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7 décembre 2012 5 07 /12 /décembre /2012 11:42



Tout est beau quand on aime.
Et tellement plus simple lorsqu'on est aimé.
Le moindre kleenex est du papier à lettres.
Avec ou sans. Du rouge à lèvres. Ecrire un mot. Je pense à toi.
C'est comme une carte de visite sous la porte. Post-it. Texto. Je pense à toi.
Et l'on se trouve une force que l'on ne soupçonnait pas.
C'est la voix dans le téléphone. C'est le smiley en bout de ligne.
Je pense à toi. Complicité. Aussi précieuse que la confiance.
Un bout de papier. Quelques signes. Du bout des doigts ou du stylo.
Tu n'es pas là. Je pense à toi. Tout est si simple. Tout est trop beau.
Ce sont des messages qu'on envoie au moment précis où l'on en reçoit.
Tout est synchro. Je pensais à toi quand tu pensais à moi. T'écrivais quand tu m'écrivais.
On deviendrait sentimental. Un peu niais. A s'extasier de tout. Se surprendre à rêver.
Quand tout est beau et tellement simple.
Nous sommes l'ailleurs l'un de l'autre. Un absolu. Rendu possible.
La force vitale. Et le meilleur. Le prévisible et l'invisible.
Même quand nous ne sommes pas ensemble. Nous ne formons qu'une pensée.
Que je caresse. Que tu embrasses. Qui nous fait vivre. Nous fait danser.
Puisqu'il n'y a plus rien d'inutile. Que le geste n'est plus la forme.
Quand tout est plein. Quand tout est brut. Qu'il n'y a plus que la pureté.
Des nos élans. Et de nos foudres. L'Eden de la fidélité.
Tout est si simple quand tu es là. Même loin avec d'autres que moi.
Dans un message. Une attention. Un coup de fil. Ou une carte.
Du papier plié sous la porte. J'aime les kleenex et les stylos.
J'aime internet et les textos. Prolonger l'étreinte et la fièvre.
Dans le miroir. Du rouge à lèvres. Sur un post-it. Et ces palots.
A rouler comme des manivelles. Quand je t'aurai en face de moi.
Aux retrouvailles, toujours plus belles.
Quand tout est simple. L'automne est beau.




 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 21:43



L'air me pique les pores, décapé à la menthe fraîche, la douche froide,
qui fait circuler le sang jusque dans le lobe de mes oreilles.
Le pull noir que j'oppose désormais à la brise matinale est parfait.
Il épouse le pecho du taureau qui fonce sur ses obligations. Celles qu'il a choisies.
Je découvre une tête de cheval sur une façade que je n'avais jamais vue. 
L'enseigne d'une boucherie chevaline je suppose. Qui n'existe plus.
Et je souris à l'idée que ce détail m'avait échappé depuis le mois de septembre.
Ici aussi. La puissance du regard. Et ses failles. Les angles morts. Et les focus.
Ce qui me saisit, à cet instant, alors que le jour est à peine démoulé dans le plat de la terre,
c'est la pureté de la lumière permise par la froidure, et le décor fantastique des Pyrénées.
Leur avant-poste bien connu. Ce mont du Canigou déplié en proue de la muraille-frontière.
L'accent circonflexe venu briser la chaîne. Pour ouvrir une plaine sur la Méditerranée.
Où ma ville a pu éclore, à l'abri des ailleurs. Dans cet écrin de vignes.
Il est beau. Noble. Et puissant. Le Canigou enneigé. La montagne de sucre glace.
Se frottant au ciel bleu comme un chat dans mes jambes. Ronronnant.
Le soleil, bien que faible, et rasant, met en valeur des versants plutôt que d'autres.
Les reliefs apparaissent dans les moindres détails. La découpe. Et les plis.
Je passe sous le pont du Talgo. Sans que cela ne m'arrache le ventre.
Je longe la gare de triage. L'avenue Panchot. Barrée à cinquante kilomètres.
Par le cirque de glace et son grand chapiteau. Le spectacle est gratuit.
Il me donne de la force. Comme m'en donnent des messages au réveil.
Ceux de l'amour de ma vie. Des amis sur Facebook. La présence des miens.
J'observe le résultat de la tectonique des plaques. L'Afrique dans l'Europe.
Qui pousse. Jusqu'à froisser le papier du continent. Ici.
Entre la France et l'Espagne. Entre mon père et ma mère.
Où j'ai vu l'amour et trouvé le jour. A moins que ce ne soit le contraire.
Où je vois une tête de cheval que je n'avais jamais vue. Où je découvre encore.
Où j'apprends que vivre se résume à apprendre. Quand j'apprends toujours.
Vieillir aiguise la vue. Quoi que l'on en pense. Malgré les apparences.
Je n'ai jamais vu le Canigou aussi nettement que ce matin.
Et je m'y frotte en ronronnant comme un chat dans tes jambes.





 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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5 décembre 2012 3 05 /12 /décembre /2012 00:29



Sarah lui avait promis de l'y accompagner.
" De quoi est-ce que j'ai l'air ?... "
Il portait un col roulé noir. Un jean et des baskets. Une veste parfaitement taillée.
" Eh bien... je dois dire... sourit-elle impressionnée, un brin émue,
- Tu me dis franchement, si c'est too much, j'ai d'autres options.
- Ne change rien. Tu... tu as l'air d'un jeune homme. Rayonnant.
Qui s'apprête à retrouver l'amour de sa vie... "
Il se regardait dans le miroir. Vérifiait le poil dans les oreilles. Les sourcils.
La démarcation de la moustache. Et la barbe. Jeta un oeil sur elle qui le badait.
La dévisageant dans la glace, lui tournant le dos, il fronça son visage dans une grimace.
" Tu es sûre que c'est une bonne idée ?
- Tu le regretterais toute ta vie.
- Toute ma vie ?... bougonna-t-il en ramenant ses yeux sur ce qu'il arrangeait de sa coiffure.
Ce ne serait pas long à souffrir. " Il réprima un sourire en devinant l'air exaspéré de Sarah.
Il s'épousseta les épaules et se retourna vers elle avec une expression juvénile.
" Mais il est hors de question que je m'embarrasse de regrets maintenant... tu as raison.
- Ne t'inquiète pas pour les journalistes. Ils se tiendront tranquilles...
- Oh, ce n'est pas ce qui m'inquiète. La plupart ne savent même pas qui je suis.
- ... pour le reste, je t'assure que je suis heureuse d'être complice de ça, grand-père. "
Ils se firent face. Elle lui prit les mains. " Je suis certaine que ça va bien se passer. "
Comme l'émotion lui montait aux yeux, il lui donna une longue accolade.
" Putain de bordel de merde... j'ai le trac, si tu savais, murmura-t-il à son oreille.
- Je sais. " fit-elle sobrement en lui frictionnant le dos.

Elle tenait la porte de l'ascenseur.
" Je t'assure ma chérie, nous aurions pu prendre un taxi.
- Allons, pas d'histoires. Jules le fait avec plaisir. Laisse-toi faire pour une fois.
- Bonsoir monsieur. Mademoiselle.
- Bonsoir Rémi, à tout à l'heure... Il est gentil ton Jules. Ou vraiment amoureux de toi.
Enfin. L'un n'empêche pas l'autre. Je t'ai déjà dit que tu étais ravissante ?
- Inutile de simuler un alzheimer avec moi. Je sais que tu sais que c'est la cinquième fois...
- ... que je te le dis ? Eh bien en voici une sixième : tu es ravissante. "
Elle récupéra le bouquet que lui tendait Rémi tout en retenant la porte de l'immeuble.
Le long du trottoir, une voiture noire attendait, les essuie-glaces en marche,
et les feux oranges de warning clignotant aux quatre coins.
Il leva la tête pour découvrir un ciel boursouflé de brumes filandreuses.
" Pas de doutes... Nous sommes à Paris... soupira-t-il immobile sur le pas de la porte.
- Monsieur Balbuena. Votre parapluie. " Jules sortit de l'auto qu'il contourna rapidement.
" Merci Rémi, mais nous n'allons pas loin. " Ouvrit la portière arrière.
Quand Sarah prit le bras de son grand-père pour s'élancer. " Et puis, ce n'est que de l'eau ! "
Ils traversèrent le trottoir alors que le petit ami de Sarah s'était déjà réinstallé au volant.
" Belle voiture camarade... fit Balbuena en se laissant tomber sur la banquette.
- Merci Federico... " répondit le garçon avec un clin d'oeil dans le rétroviseur.
Les essuie-glaces balayaient une fine pellicule d'écume sur le pare-brise.
Sarah avait précautionneusement claqué la portière avant de monter à l'avant.
Son grand-père la débarrassa des fleurs pour les déposer près de lui.
Alors qu'elle bouclait sa ceinture, manifestement excitée :
" Allez mon Juju. Au Châtelet ! "

Carmen, venue à leur rencontre, se chargea de porter les fleurs de Sarah en loges,
alors que cette dernière gérait le vestiaire, quand Federico se tenait droit comme un i,
ignorant les regards en coin et les commentaires sous cape.
Le hall du Théâtre de la Ville bruissait de sa présence quand il était absent.
Un soir de première. Les fleurs étaient destinées à Marina Alvarez.
Mais ce n'est pas la danseuse que Balbuena venait retrouver ce soir-là.
Les fleurs, d'ailleurs, étaient une attention de sa petite-fille pour la bailarina principal.
Que Federico ne connaissait pas. Lui qui ne s'intéressait que modérément à la danse.
Bien que contemporaine. La seule qui trouvait grâce à ses yeux.
Qu'il promenait dans le vague, les mains dans les poches, dans son introspection.
Sarah vint le prendre par la taille. Billets en main. " Tu es prêt grand-père ?...
- Je n'ai pas le temps d'une cigarette ?... " Elle n'eut pas celui de protester.
" Balbuena ! Vous êtes à Paris ?... " Une vieille femme et son cavalier venaient sur eux.
Federico regarda autour de lui avec ostentation, visiblement agacé,
avant de sourire à peine. " Eh bien, il semblerait ma chère...
- Seigneur, ça fait des années... et vous n'avez pas changé !
- J'aimerais pouvoir vous en dire autant Catherine.
- Quel chameau ! riait-elle. Je confirme. Vous n'avez pas changé, crapule.
Combien de temps restez-vous parmi nous ? Vous êtes toujours à Barcelone ?
Vous venez voir Esteban j'imagine ? C'est votre petite-fille ?
- Ma jeune épouse, trancha-t-il. Nous nous apprêtions à sortir fumer une cigarette. "
Catherine flotta, oubliant son sens de la repartie, figée dans une moue perplexe
qui la rendit plus laide qu'elle ne l'était véritablement.
" Pardon, mais, à nos âges, s'excusa-t-il, le temps presse... "
Il prit Sarah par la main pour l'entraîner vers les portes du théâtre, qui, amusée,
ne résista pas, quand la rombière se demandait encore si c'était du lard ou du cochon.
" Voyons-nous tout à l'heure ! " fit-elle tout de même en essayant d'être gaie.

" Sauvé par le gong !... ironisait Sarah en offrant une cigarette à son grand-père.
- N'exagérons rien. Par la cloche, tout au plus. Merci camarade. "
Des taxis déchargeaient des retardataires sur un trottoir luisant de bruine.
Quand le trafic faisait, en continu, bruisser des pneus sur la chaussée humide.
" Elle est au courant pour Esteban ? s'étonna la jeune femme inquiète.
- Non. Elle sait comme toute notre génération que nous nous connaissons, voilà tout.
Ce qui ne fait plus grand monde aujourd'hui. "
Elle regarda Federico expirer la fumée de sa clope. Puis le bout de ses chaussures.
" Quarante ans... C'est impressionnant. Enfin, ça m'impressionne.
- Toi qui ne les as pas... bien sûr, alors que... Je t'ai dit que tu étais splendide ? "
Elle leva les yeux au ciel. " J'ai dit ravissante. Mais pas splendide, verdad ? "
Les Parisiens venus applaudir le dernier spectacle du chorégraphe septuagénaire
étaient quasiment tous installés dans la salle. Il était temps d'écraser les cigarettes.
Federico joua un moment avec une bague à son pouce en silence.
Sous la pluie. A Paris. Avant de prendre une grande inspiration.




 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 19:07



Pourquoi avoir cédé à la panique ? A l'angoisse ?...
Quand tout est si simple. Qu'il ne se passera que ce que nous déciderons.
Dans la vie, je le sais. On ne perd que ce que l'on abandonne.
Et je ne t'abandonnerai pas.


 

 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 23:14



Je ne pensais pas que Manhattan pouvait être si calme.
N'avais aucune idée de l'heure qu'il pouvait être.
Nous sortions d'un hôtel. Dont les murs des couloirs étaient verts.
D'un vert Edward Hopper.
Il faisait encore nuit. Et l'aube ne semblait pas prête.
La Septième Avenue. A remonter jusqu'à Times Square.
Avant de nous séparer.
Choisit-on les gens dont on tombe amoureux ?
La personne que je tiens par la main n'est pas libre.
Elle a une alliance à la main gauche. Un foyer. Une famille.
Et moi ? J'ai 27 ans. Libre comme l'air. A quoi est-ce que je joue ?
J'ai mis un bandeau sur les yeux. Pour m'abandonner au plaisir.
Derrière l'écran de mon ordinateur. Tout est parti d'une correspondance.
Des mots qui m'ont touché. Troublé. Interrogé. Qu'avais-je décelé au juste ?
Il y avait quelque chose de différent. Qui a tout de suite fait relever un sourcil.
Dans les volutes de Players King Size sur la rue St-Timothée.
Des années avant MySpace, et Facebook, et Twitter. Mais déjà internet.
" Je vais venir à New York. Quelques jours... "
Je n'avais qu'une photo. De profil. Avec un petit garçon. Son fils.
Qui au lieu de me dissuader a fini de me faire fondre.
Je n'avais pas même l'impression de jouer avec le feu.
Mon désir était trop puissant. M'empêchait de penser plus loin.
Je n'avais qu'une idée en tête. Nous confronter. Voir ce qui allait se passer.

Ce n'était pas un principe. Quand je n'y avais jamais vraiment réfléchi.
J'aimais trop la nuit, le sexe, et la fête, pour m'encombrer de relations adultérines.
Il y avait bien assez de célibataires disponibles pour s'amuser
dans les bars et les boîtes que je fréquentais frénétiquement, toutes les nuits.
Lorsque, certes, je ne connaissais pas toujours les situations de mes partenaires.
Peut-être certaines personnes étaient-elles mariées et ne l'avais-je pas su.
Ici, ce n'était pas une rencontre imbibée d'alcool vouée à s'éteindre au petit matin.
Non. Je n'avais jamais jusqu'alors joué le rôle de l'amant d'un vaudeville.
Pas par principe moral. Mais parce que le hasard ne m'y avait pas encore invité.
J'étais peut-être fatigué de mes relations d'un soir ou d'une nuit.
Avais besoin de m'accrocher à quelqu'un. De m'attacher.
Et voilà une apparition qui semble chercher la même chose.
Avec une double distance. Celle de la géographie. Et celle de l'état civil.
La première était relative. Montréal - New York était facile à surmonter.
Et encore ébloui par la découverte, je n'étais pas en mesure de penser à la seconde.
Je savais pourtant, en faisant mes bagages, que j'avais intérêt à ne pas tomber amoureux.
Un coup de foudre. Sur internet. Admettons. C'est une belle présence. Et des mots doux.
Mais quelque chose en moi espérait sincèrement que nous ne nous plairions pas.
Quand le reste espérait le contraire, avec l'intime conviction que ce serait dramatique.
Et ce le fut.

Au restaurant, à Chelsea, le dîner fut à la fois un délice et un supplice.
Quand au premier regard, une heure plus tôt, nous avions eu déjà le désir de nous dévorer.
De nous sauter dessus. De faire l'amour sur place. Irrépressiblement attirés l'un par l'autre.
Mais, peut-être aussi pour faire durer le plaisir, il fallait honorer une réservation,
manger quelque chose, et nous ne pouvions pas nous étreindre sauvagement sur la table.
Lorsqu'aux regards qui fouillaient les miens, quelque chose de cet ordre était déjà en cours.
Les mains et les bouches ont pu se libérer dans le bar où nous sommes allés boire un verre.
Le Meatpacking District. Où le pavé de New York devint aussi sulfureux que romantique.
Les histoires impossibles. Evidemment. Ont un charme particulier. Dangereux.
Que j'embrassais voracement avec une fièvre et une conviction inédites.
J'ai su dès le premier regard que j'allais souffrir. Mais j'y allais quand même.
Refusant de chercher à savoir quelles pouvaient être les conséquences.
Pour moi. Comme pour une famille qui n'avait rien demandé.
J'avais dans mes bras, devant moi, une grande personne qui semblait savoir ce qu'elle faisait.
Qui avait envie de moi quand j'avais envie d'elle. Et l'hôtel n'était qu'à deux rues de là.
Nous en sommes sortis le coeur à la fois léger et lourd comme une enclume.
Que nous avons traîné jusqu'à Times Square où nos chemins devaient se séparer.
Je devais rentrer à Montréal. Et me promettais déjà de revenir. Le plus tôt possible.



 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 15:43

 

 

Le tri, bien sûr, à faire sur place. Au sein de l'immeuble où l'on vit.
Quand il y a des ordures ménagères non recyclables qui pourraient être brûlées
dans des incinérateurs qui participeraient au chauffage du bâtiment,
des déchets dont la combustion ne provoquerait aucune nuisance.
Le ramassage humain des poubelles ou les réseaux souterrains pneumatiques,
demeureraient nécessaires pour tout ce qui ne peut pas être incinéré en ville.
Lorsqu'il faut développer à l'arrivée tous les moyens possibles du recyclage.
Recyclage du papier, du carton, du plastique. Des matériaux électroniques.
Il paraît aussi stupide d'enterrer des déchets radioactifs lorsqu'on doit pouvoir,
quand c'est à la recherche de trouver comment, les utiliser encore pour deux raisons :
une raison écologique et sanitaire évidente qui est le risque d'irradiation et de contamination,
une raison économique et énergétique lorsque ces déchets ne sont pas exploités,
et qu'il doit y avoir encore un moyen d'en tirer de l'énergie quand ils en produisent encore.
En fait, les logiques de précaution et de rentabilité ont un point de rencontre.
Dont nous avons conscience depuis trente ans. Une excellente nouvelle.
Les deux logiques se trouvent un ennemi commun : le gaspillage.
Lorsqu'il y a un intérêt environnemental à le combattre.
Et un intérêt industriel tout aussi profitable. Quand tout sert à quelque chose.
L'exemple du déchet nucléaire est le plus consternant.
Son danger tient au fait précisément que nous ne l'avons pas exploité complètement.
Et nous ne serions pas aussi mal à l'aise si nous savions cette énergie sous contrôle.
Si nous étions capables de la canaliser pour chauffer nos logements et faire rouler nos trains,
plutôt que de la laisser à l'abandon dans de telles concentrations qu'elle en devient dangereuse.
Il faut par la recherche, trouver les points d'équilibre, dans la production comme la distribution.
Puisqu'au même titre que les ondes, les radiations ne sont nocives qu'au-delà d'un certain seuil.
Il s'agit bien, en plus de l'exploitation, de canaliser et de maîtriser. Pour une optimisation.
En fait, l'obstacle, on le sait, reste celui des groupes industriels et leurs lobbies.
Quand la recherche et la politique, doivent ensemble, les convaincre de l'opportunité.
Puisqu'il y a bien sûr, plus que de la paresse intellectuelle, des habitudes confortables,
et l'ivresse jusqu'au-boutiste des fuites en avant, deux leviers parfaitement rationnels
qui justifient les comportements des grands groupes internationaux.
Les bénéfices et les économies. Les deux jambes de la productivité.
Qui ne sont pas a priori incompatibles avec les revendications écologistes.
EDF ou Total, avant de produire de l'électricité ou d'exploiter le pétrole,
ont le souci bien connu - et souvent reproché - de vouloir d'abord faire du fric.
Donnons-leur les moyens d'en faire plus avec des techniques plus efficaces et plus saines,
et vous verrez qu'ils n'auront aucun scrupule à changer leur fusil d'épaule.
Les chercheurs sont la clé. Ce sont eux qui trouveront le moyen de rendre
l'éolien, le solaire, le gaz de schiste, le nucléaire, à la fois plus sûrs et plus rentables.
Et si l'Etat sert encore à quelque chose, étant le dernier garant de l'intérêt général,
c'est bien justement à financer la recherche pour garantir un progrès technique viable.
On ne doute pas que les entreprises privées sauront développer toutes les applications
des découvertes médicales, chimiques, électroniques, génétiques,
quand elles ont tant de zèle à en créer pour des besoins auxiliaires et parfois dérisoires.
Leur job consiste très simplement à faire du pognon.
Quand il y a deux conséquences vertueuses à ce qui paraît être cynique ou oppressif :
ils font travailler des gens, fournissent des biens et des services à d'autres.
A l'Etat, et donc à la politique, de leur montrer où sont les marchés de l'avenir,
quand il a deux armes radicales pour influer : l'opinion publique et la recherche.
Le souci écologique, la conscience environnementale, sont de nouvelles données
qui croissent depuis les Années 70 dans le monde entier, dans les pays industrialisés,
comme - puisque c'est un point positif de la globalisation - dans les pays émergents.
A tel point que, dans la communication même des grands groupes,
ceux de l'automobile, du pétrole, de l'énergie, il y a une référence à l'environnement,
à l'économie verte, pour se montrer en adéquation avec les préoccupations des citoyens
qui sont avant tout leurs clients et des consommateurs.
Les campagnes de sensibilisation faites d'abord par l'associatif, la presse puis la politique,
ont finalement façonné un écologiquement correct auquel les gros pollueurs eux-mêmes,
doivent se soumettre pour séduire les cibles informées et éduquées.
Comme avec le commerce équitable à une époque, il est admis qu'il faut compter désormais
avec la vigilance et les questions de consommateurs éclairés et responsables.
Inquiets d'abord pour leur santé comme par leur facture énergétique,
mais aussi de plus en plus pour la biodiversité comme par leur empreinte carbone.
Ainsi, hypocrites ou sincères, les groupes ne peuvent plus ignorer ce qui est une demande.
Même s'il est avéré que les propagandes vertes sont des jeux de massacre entre lobbies,
des charges d'une industrie contre l'autre, entre des conglomérats en concurrence,
(on voit en ce moment de gros exportateurs de pétrole et de gaz naturel organiser
la contestation et la dénonciation aux Etats-Unis de l'extraction du gaz de schiste,
révélant les dangers écologiques de la technique, lorsqu'on sait que ces commanditaires
n'ont en effet aucun intérêt à ce que l'Amérique parvienne à l'indépendance énergétique)
même si les grands films et les grandes campagnes sur le réchauffement climatique,
sur les OGM, le nucléaire, bien que fondés, ne sont donc que des manipulations de masse
au service de mastodontes qui se font la guerre, il n'en reste pas moins
que c'est sur des critères environnementaux qu'il faut désormais convaincre la population.
Et que, même en détournant la vindicte sur leurs concurrents directs, les groupes
se retrouvent contraints de se payer une respectabilité, ne serait-ce que de façade.
Pendant qu'ils s'offrent des études et des communicants pour dévaloriser leurs adversaires,
ils scient la branche sur laquelle ils sont assis eux-mêmes. Pris à leur propre piège.
Mais ce n'est pas au nom de la vertu, quelle qu'elle soit, que nous convaincrons
ni les producteurs, ni les consommateurs, de changer véritablement de modèle.
Ce n'est qu'en trouvant le moyen de rendre l'économie verte intéressante.
Au sens financier du terme. Et ce, aux deux bouts de la chaîne.
Il faut, pour le citoyen comme pour l'industriel, que l'écologie soit compétitive.
Qu'elle fasse mieux pour moins cher. Mieux que ce dont nous disposons actuellement.
Et seule la recherche peut permettre de telles révolutions.
Le principe de précaution est un progrès s'il n'empêche pas cette dernière de travailler.
Si les labos privés continueront à faire leur job, qui est d'aller dans le sens de la rentabilité
de schémas déjà acquis par des monopoles industriels qui les financent,
c'est à la recherche publique que l'Etat - c'est à dire nous - doit donner les moyens
de chercher les pistes de développement négligées par les actionnaires et les marchés.
Ceux-là ont leur logique, parfaitement légitime.
Mais lorsqu'il s'agit d'intérêt général, c'est encore à l'Etat d'influer sur l'économie.
S'il devient facile de capter, de stocker et de distribuer l'énergie solaire, et ce à moindre coût,
le privé prendra le relais sans se faire prier, ravi d'exploiter cette nouvelle source d'énergie.
L'Etat ne doit pas seulement protéger les populations de risques sanitaires et écologiques,
il doit aussi les protéger en garantissant une activité économique, et donc des emplois.
Dire non aux OGM et au gaz de schiste pour des raisons de santé publique est défendable,
si l'on se donne les moyens, dans le même temps, de trouver des solutions alternatives.
Quand il s'agit à la fois de compétitivité et de souveraineté.
Puisqu'il est question aussi de nous libérer de notre dépendance aux importations.
Trouvons la façon d'extraire le gaz sans risquer de polluer les nappes phréatiques.
Celle de sécuriser les centrales nucléaires et de recycler les déchets.
Dans un sanctuaire qui ne devrait pas subir les pressions de lobbies corrupteurs.
L'Etat doit offrir cet îlot de neutralité, avec la détermination dont il fait si bien preuve,
en France, dès qu'il s'agit de principe de précaution dans certains secteurs.
Et faire la preuve qu'il y a des options combinant toutes les attentes de l'époque.
Pour rester dans la croissance, créer des richesses, des emplois, avec intelligence.
Quand le souci de ce que nous laisserons aux générations futures nous honore.
Les économies à faire au niveau des Etats ne sont certainement pas dans l'innovation.
Lorsque ce ne sont pas les économies qui nous tireront d'affaire face à la dette,
mais la production et la réindustrialisation.

 

 

 

Philippe LATGER
Décembre 2012 à Perpignan

 

 

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 17:53



Le regard. Encore lui.
Qui sait me faire fondre.
 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2012 à Perpignan

 

 

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 17:47



J'ignore les provocations de novembre.
A ta peau salée que j'embrasse.
A ton parfum d'été, la nuit peut bien s'étendre et nous envelopper.
Je me rappellerai d'où je viens. Aux jumeaux que nous sommes.
Qui s'enlacent comme deux lianes que l'on tresse.
Former la corde à laquelle me tenir dans les inondations.
Mon amour. Je ne parviens pas à me détacher de ton ombre.
Je ne parviens pas à me défaire de tes yeux dans les miens.
Où je me vois solaire avec toi, sur la plage. La mer nous y rejoint.
Tes bras doivent m'emprisonner. Quand je serre les miens sur ton corps.
A cette chute libre. Quand nos cheveux s'emmêlent.
Il est trop tard pour remonter dans l'avion, je le crains.
J'ai sauté. J'ai sauté avec toi.
La chemise s'ouvre et ses deux pans claquent comme des drapeaux.
Le torse offert à la planète terre. Qui se précipite sur nous avec férocité.
Il est trop tard pour te lâcher. Nous tombons. L'un et l'autre. Et ensemble.
Verrons bien où et comment nous allons atterrir. Si nous atterrissons un jour.
Je vois des fleuves dans les vallées. Des chaînes de montagnes.
Des champs dans la plaine et des routes. Une agglomération. Une côte. L'océan.
Nos joues flottent sous nos yeux qui pleurent. Nos mains s'agrippent.
La corde que nous tressons n'est pas celle avec laquelle on pourra me pendre.
J'ai d'autres moyens de bander. Quand je te tiens. Fermement.
Et ne te lâche plus...

La porte fut ouverte. Et nous avons sauté.
Nos cheveux sur nos têtes font comme des feux de joie.
On ne peut s'écraser, même sans parachute, quand le corps est dissous.
Qu'il ne reste que deux âmes qui ne peuvent se quitter.
Si nous sommes séparés, il me reste la corde.
Si je tombe à Moscou, Téhéran ou Bangkok, je trouverai la piste,
remonterai le fil dont tu tiens l'autre bout, à Boston, à Dakar, sur le sable ou le schiste.
L'été, c'est ton sourire. Qui se moque de moi. L'été, c'est la tempête de se savoir aimé.
Je me boxe tous les jours. C'est pour me réveiller. Quand je vis en plein rêve.
C'est cela. Tu le sais. Un détail et ça vire. Cauchemar inquiétant. Et enfin la trouée.
Le soleil qui revient. Tu ne m'as pas quitté.
Je me bats contre moi. Je m'envoie dans les cordes.
Sur le ring où je saigne comme un fauve blessé qui rugit contre lui.
Contre le monde entier.
Une main s'ouvre alors pour m'éponger le front.
Je crache le protège-dents qui déformait ma bouche.
En sueur, j'ai risqué plus d'un arrêt cardiaque.
Dans les cordes que nous tressons, toi et moi, patiemment.
Où mon dos se repose. A s'y faire des marques.
Tu embrasses mon visage qui ruisselle d'eau, de transpiration et de sang.
Je ne suis pas K.O. Je peux me relever.
Quand je sais comment faire. Et sur quoi m'appuyer.

L'hiver est un mirage. Qui peut faire le malin.
Novembre est un virage. Son ciel est sibyllin.
Il peut pleuvoir des cordes. J'en ai d'autres à mon arc.
J'ai gardé dans la peau ton regard et juillet.
C'est maintenant, la piscine. Le bleu Costa Brava. Et la sève des pinèdes.
Les anchois. Les tomates. Les rues de Barcelone. A nos serviettes raides.
Par le sel, la chaleur, et les désirs coupables. Au vent sous nos fenêtres.
En Méditerranée. Ouverte à nos besoins de nous fondre dans l'ombre.
Où l'on marche pieds nus pour se rejoindre au lieu où nous ferons l'amour.
Le lacet élastique d'un slip de bain mouillé est vite dénoué.
Comme la corde tressée lentement par nos langues avides.
Le noeud peut se défaire. La corde reste intacte.
Dans l'air chaud qui se brasse aux pales impuissantes de nos ventilateurs.
Le drap doit être frais. Quand j'étreins le soleil qui me brûle les doigts.
Et rayonne dans la chambre, où je pouvais t'attendre, quelle que soit la saison.
C'est le puits de lumière que je ne peux éteindre même près de Noël.
C'est peut-être décembre. Il fait froid. Accordé.
Mais le fond de bronzage remonte à la surface et réchauffe le derme.
Quand tu viens l'éveiller, ranimer la nature pour la rendre plus ferme.
Et ta voix peut suffire à brûler l'oreiller.
Avant que nos deux corps ne viennent s'encorder.

Je la tends. Je l'enroule. Pour hisser la grand-voile.
Sur le voilier rapide qui nous fouette le front dans l'iode du grand large.
Qui trace sous sa coque un chemin périlleux fait de traînées d'écume.
La résine compacte fait des plats sur les vagues et ça claque violemment
sans freiner notre allure, quand j'ai joué des cordes pour ouvrir la voilure.
Nous tressons nos deux lianes, la fibre de palmier ou de noix de coco,
tout le jute et le chanvre, le coton et l'acier, pour manoeuvrer en mer,
fendre les océans, quand l'hiver à nos trousses ne peut nous rattraper.
On peut tenir la barre. On peut garder le cap.
J'ai l'oeil sur l'enrouleur, j'embobine le treuil, je maîtrise le gréement.
Les épaules tannées par l'hémisphère sud. Filant comme à la chute.
Vers l'horizon promis qui promet ce qu'il veut, dont je n'ai rien à faire.
Tant la course est l'instant, endiablé, où nous sommes heureux.
Peu importe le lieu où nous accosterons. Il n'y a pas de bons ports.
Il n'y a que ton sourire et notre traversée.
C'est une immensité. Un miroir aveuglant. Sous notre brise-glace.
Où bander tous nos muscles à la force du vent, au désir d'en découdre.
Le voyage aller simple où nos corps emportés peuvent enfin se dissoudre.
Loin des nuits trop courtes et des chants de Noël.
A nos fibres mêlées, j'affronte le cortège des doutes assassins.
Je reste cramponné à notre pont de lianes comme à tes deux poignets.
Sur lesquels je dispose mes deux mains bracelets.
Quand je suis attaché à nos corps encordés.

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2012 à Perpignan

 

 

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 16:08



Je ne suis pas loin de vérifier une pensée de Descartes, dans ma chair,
qui disait qu'à employer trop de temps à voyager,
on devient étranger à son pays.
Partout... Mes déclarations d'amour tombent à plat.
Et je ne comprends plus les gens que j'avais laissés ici.
Ce que j'éprouve, bien sûr, n'allait pas soulever des montagnes.
Mais l'indifférence générale de mes proches soulève quelques questions.
J'étais parti. Et qui va à la chasse, en effet, je le confirme, perd plus qu'il ne l'imagine.
Il n'y a pas de dépit amoureux de ma part.
Je n'aime pas Perpignan plus que de raison.
J'ai l'affection filiale. Le respect du cimetière et des morts.
J'ai l'émotion intacte d'une enfance heureuse.
Mais si rien ne me retient ici, eh bien, c'est que mon destin est ailleurs.
Je n'aurai pas plus le coeur lourd à distance que je ne l'ai sur les lieux.
A me battre contre le vide qui m'envahit inexorablement.
Je vois les limites de l'attachement. Et la mesure de décalages.
Béants. Sur lesquels mon masque commence à se craqueler.
Je comprends ce que les gens font ici. Ils élèvent des enfants.
Ils gagnent leur vie et élèvent des enfants.
Remettons les choses dans l'ordre, à propos de la chasse.
Ce n'est pas parce que je suis parti que je n'ai plus ma place ici.
C'est parce que je n'avais pas ma place ici que je suis parti.

Adolescent déjà, je m'en souviens maintenant, j'avais fait le tour de la question.
Et je me rappelle pourquoi j'avais pris le large, dès que possible.
A Bordeaux d'abord, au Québec ensuite. Barcelone et Paris.
Convaincu que je n'étais pas fait pour fonder une famille et vivre dans un pavillon.
Je n'ai jamais jugé mes amis et compatriotes qui se sont épanouis dans ce modus vivendi.
Ayant même une forme d'admiration, quand je n'ai pas les qualités requises.
Déjà, jeune homme, l'apéro devant la télévision me déprimait profondément.
Les courses du samedi dans les zones industrielles et les grandes surfaces.
Et le sceau du bon sens : " il faut bien vivre ", " il faut bien manger ", " il faut bien... "
me rendait fou de rage au manque d'ambition comme au manque d'imagination.
J'avais besoin, comme tous les chats, d'activités cérébrales, intellectuelles et artistiques.
Ronronnant au travail de cerveaux bouillonnants au désir de changer le monde.
Heureux dans les grandes villes, où bien sûr, l'électricité de l'ébullition me rendait vivant.
Les maisons d'édition. Les sièges de sociétés. Les plateaux de télévision. Les théâtres.
Où les " il faut bien " n'ont plus cours, puisque c'est ici que l'on imagine le reste.
Les laboratoires de l'humanité. Les ateliers d'artistes. Les galeries d'exposition.
Où l'orgueil se manifeste autrement qu'en se reproduisant sexuellement.
Je ne suis pas fait pour aller en voiture faire mes courses du samedi au supermarché.
Ce n'est pas un jugement de valeur. Quand je ne dis pas valoir mieux que ça.
Je suis simplement honnête en expliquant que cela ne me rend pas heureux.
Et que je veux l'être.

Apparaître sur un écran de cinéma n'avait rien d'extraordinaire, je présume.
D'autant plus lorsqu'il s'agissait d'un passage très bref, en forme de clin d'oeil.
Ce qui m'a le plus surpris est que ce sont des gens du deux ou troisième cercle,
qui ont vu le film et qui m'en ont parlé, lorsque personne du premier n'avait eu cette curiosité.
Je ne l'ai pas mal pris. J'en ai pris acte. Quand cela confirmait une tendance générale.
Le peu de choses publiées à l'échelle nationale n'intéressait personne de mes proches.
Je ne ferai pas ici encore de name-dropping, qui finirait de me rendre pathétique à ce stade,
quand on sait que des personnalités de qualité m'ont fait confiance et m'ont encouragé.
Amis d'enfance ? Famille ? Il y avait bien quelques questions d'usage, de politesse.
Mais je voyais vite que, dans la mesure où je n'étais pas Lady Gaga en personne,
ce que je réalisais n'avait que peu d'impact ou d'attraits. Soit. Pas de quoi fouetter un chat.
Il suffisait de s'adapter. Et nous pouvions parler des soldes comme de Secret Story.
Pire encore, pour certains, le peu que j'avais fait n'était rien de moins que de la merde.
D'une certaine façon, je suis d'accord avec eux. Quand je n'ai écrit que pour les autres.
Et que j'étais corseté par le formatage imposé aux maisons de disques.
Mais j'étais bien placé pour savoir, moi, l'exploit qui consistait à placer un titre sur un album.
Si je ne pouvais me glorifier d'avoir écrit Les limites de Julien Doré ou le Au soleil de Jenifer,
qui ont, outre leur qualité discutable, eu au moins la respectabilité du succès,
je savais d'où je venais et où je me situais, y compris économiquement,
dans une masse d'auteurs, certes, que l'on ne voit jamais chez Nagui ou chez Michel Drucker.
En somme, il était difficile de venir, avec mes réalités quotidiennes, celles du business,
briser les fantasmes des consommateurs qui ne veulent rien savoir de l'envers du décor.

Je suis assez construit pour ne pas me formaliser.
S'il est confortable pour certains de considérer que j'ai - encore - échoué, grand bien leur fasse.
Je n'avais jamais fait qu'accepter des propositions, qui, de façon tout à fait immorale,
étaient tombées du ciel avec une simplicité à faire s'étouffer de rage les tenants du mérite,
et, sans aller jusqu'à parler de jalousie, je peux au moins dire que j'ai reconnu le mépris.
D'entrée de jeu, il est aisé aussi de partir du principe que je me la pète.
Et que je regarde de haut ceux qui vont faire leurs courses au supermarché le samedi.
" On n'est pas assez bien pour toi... " Voilà une phrase qui a pu me laisser perplexe.
Lorsque je pense que, s'il pouvait y avoir du vrai dans cette sentence,
il y avait un profond malentendu sur les critères d'évaluation.
De toute façon, je ne pouvais rien faire pour calmer des formes vives de frustrations.
Et courbais l'échine, par amitié parfois, aux attaques faciles qui sentaient la rancune.
Découvrant comme il est violent de rentrer chez soi après avoir vu du pays.
Que l'on ait " réussi " ou " échoué ", le Fils Prodigue est toujours un être suspect.
Qui porte le poids de sa trahison. Et de son ambition détestable.
" Il est dans la merde ?... Bien fait pour lui !... ça lui fera les pieds. "
Très bien. Il se trouve que je préfère être dans la merde,
que d'aller faire les courses le samedi après-midi au supermarché.

Voilà ce que j'aurais dû faire. Rester ici. Etre fidèle.
Passer gentiment les étapes. Etendre et renforcer mon réseau local.
Il n'y a pas grand-chose à faire, ici, pour finir par croiser des personnes influentes.
Un vernissage. Une soirée. Un ami d'un ami. Et les choses se font naturellement.
Comme lorsqu'on m'avait convoqué un après-midi, chez un couple de retraités bienveillants
qui semblait croire en ma peinture et en ma poésie, quand je n'avais rien demandé,
où se trouvait un élu - que je ne connaissais pas - prêt à répondre à toutes les requêtes.
" Un local pour votre association ? Très bien, je vais y penser... Un job pour votre nièce ?... "
J'assistais à cette audience privée, presque occulte, avec une impression désagréable.
Très vite, ce fut mon tour : " Et vous ? Qu'est-ce que vous voulez ?...
- Moi ? Je ne veux rien... "
L'expression de mon orgueil sans doute. Mais je ne pouvais faire autrement.
Lorsque, sincèrement, je n'avais besoin de rien. Et n'ai pas eu la présence d'esprit d'inventer.
Mon refus fut perçu comme un affront. Un camouflé. Perçu comme de la suffisance.
Eh bien, oui, si la suffisance n'était pas systématiquement confondue avec la vanité,
je dirais que j'avais tout pour être heureux à l'époque, que j'étais donc suffisant
puisque je n'avais pas besoin de me retrouver redevable d'un service, ni de quoi que ce soit.
Maintenant que j'ai vieilli, je retrouve des gens de ma génération à certaines responsabilités.
Qui ont bien tout fait comme il faut. Et qui me regardent de plus haut que je ne les regarde.
Quand ils s'imaginent que je méprise leur réussite,
ou que je juge leurs choix pour y parvenir.

En effet, je suis parti. Cela voulait-il dire que je vous tournais le dos ?
L'absence et le silence laissent place à beaucoup de fantasmes.
J'avoue volontiers avoir joué de certains d'entre eux.
Lorsque je sais que le texte La terre est rouge, n'aurait jamais eu cet impact
si je ne l'avais pas écrit à Montréal, outre-Atlantique, à des milliers de kilomètres.
Mais dans cette distance s'engouffrent bien des confusions, des méprises,
et les décalages qui s'installent sont plus profonds et durables que le simple décalage horaire.
Le fait est que j'ai un avantage sur mes compatriotes. Je les connais. Et je connais leur vie.
Pour l'avoir eue. Avec eux. Pendant plus de vingt ans. Supermarché du samedi compris.
Quand ils ne connaissent pas la mienne. Même si j'en dis beaucoup par écrit.
Et que, même si certains me lisent, l'évocation ne remplace jamais vraiment le vécu.
Evidemment, je ne peux pas comprendre ce que c'est d'être père. Et encore moins d'être mère.
Et suis prêt à croire que c'est la chose la plus fantastique du monde et de l'existence.
De la leur assurément. Mais je comprends très bien ce que c'est de se lever le matin.
D'aller faire son boulot, plus ou moins alimentaire, pour payer les charges et la maison.
D'aller chercher les petits à l'école. De faire la bouffe. Le plein d'essence.
Et des projets pour les vacances de Pâques.
Mettez-vous dans la tête que ce n'est pas une vie de merde.
C'est juste que ce n'est pas la mienne.

Mes déclarations d'amour tombent à plat, en effet.
Lorsqu'elles ne touchent que les gens qui ne sont pas d'ici,
ou ceux, précisément, qui comme moi sont partis.
Quand il y a un syndrome local qui consiste à ne pas s'aimer vraiment.
Lorsque cet amour propre est un préalable à toute conquête de l'extérieur.
Pourquoi le Roussillon se vendrait-il au reste du pays quand il ne croit pas en lui ?
Ma mission n'est pas de promouvoir Perpignan. Ni les charmes de la vie de province.
Perpignan fait partie de moi. Je l'assume. J'y suis né. J'y suis tombé amoureux.
Et, même si la plupart ne me connaissent pas vraiment, j'y ai encore des amis.
Mais je savais, avant-même de revenir de Paris, que je ne me fondrais pas dans le moule.
Jamais je n'épouserai une jeune femme fraîchement divorcée pour lui faire un gosse.
Jamais je ne m'endetterai pour acheter une maison en banlieue avec son barbecue.
Jamais je ne travaillerai au Conseil Général ou à la Mairie pour payer les frais.
Une sortie au ciné et à la pizzéria, pour changer du supermarché du samedi.
En attendant toute ma vie qu'un seul être se libère ou s'avère disponible.
Je satisfais ici mon goût pervers ou romantique pour les amours impossibles.
Pour les relations stériles. Quand je veux croire, plus que tout,
que l'on peut aimer quelqu'un pour autre chose que de bonnes raisons.
Je n'attends pas qu'on me rassure. Je n'attends pas qu'on me soit fidèle.
Je n'attends pas un salaire de plus pour payer les factures et élever des enfants.
Quand, les bonnes raisons, elles aussi, semblent n'être qu'une valeur subjective.

Il n'y a pas de dépit amoureux.
Il y a juste la constatation que je me fais mal comprendre.
Et je dois, de ce fait, en tirer les conséquences, faire mon autocritique.
Quand je me leurre volontiers aussi sur les motivations de l'affection qu'on me voue.
L'amour, où qu'il se trouve, est toujours un malentendu qui se satisfait de lui-même.
Un équilibre fragile dont il ne faut pas remuer les pierres si on le veut durable.
Quitte à mourir noyé dans le formol d'une première impression.
Quand je sais que même l'amour de ma mère, le plus fort de tous à ce jour,
n'était pas l'amour de moi, mais de ce que ma mère projetait sur son fils.
Et que j'ai joué le jeu en lui renvoyant l'image qu'elle souhaitait conserver.
Etre fière de moi, c'était encore être fière d'elle-même.
Et je sais depuis elle ce qui anime tous les parents aimants.
Avec tout l'amour que je lui porte encore, plus sain et plus pur depuis qu'elle n'est plus,
je ne la juge pas, j'observe le désespoir des hommes à devoir disparaître.
Et ce besoin touchant de se kiffer eux-mêmes à travers leurs enfants.
Aussi vrai que Dieu a fait les hommes à son image, les hommes font leur maison,
leur garde-robe, leur carrière à leur image, avec une haute idée de ce qu'ils doivent être,
quand ils se comparent toujours à ces cons de voisins qui ont si mauvais goût.
Leurs petits sont toujours précoces, et plus beaux que ceux de la cousine.
Et pour être un fils, moi aussi, j'ai été plus beau et plus intelligent que tout le monde.
Puisque j'étais le produit de deux orgueils délirants.

Vous comprendrez pourquoi j'accepte quelques reproches.
Suffisant. Egoïste. Narcissique. Ah voilà... la belle affaire. Qui ne l'est pas ?
La différence peut-être est que je suis de ceux qui l'assument sans rougir.
Quand je ne prétends nulle part être un cas particulier.
Lorsque j'en suis un au même titre que tout le monde.
Je ne me formalise pas. Aux reproches comme aux procès d'intention.
Le cuir est épais. Au point que même transparent, il déforme les choses.
Et je sais que vouloir et savoir sont deux actions différentes.
Ainsi, je sais être seul quand je ne veux pas l'être.
On va me trouver injuste. Si on décide de me lire de travers.
Quand je sais que je n'écris pas cela ni pour me faire valoir, ni pour me faire plaindre.
Quand je n'attends pas d'être lu, mais d'être libéré de ténèbres que je dois expulser.
Je n'aurai pas la fausse modestie, ni l'hypocrisie, d'écrire que c'est un témoignage
qui pourrait être utile, qui pourrait aider les gens, " si mon expérience pouvait... "
blablabla, non... je serai honnête en disant que c'est à moi que je fais du bien.
Une masturbation si vous voulez. Qui m'évitera de me jeter par la fenêtre.
Quand les chants de Noël ont commencé à retentir dans les haut-parleurs du quartier.
Et que je dois accepter les côtés sombres des choix qui sont les miens.
Comme les paradoxes qui me malaxent le coeur comme une balle anti-stress.
Voir les côtés sombres et ma part de responsabilité. A ce qui ne va pas.
Et m'empêche de trouver le sommeil.

Pardon si je laisse l'impression d'égratigner les gens qui font des enfants.
Même si beaucoup ne se privent pas de juger ceux qui n'en font pas.
Je ne peux pas jeter la pierre à ceux sans qui nous ne serions pas là.
Je veux juste revendiquer le droit de vivre autrement.
Et contester la palme de l'égoïsme que l'on décerne un peu vite
à ceux que l'on accuse d'être à la fois immatures et irresponsables.
Rappelant tranquillement que faire des enfants est aussi une forme d'égoïsme.
Et que c'est pour beaucoup un signe extérieur de richesse et de respectabilité.
Pardon si je laisse l'impression de juger ceux qui travaillent dur et font leurs courses,
quand je ne peux pas, si je ne peux pas me plaindre moi-même, les plaindre davantage
pour une vie que l'on choisit toujours, même quand on pense ne pas avoir le choix.
C'est mon cas. Je suis seul responsable du lieu où je me trouve. Ou de ma situation.
Et que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, si je m'obstine à croire en certaines choses.
Lorsqu'une part de ma personne, qui n'est pas Mister Hyde, n'est pas dupe.
Qu'elle sait ce que j'accepte et de qui. Ce que j'attends et de qui.
Et le fait qu'on ne peut compter, au fond, que sur soi-même.
Quand la pire déception n'est pas celle d'être déçu des autres.
Mais de ne pas être à la hauteur de ce que l'on prétend être.
De qui on se prétend être. A soi. Puisqu'il n'y a que nous dans la glace.

J'envoie des bouteilles à la mer. Qui n'atteignent pas leur cible.
Récoltant l'indifférence ou le silence quand je cherche à être caressé.
Et j'enrage de ma faiblesse à chercher le secours ailleurs qu'en moi-même.
A mendier un soutien que je n'obtiens pas et n'obtiendrai jamais.
Puisque je me suis volontairement mis hors de portée de toute implication.
Pourquoi m'étonner de passer après tout le monde quand je ne veux pas passer devant ?
Voilà de ces contradictions chez moi qui viennent m'exaspérer.
Je peux ne pas être compris. Je peux être très bien compris.
Quand il me faut apprendre que je ne suis indispensable à personne.
Pas parce que je l'ai bien cherché, mais parce que je suis un être humain.
Et que ma mère en s'éteignant m'a prouvé que la fin du monde n'avait pas eu lieu.
J'ai continué à vivre et à être heureux alors qu'elle n'était plus là.
Et qu'en réalité, je n'avais pas besoin d'elle.
C'est une leçon que je ne dois pas oublier. Quand je mourrai aussi.
Quand j'ai la preuve, tous les jours, que les gens qui m'aiment me portent tous,
évidemment, des sentiments bien volatiles, qui ne résistent pas aux résistances.
Puisque tout le monde, bien sûr, passe après une seule personne. Nous-mêmes.
Même dans l'idée du sacrifice. Où il n'est toujours question que de se faire valoir.
Et de se penser utiles.

Les encouragements, bien sûr, ne viennent jamais des bonnes personnes.
Quand il faut pourtant toujours prendre les encouragements d'où ils viennent.
De qui est-ce que j'en attends ? De mon père ? De mon pays ? De mon amour ?
Les trois se taisent et me laissent me débattre dans un caprice de sale gosse.
Quel est ce petit con ? Cette petite peste ? Qui veut être aimé de ceux qu'il aime ?
Ou pourquoi s'obstine-t-il à ne chercher l'amour que de ceux qui ne l'aiment que de loin ?
Ce n'est pas le vent qui me gifle. Je me gifle moi-même. L'amour n'existe pas.
Il n'y a que la confiance. Et que ce que l'on croit. Me défends d'être triste.
Quand je ne veux pas voir que c'est moi que je protège en fuyant des possibles.
Je dois me faire confiance. Faire confiance à mon corps. Qui sait ce dont il a besoin.
J'ai choisi d'être loin de tout le monde, puisque c'est l'endroit où je suis en sécurité.
Même si j'en crève à la peau qui s'assèche et au manque de chaleur.
Et qu'on me refuse des signes anodins qui pourraient m'hydrater.
Je ne peux pas attendre de quelqu'un ce qu'il ne peut me donner.
Quand je suis le seul à avoir toutes les cartes pour me faire du bien.
Je raccroche avec un poids sur les épaules. Un peu déchiré.
J'ai envie d'être avec mon père et je n'ai pas envie de l'être.
J'ai envie de rester à Perpignan quand j'ai envie de partir.
Et je masturberai mon corps. Pour que quelqu'un s'en occupe.
Je ferai le massage lymphatique aux caresses qu'on ne me fait pas.
Et ne trouverai qu'en moi les raisons de me lever demain matin à l'aurore.
Puisque celles dont je rêve ne sont que des chimères
dont je veux me convaincre qu'elles n'en sont peut-être pas.

Je n'en veux à personne.
Ne trouve personne ingrat ni malhonnête envers moi.
Je dois juste dompter mes désirs d'absolu qui me font perdre prise.
Et comprendre pourquoi je passe mon temps à fuir.
Lorsque je veux de l'amour quand on me le refuse,
et que je le refuse quand on me le propose.
J'accepte l'égoïsme des autres pour faire accepter le mien en retour.
Respecte la tranquillité des autres pour qu'on respecte la mienne.
L'émotion de retrouver mon pays est passée.
Et désormais, je sens les murs se refermer sur moi.
Comme à cette envie de quitter la table à une réunion de famille.
Nous étions contents de nous revoir. Mais soudain, il faut se sauver.
Un espoir un peu fou me retient à la table. Je n'ai touché à rien.
Je ne suis pas là pour manger ni pour boire. Ne suis pas là pour profiter.
Je regarde passer les plats. Avec autant d'attendrissement que d'écoeurement.
Quand je pleure sur le bonheur impossible d'être bien où l'on est.
On m'aime comme on peut. Et ce n'est pas assez.
Mais j'en ferai le deuil. Quand je l'ai déjà fait.
Nous sommes seuls. Je le suis. Il n'y a pas de raisons.
Quand je n'ai rien à faire même de l'amour de Dieu.
Je dois juste survivre. Expulser mes démons.
Et mettre le réveil pour briser le silence.



       

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2012 à Perpignan

 

 

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 23:41

 

 

Décembre est devant la porte.
Finalement, avec ou sans toi, j'ai tout de même réussi.
Le changement d'heure. Halloween. La Toussaint. La foire de la St-Martin.
Reste plus que Noël et nous serons tranquilles pour un bon bout de temps.
La patinoire est en place au pied du Castillet. Les feuilles de gui à la con.
Les chalets en rondins et les sapins qui n'ont rien à faire dans la plaine du Roussillon.
Bien. C'est l'affaire d'un mois. Quand le froid et le vent se sont levés ensemble.
J'ai presque fini le programme de remise à niveau. Que j'ai accepté avec philosophie.
J'aurais pris cela pour une humiliation. Mais Mister Hyde n'est plus là pour me défendre.
Je suis en pilote automatique. J'avance. Le cap est dans le pare-brise que je n'ai pas.
Quand le vent vient me mordre le visage et m'arracher les cheveux.
Rappelez-moi pourquoi j'affronte les éléments de si bonne heure sur l'avenue Panchot ?
Ah oui... pour mon avenir. Pour relever les défis que je me suis lancés.
Je me pose la question. Pour qui est-ce que je fais cela ?...
" Eh bien, pour personne. Tu le fais pour toi... "
Pour personne en effet.

Il y a une porte à l'arrière. C'est celle que je préfère.
Une sorte de sas à l'angle du bâtiment. Que je traverse.
Après la porte vitrée, il y a un couloir, pile en face, que je ne prends pas.
Le lieu ressemble à une clinique. Je tourne à droite. Traverse un espace détente.
Une cuisine américaine. Un distributeur de café. Un autre de friandises.
Je rase les murs. Ne m'attarde pas. Il n'y a personne à saluer. Je trace.
Il y a un bout de couloir sur lequel je ne peux pas faire l'impasse.
Je l'emprunte jusqu'au hall principal, récupère ma feuille d'émargement,
et m'engouffre dans une salle informatique où j'ai mes habitudes.
J'allume l'ordinateur. La chaise à roulettes. Je m'installe.
Je vais revoir ces foutus verbes pronominaux.
Je le fais pour moi. En effet. " Les générations se sont succédé. " Pas d'accord.
Et ma feuille de papier sent l'encre du stylo bille. L'encre sur le papier.
Il y aura du soleil très bientôt. Avec ou sans toi. Il faudra bien.
Je ne dois pas me laisser distraire. Et j'ai plus de trois heures à tenir.

Il y a une porte à l'arrière. C'est celle que je préfère.
Une sorte de sas à l'angle du bâtiment. Que je traverse.
Après la porte vitrée, il y a une rue. Que je ne prends pas.
Je tourne à gauche. Pour éviter l'avenue. Le plus longtemps possible.
J'accepte de n'y retourner qu'au niveau de la voie ferrée.
Le pont qui porte ses rails à bout de bras, au passage du Talgo.
Le vent ne me pousse toujours pas. Change de sens sans arrêt.
A décidé de me gifler quelle que soit la direction que je prenne.
Je ne serai à l'abri que chez moi. L'affaire de vingt minutes.
Je dois lutter pour avancer. Mais voilà... La place de la cathédrale. Enfin.
Et ses décorations de Noël à gerber. Que je fuis autant que les bourrasques.
Je referme la porte de l'immeuble derrière moi. Personne ne m'attend. Là-haut.
Je prends le temps de respirer. Le vent est resté derrière la porte. Je l'entends.
Ici, je suis à l'abri. Mais à l'abri de quoi ? Quand je suis toujours là avec moi.
Et que la tempête ne faiblit pas. Je regarde l'escalier. Que je dois gravir.
Encore quelques marches. Et je serai chez moi. Dans mon appartement.
Je me demande si je ne préférerais pas ressortir.

Si je veux pouvoir partager quelque chose avec quelqu'un,
il faut que je me mette en situation de pouvoir le faire vraiment.
Revenir dans le monde. Tel qu'il est. Qu'il me plaise ou non.
Et je n'ai toujours pas décidé.
Le Talgo sur le pont. C'était cela. La claque. La sensation de froid.
Je passais sur le pont, autrefois. Bien au chaud. Dans un wagon.
A destination de Barcelone.
Et je passe dessous. Tous les jours. A pied. Contre le vent.
Je passais sur le pont, et quelqu'un m'attendait. Quelqu'un qui m'aimait.
Qui n'attendait qu'une chose. Que nous nous installions ensemble.
Il me semble que c'était agréable. D'avoir des projets. Avec quelqu'un.
Que c'était agréable de faire les choses pour moi mais pas seulement.
De faire aussi les choses pour quelqu'un. Avec quelqu'un.
Qui ne m'attend pas à l'étage de cet appartement.
J'ai décidé de ressortir.

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2012 à Perpignan

 

 

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Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

  Parolier / Discographie 

 

LaViedeChateauArtMengo

 

 BlondedanslaCasbahBiyouna

 

 

BOAzurAsmar

 

 MeskElilSouadMassi

 

 LoinLambertWilson

 

 7ViesTinaArena

 

 BetweenYesterdayandTomorrowUteLemper

 

 CestTropMissDominique

 

 SijenétaispasmoiMissDominique

 

 

WinxClubenConcert

 

 

OuvontlesHistoiresThierryAmiel

 

 

Live en trio 

 

 

 

 

  Compilations  

        Compilation 2009

 

 

Compilation 2010 Universal

 

 

 

 

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