrai dans cette sentence,
il y avait un profond malentendu sur les critères d'évaluation.
De toute façon, je ne pouvais rien faire pour calmer des formes vives de frustrations.
Et courbais l'échine, par amitié parfois, aux attaques faciles qui sentaient la rancune.
Découvrant comme il est violent de rentrer chez soi après avoir vu du pays.
Que l'on ait " réussi " ou " échoué ", le Fils Prodigue est toujours un être suspect.
Qui porte le poids de sa trahison. Et de son ambition détestable.
" Il est dans la merde ?... Bien fait pour lui !... ça lui fera les pieds. "
Très bien. Il se trouve que je préfère être dans la merde,
que d'aller faire les courses le samedi après-midi au supermarché.
Voilà ce que j'aurais dû faire. Rester ici. Etre fidèle.
Passer gentiment les étapes. Etendre et renforcer mon réseau local.
Il n'y a pas grand-chose à faire, ici, pour finir par croiser des personnes influentes.
Un vernissage. Une soirée. Un ami d'un ami. Et les choses se font naturellement.
Comme lorsqu'on m'avait convoqué un après-midi, chez un couple de retraités bienveillants
qui semblait croire en ma peinture et en ma poésie, quand je n'avais rien demandé,
où se trouvait un élu - que je ne connaissais pas - prêt à répondre à toutes les requêtes.
" Un local pour votre association ? Très bien, je vais y penser... Un job pour votre nièce ?... "
J'assistais à cette audience privée, presque occulte, avec une impression désagréable.
Très vite, ce fut mon tour : " Et vous ? Qu'est-ce que vous voulez ?...
- Moi ? Je ne veux rien... "
L'expression de mon orgueil sans doute. Mais je ne pouvais faire autrement.
Lorsque, sincèrement, je n'avais besoin de rien. Et n'ai pas eu la présence d'esprit d'inventer.
Mon refus fut perçu comme un affront. Un camouflé. Perçu comme de la suffisance.
Eh bien, oui, si la suffisance n'était pas systématiquement confondue avec la vanité,
je dirais que j'avais tout pour être heureux à l'époque, que j'étais donc suffisant
puisque je n'avais pas besoin de me retrouver redevable d'un service, ni de quoi que ce soit.
Maintenant que j'ai vieilli, je retrouve des gens de ma génération à certaines responsabilités.
Qui ont bien tout fait comme il faut. Et qui me regardent de plus haut que je ne les regarde.
Quand ils s'imaginent que je méprise leur réussite,
ou que je juge leurs choix pour y parvenir.
En effet, je suis parti. Cela voulait-il dire que je vous tournais le dos ?
L'absence et le silence laissent place à beaucoup de fantasmes.
J'avoue volontiers avoir joué de certains d'entre eux.
Lorsque je sais que le texte La terre est rouge, n'aurait jamais eu cet impact
si je ne l'avais pas écrit à Montréal, outre-Atlantique, à des milliers de kilomètres.
Mais dans cette distance s'engouffrent bien des confusions, des méprises,
et les décalages qui s'installent sont plus profonds et durables que le simple décalage horaire.
Le fait est que j'ai un avantage sur mes compatriotes. Je les connais. Et je connais leur vie.
Pour l'avoir eue. Avec eux. Pendant plus de vingt ans. Supermarché du samedi compris.
Quand ils ne connaissent pas la mienne. Même si j'en dis beaucoup par écrit.
Et que, même si certains me lisent, l'évocation ne remplace jamais vraiment le vécu.
Evidemment, je ne peux pas comprendre ce que c'est d'être père. Et encore moins d'être mère.
Et suis prêt à croire que c'est la chose la plus fantastique du monde et de l'existence.
De la leur assurément. Mais je comprends très bien ce que c'est de se lever le matin.
D'aller faire son boulot, plus ou moins alimentaire, pour payer les charges et la maison.
D'aller chercher les petits à l'école. De faire la bouffe. Le plein d'essence.
Et des projets pour les vacances de Pâques.
Mettez-vous dans la tête que ce n'est pas une vie de merde.
C'est juste que ce n'est pas la mienne.
Mes déclarations d'amour tombent à plat, en effet.
Lorsqu'elles ne touchent que les gens qui ne sont pas d'ici,
ou ceux, précisément, qui comme moi sont partis.
Quand il y a un syndrome local qui consiste à ne pas s'aimer vraiment.
Lorsque cet amour propre est un préalable à toute conquête de l'extérieur.
Pourquoi le Roussillon se vendrait-il au reste du pays quand il ne croit pas en lui ?
Ma mission n'est pas de promouvoir Perpignan. Ni les charmes de la vie de province.
Perpignan fait partie de moi. Je l'assume. J'y suis né. J'y suis tombé amoureux.
Et, même si la plupart ne me connaissent pas vraiment, j'y ai encore des amis.
Mais je savais, avant-même de revenir de Paris, que je ne me fondrais pas dans le moule.
Jamais je n'épouserai une jeune femme fraîchement divorcée pour lui faire un gosse.
Jamais je ne m'endetterai pour acheter une maison en banlieue avec son barbecue.
Jamais je ne travaillerai au Conseil Général ou à la Mairie pour payer les frais.
Une sortie au ciné et à la pizzéria, pour changer du supermarché du samedi.
En attendant toute ma vie qu'un seul être se libère ou s'avère disponible.
Je satisfais ici mon goût pervers ou romantique pour les amours impossibles.
Pour les relations stériles. Quand je veux croire, plus que tout,
que l'on peut aimer quelqu'un pour autre chose que de bonnes raisons.
Je n'attends pas qu'on me rassure. Je n'attends pas qu'on me soit fidèle.
Je n'attends pas un salaire de plus pour payer les factures et élever des enfants.
Quand, les bonnes raisons, elles aussi, semblent n'être qu'une valeur subjective.
Il n'y a pas de dépit amoureux.
Il y a juste la constatation que je me fais mal comprendre.
Et je dois, de ce fait, en tirer les conséquences, faire mon autocritique.
Quand je me leurre volontiers aussi sur les motivations de l'affection qu'on me voue.
L'amour, où qu'il se trouve, est toujours un malentendu qui se satisfait de lui-même.
Un équilibre fragile dont il ne faut pas remuer les pierres si on le veut durable.
Quitte à mourir noyé dans le formol d'une première impression.
Quand je sais que même l'amour de ma mère, le plus fort de tous à ce jour,
n'était pas l'amour de moi, mais de ce que ma mère projetait sur son fils.
Et que j'ai joué le jeu en lui renvoyant l'image qu'elle souhaitait conserver.
Etre fière de moi, c'était encore être fière d'elle-même.
Et je sais depuis elle ce qui anime tous les parents aimants.
Avec tout l'amour que je lui porte encore, plus sain et plus pur depuis qu'elle n'est plus,
je ne la juge pas, j'observe le désespoir des hommes à devoir disparaître.
Et ce besoin touchant de se kiffer eux-mêmes à travers leurs enfants.
Aussi vrai que Dieu a fait les hommes à son image, les hommes font leur maison,
leur garde-robe, leur carrière à leur image, avec une haute idée de ce qu'ils doivent être,
quand ils se comparent toujours à ces cons de voisins qui ont si mauvais goût.
Leurs petits sont toujours précoces, et plus beaux que ceux de la cousine.
Et pour être un fils, moi aussi, j'ai été plus beau et plus intelligent que tout le monde.
Puisque j'étais le produit de deux orgueils délirants.
Vous comprendrez pourquoi j'accepte quelques reproches.
Suffisant. Egoïste. Narcissique. Ah voilà... la belle affaire. Qui ne l'est pas ?
La différence peut-être est que je suis de ceux qui l'assument sans rougir.
Quand je ne prétends nulle part être un cas particulier.
Lorsque j'en suis un au même titre que tout le monde.
Je ne me formalise pas. Aux reproches comme aux procès d'intention.
Le cuir est épais. Au point que même transparent, il déforme les choses.
Et je sais que vouloir et savoir sont deux actions différentes.
Ainsi, je sais être seul quand je ne veux pas l'être.
On va me trouver injuste. Si on décide de me lire de travers.
Quand je sais que je n'écris pas cela ni pour me faire valoir, ni pour me faire plaindre.
Quand je n'attends pas d'être lu, mais d'être libéré de ténèbres que je dois expulser.
Je n'aurai pas la fausse modestie, ni l'hypocrisie, d'écrire que c'est un témoignage
qui pourrait être utile, qui pourrait aider les gens, " si mon expérience pouvait... "
blablabla, non... je serai honnête en disant que c'est à moi que je fais du bien.
Une masturbation si vous voulez. Qui m'évitera de me jeter par la fenêtre.
Quand les chants de Noël ont commencé à retentir dans les haut-parleurs du quartier.
Et que je dois accepter les côtés sombres des choix qui sont les miens.
Comme les paradoxes qui me malaxent le coeur comme une balle anti-stress.
Voir les côtés sombres et ma part de responsabilité. A ce qui ne va pas.
Et m'empêche de trouver le sommeil.
Pardon si je laisse l'impression d'égratigner les gens qui font des enfants.
Même si beaucoup ne se privent pas de juger ceux qui n'en font pas.
Je ne peux pas jeter la pierre à ceux sans qui nous ne serions pas là.
Je veux juste revendiquer le droit de vivre autrement.
Et contester la palme de l'égoïsme que l'on décerne un peu vite
à ceux que l'on accuse d'être à la fois immatures et irresponsables.
Rappelant tranquillement que faire des enfants est aussi une forme d'égoïsme.
Et que c'est pour beaucoup un signe extérieur de richesse et de respectabilité.
Pardon si je laisse l'impression de juger ceux qui travaillent dur et font leurs courses,
quand je ne peux pas, si je ne peux pas me plaindre moi-même, les plaindre davantage
pour une vie que l'on choisit toujours, même quand on pense ne pas avoir le choix.
C'est mon cas. Je suis seul responsable du lieu où je me trouve. Ou de ma situation.
Et que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, si je m'obstine à croire en certaines choses.
Lorsqu'une part de ma personne, qui n'est pas Mister Hyde, n'est pas dupe.
Qu'elle sait ce que j'accepte et de qui. Ce que j'attends et de qui.
Et le fait qu'on ne peut compter, au fond, que sur soi-même.
Quand la pire déception n'est pas celle d'être déçu des autres.
Mais de ne pas être à la hauteur de ce que l'on prétend être.
De qui on se prétend être. A soi. Puisqu'il n'y a que nous dans la glace.
J'envoie des bouteilles à la mer. Qui n'atteignent pas leur cible.
Récoltant l'indifférence ou le silence quand je cherche à être caressé.
Et j'enrage de ma faiblesse à chercher le secours ailleurs qu'en moi-même.
A mendier un soutien que je n'obtiens pas et n'obtiendrai jamais.
Puisque je me suis volontairement mis hors de portée de toute implication.
Pourquoi m'étonner de passer après tout le monde quand je ne veux pas passer devant ?
Voilà de ces contradictions chez moi qui viennent m'exaspérer.
Je peux ne pas être compris. Je peux être très bien compris.
Quand il me faut apprendre que je ne suis indispensable à personne.
Pas parce que je l'ai bien cherché, mais parce que je suis un être humain.
Et que ma mère en s'éteignant m'a prouvé que la fin du monde n'avait pas eu lieu.
J'ai continué à vivre et à être heureux alors qu'elle n'était plus là.
Et qu'en réalité, je n'avais pas besoin d'elle.
C'est une leçon que je ne dois pas oublier. Quand je mourrai aussi.
Quand j'ai la preuve, tous les jours, que les gens qui m'aiment me portent tous,
évidemment, des sentiments bien volatiles, qui ne résistent pas aux résistances.
Puisque tout le monde, bien sûr, passe après une seule personne. Nous-mêmes.
Même dans l'idée du sacrifice. Où il n'est toujours question que de se faire valoir.
Et de se penser utiles.
Les encouragements, bien sûr, ne viennent jamais des bonnes personnes.
Quand il faut pourtant toujours prendre les encouragements d'où ils viennent.
De qui est-ce que j'en attends ? De mon père ? De mon pays ? De mon amour ?
Les trois se taisent et me laissent me débattre dans un caprice de sale gosse.
Quel est ce petit con ? Cette petite peste ? Qui veut être aimé de ceux qu'il aime ?
Ou pourquoi s'obstine-t-il à ne chercher l'amour que de ceux qui ne l'aiment que de loin ?
Ce n'est pas le vent qui me gifle. Je me gifle moi-même. L'amour n'existe pas.
Il n'y a que la confiance. Et que ce que l'on croit. Me défends d'être triste.
Quand je ne veux pas voir que c'est moi que je protège en fuyant des possibles.
Je dois me faire confiance. Faire confiance à mon corps. Qui sait ce dont il a besoin.
J'ai choisi d'être loin de tout le monde, puisque c'est l'endroit où je suis en sécurité.
Même si j'en crève à la peau qui s'assèche et au manque de chaleur.
Et qu'on me refuse des signes anodins qui pourraient m'hydrater.
Je ne peux pas attendre de quelqu'un ce qu'il ne peut me donner.
Quand je suis le seul à avoir toutes les cartes pour me faire du bien.
Je raccroche avec un poids sur les épaules. Un peu déchiré.
J'ai envie d'être avec mon père et je n'ai pas envie de l'être.
J'ai envie de rester à Perpignan quand j'ai envie de partir.
Et je masturberai mon corps. Pour que quelqu'un s'en occupe.
Je ferai le massage lymphatique aux caresses qu'on ne me fait pas.
Et ne trouverai qu'en moi les raisons de me lever demain matin à l'aurore.
Puisque celles dont je rêve ne sont que des chimères
dont je veux me convaincre qu'elles n'en sont peut-être pas.
Je n'en veux à personne.
Ne trouve personne ingrat ni malhonnête envers moi.
Je dois juste dompter mes désirs d'absolu qui me font perdre prise.
Et comprendre pourquoi je passe mon temps à fuir.
Lorsque je veux de l'amour quand on me le refuse,
et que je le refuse quand on me le propose.
J'accepte l'égoïsme des autres pour faire accepter le mien en retour.
Respecte la tranquillité des autres pour qu'on respecte la mienne.
L'émotion de retrouver mon pays est passée.
Et désormais, je sens les murs se refermer sur moi.
Comme à cette envie de quitter la table à une réunion de famille.
Nous étions contents de nous revoir. Mais soudain, il faut se sauver.
Un espoir un peu fou me retient à la table. Je n'ai touché à rien.
Je ne suis pas là pour manger ni pour boire. Ne suis pas là pour profiter.
Je regarde passer les plats. Avec autant d'attendrissement que d'écoeurement.
Quand je pleure sur le bonheur impossible d'être bien où l'on est.
On m'aime comme on peut. Et ce n'est pas assez.
Mais j'en ferai le deuil. Quand je l'ai déjà fait.
Nous sommes seuls. Je le suis. Il n'y a pas de raisons.
Quand je n'ai rien à faire même de l'amour de Dieu.
Je dois juste survivre. Expulser mes démons.
Et mettre le réveil pour briser le silence.
Philippe LATGER
Novembre 2012 à Perpignan