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11 novembre 2011 5 11 /11 /novembre /2011 23:02

 

 

Il y a celui qui effleure le dos de ta main amollie quand j'en saisis les doigts.
Par les dernières phalanges, je porte cette main à ma bouche qui ne la touche pas.
Je m'y incline en signe de respect, de dévouement, de loyauté, avec une humilité courtoise.
C'est l'acte de soumission du vassal au suzerain. Consenti. Comme gage de mon adoration.
Quand au-delà de l'hommage, je m'engage à servir, à défendre ton honneur et ton intégrité.
C'est une révérence virile. Le salut du soldat.
Dans la raideur du protocole. Et le sens du devoir.
Qui peut trahir pourtant des flammes passionnelles.
La maîtrise du geste n'en est que plus galante.
Une domestication de soi, de ses pulsions, des plus accomplies et des plus élégantes.
La mise à distance du corps lorsque mes lèvres s'arrêtent avant d'être pressées,
à quelques millimètres, à l'infime coussin d'air qui me laisse inspirer les parfums de ta peau,
et n'iront pas plus loin.
Les pieds joints. Le dos courbé. Les yeux fermés.
Je te respire respectueusement. Avec idolâtrie. Et ne m'attarde pas sur la main délicate,
qu'il me faut bien lâcher, légère comme une brume, pour me redresser, te faire face,
ne rien laisser paraître de mon désir furieux de te prendre la bouche.

Il y a celui que je fais claquer sur ta joue. A l'improviste. Juste sous la pommette.
Lorsque tu t'attendais à recevoir la mienne, mal rasée,
comme on les tamponne pour se dire bonjour. Joue contre joue.
D'un côté. De l'autre. En inspirant de l'air pour faire cet étrange bruit de baudruche.
Entre les dents. Entre les lèvres avancées dans le vide. Mais le vide, ici, ne pouvait convenir.
Je voulais appuyer mon élan. Et ma bouche sur ta peau. D'un coup sec et humide à la fois.
Sur ce muscle qui sert à la mastication. A l'endroit où tes dents se desserrent. Sur le côté gauche.
Atteindre ton visage. Sans l'importuner.
Au plus près de ton âme, de ton être, sans forcer le passage.
Rester à la surface. Pas de pénétration. Le geste n'est pas sexuel. Bien que farouche.
Il est espiègle. Et amical. Respecte ton intimité. Il est unilatéral. L'intention est criante.
Il te dit que tu n'es pas comme les autres.
A qui j'aurais juste offert ma joue en éloignant ma bouche.
Toi, tu es toi. Je le sais. Et je veux te le dire. Le contact équivoque te fait rougir un peu.
Ce n'est pas un signe de possession. Ni même de séduction. C'est l'affection enjouée, facétieuse.
Qui joue de la surprise et de ta confusion. Placé en plein dans le mille. Au coeur de la cible.
C'est l'aveu malicieux de mon attachement. Pensé dans un sourire. Furtif et bienveillant.

Il y a celui que je pose sur ton front. Mes mains sur ton crâne pour un couronnement.
Sous mes paupières closes, j'offre ma protection. Un geste paternel. Que l'on fait aux enfants.
Qui s'apparenterait à la bénédiction. Je cherche ton cerveau. Le coffre de ton âme. Ton esprit.
Que je cherche à rejoindre. Comme pour l'apaiser.
L'envelopper de mon être. Le couvrir. Le couver.
Généreux. Empesé. Il me met dans une position supérieure.
L'imposition des mains. Lente et grave.
Qui t'apporte mon aide de façon présomptueuse. Quand je me sens responsable de toi.
C'est la tour de contrôle que je porte à ma bouche. Tes idées. Tes pensées. Et tes rêves.
Je deviens le mécène de ton seul libre arbitre. Et ce qui est supérieur est mis à ton service.
Il vient t'encourager. Dans une fierté sobre. Qui te serre contre moi. Le nez dans tes cheveux.
A ta tête bien faite, parfois bien tourmentée, je viens panser les plaies, dans un chaste bandage.
C'est l'amour cérébral. Et de la liberté. Je reviens dans tes yeux. Face à face. Un pied d'égalité.
Quand le sceau apposé au lieu précis et sacré, juste au-dessus du nez, du bindi des Hindoues,
n'est pas celui de la propriété, mais de l'absolution. Et de ma gratitude. Les deux sont éternelles.
Il reprend le contrôle sans prendre le pouvoir. C'est l'instinct maternel qui veut te consoler.
Qui veille au grain. Comme appliqué sur un gosse qui dort déjà, à qui l'on souhaite bonne nuit.
Sous la frange des cheveux. En silence. On éteint la lumière. On chasse les mauvais rêves.

Il y a celui que je flanque juste au coin de ta bouche.
Que l'on croirait volé. Ou d'une maladresse.
Qui n'est pas le smack assumé des vieux couples ou des amants notoires qui ne se cachent plus.
Lèvres contre lèvres. Du premier coup. Sans hésiter. Montrer à autrui à qui appartient l'autre.
Ou bien le bonjour mon amour, de ceux qui ont encore un peu d'intimité
et des matins complices.
Celui-ci se complaît, le cul entre deux chaises,
entre l'amitié de la joue et l'amour de la bouche.
Le plus bancal de tous. Et pourtant le plus juste.
Celui qui dit l'entièreté de mes sentiments contraires.
Quand je t'aime d'amitié aussi sûr que je t'aime d'amour.
Que l'un ne saurait l'emporter sur l'autre. Que je ne veux pas choisir.
Lorsqu'il est aussi le défi que je nous lance. A moi-même. A nous deux.
Une provocation qui dit chiche. Garder le meilleur des deux mondes. En refuser les affres.
Prendre le bon côté des deux médailles. Que je porte au même pinacle. Et peuvent s'entraider.
S'aider à durer. A durer dans le temps. Le pacte des enfants.
A la vie, à la mort. Mariage clandestin. De deux amis qui s'aiment.
Qui s'aiment pour ce qu'ils sont. Sans chercher à avoir, enfermer, posséder.
Celui-ci est ludique. Fraternel. Mais érotique. Enfantin. Mais sexué. L'éventail est complet.
Il colorie tes joues quand j'ai bien débordé.
Qu'il joue chez les petits comme dans la cour des grands.

Et il y a ce dernier, le plus profond de tous. Et le plus animal. Ou le plus passionné.
Qui n'est plus à cheval. N'a pas manqué sa cible.
Ce n'est plus une mouche sur le coin de ta bouche.
Mais le brasier ouvert décidé des adultes.
Déterminés à se fondre l'un dans l'autre. Avec obstination. Quand les bras,
autour de nous, sont les seules frontières entre nous et le reste du monde.
Il n'existe rien d'autre que ce que nous faisons.
Quand mon corps en entier tourne autour d'une langue.
Que tes lèvres ont permis cette pénétration.
Nous entrons l'un dans l'autre. A travers les cloisons.
Dans l'échange organique d'un fervent choeur païen.
Où l'on communie. Où l'on communique. Enfiévré.
Ceci est mon corps. Il se désincarcère.
Aux rouleaux voluptueux où la peur et le temps disparaissent.
La réalité s'y abîme. Quand je perds pied.
Ne sais plus qui est toi, qui est moi, de nous deux.
Aux vagues intérieures d'une lave tellurique en rivières souterraines.
Egarés dans la forge. Eperdus.
Et mes mains à ton cou, à ta gorge, nos sens échevelés,
je goûte à ta substance, aux sucs énergétiques, qui vont et viennent,
avec autant de voracité qu'à nos déhanchements, nous retrouvant ailleurs,
où les mots n'ont plus cours, où l'univers implose,
nous laissant comme morts aux portes du trépas.
Ce n'est plus paternel. Ce n'est plus amical.
Ni filial. Enfantin. Ni galant. Mais sexuel. Nous y sommes.
Il part d'en bas. Du corps en surchauffe. Qui vole en éclats.
Permet la fusion de nos deux purs esprits. Qui s'épousent enfin.
Aussi vrai qu'ils s'embrassent. Sous des pelles à la pelle.
Qui nous creusent une tombe où aimer l'infini.

    
    
    
   

           


 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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