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10 novembre 2011 4 10 /11 /novembre /2011 23:41

 

 

Sur les hauteurs de Barcelone. A Montjuïc. Dans les tours de la Sagrada Familia.
Aux fontaines de la Plaça de Catalunya. Aux mosaïques du Paseo de Gracia.
Sous la voûte des Ramblas. Aux palmiers de la Plaça Reial. Je pouvais être heureux.
Aux sculptures de l'Art Nouveau. Aux installations portuaires. Aux bars. Aux discothèques.
Et aux plages pour dessouler. Aux plages pour dormir. Aux hôtels pour m'envoyer en l'air.
Aux boutiques pour dépenser de l'argent que je ne gagnais pas.
Aux restaurants. Aux taxis. Le portail du Palacio Güell. Mes errances diurnes.
Aux putes d'El Raval. Aux étals de la Boqueria. Au foyer du Liceu.
Comme dans la Carrer Ferran et ses lanternes emmaillotées dans leurs filets.
J'ai aimé Barcelone. J'ai aimé à Barcelone. De toutes mes forces. De toute mon âme.
Sans savoir que je pouvais être plus heureux encore. Plus que je ne l'étais à l'époque.
Sans savoir que mon bonheur d'alors n'était qu'un acompte.

Sur le pont de Brooklyn. Sur les toits du Carter Hotel.
Dans la bulle suspendue du Marriott Marquis. Au sommet de l'Empire State Building.
Aux allées de Central Park. Dans les restos de Chelsea. Aux portes du Dakota.
Au pied du Flat Iron. Au fond d'un Yellow Cab.
Je pouvais être heureux. Aux sculptures de l'Art Déco. Au Rockefeller Center.
Au Pier 17. A Little Italy. La 5ème Avenue. Dans les portes tournantes.
Les stations de métro. Le métro aérien. Comme à Coney Island.
Les adresses éloignées où je me réveillais. Les nuits denses du Splash.
Les concerts. Les théâtres. Et David Letterman sur le Ed Sullivan.
Mes errances nocturnes. Autour de la 7ème. L'air conditionné.
Escaliers de service. Grand Central Terminal. Ou l'hôtel Paramount. Galeries de Soho.
J'ai aimé Manhattan. J'ai aimé à Manhattan. De toutes mes forces. De tout mon être.
Sans savoir que je pouvais être plus amoureux encore. Plus que je ne l'étais à l'époque.
Sans savoir que mon amour d'alors n'était qu'une avance.

Je marche dans Buda, aux clochers des Carpates. Dominant le Danube. Avec une émotion.
Et la cité de Pest qui s'étend à mes pieds. Et son grand Parlement aux airs de Westminster.
Je descends dans la ville aux façades ventrues.
Aux immeubles boursouflés et austères. Déglingués. Vestiges d'opulence.
Autour de St Etienne. Des soirées d'Opéra et des Danses Hongroises.
Dans les pas de Franz Liszt et non Johannes Brahms.
Où tout enfant normal tient au bras un violon.
Je marche sous les bulbes haut-perchés de la Grande Synagogue.
Dans un quartier qui fut un ghetto.
Des bâtisses semblent avoir résisté à des bombardements.
Être criblées d'impacts et de déchirements. Quand des allégories
- Réalisme Socialiste - rappellent qu'à la violence, souvent, succède la violence.
Je marche dans l'Histoire et suis émerveillé. Sans me soucier déjà de ce qui peut m'attendre.
Aux palais luxueux des Bains, où les corps se prélassent, je ne me rends pas compte,
que mon bonheur n'est rien, quand le meilleur arrive.

Je marche dans Paris. Aux clochers en désordre.
Dominant mon pays. Avec une émotion.
A New York ou Bali. Mexico. Istanbul. J'ai marché en silence. En savourant ma chance.
Un fauteuil Classe Affaires. Pour aller au Québec. Pour rentrer de Sydney. Survoler la planète.
Atterrir à LA. Le trac au ventre. Embarquer. Débarquer. M'exiler. Revenir.
Le même. En différent.
Dans cette course folle, je pouvais être heureux.
Le tunnel sous la Manche. Peu de diplômes en poche.
Remontant à Montmartre où je m'étais niché.
A fuir la terre où se décomposait le corps originel où j'ai dû prendre forme,
et chercher coûte que coûte, l'ivresse et le plaisir. Sans ne rien m'épargner.
J'ai été amoureux. De mille êtres aimables.
Quand il y a peu d'histoires qui aient vraiment compté.
Deux ou trois, les plus belles, qui se reconnaîtront.
Et m'ont rendu heureux. J'en suis reconnaissant.
Sans que je puisse avoir ne serait-ce qu'une idée,
du bonheur décuplé qui pouvait bien s'en suivre.
Pensant avoir connu les sommets les plus hauts.
Qu'il ne pouvait y avoir de sommets supérieurs.
J'avançais sur les ponts qui tailladent la Seine, satisfait et repus,
n'attendant plus grand-chose. A Londres comme à Prague.
Chez les princes de Bohème. A Rome ou à Hong Kong.
Dans ce monde que j'aime. Où j'ai été aimé. Je ne demandais rien. J'en avais eu assez.
Quand je n'avais mérité aucune récompense. Avec la sensation d'une chance volée.
Rentré de Montréal, le destin me sourit. Et la vie immorale m'accorde à nouveau ses faveurs.
C'est un autre miracle. Rencontre inespérée. Je relance la roue. Je fais sauter la banque.
Et le bonheur s'installe. Ne veut plus me quitter.

Je marche dans Toulouse. Je marche dans Bordeaux. Je marche à Perpignan.
Je souris à des gens. Ceux qui m'ont fait confiance. Et je suis bouleversé.
Je pouvais être heureux. Ou bien croyais-je l'être. Quand je n'en savais rien.
Quand j'étais juste bien. Quand je sais aujourd'hui ce que c'est d'être heureux.
Quand je sais aujourd'hui ce qu'est être amoureux. Et je m'en mords les lèvres.
Je craignais de vieillir. Voulais grandir à peine. Loin de me douter que c'était une aubaine.
Plus heureux qu'à vingt ans. Qu'à dix-huit. Ou qu'à seize printemps. Plus heureux que jamais.
La surprise est réelle. Une révélation. D'être mieux à mesure que le temps me désarme.
D'être mieux et capable d'être conscient de l'être. Pour avoir des critères de comparaison.
Et des années de fête. Et de joie. De partage. D'amitié. De jouissances continuelles.
Une corne d'abondance. Quand la vie m'a gâté. Que les dieux ont oublié de punir ma paresse.
Ma désinvolture. Et mes inconséquences. Ou qu'ils furent indulgents. A en craindre le pire.
Je fais crisser mes pas au sol des Tuileries. Le long de cent lanternes. La rue de Rivoli.
Convaincu d'être heureux. De l'être autant qu'il est humainement possible de l'être.
Plus serait dangereux. Mon coeur pourrait lâcher. Plus, c'est ce qui est promis dans la Mort.
Pour ceux qui croient au Ciel. Une extase fatale. Un bonheur d'Au-delà. Un bonheur édénique.
Et je dois me pincer. Quand je suis plus heureux. Je dois vérifier que je ne suis pas froid.
Que je suis bien vivant. Ou alors... C'est fini. J'écris du paradis.

Dans la pinède de mon enfance. Dans une voiture de location sur le Golden Gate.
Dans un duplex du boulevard St Michel. Sur les toits de la Rambla de Catalunya.
J'ai été plus qu'heureux. A en pleurer de joie. Découvrant la richesse de ce qu'est être en vie.
Quand le seul cauchemar, le cancer de ma mère, a su tout décupler, toutes les émotions,
toutes les sensations, la violence du vivant, du mouvant, du vertige, et tous les sentiments.
La branche de tomate. Le moindre coquelicot. Le coucher du soleil. Ou le rire des gosses.
La moindre goutte d'eau est un premier miracle. Et pouvoir en parler en est un plus étrange.
Rencontrer des semblables. S'étonner de se voir. S'étonner de s'entendre. S'étonner d'être là.
Et s'aimer d'être ensemble. Et s'aimer d'être soi. Et s'aimer d'être un autre. Aimer être amoureux.
Chaque jour qu'on me donne, je repars à zéro, redécouvre les forces et toutes les lois physiques.
M'étonne des nuages. De la pluie. Du soleil. Et du vent.
De ton regard sur moi. La fusée éclairante. Qui semble me connaître.
Ou croit me reconnaître. Que je regarde encore. En train de m'observer.
Budapest est si loin. Paris m'a échappé. Je suis dans les terres où les mères sont décomposées.
Où l'on prend leur revanche à se recomposer. Ou à s'enraciner. Se nourrir de leur sein.
Les porter en le nôtre. Les hisser dans le ciel. Les tenir avec nous. En ce monde. Immortelles.
De l'humus à la sève. L'énergie est vibrante. Et je suis survivant. Je suis miraculé.
Et le mot orphelin n'a jamais raison d'être. Ce qui a été est. Et ce qui est sera.
Le bonheur hérité. A vous ! Je vous le lègue.

Ce regard qui me voit. Qui me rend existant. Me rend beau et présent.
Me donne de la force. Un frisson me l'indique : j'ai envie de lui plaire.
Quand je lui plais déjà. Que la foudre big bang a tout transfiguré.
Une révélation. Une révolution. Nouveau cycle. Nouvelles lois. Nouvelle donne.
Un changement d'échelle. Ici, c'est l'Amérique. C'est mon El Dorado. La dernière frontière.
Loin du Mojave et des villes fantômes. C'est la foudre King Size. Le bonheur XXL.
Perpignan la Cheyenne. Le Texas Roussillon.
Où des chevaux sauvages s'ébrouent sous les talons. Les nuages de poussière.
Et l'Eden à construire. Quand je ne suis pas mort. Que je devrai attendre.
Le ranch dans mon platane. Ma dernière plantation.
Au coeur de ta poitrine. Où je veux bien mourir. Où je pourrais vieillir.
Juste par curiosité. Voir si je pourrai demain être plus heureux qu'aujourd'hui.
Que demain se ramène. Avec ses pitreries. Ses soleils qui se lèvent. Ses nouvelles naissances.
Et la foi de mon espèce humaine hurlera ses Gospels dans toutes les cathédrales.
Quand je t'embrasserai pour te dire merci. Ou te ferai l'amour, pour peu que ça se fasse.
Je te le donnerai. Je te l'échangerai. Je te le construirai, seul, de mes propres mains.
Les pieds dans la tombe - celle qui n'est pas la mienne -
j'ai mon temps et mon heure. Que je veux avec toi.
Quand j'ai couru le monde. En ai connu du beau. Que j'en ai rencontré.
Je reviens plein aux as, riche de tout,
plein de ceux que j'ai aimés, et que j'aime toujours,
pour avoir quelque chose à donner en retour.

Sur les hauteurs de Barcelone, je ne te connaissais pas encore.
Difficile de dire à quel point j'ai pu être heureux.
Enfant. Prépubère et ado. Et jeune homme.
La Sagrada Familia. Paseo de Gracia.
Sans savoir que j'allais éprouver bien plus fort.
C'était impensable. Inimaginable.
La terre à l'époque était plate. Le soleil tournait autour de nous.
Je n'avais pas les données. Le monde était fini. Jusqu'à ce qu'arrivent mes amours Galilée.
Repoussant les limites. Elargissant le champ. Et j'étais encore loin des dernières conquêtes.
J'ai marché dans la neige au Québec, heureux comme un pape. Dans le whisky St Laurent.
L'alcoolisme en chroniques. La fièvre d'internet. Et des danses tarifées. Ou de la presse écrite.
A New York. En Floride. J'ai aimé à l'aveugle. Dévoré tout mon bas. Dévoré tout de go.
Aux orchestres symphoniques. Comme aux rythmes latins.
Au Jazz, à l'électro. A l'acide sulfurique.
Persuadé que j'aimais. Persuadé d'être heureux.
Et, trop longtemps, d'avoir à choisir entre les deux.
J'ai passé la Tamise. Le beau Danube bleu. Et me voici ici. Juste là. Dans tes yeux.
Et je dois me pincer. Je suis mon croque-mort. Je me croque dedans.
Le verdict est tombé. Je dois me rendre à l'évidence.
Je suis toujours vivant. Je ne suis pas éteint. Ni mort. Ni enterré.
Mais plus heureux qu'avant.


        
   

   

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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