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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:53

 

 

 

Alix est partie au petit jour.
Avant que la maison ne se réveille. Et tout le quartier au-delà.
Le soleil s'était déjà levé sur une mer d'huile aux reflets de nacre.
Difficile l'été de quitter le lit d'un one-night-stand avant l'aurore.
Je m'étais à peine redressé pour lui dire au revoir, lui donner un dernier baiser peut-être.
L'alcool de la veille avait engourdi tous les muscles et faisait peser le sommeil.
Je ne sais combien de temps après m'être rendormi, les voix claires des enfants
doublées des pépiements d'oiseaux me firent ouvrir l'oeil.
La vie avait réinvesti la maison, et la lumière de midi fit valser mes draps.
Sortant de la douche, je suis descendu rejoindre ma petite famille
et leur journée déjà bien entamée.
Je demandai l'air de rien si tout le monde avait bien dormi.
Geneviève répondit simplement à ma question sans se répandre.
Tout en me préparant un petit-déjeuner rudimentaire,
j'ajoutai que j'avais posé la question parce que j'étais rentré tard,
et espérais n'avoir pas fait trop de bruit.
Ma soeur alors, me mit à l'aise en me taquinant.
Certes, nous n'avions pas fait de bruit en entrant dans la maison.
Mais le bruit que nous aurions fait en ouvrant la porte d'entrée franchement,
en bousculant quelques chaises au passage, en agitant le trousseau de clés,
n'aurait rien été comparé à celui que les cloisons avaient eu du mal à contenir ensuite.
Je rougis soudain en réalisant que Gene, dans la chambre voisine, n'avait rien manqué
de mes ébats, et rougis davantage encore en songeant aux enfants.
Dans un instant de panique, je cherchai les filles des yeux aussitôt,
et les trouvai vite, en train de jouer tranquillement sur la terrasse.
Absorbées, elles ne semblaient ni traumatisées, ni inquiètes.
Aucun regard désorienté ou interrogateur de leur part.
Quand je replantai le mien aussi sec dans celui de ma soeur,
je vis avec soulagement que le sien était dépourvu de reproches.
Elle dissimula simplement un sourire.
J'ai pensé, le nez dans ma tasse de café, qu'elle avait surpris mon embarras.
Si c'était assez pour provoquer un sourire, celui qu'elle n'arrivait plus à réprimer
me fit penser qu'elle n'avait pas encore abattu toutes ses cartes.
Comme elle restait énigmatique, silencieuse, faisant durer le suspens,
j'ai posé ma tasse brutalement, écarquillant les yeux en une grimace hésitante
qui voulait dire : " Alors, quoi ? ... "
Geneviève, mutine, lâcha le morceau :
" Il n'y a pas que moi qui sais ... que tu n'es pas rentré seul cette nuit ...
Tout le quartier est au courant. "
Levant les yeux au ciel, consterné, je m'attendis au pire.
Nous qui n'avions pas menagé nos efforts pour une discrétion maximale ...
J'allais prendre la mesure et l'ampleur de notre réussite. Et de notre ivresse.
Pendant mon sommeil, ma soeur avait discuté sur le pas de la porte avec des voisins,
qui s'étaient interrogés sur la présence d'une voiture devant chez nous.
Une voiture volée peut-être ? A qui pouvait-elle appartenir ?
Toute la rue en avait débattu.
Déjà, je m'estimais heureux. Il ne s'agissait pas de hurlements intempestifs.
Ce seul véhicule, que personne n'avait reconnu, n'avait pas seulement alimenté
conversations et commérages, il avait purement et simplement gêné la circulation,
garé devant le portail, bien parallèle au caniveau,
un créneau parfaitement réussi, certes,
mais au beau milieu de la rue, à plus d'un mètre du trottoir.

 

 

 

 


Philippe LATGER

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:51

 

 

Je n'ai rien à donner d'autre que ce que je suis.
Ce que j'ai vu, perçu, senti, aimé, caressé et pris dans la gueule.
Je n'ai rien d'autre à donner.
Les entailles et les plombs. Les blessures de guerre.
Le pistolet sur la tempe. Entre les deux yeux. Dans ma gueule.
Sur la détente, le doigt a tremblé. Le coup est parti.
Je vous dis pas le merdier. Pitié pour les gars qui feront le ménage.
Que pouvais-je recevoir ? Que pouvais-je donner ?
Les cicatrices vulgaires. Le coeur crevé.
Comme un vieux ballon que le chien a niqué.
De ses crocs sans pitié. De ses crocs sans pitié.
Tout le monde connaît le plaisir et ses désillusions.
Que pouvais-je vous apprendre ? Que pouviez-vous m'apprendre ?
Que nous ne sachions déjà ?...
La mâchoire serrée. La mâchoire serrée.
Pitié pour ceux qui vont nettoyer.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2010 à Perpignan

 

 

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:46

 

 

Le 18 décembre, mes amis avaient organisé pour moi, l'avant-veille du départ,
un repas de Noël traditionnel québécois, un réveillon anticipé,
dans la splendide maison de Sylvain et Luc-Etienne.
Pierre et René étaient là, ainsi que Lise, pour déguster ensemble
une tourtière, et la fameuse dinde au jus de canneberge.
Après un digestif au coin du feu, nous nous sommes embrassés devant la porte.
La maison se trouvait à l'angle du Carré St-Louis, féérique l'hiver,
avec son bassin d'eau gelée et ses façades victoriennes multicolores
voluptueusement endormies sous la neige.
Le froid sec nous tapotait les joues et les oreilles, faisait comme toujours
circuler le sang au point de nous donner une trompeuse sensation de chaleur.
Nous nous sommes engouffrés dans la voiture de Pierre après un dernier salut
et avons gagné la rue St-Denis pour revenir sur St-Timothée,
passant devant les bars et les restaurants bondés de Montréalais
qui allaient profiter dignement de leur samedi soir.
Derrière la vitre de l'automobile, je regardais ces silhouettes anonymes en silence,
avec une brume de mélancolie, et le désir de les rejoindre.
Le jour suivant, je me suis occupé des derniers préparatifs.
Après mon rendez-vous chez O'Gato avec Yves Bourgeois,
je suis revenu sur le web saluer les habitués du forum qui allaient tous me manquer.
Après mes amis réels, je venais dire au revoir à mes amis électroniques.
Mon retour au Québec était fixé pour le 25 janvier.
Plus d'un mois d'absence. Plus d'un mois sans connexion.
Il y en avait un pourtant, que je n'allais pas vraiment laisser sans nouvelles.
Il s'agissait de Ludo. Un petit parisien avec qui j'avais sympathisé.
Il réagissait toujours à mes contributions, avec humour et enthousiasme,
et nous avions naturellement fini par correspondre en privé.
Tout le monde savait que j'allais revenir en France pour les Fêtes.
Ludo y vit aussitôt une occasion idéale pour nous rencontrer.
En effet, je restais quinze jours à Paris avant de partir vers le Sud.
Mieux encore, mon camarade vivait précisément à Roissy,
et proposa spontanément de venir me chercher à l'aéroport.
" Je serai en voiture, je pourrai ensuite t'emmener où tu veux ...
- Je serai logé chez mon frère qui vit au pied de Belleville.
- C'est parfait. Tu arrives à quelle heure ? "
Je me faisais une fête à l'idée de voir un membre de notre communauté virtuelle.
Et pas des moindres. Ludo était devenu un des piliers de notre petite famille.


( ... )


Comme toujours, le trajet jusqu'à l'aéroport de Mirabel,
dans ce sens-là, était sinistre.
La perspective du bonheur de retrouver la France et les gens que j'aime
n'était pas encore assez vive pour me consoler vraiment de la séparation.
Quitter Montréal me déchirait le coeur.
Les sept heures de vol au-dessus de l'Atlantique, de rêveries et de méditation,
n'étaient pas de trop pour me préparer psychologiquement à changer de monde.
Il me fallait bien ça pour réaliser que je rentrais à Paris.
Et dans la somnolence du voyage, la tristesse commençait à se changer en joie.
L'excitation montait toujours précisément quand l'avion amorçait sa descente.
Quand l'appareil touchait le sol, j'étais pris d'une émotion extraordinaire.
Je pleurais à l'atterrissage comme j'avais pleuré au décollage.
Cette fois, ce n'était plus des larmes de chagrin, mais de bonheur. Voilà.
Un bonheur délirant qui chaque fois savait me surprendre.

 

 

 



Philippe LATGER

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:41

          

 

 

 

2003 : Le temps perdu ( Philippe Latger / Art Mengo ) album La Vie de Château.
2003 : Le hamac ( Philippe Latger / Art Mengo ) album La Vie de Château.

2006 : Bismillah ( Philippe Latger / Joseph Racaille ) album Blonde dans la Casbah.
- Duo : Biyouna / Malia - de Biyouna.

2006 : La Chanson d'Azur et Asmar ( Adaptation : Philippe Latger / Michel Ocelot )
Musique : Souad Massi. BO de Azur et Asmar de Michel Ocelot.

2006 : Pour qui ( Adaptation : Philippe Latger ) Musique : Souad Massi.
- Duo : Souad Massi / Gad Elmaleh - BO de Mauvaise Foi de Roschdy Zem.

2007 : Loin ( Philippe Latger / Jean-Philippe Bernaux ) album Loin de Lambert Wilson.

2008 : Danser la vie ( Philippe Latger / Rémi Lacroix ) album 7 Vies de Tina Arena.

2008 : Ida y Vuelta ( Philippe Latger / Pierre Bertrand ) Spectacle Madre Flamenco.

2009 : Du sang et des plumes ( Adaptation : Philippe Latger )
2009 : Amis d'un soir ( Adaptation : Philippe Latger )
album Between Yesterday and Tomorrow de Ute Lemper.

2009 : C'est trop ( Philippe Latger / Rémi Lacroix )
single de l'album Si je n'étais pas moi de Miss Dominique.  

2009 : Rêve ( Adaptation : Philippe Latger ) Musique : Maurizio d'Aniello.
2009 : Tu es la seule ( Adaptation : Philippe Latger ) Musique : Maurizio d'Aniello.
DVD et album Winx Club en Concert du Winx Club.

2010 : Dans les bras de mon ange ( Adaptation : Philippe Latger / Thierry Amiel )
Musique : Sarah McLachlan. Album Où vont les histoires ? de Thierry Amiel.
    
 

2010 : Le temps perdu ( Philippe Latger / Art Mengo )

dans la compilation Les 50 plus belles chansons d'amour ( Universal ) 

2011 : Le hamac ( Philippe Latger / Art Mengo ) album Live en trio d'Art Mengo.

 

SONY / ATV Music Publishing

 

2013 : Hissé si haut ( Philippe Latger / Pierre Bertrand ) inédit

 

Projet le Pouvoir des Enfants

(avec Murray Head / Peter Kingsbery / Varda Kakon / Pascal Assy... )

                             Le Pouvoir des Enfants

 

2015 : Elle s'ennuie ( Philippe Latger / Mathieu Rosaz ) inédit

 
 2016 : En liberté ( Philippe Latger / Pierre Bertrand )
 2016 : Pas sans toi ( Philippe Latger / Pierre Bertrand )
 2016 : En fumée ( Philippe Latger / Pierre Bertrand )
           Paloma Pradal

 

 

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:37

 

 

Dominique et moi avions pris un forfait bus + hôtel.
La formule pouvait être économique.
Le véritable prix à payer était de voyager de nuit pour arriver à Manhattan dans la matinée.
Luttant contre le sommeil, nous avons pris un taxi pour le point de rendez-vous
fixé par l'agence : une adresse improbable du côté du Parc Jarry, sur Jean Talon Est,
dans un quartier résidentiel sans charme où je n'avais jamais fichu les pieds.
Nous sommes montés dans un bus dont on nous a fait descendre une heure plus tard,
au poste frontière de St-Bernard-de-Lacolle, que je connaissais bien pour y être déjà passé
avec Jean-François et Luc, puis Virginie et Stéphan, le lieu étrange où nous devions montrer
nos passeports aux services US d'immigration.
C'était la première fois que je faisais l'exercice de nuit.
Le passage aux douanes américaines est toujours impressionnant.
Lorsqu'on vous rend vos papiers sans faire d'histoires, avec un " Ok " pour permission,
vous avez la sensation d'être reçu à un concours ou encore que le videur d'une boîte à la mode
vous laisse libre accès au carré VIP.
Les choses sont faites de telle façon que lorsqu'on vous laisse entrer sur le territoire,
vous ne pouvez vous empêcher, à tort ou à raison, de penser que vous avez de la chance.
Pouvoir remonter dans le bus pour continuer la route jusqu'à New York
nous donnait forcément un statut de privilégié, dans la mesure où, chaque fois,
je l'avais observé, certains passagers ne finissaient pas le voyage avec nous.
Il y en avait toujours un ou deux qui restaient à la frontière.
L'autobus repartait sans eux.
Et il me fallait du temps pour arriver à faire abstraction de leurs places laissées vides.
En quittant l'ambiance aéroportuaire du poste de St-Bernard, avec sa grande surface
de bitume surgie de nulle part, perdue au milieu d'un océan d'érables,
avec ses parkings à poids-lourds, sa forêt de mâts et d'énormes lampadaires
dont la lumière orange éclairait d'épaisses nappes de brouillard,
la nuit finit vite par tout recouvrir, hormis les deux brèches fendues à l'avant
par les phares de notre véhicule, qui faisaient clignoter le marquage au sol,
et briller de temps à autres les lettres phosphorescentes de panneaux.
Les deux faisceaux se frayaient un chemin avec obstination.
L'obscurité s'ouvrait sur notre bus pour se refermer aussitôt derrière nous.
Bercés par le sommeil de nos voisins et la monotonie du moteur,
Dominique et moi réussîmes malgré tout à nous endormir.

 

 



Philippe LATGER

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:27

 

 

Il faisait jour lorsque l'autobus progressait enfin sur les terres du New Jersey.
A l'horizon, je reconnus une flèche plus colossale que la Corning Tower d'Albany.
Un mastodonte qui indiquait notre destination à des kilomètres à la ronde.
Son antenne démesurée, autrefois mât d'amarrage pour de monstrueux zeppelins,
captait la foudre, les réseaux téléphoniques et les ondes radio,
comme elle captait nos regards de sa force hypnotique.
Le relief nous cachait encore les trois quarts de sa hauteur,
mais la silhouette visible laissait présager de l'envergure du titan
qui nous attirait irrémédiablement à lui.
Bientôt, après la boucle voluptueuse d'une autoroute dans les collines,
nous découvrîmes, le souffle coupé, l'Hudson River dans toute sa splendeur :
la magnificence d'un fleuve mythique, dans lequel se reflétait celle de MidTown.
Une cité qui défie l'imagination. Une métropolis biblique, babylonienne, fabuleuse.
C'était comme une claque. Un uppercut. Un électrochoc.
Venue d'ailleurs, cette forêt de gratte-ciel apparut comme une oasis dans le désert,
plus incroyable et plus réelle que toutes les villes imaginées dans les films fantastiques
ou dans les romans d'anticipation.
A peine avions-nous pris en pleine figure la puissance de Manhattan dressée sur son île,
crépitante des couleurs parmes du ciel, des reflets du soleil sur les vitres des buildings
comme à la surface de l'eau, de ses tours menaçantes embrochant les nuages,
que nous nous engouffrâmes dans le conduit carrelé du Lincoln Tunnel.
Avec le sentiment paniqué de ne plus pouvoir reculer.
" Lorsque nous verrons la lumière du jour à l'autre bout, pensai-je,
nous serons dans le four ... au centre du cratère. "
Comme dans un manège à sensations, je me suis collé à mon siège,
ai crispé mes mains sur les accoudoirs, alors que le bus se précipitait
avec démence sous la rivière dans un vieux tube de faïence
qui avait gardé son aspect improbable des Années 30,
avec tout ce que cela comportait de merveilleux et d'inquiétant.
Dominique et moi ne pouvions plus parler.
Nous attendions simplement, murrés dans nos émotions,
notre impatience et notre appréhension, que tout cela s'arrête.
Ejectés du tunnel, nous nous sommes retrouvés vivants,
comme rejetés par une vague, sur le quai du Port Authority Bus Terminal,
penauds, faisant la queue pour récupérer nos bagages en soute,
sans être encore certains d'être vraiment réveillés.
Nous sommes sortis sur la 42e rue, où la vie grouillait partout, la rendant délirante.
Difficile d'imaginer que cette vie vibrait déjà avant notre arrivée,
que nous prenions un train en marche. Nous n'eûmes le temps de rien.
L'énergie de la 8e Avenue nous happa aussitôt, et nous traversâmes
le canyon sans broncher, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde,
d'un pas décidé, à la recherche de notre hôtel.
Ivre de bonheur, de fatigue et d'angoisse, nous arrivâmes devant le Carter Hotel
sur la 43e rue, un de ces énormes buildings à gradins, aux façades de briques brunes,
austères, intimidantes, typiques du New York des Années 40.
Les nouvelles tours repoussant plus haut, chaque décade davantage,
la ligne de faîte de la cité, avaient pris pour socles ces vieux édifices
ternes et uniformes, massifs et patibulaires.
Elles s'étaient appuyées sur leurs larges charpentes pour leur monter sur les épaules.
Dans un hall sans âme où tintaient les arrivées et les départs d'ascenseurs épuisés,
nous nous sommes présentés à ce qui ressemblait plus à des guichets de banque
qu'à une réception.

( ... )

Nous avons embarqué avec nos bagages dans l'un des vieux ascenseurs cuivrés.
Un vieil homme indolent, dans un uniforme bleu marine et rouge qui n'était pas à sa taille,
nous prit un dollar pour avoir simplement appuyé sur le bouton de notre étage.
Abandonnés dans un immense couloir sans fin et sans fenêtres,
nous avons remonté les numéros de portes jusqu'à notre chambre.
Nous nous y sommes enfin écroulés pour y finir nos huit heures de sommeil.

 

 

 



Philippe LATGER

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:09

 

 

 

C'était une façon de reprendre contact, avant de fêter la fameuse nuit
de la St-Sylvestre, au Théâtre de l'Empire, avenue de Wagram.
C'est dans cette salle que j'avais vue le dimanche, enfant, à la télévision,
où Jacques Martin animait sa célèbre et populaire Ecole des fans,
que l'équipe du Queen avait organisé sa soirée de Réveillon.
Chez des amis de Jean-François, nous avons été témoins du flop du compte à rebours,
sur la Tour Eiffel, qui trouva le moyen de tomber en panne au moment fatidique,
avant d'ouvrir finalement le champagne en accord avec un feu d'artifice, lancé à l'heure,
et à la hauteur de l'évènement, retransmis sur toutes les chaînes de télé.
L'ironie du sort avait tenu, loin de tout ce qu'on avait pu imaginer et fantasmer de l'an 2000
à renvoyer nombre de nos concitoyens deux siècles plus tôt, obligeant, suite aux dégâts

causés par la tempête, la moitié du pays à fêter Noël à la bougie.
Oubliant presque la menace du Bug, l'urgence était de rétablir l'électricité partout.
Le vent furieux avait tué. Comme il avait arraché des toitures, des arbres
et fait plier des centaines de pylônes à travers toute l'Europe.
Nous nous relevions à peine de la catastrophe lorsque le Trocadéro s'embrasa
de l'explosion pyrotechnique, et de joie fantastique, qui accueillit la nouvelle année.
Les amis de mon frère, tous adorables, m'associèrent volontiers à leur tribu.
Après le repas, les plus fêtards de l'équipe nous accompagnèrent à l'Empire,
déjà ivres et drogués, pour entamer une teuf mémorable de 48 heures.
Un énorme plateau tournant, sur la scène du théâtre, était couvert d'une foule
de clubbers bigarrée, n'ayant reculé pour l'occasion devant aucune excentricité.


( ... )

Après quelques courtes heures de sieste l'après-midi,
nous avons remis le couvert jusqu'à l'aube.
L'argent continuait à affluer aux distributeurs,
les ordinateurs du monde globalisé et informatisé n'avaient rencontré aucun problème.
Le changement de date, la disparition du 19 lié au vingtième siècle, ne fit rien bugger.
Les entreprises et particuliers ayant dépensé des fortunes pour parer à ce qu'on nous
annonçait comme un cataclysme, comprirent aussitôt qu'ils furent tous victimes
d'un des plus grands canulars des temps récents.
Et je songeais, amusé, aux canailles qui firent tant de profits sur la base d'une chimère,
concluant que définitivement, prendre de l'argent à ceux qui en ont, sans le leur voler,
ne relevait pas du talent mais du génie.
Il me restait un pauvre dimanche, tout petit, pour récupérer, me relever de mes excès,
avant de repartir vers le Sud continuer mon séjour en France sur mes terres natales.
Dès le lendemain, je prenais un avion pour Perpignan.

 




Philippe LATGER

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:05

 

 

 

 

DIMITRI

Bon sang ! J'en ai encore tué un !...

SAMPER

Pardon ?

DIMITRI

Ben oui... il m'a lâché, j'étais prêt du but.
Arrêt cardiaque. On n'a rien pu faire...

SAMPER

Il est mort ?

DIMITRI

Ah, ça... oui, on ne peut plus mort. Je l'ai tué je te dis !
C'est une catastrophe... C'est le 6ème que je loupe cette semaine !

SAMPER

C'est mieux que la semaine dernière.

DIMITRI

Oui, mais... en même temps...
quel jour sommes-nous ?

SAMPER

Mercredi.

DIMITRI

Voilà. Nous sommes mercredi...

SAMPER

Tu ne dors pas assez, tu ne penses pas à ce que tu fais.
Il faut se concentrer un peu.

DIMITRI

Oui, ben, alors, voilà... chirurgien, aussi, c'est pas donné à tout le monde.
J'ai une formation de pianiste moi... je suis censé donner des concerts.
Alors, les opérations à coeur ouvert, à guichets fermés... plein le dos !
Donne-moi des suites, des gammes, des tocatas, des valses et des fugues,
des marches funèbres ou des danses macabres...
Le scalpel... c'est pas mon truc. Faut se rendre à l'évidence.

SAMPER

Tu n'as pas dormi.

DIMITRI

Si si. J'ai très bien dormi, merci.
Tu sais, j'ai arrêté de faire le taxi de nuit.
Non. J'ai mes heures de sommeil. Je ne comprends pas...

SAMPER

Tu en as réussi quelques uns quand même depuis que tu es arrivé.
C'est encourageant.

DIMITRI

Oui, ben, déjà, on opérerait ailleurs qu'à la cantine, ce serait pas du luxe.

SAMPER

On n'a plus de place ailleurs, on fait ce qu'on peut.
Tu sais, Kaplan, lui, opère dans les douches.

DIMITRI

Les douches ?... C'est peut-être mieux qu'au milieu des friteuses, non ?...
C'est très bien les douches ! Pourquoi on ne m'a pas fait une place dans les douches ?
Bon Dieu... on avait pratiquement terminé, je sais pas ce qu'il nous a fait ce con...
ça va pas être bon pour les chiffres. Salière va gueuler.

SAMPER

Ne t'inquiète pas pour ça, notre établissement reste un des mieux classés de la ville.
Nous avons très bonne réputation...

DIMITRI

Et de bonnes assurances.

MADAME LANGLOIS

Docteur, excusez-moi, savez-vous si mon mari est en réanimation ?

DIMITRI

Vous êtes ?

MADAME LANGLOIS

Madame Langlois. L'épouse de Monsieur Langlois.

DIMITRI

Ah...

MADAME LANGLOIS

Henri Langlois... C'était une vésicule à enlever.

DIMITRI

Langlois ?... Monsieur Langlois...
Une vésicule, vous êtes sûre ?

MADAME LANGLOIS

Certaine.
On devait juste lui retirer la vésicule.

DIMITRI

Voyons...
Quelle vésicule exactement ?

MADAME LANGLOIS

Je crois me rappeler qu'il s'agissait d'une vésicule biliaire.


DIMITRI

La biliaire, parfait... oui oui...
On devait la lui enlever, vous dites.
On pourrait donc, sans trop s'avancer,
conclure qu'il s'agissait d'une ablation, en quelques sortes.

MADAME LANGLOIS

En quelques sortes, oui...
Monsieur Langlois...
Il est entré en cuisine il y a plus d'une heure maintenant...

DIMITRI

Ne vous inquiétez pas...
C'est rien à faire, une vésicule !... ça, habituellement, j'y arrive très bien.
Mais cette fois, Madame Langlois, je vous le dis franchement, j'ai merdé.
Votre mari est mort.

MADAME LANGLOIS

Henri ? Mon Henri est mort ?

DIMITRI

Votre Henri, oui. Henri Langlois. Il y a dix ou quinze minutes.
Vous êtes certaine que c'était pour une vésicule ?

MADAME LANGLOIS

C'est ce qui était marqué sur la fiche.

DIMITRI

Ben mince alors. Je me suis fait chier pour rien... si j'avais su...

SAMPER

De toute façon, Madame,
rien ne prouve qu'il aurait pu vivre longtemps sans sa vésicule.

DIMITRI

Oui, d'ailleurs, pourquoi voulait-on la lui retirer, cette vésicule ?
Il devait avoir une bonne raison d'en avoir une...

MADAME LANGLOIS

Je ne sais pas, je n'y connais rien, moi, vous savez...
je suis pianiste.

DIMITRI

Pianiste, vraiment ? C'est drôle, moi aussi !

MADAME LANGLOIS

Vous n'êtes pas chirurgien ?

DIMITRI

Si ! Si si ! Mais j'ai une formation !

MADAME LANGLOIS

Un orchestre ?

DIMITRI

Un enseignement... au conservatoire.

MADAME LANGLOIS

Pas faciles à trouver les places de pianistes, hein ?
Pour mar part, je joue dans les vestiaires du théâtre.
Il n'y a plus de place sur scène.

DIMITRI

Pas même à l'orchestre ?

SAMPER

Ma nièce joue bien du trombone dans les baignoires.

MADAME LANGLOIS

Rien ! C'était ça ou le bar.
Depuis, j'ai pas lâché. Pensez...
Une aubaine pareille.
De toute façon, je n'aurais pas pu faire autre chose.

DIMITRI

Vous n'avez pas de formation ?

MADAME LANGLOIS

Je suis soliste.

DIMITRI

Je veux dire... un enseignement !

SAMPER

Une soliste ?... ça joue de quel instrument ?

MADAME LANGLOIS

J'ai fait médecine.

DIMITRI

Je vois...

SAMPER

... de la sole ?...

MADAME LANGLOIS

Ah... quelle vie, je vous jure...
A propos, est-ce que je peux voir mon époux ?

DIMITRI

Sa dépouille ?...
Si ça vous amuse, oui, il doit être encore à la cantine.
L'intérêt de travailler dans les cuisines, c'est que les frigos sont sur place.
Vous pourrez récupérer quelques affaires.
Ses chaussures notamment. Tenez... Les voici.
Je les ai essayées : elles sont trop petites pour moi.

MADAME LANGLOIS

Merci, oui, c'est quand même du cuir véritable.
Et son veston ? Il s'était habillé pour venir.
C'était un beau veston qui a coûté cher.
Celui du mariage de notre fille.

DIMITRI

Très joli en effet.
Je crois que notre plongeur est parti avec.
Enfin, plongeur... il fait la plonge aux heures des repas,
mais il est anesthésiste à ses heures.
C'est à vérifier. Vous verrez sur place.
Pour ma part, je n'ai pris que sa montre.

MADAME LANGLOIS

Faites voir... il portait laquelle ?...
Gardez-là ! Oui. Non... Celle-ci, je ne l'ai jamais aimée.
Un cadeau de sa mère...

DIMITRI

A la bonne heure.

MADAME LANGLOIS

Merci pour tout docteur.

DIMITRI

Mais c'est moi, c'est moi.
Je vous en prie. Condoléances.

SAMPER

Madame...

MADAME LANGLOIS

Messieurs...

DIMITRI

Et revenez quand vous voulez, n'hésitez pas !

SAMPER

Dimitri, vraiment, tu exagères...

DIMITRI

Quoi, qu'est-ce que j'ai encore fait ?

SAMPER

Tu aurais pu me les faire essayer, ces chaussures...

 

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:01

 

 

" Comment peut-on être sûr que ça existe ? "
Elle m'entendit poser la question. Semblait réfléchir à la réponse.

Une réponse qu'elle se sentait obligée de me faire. Au plus vite.
" Tous les peuples, sur tous les points du globe, ont ou ont eu cette intuition.
Nous n'avons aucune preuve de rien. Mais l'Homme a toujours cru et espéré ... "
Elle parut désolée de ne pouvoir faire mieux.
Elle pliait le linge propre à mes côtés, et je tournais dans le vide,
sur le tabouret du piano. J'y plaquai soudain quelques accords rageurs.
" L'idée qu'il y ait une source à la vie et à l'univers est rationnelle ... repris-je.
Au départ, il y eut le Big Bang. Et avant le Big Bang, autre chose.
Et avant cette chose, encore une autre ... Chez les Grecs, le dieu des dieux a un père.
Nous sommes capables d'envisager le concept de l'origine ... "
Elle sortit un drap housse et n'eut pas besoin de me faire signe :
je me suis levé pour l'aider à le plier au milieu du salon.
" Il suffit d'appeler Dieu l'origine de tout, et nous sommes tranquilles.
Il faut bien trouver un mot pour désigner les choses, pour les nommer.
Et Dieu devient un concept acceptable, comme le zéro ou l'infini.
Mais la vie après la mort ... le happy end où tout le monde se retrouve ...
Reconnais que c'est tout de même une autre paire de manches ... "
Le front plissé, elle suivait mon raisonnement en ouvrant ses bras.
Face à face, nous exécutions une étrange danse, une sorte de menuet,
faisant deux ou trois pas en avant, puis en arrière, répétant les mêmes gestes,
jusqu'à ce que le drap eut la taille d'une serviette de table.
" Pourquoi être conscients, le temps de la vie, de notre propre existence,
et de notre mort, si c'est pour disparaître ensuite tout à fait, et n'être plus rien ? ...
C'est révoltant de sadisme. Et absurde ! ...
- C'est pour ça que je ne peux pas croire qu'il n'y ait rien.
- C'est pire que ce qu'on peut imaginer de l'enfer !
On te donne goût à la vie terrestre, à l'amour, à la nature, aux plaisirs,
et on te retire tout aussi sec et ... définitivement ? "
Maman dans un sourire, s'est abstenue de répondre.
Après un baiser sec sur mon front contrarié, elle se contenta de conclure :
" C'est pour ça que, dans le doute, il vaut mieux profiter de tout ça ... "

 

 

 

 

Philippe LATGER

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18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 18:50

 

 

Si je dormais chez mon frère à Paris, c'est chez ma soeur que je dormais à Perpignan.
C'était la base de repli pour retrouver les miens, mes nièces, comme une grand-mère,
mais aussi tous les amis d'enfance et de la fac avec qui j'avais gardé le contact.
Depuis le foyer de Geneviève, où je constatais avec émerveillement que les filles
avaient encore grandi, je pouvais aller chez Cédric et Virginie, aller au resto avec Laetitia,
passer au cimetière, me tenir debout face à ce qui restait du corps de Maman.
Il me fallait répondre encore aux mêmes questions sur ma vie montréalaise.
On me présentait toujours comme le Canadien, attisant la curiosité de tous,
des potes de mes potes comme des clientes de la boulangère du quartier.
Ma soeur avait un atout qui manquait à Paris : elle avait un ordinateur et une connexion.
Le temps de mon séjour chez elle, je pouvais venir vérifier ce qui se passait sur le forum
en mon absence, et mieux encore, avec mes identifiants, ouvrir ma boîte Outlook
pour relever mon courrier.
En ce mois de janvier 2000, je passai une semaine en Roussillon
avant de faire un saut à Toulouse comme je faisais à chacun de mes retours du Québec,
pour y retrouver la famille de ma mère, dont l'adorable Frank, le cousin qui m'avait
rendu visite outre-Atlantique et aidé dans le choix de mon ordinateur.
Lui comme d'autres avaient traversé le miroir pour aller voir ce qu'était la réalité
de cette vie en terres américaines, démystifier ce que la distance rendait romanesque.
Je ne pouvais pas, avant de repartir, manquer de revenir à Barcelone.
Une destination, là encore, incontournable. Indispensable à ma recomposition.
Ces retours en Europe, au-delà d'un lien affectif à ménager, étaient un élan opportuniste,
la nécessité de reprendre de l'énergie, reprendre des forces, me rappeler d'où je venais.
Elan souvent contre-productif puisque je finissais par ne plus rien savoir du tout,
m'apercevant que, si je ne comprenais pas encore tout ce qui se passait au Québec,
je ne comprenais plus vraiment ce qui se passait chez moi. J'avais oublié.
Refoulant mon accent hybride, indéfinissable des deux côtés de l'océan,
qui n'avait pas encore renoncé à mon origine française,
mais qui n'avait pu lutter contre l'influence massive de la norme montréalaise,
ma langue et mon phrasé étaient à l'image de ma situation psychologique.
Perméable à la société qui m'accueillait, j'avais intégré des postures et des expressions,
des codes et des façons de penser, le plus souvent inconsciemment.
Mais je ne voulais pas me laisser aller complètement, m'abandonner tout à fait.
Ainsi, je n'étais pas indécis. J'avais pris le parti de ne rien lâcher et de tout prendre.
" Je veux tout ... j'aime tout ... " me répétait une correspondante laconique.
Au lieu d'adopter franchement l'accent québécois, ou de garder fermement
mon accent français - qui hésitait déjà entre le méridionnal et le parisien -
je me promenais entre les deux avec désinvolture.
Je ne cherchais pas à imiter les Québecois, comme le font les touristes de passage.
Je vivais juste avec eux. Et leur musique quotidienne me faisait vaciller.
J'avais donc cette langue horrible et comique du provincial qui essaie de parler pointu,
ne réussissant plus à me faire parfaitement comprendre ni d'un côté, ni de l'autre,
portant les stigmates de deux cultures fortes, deux réalités que j'aimais furieusement.
J'avais côtoyé des Français à Montréal, sans chercher à les rencontrer qui,
pour la plupart, restaient hermétiques aux assauts de leur nouvel environnement,
cultivaient orgueilleusement leur différence.
Mais certains, comme moi, avaient lâché prise.
Et j'avais pu vérifié qu'ils parlaient la même langue bricolée,
avec ce même accent fourre-tout, dépareillé, désorienté.
Le Québécois est déjà une forme de franglais, à base de français du Québec.
C'est déjà un métissage de langues, de dialectes et de patois.
Ajouté au français de France qui a ses propres anglicismes,
et des accents tranchés suivant la province d'origine,
cela donne la langue insolite du Français établi au Québec.
Dans le sas entre les deux mondes qu'était devenu Paris,
Ludovic est venu me chercher.
Il m'a accompagné au Terminal 9 de Roissy.
Mon camarade redécouvert. Reconsidéré. Réabordé.
Mon passeur du Styx.

 

 



Philippe LATGER

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