Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 juillet 2010 7 18 /07 /juillet /2010 19:27

 

 

Il faisait jour lorsque l'autobus progressait enfin sur les terres du New Jersey.
A l'horizon, je reconnus une flèche plus colossale que la Corning Tower d'Albany.
Un mastodonte qui indiquait notre destination à des kilomètres à la ronde.
Son antenne démesurée, autrefois mât d'amarrage pour de monstrueux zeppelins,
captait la foudre, les réseaux téléphoniques et les ondes radio,
comme elle captait nos regards de sa force hypnotique.
Le relief nous cachait encore les trois quarts de sa hauteur,
mais la silhouette visible laissait présager de l'envergure du titan
qui nous attirait irrémédiablement à lui.
Bientôt, après la boucle voluptueuse d'une autoroute dans les collines,
nous découvrîmes, le souffle coupé, l'Hudson River dans toute sa splendeur :
la magnificence d'un fleuve mythique, dans lequel se reflétait celle de MidTown.
Une cité qui défie l'imagination. Une métropolis biblique, babylonienne, fabuleuse.
C'était comme une claque. Un uppercut. Un électrochoc.
Venue d'ailleurs, cette forêt de gratte-ciel apparut comme une oasis dans le désert,
plus incroyable et plus réelle que toutes les villes imaginées dans les films fantastiques
ou dans les romans d'anticipation.
A peine avions-nous pris en pleine figure la puissance de Manhattan dressée sur son île,
crépitante des couleurs parmes du ciel, des reflets du soleil sur les vitres des buildings
comme à la surface de l'eau, de ses tours menaçantes embrochant les nuages,
que nous nous engouffrâmes dans le conduit carrelé du Lincoln Tunnel.
Avec le sentiment paniqué de ne plus pouvoir reculer.
" Lorsque nous verrons la lumière du jour à l'autre bout, pensai-je,
nous serons dans le four ... au centre du cratère. "
Comme dans un manège à sensations, je me suis collé à mon siège,
ai crispé mes mains sur les accoudoirs, alors que le bus se précipitait
avec démence sous la rivière dans un vieux tube de faïence
qui avait gardé son aspect improbable des Années 30,
avec tout ce que cela comportait de merveilleux et d'inquiétant.
Dominique et moi ne pouvions plus parler.
Nous attendions simplement, murrés dans nos émotions,
notre impatience et notre appréhension, que tout cela s'arrête.
Ejectés du tunnel, nous nous sommes retrouvés vivants,
comme rejetés par une vague, sur le quai du Port Authority Bus Terminal,
penauds, faisant la queue pour récupérer nos bagages en soute,
sans être encore certains d'être vraiment réveillés.
Nous sommes sortis sur la 42e rue, où la vie grouillait partout, la rendant délirante.
Difficile d'imaginer que cette vie vibrait déjà avant notre arrivée,
que nous prenions un train en marche. Nous n'eûmes le temps de rien.
L'énergie de la 8e Avenue nous happa aussitôt, et nous traversâmes
le canyon sans broncher, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde,
d'un pas décidé, à la recherche de notre hôtel.
Ivre de bonheur, de fatigue et d'angoisse, nous arrivâmes devant le Carter Hotel
sur la 43e rue, un de ces énormes buildings à gradins, aux façades de briques brunes,
austères, intimidantes, typiques du New York des Années 40.
Les nouvelles tours repoussant plus haut, chaque décade davantage,
la ligne de faîte de la cité, avaient pris pour socles ces vieux édifices
ternes et uniformes, massifs et patibulaires.
Elles s'étaient appuyées sur leurs larges charpentes pour leur monter sur les épaules.
Dans un hall sans âme où tintaient les arrivées et les départs d'ascenseurs épuisés,
nous nous sommes présentés à ce qui ressemblait plus à des guichets de banque
qu'à une réception.

( ... )

Nous avons embarqué avec nos bagages dans l'un des vieux ascenseurs cuivrés.
Un vieil homme indolent, dans un uniforme bleu marine et rouge qui n'était pas à sa taille,
nous prit un dollar pour avoir simplement appuyé sur le bouton de notre étage.
Abandonnés dans un immense couloir sans fin et sans fenêtres,
nous avons remonté les numéros de portes jusqu'à notre chambre.
Nous nous y sommes enfin écroulés pour y finir nos huit heures de sommeil.

 

 

 



Philippe LATGER

  Next

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

  Parolier / Discographie 

 

LaViedeChateauArtMengo

 

 BlondedanslaCasbahBiyouna

 

 

BOAzurAsmar

 

 MeskElilSouadMassi

 

 LoinLambertWilson

 

 7ViesTinaArena

 

 BetweenYesterdayandTomorrowUteLemper

 

 CestTropMissDominique

 

 SijenétaispasmoiMissDominique

 

 

WinxClubenConcert

 

 

OuvontlesHistoiresThierryAmiel

 

 

Live en trio 

 

 

 

 

  Compilations  

        Compilation 2009

 

 

Compilation 2010 Universal

 

 

 

 

cinéma

 

MauvaiseFoi

 

 

 

 

  spectacle café de la danse 

MadreFlamenco