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15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 03:03

 

 

C'est avec moi qu'il me faut vivre. Je n'ai pas vraiment choisi.
J'ai vu ma mère mourir. Impuissant à pouvoir l'accompagner. Devant rester à quai.
Révolté de la voir devoir passer seule cette porte qu'on ne franchit qu'une fois.
Dont on ne sait où elle conduit. Avec l'angoisse de ce qui nous attend derrière.
Et celle de ne jamais plus revoir les êtres que l'on a aimés. Ceux que l'on doit laisser.
Elle n'est pas morte sur le coup. A eu le temps, entre deux shoots de morphine,
de comprendre ce qui se passait, même dans le délire d'un cauchemar macabre,
lorsqu'un mot geint, ânonné, dans un râle pitoyable, indiquait qu'elle ne perdait pas conscience.
Je devais rester là. M'y tenir. Découvrant à quel point je ne servais à rien. Ne pouvais rien faire.
Sinon la laisser partir. Seule. Se débattre avec cette merde. Se débarrasser de son corps pourri.
Basculer dans le néant sans n'avoir plus aucune prise sur rien. Quand je n'en étais plus une.
Qui aurait pu lui tenir la tête hors de l'eau. La sauver. La soulager. La rassurer.
J'ai vu de mes yeux l'ampleur de ma propre solitude, implacable, le jour où ma mère est morte.
Quand elle s'est éteinte dans les bras de mon père. Plus impuissant que moi. Seuls au monde.

Je sais que le moment venu, comme ma mère, je serai seul.
Et je dois apprendre, dès aujourd'hui, à accepter la seule personne avec qui je mourrai.
Avec qui je passerai d'une rive à l'autre. La seule chose que j'emporterai je le crains. Moi.
Je ne pourrai plus compter sur toi qui me lâcheras la main pour me fermer les yeux.
Je ne pourrai plus compter sur personne. Quand les médecins auront renoncé.
Que mes amis et mes proches n'auront rien d'autre à faire que pleurer sur eux-mêmes.
Me laisser partir et rentrer chez eux. Que je n'aurai plus aucune prise sur rien. Pas même sur toi.
Pas même sur moi. Qui m'échapperai. Me glisserai entre les doigts. Comme dans un cauchemar.
Le dernier de tous. Celui dont on ne se réveille pas. La ligne est plate et le son continu.
C'est avec moi qu'il me faut vivre. Puisque c'est avec moi qu'il me faudra mourir.
Nous sommes venus seuls. Dans ce traumatisme de la naissance.
Dans un vomissement d'organes. D'une violence insensée.
Arrachés au ventre confortable de maman où s'éveillait une singularité.
Où nous avions pris nos habitudes douillettes.
Expulsés sans ménagements dans le foutoir du monde.
Je l'ai écrit je crois, en sortir ne saurait être plus violent qu'y entrer.
Ce pourrait être une consolation.
A quel moment la conscience apparaît ? A quel moment s'éteint-elle ? Et en combien de temps ?
Le temps d'appuyer sur un interrupteur ? Clic. Une fraction de seconde ? Nous verrons bien.
J'aurai le courage de m'y frotter par respect pour ceux qui y sont passés avant moi.
Essayant d'accepter mon sort avec une égale dignité.

Je m'efforcerai en effet de ne pas me couvrir de ridicule comme dans cette clinique,
m'éveillant prématurément d'une anesthésie générale, avant même d'avoir gagné ma chambre,
franchissant à peine la porte du bloc opératoire, en hurlant :
" J'veux pas crever ! J'veux pas crever ! "
comme une poule mouillée, en me débattant sur un brancard poussé par des infirmiers hilares,
me contorsionnant pour trouver l'air qu'il me manquait pour respirer, me rouvrir les poumons.
On me maintenait comme on pouvait sur ma civière en me suggérant de me calmer,
tranquillement, dans le couloir d'un sous-sol,
m'assurant que je n'allais pas mourir, qu'on ne m'attendait pas si tôt.
Le temps de reprendre ma respiration et mes esprits
et j'étais mort de honte. Attendant l'ascenseur.
Rangé sur un côté comme le charriot de linge sale d'un hôtel. Allongé et groggy.
Non. Vraiment. J'ai des progrès à faire. Je veux faire face avec un peu plus de tenue.
Renvoyer la révolte et la panique aux vestiaires. Pour m'en aller le plus proprement possible.
En épargnant une scène pathétique à qui sera là pour la voir. Ne pas te faire honte.
Que Diable ! Un peu de courage !
Le moment ou jamais d'être un homme ! Une fois dans ma vie !
J'ai encore du temps, pour le peu qu'il me reste. Du temps pour intégrer cette fatalité.
Il me faudra bien partir. Et me faudra partir seul. Enfin... partir. C'est ce que nous disons.
Quand nous ne savons pas ce qu'on fait quand on meurt. Partir n'est sans doute pas approprié.
Quand il n'y a peut-être ni mouvement, ni destination. Mais le résultat est le même.
Il ne servira à rien que tu sois là à ce moment précis pour me tenir la main.
C'est de mon vivant. Aujourd'hui. Que j'ai besoin de toi.

C'est une aide à double tranchant.
Quand tu vas participer à me faire regretter de devoir disparaître.
Tout quitter. Te quitter. M'en aller. Avec le risque probable de ne jamais plus te revoir.
Mais assurément, je m'éteindrai plus serein en n'ayant pas le regret de n'avoir pu te connaître.
Le regret de te perdre sera sans doute moins douloureux que celui de n'avoir pu nous aimer.
Prends ma main. Maintenant. Je la veux dans la mienne. Je veux la serrer de toutes mes forces.
La porter à ma bouche. A mon coeur. Pour ne pas ajouter ce regret à ceux du lit de mort.
A celui de partir. A celui de tout perdre. Celui de ne pas te l'avoir demandé. A présent.
Tant qu'il est encore temps. Aime-moi. Embrasse-moi. Joue avec mon corps et mon sexe.
Mes cheveux en bataille et le poil de ma barbe. Couvre-moi de baisers. Caresse ma carcasse.
Jouons à nous surprendre. Jouons à vieillir ensemble.
A nous disputer s'il le faut. A nous réconcilier.
Je veux faire le plein. Ne rien mettre de côté ni économiser. Terminaisons nerveuses.
Nos doigts. Parfaitement alignés. Les uns sur les autres. Le pouce. L'index. L'alliance.
Sur un miroir dans l'espace. Mon nez contre ton nez.
Le baiser esquimau. Nos yeux à un battement de cils. A tes grains de beauté.
Que je veux recompter. Un à un. Que je recompterai de mémoire, dans le noir, dans le vide,
au moment de partir, comme on compte les moutons pour s'aider à s'endormir.
C'est de mon vivant. Que j'ai besoin de toi. Pour avoir la certitude d'avoir été heureux.
Que je pourrai mourir avec cette force. Celle de n'avoir pas vécu pour rien.

C'est avec toi qu'il me faut vivre. C'est ce que j'ai choisi.
Quand je n'aurai plus besoin de toi au moment de m'éteindre.
Que tu seras mieux, à ce moment précis, à regarder la mer ou le jour se lever.
De mon côté, je compterai. Celui sur le lobe de l'oreille. Et puis, sur le coin de ton nez.
Trois. Quatre. Cinq. Six. Je descends des épaules. Je descends dans ton dos.
Ce jour-là, forcément, tu auras des choses à faire. Pour toi et pour les autres.
Que tu ne peux pas laisser tomber. Sept. Huit. Je remonte. Ton ventre. Ta poitrine.
Et soudain je revois dans une lumière aveuglante,
celle de la pellicule du film bloquée sur la lampe,
le jour de notre rencontre, la cabine, l'escalier, et la lune. Le Mont des Oliviers.
Ton sourire. La pinède. Et ma mère. Et Ambrosio. Et mes nièces. Barcelone.
Et Toulouse. Mon platane orangé.
Laetitia. Et Michel. Mes amis. Mes amours. La maison de Bompas. Lambert et Véronique.
Le studio de Paris. J'entends maman qui chante. Un truc en espagnol. Ta voix mêlée à la sienne.
" Tu me plais. " L'espace d'une seconde. Le piano. Le vent. Les enfants. La mer. Le soleil.
" Veux-tu vivre avec moi ? "


    
    
    
    
   


 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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14 novembre 2011 1 14 /11 /novembre /2011 03:05

 

 

Ta bouche m'en bouche un coin.
Sur mon sexe. Je suis sans voix.
Réponse de la bergère au berger.
Ce nébuleux mot qu'est baiser.

 

   

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 23:02

 

 

Il y a celui qui effleure le dos de ta main amollie quand j'en saisis les doigts.
Par les dernières phalanges, je porte cette main à ma bouche qui ne la touche pas.
Je m'y incline en signe de respect, de dévouement, de loyauté, avec une humilité courtoise.
C'est l'acte de soumission du vassal au suzerain. Consenti. Comme gage de mon adoration.
Quand au-delà de l'hommage, je m'engage à servir, à défendre ton honneur et ton intégrité.
C'est une révérence virile. Le salut du soldat.
Dans la raideur du protocole. Et le sens du devoir.
Qui peut trahir pourtant des flammes passionnelles.
La maîtrise du geste n'en est que plus galante.
Une domestication de soi, de ses pulsions, des plus accomplies et des plus élégantes.
La mise à distance du corps lorsque mes lèvres s'arrêtent avant d'être pressées,
à quelques millimètres, à l'infime coussin d'air qui me laisse inspirer les parfums de ta peau,
et n'iront pas plus loin.
Les pieds joints. Le dos courbé. Les yeux fermés.
Je te respire respectueusement. Avec idolâtrie. Et ne m'attarde pas sur la main délicate,
qu'il me faut bien lâcher, légère comme une brume, pour me redresser, te faire face,
ne rien laisser paraître de mon désir furieux de te prendre la bouche.

Il y a celui que je fais claquer sur ta joue. A l'improviste. Juste sous la pommette.
Lorsque tu t'attendais à recevoir la mienne, mal rasée,
comme on les tamponne pour se dire bonjour. Joue contre joue.
D'un côté. De l'autre. En inspirant de l'air pour faire cet étrange bruit de baudruche.
Entre les dents. Entre les lèvres avancées dans le vide. Mais le vide, ici, ne pouvait convenir.
Je voulais appuyer mon élan. Et ma bouche sur ta peau. D'un coup sec et humide à la fois.
Sur ce muscle qui sert à la mastication. A l'endroit où tes dents se desserrent. Sur le côté gauche.
Atteindre ton visage. Sans l'importuner.
Au plus près de ton âme, de ton être, sans forcer le passage.
Rester à la surface. Pas de pénétration. Le geste n'est pas sexuel. Bien que farouche.
Il est espiègle. Et amical. Respecte ton intimité. Il est unilatéral. L'intention est criante.
Il te dit que tu n'es pas comme les autres.
A qui j'aurais juste offert ma joue en éloignant ma bouche.
Toi, tu es toi. Je le sais. Et je veux te le dire. Le contact équivoque te fait rougir un peu.
Ce n'est pas un signe de possession. Ni même de séduction. C'est l'affection enjouée, facétieuse.
Qui joue de la surprise et de ta confusion. Placé en plein dans le mille. Au coeur de la cible.
C'est l'aveu malicieux de mon attachement. Pensé dans un sourire. Furtif et bienveillant.

Il y a celui que je pose sur ton front. Mes mains sur ton crâne pour un couronnement.
Sous mes paupières closes, j'offre ma protection. Un geste paternel. Que l'on fait aux enfants.
Qui s'apparenterait à la bénédiction. Je cherche ton cerveau. Le coffre de ton âme. Ton esprit.
Que je cherche à rejoindre. Comme pour l'apaiser.
L'envelopper de mon être. Le couvrir. Le couver.
Généreux. Empesé. Il me met dans une position supérieure.
L'imposition des mains. Lente et grave.
Qui t'apporte mon aide de façon présomptueuse. Quand je me sens responsable de toi.
C'est la tour de contrôle que je porte à ma bouche. Tes idées. Tes pensées. Et tes rêves.
Je deviens le mécène de ton seul libre arbitre. Et ce qui est supérieur est mis à ton service.
Il vient t'encourager. Dans une fierté sobre. Qui te serre contre moi. Le nez dans tes cheveux.
A ta tête bien faite, parfois bien tourmentée, je viens panser les plaies, dans un chaste bandage.
C'est l'amour cérébral. Et de la liberté. Je reviens dans tes yeux. Face à face. Un pied d'égalité.
Quand le sceau apposé au lieu précis et sacré, juste au-dessus du nez, du bindi des Hindoues,
n'est pas celui de la propriété, mais de l'absolution. Et de ma gratitude. Les deux sont éternelles.
Il reprend le contrôle sans prendre le pouvoir. C'est l'instinct maternel qui veut te consoler.
Qui veille au grain. Comme appliqué sur un gosse qui dort déjà, à qui l'on souhaite bonne nuit.
Sous la frange des cheveux. En silence. On éteint la lumière. On chasse les mauvais rêves.

Il y a celui que je flanque juste au coin de ta bouche.
Que l'on croirait volé. Ou d'une maladresse.
Qui n'est pas le smack assumé des vieux couples ou des amants notoires qui ne se cachent plus.
Lèvres contre lèvres. Du premier coup. Sans hésiter. Montrer à autrui à qui appartient l'autre.
Ou bien le bonjour mon amour, de ceux qui ont encore un peu d'intimité
et des matins complices.
Celui-ci se complaît, le cul entre deux chaises,
entre l'amitié de la joue et l'amour de la bouche.
Le plus bancal de tous. Et pourtant le plus juste.
Celui qui dit l'entièreté de mes sentiments contraires.
Quand je t'aime d'amitié aussi sûr que je t'aime d'amour.
Que l'un ne saurait l'emporter sur l'autre. Que je ne veux pas choisir.
Lorsqu'il est aussi le défi que je nous lance. A moi-même. A nous deux.
Une provocation qui dit chiche. Garder le meilleur des deux mondes. En refuser les affres.
Prendre le bon côté des deux médailles. Que je porte au même pinacle. Et peuvent s'entraider.
S'aider à durer. A durer dans le temps. Le pacte des enfants.
A la vie, à la mort. Mariage clandestin. De deux amis qui s'aiment.
Qui s'aiment pour ce qu'ils sont. Sans chercher à avoir, enfermer, posséder.
Celui-ci est ludique. Fraternel. Mais érotique. Enfantin. Mais sexué. L'éventail est complet.
Il colorie tes joues quand j'ai bien débordé.
Qu'il joue chez les petits comme dans la cour des grands.

Et il y a ce dernier, le plus profond de tous. Et le plus animal. Ou le plus passionné.
Qui n'est plus à cheval. N'a pas manqué sa cible.
Ce n'est plus une mouche sur le coin de ta bouche.
Mais le brasier ouvert décidé des adultes.
Déterminés à se fondre l'un dans l'autre. Avec obstination. Quand les bras,
autour de nous, sont les seules frontières entre nous et le reste du monde.
Il n'existe rien d'autre que ce que nous faisons.
Quand mon corps en entier tourne autour d'une langue.
Que tes lèvres ont permis cette pénétration.
Nous entrons l'un dans l'autre. A travers les cloisons.
Dans l'échange organique d'un fervent choeur païen.
Où l'on communie. Où l'on communique. Enfiévré.
Ceci est mon corps. Il se désincarcère.
Aux rouleaux voluptueux où la peur et le temps disparaissent.
La réalité s'y abîme. Quand je perds pied.
Ne sais plus qui est toi, qui est moi, de nous deux.
Aux vagues intérieures d'une lave tellurique en rivières souterraines.
Egarés dans la forge. Eperdus.
Et mes mains à ton cou, à ta gorge, nos sens échevelés,
je goûte à ta substance, aux sucs énergétiques, qui vont et viennent,
avec autant de voracité qu'à nos déhanchements, nous retrouvant ailleurs,
où les mots n'ont plus cours, où l'univers implose,
nous laissant comme morts aux portes du trépas.
Ce n'est plus paternel. Ce n'est plus amical.
Ni filial. Enfantin. Ni galant. Mais sexuel. Nous y sommes.
Il part d'en bas. Du corps en surchauffe. Qui vole en éclats.
Permet la fusion de nos deux purs esprits. Qui s'épousent enfin.
Aussi vrai qu'ils s'embrassent. Sous des pelles à la pelle.
Qui nous creusent une tombe où aimer l'infini.

    
    
    
   

           


 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 15:41

 

 

Au fort de Castelnou. Un coup de téléphone. Et je dois m'éloigner.
De la table où les cafés sont servis. Une voix familière. Pour une explication.
La ville médiévale est sur une terrasse, un écrin de conflents dominant la vallée.
J'aperçois les Corbières qui blanchissent au soleil, en ligne d'horizon, fermant le Roussillon,
quand nous sommes à l'ombre, vulnérables, à portée des canons d'anciens rois d'Aragon.
Dans cette carrière de pierres jaunes et brunes, sur un piton au creux d'autres montagnes,
on m'apporte mon café quand je tarde à revenir, le portable collé à l'oreille, assez désemparé.
Nous ne nous entendons pas. Semblons ne pas comprendre ce que veut dire l'autre.
Une conversation. Comme il doit y en avoir. Qui m'agace ou m'attriste. Pèse de tout son poids.
Je ne vois plus vraiment la beauté de ce lieu. Le calme et la noblesse du décor alentour.
J'ai peur que l'oiseau ne s'envole à la première difficulté.
Ou qu'il jette l'éponge. Agacé à son tour.
Dans mon chemin de ronde, je cherche un argument,
essaie d'être convaincant, écrase une cigarette.
Et déjà mon équipe part retrouver l'auto garée en contrebas,
à Sainte-Marie du Mercadal.
Aux contreforts des Aspres, je fais signe que j'arrive,
ne pouvant raccrocher au milieu du tumulte.
La trouée de verdure se referme sur moi, expliquant qu'il fallait continuer plus tard,
qu'il fallait arrêter. Que je devais quitter pour rejoindre les autres.
Demandant si ça allait, sur la pointe des pieds.
Désertant à mon tour la vieille tour de guet, pour rentrer à la ville, revenir dans la plaine.
Le ton s'est apaisé. On a sonné la trêve. Au moment douloureux de se dire A plus tard.
Je dégringole les escaliers des rues, sans bottes de 7 lieues, oubliant d'adresser un regard,
le dernier, au château vicomtal, cherchant juste la porte, et retrouver les miens.
Une enclume dans la gorge. Ne sachant comment cet échange allait être perçu.
Il n'y avait pas eu de tirs à la catapulte. De coups bas, de menaces, ni de cris, ni d'insultes.
Mais le ton était sec. C'était une première. Je ne savais comment on y réagissait.
Craignant les conséquences, le cheminement qui suivrait, peut-être mal aiguillé.
Aurais voulu que ça n'arrive pas. Paniqué de laisser s'installer le silence.
J'arrive au stationnement, une épine dans le pied. M'excuse platement.
Nous pouvons démarrer.
Une épine dans le coeur. Juste une égratignure.
Dont je ne souffre pas. Dont j'ai peur que l'on souffre.
M'en voulant de n'avoir pas su rassurer tout à fait.
Craignant avoir ouvert une boîte de Pandore.
Indifférent au paysage, les yeux dans le pare-brise, je repasse le fil de la conversation.
Pense au message que j'écrirais aussitôt, une fois arrivé à la rue de l'Horloge.
A la ville de Thuir, traversée au galop, j'essaie de respirer. Il n'y a pas eu mort d'homme.
Je fais bonne figure. Dissimulant ma gêne. Le poids dans la poitrine qui me tasse et me trouble.
Impatient d'apprendre qu'il n'y a pas de problèmes. Que cela est normal. Et ne compromet rien.
Ce qu'on allait me dire aux baisers sans rancune. A l'ombre de l'intime. De la compréhension.
Où pourront disparaître toutes mes appréhensions.

   

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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10 novembre 2011 4 10 /11 /novembre /2011 23:41

 

 

Sur les hauteurs de Barcelone. A Montjuïc. Dans les tours de la Sagrada Familia.
Aux fontaines de la Plaça de Catalunya. Aux mosaïques du Paseo de Gracia.
Sous la voûte des Ramblas. Aux palmiers de la Plaça Reial. Je pouvais être heureux.
Aux sculptures de l'Art Nouveau. Aux installations portuaires. Aux bars. Aux discothèques.
Et aux plages pour dessouler. Aux plages pour dormir. Aux hôtels pour m'envoyer en l'air.
Aux boutiques pour dépenser de l'argent que je ne gagnais pas.
Aux restaurants. Aux taxis. Le portail du Palacio Güell. Mes errances diurnes.
Aux putes d'El Raval. Aux étals de la Boqueria. Au foyer du Liceu.
Comme dans la Carrer Ferran et ses lanternes emmaillotées dans leurs filets.
J'ai aimé Barcelone. J'ai aimé à Barcelone. De toutes mes forces. De toute mon âme.
Sans savoir que je pouvais être plus heureux encore. Plus que je ne l'étais à l'époque.
Sans savoir que mon bonheur d'alors n'était qu'un acompte.

Sur le pont de Brooklyn. Sur les toits du Carter Hotel.
Dans la bulle suspendue du Marriott Marquis. Au sommet de l'Empire State Building.
Aux allées de Central Park. Dans les restos de Chelsea. Aux portes du Dakota.
Au pied du Flat Iron. Au fond d'un Yellow Cab.
Je pouvais être heureux. Aux sculptures de l'Art Déco. Au Rockefeller Center.
Au Pier 17. A Little Italy. La 5ème Avenue. Dans les portes tournantes.
Les stations de métro. Le métro aérien. Comme à Coney Island.
Les adresses éloignées où je me réveillais. Les nuits denses du Splash.
Les concerts. Les théâtres. Et David Letterman sur le Ed Sullivan.
Mes errances nocturnes. Autour de la 7ème. L'air conditionné.
Escaliers de service. Grand Central Terminal. Ou l'hôtel Paramount. Galeries de Soho.
J'ai aimé Manhattan. J'ai aimé à Manhattan. De toutes mes forces. De tout mon être.
Sans savoir que je pouvais être plus amoureux encore. Plus que je ne l'étais à l'époque.
Sans savoir que mon amour d'alors n'était qu'une avance.

Je marche dans Buda, aux clochers des Carpates. Dominant le Danube. Avec une émotion.
Et la cité de Pest qui s'étend à mes pieds. Et son grand Parlement aux airs de Westminster.
Je descends dans la ville aux façades ventrues.
Aux immeubles boursouflés et austères. Déglingués. Vestiges d'opulence.
Autour de St Etienne. Des soirées d'Opéra et des Danses Hongroises.
Dans les pas de Franz Liszt et non Johannes Brahms.
Où tout enfant normal tient au bras un violon.
Je marche sous les bulbes haut-perchés de la Grande Synagogue.
Dans un quartier qui fut un ghetto.
Des bâtisses semblent avoir résisté à des bombardements.
Être criblées d'impacts et de déchirements. Quand des allégories
- Réalisme Socialiste - rappellent qu'à la violence, souvent, succède la violence.
Je marche dans l'Histoire et suis émerveillé. Sans me soucier déjà de ce qui peut m'attendre.
Aux palais luxueux des Bains, où les corps se prélassent, je ne me rends pas compte,
que mon bonheur n'est rien, quand le meilleur arrive.

Je marche dans Paris. Aux clochers en désordre.
Dominant mon pays. Avec une émotion.
A New York ou Bali. Mexico. Istanbul. J'ai marché en silence. En savourant ma chance.
Un fauteuil Classe Affaires. Pour aller au Québec. Pour rentrer de Sydney. Survoler la planète.
Atterrir à LA. Le trac au ventre. Embarquer. Débarquer. M'exiler. Revenir.
Le même. En différent.
Dans cette course folle, je pouvais être heureux.
Le tunnel sous la Manche. Peu de diplômes en poche.
Remontant à Montmartre où je m'étais niché.
A fuir la terre où se décomposait le corps originel où j'ai dû prendre forme,
et chercher coûte que coûte, l'ivresse et le plaisir. Sans ne rien m'épargner.
J'ai été amoureux. De mille êtres aimables.
Quand il y a peu d'histoires qui aient vraiment compté.
Deux ou trois, les plus belles, qui se reconnaîtront.
Et m'ont rendu heureux. J'en suis reconnaissant.
Sans que je puisse avoir ne serait-ce qu'une idée,
du bonheur décuplé qui pouvait bien s'en suivre.
Pensant avoir connu les sommets les plus hauts.
Qu'il ne pouvait y avoir de sommets supérieurs.
J'avançais sur les ponts qui tailladent la Seine, satisfait et repus,
n'attendant plus grand-chose. A Londres comme à Prague.
Chez les princes de Bohème. A Rome ou à Hong Kong.
Dans ce monde que j'aime. Où j'ai été aimé. Je ne demandais rien. J'en avais eu assez.
Quand je n'avais mérité aucune récompense. Avec la sensation d'une chance volée.
Rentré de Montréal, le destin me sourit. Et la vie immorale m'accorde à nouveau ses faveurs.
C'est un autre miracle. Rencontre inespérée. Je relance la roue. Je fais sauter la banque.
Et le bonheur s'installe. Ne veut plus me quitter.

Je marche dans Toulouse. Je marche dans Bordeaux. Je marche à Perpignan.
Je souris à des gens. Ceux qui m'ont fait confiance. Et je suis bouleversé.
Je pouvais être heureux. Ou bien croyais-je l'être. Quand je n'en savais rien.
Quand j'étais juste bien. Quand je sais aujourd'hui ce que c'est d'être heureux.
Quand je sais aujourd'hui ce qu'est être amoureux. Et je m'en mords les lèvres.
Je craignais de vieillir. Voulais grandir à peine. Loin de me douter que c'était une aubaine.
Plus heureux qu'à vingt ans. Qu'à dix-huit. Ou qu'à seize printemps. Plus heureux que jamais.
La surprise est réelle. Une révélation. D'être mieux à mesure que le temps me désarme.
D'être mieux et capable d'être conscient de l'être. Pour avoir des critères de comparaison.
Et des années de fête. Et de joie. De partage. D'amitié. De jouissances continuelles.
Une corne d'abondance. Quand la vie m'a gâté. Que les dieux ont oublié de punir ma paresse.
Ma désinvolture. Et mes inconséquences. Ou qu'ils furent indulgents. A en craindre le pire.
Je fais crisser mes pas au sol des Tuileries. Le long de cent lanternes. La rue de Rivoli.
Convaincu d'être heureux. De l'être autant qu'il est humainement possible de l'être.
Plus serait dangereux. Mon coeur pourrait lâcher. Plus, c'est ce qui est promis dans la Mort.
Pour ceux qui croient au Ciel. Une extase fatale. Un bonheur d'Au-delà. Un bonheur édénique.
Et je dois me pincer. Quand je suis plus heureux. Je dois vérifier que je ne suis pas froid.
Que je suis bien vivant. Ou alors... C'est fini. J'écris du paradis.

Dans la pinède de mon enfance. Dans une voiture de location sur le Golden Gate.
Dans un duplex du boulevard St Michel. Sur les toits de la Rambla de Catalunya.
J'ai été plus qu'heureux. A en pleurer de joie. Découvrant la richesse de ce qu'est être en vie.
Quand le seul cauchemar, le cancer de ma mère, a su tout décupler, toutes les émotions,
toutes les sensations, la violence du vivant, du mouvant, du vertige, et tous les sentiments.
La branche de tomate. Le moindre coquelicot. Le coucher du soleil. Ou le rire des gosses.
La moindre goutte d'eau est un premier miracle. Et pouvoir en parler en est un plus étrange.
Rencontrer des semblables. S'étonner de se voir. S'étonner de s'entendre. S'étonner d'être là.
Et s'aimer d'être ensemble. Et s'aimer d'être soi. Et s'aimer d'être un autre. Aimer être amoureux.
Chaque jour qu'on me donne, je repars à zéro, redécouvre les forces et toutes les lois physiques.
M'étonne des nuages. De la pluie. Du soleil. Et du vent.
De ton regard sur moi. La fusée éclairante. Qui semble me connaître.
Ou croit me reconnaître. Que je regarde encore. En train de m'observer.
Budapest est si loin. Paris m'a échappé. Je suis dans les terres où les mères sont décomposées.
Où l'on prend leur revanche à se recomposer. Ou à s'enraciner. Se nourrir de leur sein.
Les porter en le nôtre. Les hisser dans le ciel. Les tenir avec nous. En ce monde. Immortelles.
De l'humus à la sève. L'énergie est vibrante. Et je suis survivant. Je suis miraculé.
Et le mot orphelin n'a jamais raison d'être. Ce qui a été est. Et ce qui est sera.
Le bonheur hérité. A vous ! Je vous le lègue.

Ce regard qui me voit. Qui me rend existant. Me rend beau et présent.
Me donne de la force. Un frisson me l'indique : j'ai envie de lui plaire.
Quand je lui plais déjà. Que la foudre big bang a tout transfiguré.
Une révélation. Une révolution. Nouveau cycle. Nouvelles lois. Nouvelle donne.
Un changement d'échelle. Ici, c'est l'Amérique. C'est mon El Dorado. La dernière frontière.
Loin du Mojave et des villes fantômes. C'est la foudre King Size. Le bonheur XXL.
Perpignan la Cheyenne. Le Texas Roussillon.
Où des chevaux sauvages s'ébrouent sous les talons. Les nuages de poussière.
Et l'Eden à construire. Quand je ne suis pas mort. Que je devrai attendre.
Le ranch dans mon platane. Ma dernière plantation.
Au coeur de ta poitrine. Où je veux bien mourir. Où je pourrais vieillir.
Juste par curiosité. Voir si je pourrai demain être plus heureux qu'aujourd'hui.
Que demain se ramène. Avec ses pitreries. Ses soleils qui se lèvent. Ses nouvelles naissances.
Et la foi de mon espèce humaine hurlera ses Gospels dans toutes les cathédrales.
Quand je t'embrasserai pour te dire merci. Ou te ferai l'amour, pour peu que ça se fasse.
Je te le donnerai. Je te l'échangerai. Je te le construirai, seul, de mes propres mains.
Les pieds dans la tombe - celle qui n'est pas la mienne -
j'ai mon temps et mon heure. Que je veux avec toi.
Quand j'ai couru le monde. En ai connu du beau. Que j'en ai rencontré.
Je reviens plein aux as, riche de tout,
plein de ceux que j'ai aimés, et que j'aime toujours,
pour avoir quelque chose à donner en retour.

Sur les hauteurs de Barcelone, je ne te connaissais pas encore.
Difficile de dire à quel point j'ai pu être heureux.
Enfant. Prépubère et ado. Et jeune homme.
La Sagrada Familia. Paseo de Gracia.
Sans savoir que j'allais éprouver bien plus fort.
C'était impensable. Inimaginable.
La terre à l'époque était plate. Le soleil tournait autour de nous.
Je n'avais pas les données. Le monde était fini. Jusqu'à ce qu'arrivent mes amours Galilée.
Repoussant les limites. Elargissant le champ. Et j'étais encore loin des dernières conquêtes.
J'ai marché dans la neige au Québec, heureux comme un pape. Dans le whisky St Laurent.
L'alcoolisme en chroniques. La fièvre d'internet. Et des danses tarifées. Ou de la presse écrite.
A New York. En Floride. J'ai aimé à l'aveugle. Dévoré tout mon bas. Dévoré tout de go.
Aux orchestres symphoniques. Comme aux rythmes latins.
Au Jazz, à l'électro. A l'acide sulfurique.
Persuadé que j'aimais. Persuadé d'être heureux.
Et, trop longtemps, d'avoir à choisir entre les deux.
J'ai passé la Tamise. Le beau Danube bleu. Et me voici ici. Juste là. Dans tes yeux.
Et je dois me pincer. Je suis mon croque-mort. Je me croque dedans.
Le verdict est tombé. Je dois me rendre à l'évidence.
Je suis toujours vivant. Je ne suis pas éteint. Ni mort. Ni enterré.
Mais plus heureux qu'avant.


        
   

   

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 21:44

 

 

Un chien hurle à la mort.

 

 

 

   

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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8 novembre 2011 2 08 /11 /novembre /2011 13:42

 

 

Il n'y a pas de peines solaires.
Mais une force à l'énergie. Un baume pour mon âme.
Quand la lumière me caresse entre les feuilles mortes.
Même timide. Pour me cadrer.
Dans ma ville Fidélissime, qui se déshabille lentement de ses feuillages,
où des tronçonneuses, acrobates, élaguent les rangs de platanes sur la Basse,
où la chlorophylle sera remplacée, bientôt, par de tapageuses décorations de Noël,
je marche les mains dans les poches. Indifférent à ce qui va suivre.
Ne m'étonnant pas de croiser des moines tibétains.
Silhouettes aux têtes chauves, drapées dans les étoffes curry et safran.
Une exotique délégation. Dans une foule où les jambes nues exhibées
ne sont plus celles des filles en jupes d'été, mais celles, épaisses et poilues,
d'un supporter écossais qui porte le kilt, loin du Stade Gilbert-Brutus,
où les visages connus sont plus rares que lorsque j'avais 20 ans, ou 30 ans,
toujours plus jeunes, se précipitant dans la nouvelle boutique de fringues
d'une enseigne espagnole qui veut faire sensation.
Comme les nuages d'étourneaux dans le ciel,
des masses d'humains se répartissent dans les rues.
En une étrange chorégraphie.
Et je remonte le courant pour chercher le soleil paresseux.
Dont la course inclinée n'est plus aussi gaillarde.
Quand j'ai besoin de sa chaleur, même faible.
Tenir les idées noires à distance. Avec détermination.
Stimuler la surface de mon corps, de ma peau.
Prisonniers de vêtements d'hiver dans lesquels ils étouffent.
En attendant l'été. Ou de te revoir.
Les deux raisons que j'ai, de me retrouver nu.

Le générique du journal télévisé de TF1.
Que j'aime entendre dans une maison voisine,
lorsqu'il fait encore jour. La voix de Claire Chazal.
Que je n'aime plus quand il fait déjà nuit.
La course du soleil est réduite.
Et le charme des marrons chauds me laisse de marbre.
La fête foraine, sur les berges de la Têt, essaie de faire diversion.
Mais je ne suis pas dupe.
Il va bien falloir faire bonne figure, une fois encore,
devant la bûche de Noël et ses bons sentiments.
Les gros manteaux et les écharpes, encombrants,
dont on ne sait plus quoi faire une fois bien au chaud.
Le nez qui coule et la toux grasse.
Du paracétamol pour accompagner le cidre. Mouchoirs en papier.
Et les rires en boucle de bêtisiers usés à la télévision.
En fond d'écran. Qui ont le goût de chocolats. Aux familles réunies.
Pour se serrer les coudes. Qui partagent le vide et quelques mandarines.
Perpignan me voici, avide de ton ciel.
A tenter de garder tes plages estivales de chaleur nonchalante.
Retenir le bronzage. Et le sel. La toile des parasols.
Secouer tes palmiers. Réveiller tes couleurs.
Le sable dans les tongs. Paréos. Lunettes de soleil.
Une décapotable. Les amours de la côte.
Ok. C'est un tunnel. Et j'avance en apnée.
Je nage sous la banquise. Dans sa lumière d'Au-delà.
Prêt à céder à la panique en ne retrouvant plus la sortie.
Quand je devrais profiter du spectacle. Des noirceurs sous-marines.
Progresser en confiance. En restant dans le rang. En restant dans le banc.
Avec tes poumons en guise de bouteilles. Et tes cils comme palmes.
Ma sirène salutaire. Mon oxygène. Pour me porter au bout.
Me ramener au monde. Où je reprendrai ma respiration. Enfin.
Au printemps. A l'air libre.
Où je concèderai avoir les 39 ans, s'il le faut, qui m'attendent au tournant.
Peu importe. C'est le prix à payer. Un passage obligé.
Je l'accepte volontiers. L'oublierai aussitôt aux soirées de juin.
Aux ficelles d'un Speedo qui moulera mes burnes.
Aux horizons sans bornes de la mer retrouvée.
Aux cigales cinglées des jours caniculaires. Aux aiguilles de pin et aux pontons de bois.
Je manque de la marque de ton maillot de bain. Et de l'ambre solaire à ton ventre et tes reins.
Quand je tiens, pour attendre, ton regard lumineux, toujours gorgé d'étoiles et de feux d'artifice.
Où le plaisir intact n'est pas juste une empreinte. Enroulés sous la couette à nous ensorceler.
Respirer nos cheveux et nos muscles assoupis.
Dans la sérénité de notre hibernation.

Les gens s'activent dans les ombres d'une rue, aux lumières rasantes.
Rue Mailly. Rue Alsace-Lorraine. Sous les colonnes de la Barre.
Les saillies des maisons médiévales.
Patinant sur le marbre de trottoirs rincés à grande eau.
Chargés de paquets. D'humeur à consommer.
Se croisent à vive allure. Quand le temps est compté.
Il fera nuit bientôt. Ils devront être rentrés.
Montrer ce qu'ils auront acheté. Préparer à dîner.
Se faire couler un bain. Chercher à se détendre.
Quand dans l'agitation, je cherche à la dérive le chemin de la plage.
La séance d'UV. Luminothérapie. Au soleil qui se couche aux abords de la ville.
Qui me pose un lapin. Quand il me fait marcher. Qu'il m'échappe et s'enfuit.
Que je lui cours après. Détestant les ampoules et les lampes.
Les guirlandes et enseignes qui ne remplacent rien. Qui clignotent comme elles peuvent.
En plein après-midi. Simuler l'enthousiasme. Compenser la noirceur. Sauver les apparences.
Je n'ai que toi mon amour. Pour tenir la distance.
Les quelques brasses à faire pour gagner la surface.
Et trouver du charme au naufrage de l'automne. A la saison des pluies. Ou ce grand cimetière.
Les couleurs de ma ville ont fané à vue d'oeil. Il n'y a plus que l'orange des lanternes publiques.
Qui vient m'envelopper au travers de mes vitres.
Quand je t'attends debout. Quand je t'attends assis.
Et que j'ai de la force à ta seule énergie. Mon sourire solaire.
Contre toutes les nuits.
Que je passe sans toi. Que je passe à t'écrire.
Jusqu'au moment précis où nos ombres s'embrassent.


 

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 00:19

 

 

Je me fais un café. Je pense à toi. Le sucre. Le mug. La cuillère.
J'arpente l'appartement d'un pas décidé, comme si j'avais quelque chose d'important à faire.
Je regarde par la fenêtre et il pleut. Je pense à toi. Les parapluies qui se pressent sur le parvis.
Les reflets au sol. Des feux arrières de voitures. Des silhouettes dans les manteaux d'hiver.
Je dois écrire. Je pense à toi. Une commande. Un exercice. Une copie à rendre. Au plus vite.
Le retour de novembre. Dans la chambre. Le ciel bas. Le chauffage. Pull-over. Je pense à toi.
Je dois marcher. Même sous la pluie. Il faut que je marche. Aller quelque part. A tout prix.
Sortir d'ici. Je pense à toi. Au Castillet. Au Palmarium. Aux lieux que je connais. Par coeur.
Et qui m'écoeurent. Que je ne supporte plus. Je dois m'asseoir. Et respirer. Je dois fumer.
Je pense à toi. A chaque regard qu'on me donne. A chaque sourire que je rends.
Les arbres penauds. Les palmes en berne. Saison de mort. Et de grisaille. Et de noirceur.
Je dois marcher. Le mouvement. Je pense à toi. Sur les allées. Ou sur les quais. A nos platanes.
Je reviens sur les Remparts. La Place Molière. Et Bir Hakeim. Le Park Hotel. Tout rétrécit.
Tout écrasé par un orage. L'obscurité. Je cherche une porte. Une sortie. Ou un passage.
Une bouffée. Mais d'oxygène. Je tourne en rond. Je me maudis. Je pense à toi.
Les vêtements. L'humidité. Je ne supporte rien. Je suis fatigué. Je marche. Je marche.
Une porte est ouverte. Enfin... j'entre.

" Mon Dieu... je ne sais pas si vous existez. Mais j'ai besoin de parler à quelqu'un... "
J'avance dans la nef d'un pas décidé, comme si j'avais quelque chose d'important à faire.
Je ne prête pas attention aux chapelles latérales,
aux candélabres, aux constellations de veilleuses. J'avance vers le choeur.
Comme si j'étais chez moi. Comme dans l'open space d'un bureau.
Où j'aurais mes habitudes. Right to the point. " Seigneur, il faut qu'on parle. "
Il y a quelque chose qui saigne. Quelque chose qui brûle. Je ne sais pas ce que c'est.
C'est mon sang. Je sais que je ne vais pas mourir. Mais une angoisse ne desserre pas son étau.
Me voilà assis sur un banc. Pas au premier rang, non. Tout de même. Au sixième. De côté.
Prêt à partir. Je dévisage le retable. Je cherche Dieu. " Seigneur, tu écoutes ?... "
Quelque chose ne tourne pas rond. A commencer par moi. Qu'est-ce que je fiche là ?
Je perds mon temps. Comme devant la tombe de maman. Un oeil sur l'horloge du portable.
" C'est ridicule... je n'aurais pas dû venir... " Et je me lève. Un peu par défi.
Pensant le provoquer. Je m'engage dans une travée, lui tourne le dos,
passe sous les orgues, je fais mine de partir. Surtout, ne pas se retourner.
Avancer droit devant. Ne pas regarder en arrière. Bien que tenté.
Il va peut-être me retenir. Me faire un signe. Quelque chose... J'approche de la porte.
Et je m'arrête net. Je serre les mâchoires. Sur les marches du parvis.
Le soleil sur ma peau.

Il s'est arrêté de pleuvoir.
Je pense à toi. Je souris dans les éclaboussures entre mes cils.
Une grimace. La bouche tordue. La trouée dans les nuages. La chaleur sur mes yeux brûlés.
J'ai besoin d'un geste viril pour masquer mon émotion. Je renifle. J'allume une cigarette.
Et le soleil m'embrasse. Pas aussi bien que toi. Mais il me fait relever la tête.
" Dieu ne parle pas, hein... " Non. Il ne parle pas. Il fait la pluie et le beau temps.
Misérables microbes sur une miette de pain. Je suis l'un d'eux. Les pieds dans les flaques.
Et j'arrache à l'automne une portion de ciel bleu pour panser ma blessure.
Tout est transfiguré. La nacre de la chaussée luisante. Le marbre et le cayrou lavés par la pluie.
Le bois a foncé. Et la verdure avec. La lumière qui neige, prise dans des vitraux.
Et je lève les yeux. " Ok, c'est toi le patron. "
Il n'existe probablement pas. Il existe pour moi. La preuve : je lui parle.
Et il sait que tu existes. Et il sait que je t'aime. Et que je pense à toi.
Quand j'écrase ma clope en riant. C'est une bien belle miette.
Ses microbes sont charmants. Surtout quand ils sont amoureux.
L'homme entré là est sorti différent.
A moins que ce ne soit la ville que l'on ait changée entre-temps.
Une seule chose continue. Et résiste. Une chose perdure. Dans le Yin et le Yang.
Par été comme hiver. Dans le up et le down. Le pansement.
Je pense à toi.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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4 novembre 2011 5 04 /11 /novembre /2011 11:33

 

 

Les yeux luisants. Les jambes en coton. J'ai de la fièvre.
Ma nièce est venue. Est restée dans l'encadrement de la porte.
Je suis en quarantaine. Dans tous les sens du terme. Je ne l'embrasse pas. Le coeur y est.
Elle me tend une trousse de survie. De quoi manger. Des médicaments. Du sirop.
Dans mon peignoir, je lui adresse un piteux sourire. Je la remercie. " Je vous appelle... "
La porte refermée, je me poste à ma fenêtre. Adresser un salut à ma soeur restée sur la place.
Dans la voiture. Warnings. Elle m'aperçoit. Me fait signe à son tour. Je suis malade. Fébrile.
Une saloperie de saison. Venue éclore dans la nuit. Trop faible pour arriver chez le médecin.
Pas assez pour faire venir quelqu'un. Cela peut attendre. Je reconnais les symptômes.
Pas de quoi m'interroger. Ni paniquer. Il faut que ça passe. Et je me flanque sous la couette.
Avec cette morsure dans les reins. Comme si un camion avait roulé sur le bas de mon dos.
Avec ce plaisir délicieux de retrouver la chaleur du lit. Un espace hors-sol.
Où il n'y a plus d'efforts. Où je n'ai plus à lutter. Simplement à respirer.
Les muscles désintégrés. En poussière. Evaporés.
Je ne fume pas. La cigarette, anyway, a un goût étrange.
Même l'eau, désormais, a un goût étrange.
Tout est dénaturé. Tout devient bizarre.
Même la caresse de l'oreiller. Du matelas. Sur mon corps. Roué de coups.
Vulnérable. Désincarné. Que je ramasse sous la couette. Ou que j'étire doucement.
Je me retourne. Et sous mes cheveux de paille. Je n'ai qu'à fermer les yeux.

La Turquie a intégré l'Europe Fédérale. Dont la capitale désormais, on le sait, est Athènes.
Fini l'éparpillement des institutions. Le Congrès, le gouvernement, la Cour Suprême...
Tout a trouvé sa place dans le Federal District. Comme il est dit dans la Constitution.
L'équilibre des pouvoirs. La sanction du citoyen par le vote. Une Europe démocratique.
S'il s'agissait bien sûr de rassurer la Grèce au moment de faire entrer Ankara dans l'Union,
ce n'était pas seulement une compensation, mais une logique géographique d'abord,
lorsque le centre d'inertie avait radicalement basculé à l'Est, quand la nouvelle frontière
était celle du Kurdistan réunifié, qui nous séparait à peine de l'Irak et de l'Iran.
Mais ce choix était aussi une évidence historique. Culturelle. Civilisationnelle.
Le nom même de notre continent étant hérité de la mythologie grecque. On s'en souvient.
Et l'adoption d'institutions enfin démocratiques, valait bien un hommage justifié à Athènes.
Moins tournée vers l'Amérique, avec qui les liens perdurent, ne serait-ce que militairement,
quand nous avons recyclé précisément son architecture fédérale, l'Europe embrasse l'Orient.
L'Atlantisme reste un acquis solide. Et Athènes peut s'ouvrir à l'Afrique du Nord comme à l'Est,
sans qu'on puisse la soupçonner de tourner le dos à Washington. Une pente naturelle.
Le coeur de l'Europe est la Méditerranée. Point de jonction de trois continents.
Et nos activités au Mass Bresson s'étaient inscrites dans des programmes fédéraux ambitieux
d'échanges avec Alger, Tripoli, Tunis, Alexandrie, Tel Aviv, Beyrouth ou Tartous.
Des expositions itinérantes faisaient escale à Chypre, en Crète, en Sicile comme aux Baléares.
Que nous ramenions à Port-Vendres, encadrées de petits remorqueurs et de bateaux-pompes
qui leur faisaient la fête, au son de Sardanes endiablées et de fanfares délirantes.
L'Art Roman du Roussillon avait fait le tour de la mer intérieure avant de rentrer à la maison.
Et les cloches de Notre-Dame de Bonne Nouvelle sonnaient à toute volée.


 


 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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3 novembre 2011 4 03 /11 /novembre /2011 23:06

 

 

Ce qui est réel, c'est mon désir pour toi. Mon sexe qui se dresse à ton contact.
La chair de poule. Les frissons. Les pupilles qui se dilatent. Et le sang en ébullition.
Ce qui est vrai, c'est que ce désir porte mon âme vers la tienne à travers nos carcasses.
Ce qui est réel, c'est cet appartement que j'ai pris suite à notre rencontre.
Le loyer que je paye pour rester à Perpignan. Dans ces murs et sous un toit.
Ce qui est vrai, c'est qu'il existe pour que nous nous y retrouvions. Pour que je t'y attende.
Ce qui est réel, c'est cette solitude entre deux rendez-vous, ces nuits dans un lit trop grand,
seul, à travailler et à écrire, dans un fauteuil de bureau trop grand, voûté sur un écran.
Ce qui est vrai, c'est que je ne suis pas seul, quand tu es avec moi même quand tu n'es pas là.
Ce qui est réel, c'est les messages que je t'écris, les mails que je rédige, les mails que tu reçois,
les textes que je te destine, que tu m'inspires,
les mots que j'ai tapés par millions sous mes doigts.
Ce qui est vrai, c'est tout ce qui est dit dedans.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

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