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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 00:41

 

 

Il y a le soleil à minuit. Dans ce sourire sur le parvis. Qui m'a fait oublier la pluie.
Qui a retenu tous les coups. Les crues et les 7 Plaies d'Egypte. La fin du monde. L'apocalypse.
Quand les rues deviennent torrents. Que la foudre est déjà tombée.
Que je suis sorti de ma crypte.
Cette lumière, en pleine nuit, a ouvert chaque perspective.
Et tous les boulevards haussmanniens. Car ce sourire, c'était le tien.
Toujours beau et franc du collier. Pour me promettre un avenir.
Comme un bonheur qui pleut à verse. Cette eau qui tombe, je la bénis. Et je l'embrasse.
C'est un baptême de forêts vierges ou de rescapés du déluge.
Les grandes chutes que je traverse. Pour te rejoindre là où tu es.
Je suis lavé de mes poisons. Ou born again. Tu es seul juge.
C'est un sourire merveilleux.
Comme on n'en voit que rarement, ce, même en vivant très longtemps.
Qui a soufflé la rue entière. Dans les décombres, je m'époussette.
Je me relève. Bien plus fort.
Et l'eau qui me tombe dessus, mouille mes cheveux, mon regard,
comme à la plus érotique douche, vient faire péter le champagne,
allumer tous les asperseurs et l'arrosage automatique, les extincteurs
aux détecteurs de la fumée que fait tout mon corps écumant, tenu debout aux garde-fous,
contre la flotte, contre la claque monumentale d'une incroyable déferlante.
Il pleut toujours. Il pleut encore. La pluie devenue une amie.
Il y a le soleil. A minuit. Au moment où tu passes la porte.
Tu veux la lune ? Je te l'apporte. Elle n'est jamais cachée très loin,
veille sur nous, sourire en coin. Par les trouées dans les nuages.
Elle fait des brasses. Elle est en nage. Dans les flaques où elle boit la tasse.
Je suis en âge d'être amoureux. D'être fidèle. D'être sérieux.
A l'eau qui tombe fermement. Je suis prêt à tous les serments.
Je fais des brasses et je m'engage.

   
   
   

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 04:30

 

 

J'ai une conscience.
Et je la veux tranquille.

   

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 02:28

 

 

Faut-il qu'au mal qui est fait aux victimes, s'ajoute le poids de la culpabilité.
Faut-il qu'au mal qui leur a été fait, s'ajoute le tourment de la justice ou celui du pardon.
Le pardon n'est utile qu'à celui qui le demande.
Pardonner fait une belle jambe aux victimes, dont le quotidien sortira inchangé.
Quand être pardonné peut devenir vital. Il faut croire. Pour ceux à qui il reste une conscience.

La Justice ne peut pas rendre un enfant assassiné à ses parents.
Ne peut pas rendre l'époux décédé sur la route par la faute d'un chauffard.
Ne peut pas rendre une soeur déportée et gazée dans un Camp de la Mort.
Ne peut pas rendre l'innocence à l'adolescent qui a été violé.
Le mal ayant été fait, trop tard pour les victimes, la Justice est là pour protéger le reste de la société.
Protéger la communauté du violeur, des Nazis, des chauffards ou du pédophile.
Elle est là pour mettre le criminel hors d'état de nuire. L'interner. L'incarcérer. L'exécuter.
Quand il y a bien des façons d'empêcher un coupable de récidiver, d'être un danger pour autrui.
C'est la fonction première du Droit. Permettre l'ordre. Définir où commence le crime et le délit.
Au-delà de toute conviction morale ou religieuse. Le consensus d'une société. Perfectible.
Non pas sur les limites du Bien et du Mal. Mais de ce qui est légal et de ce qui ne l'est pas.
De ce qui est délictueux et de ce qui est criminel. La grille élémentaire du contrat social.
Et la première urgence pour les tribunaux est d'avoir moins d'innocents dans les prisons
que de coupables en liberté, quand il s'agit d'assurer au mieux la sécurité de la population.
La Justice a aussi fonction d'exemple. Et un rôle évident de dissuasion.
S'il est trop tard pour empêcher le drame que l'on juge, il est encore temps de communiquer,
de faire de la pédagogie, de prévenir, d'informer, de débattre, témoigner, éveiller les consciences.
Oui, un homme est capable de violer une femme. Capable de violer sa propre fille.
Oui, une mère est capable de mettre ses nouveau-nés dans un congélateur.
Non, Adolf Hitler n'est pas le Diable. Et je m'insurge contre cette image ambiguë.
Un homme, et c'est une leçon de l'Histoire, a été capable d'envoyer des populations entières à la mort
- ce qui en soi, défiait déjà l'entendement, même si ce n'était pas une première - et les exterminait
non pas pour les punir de ce qu'elles avaient pu faire mais pour les punir de ce qu'elles étaient.
Le pire outrage. Le pire blasphème. Niant à des humains tout déterminisme et toute rédemption.
Et derrière cet homme, ce sont des milliers, des centaines de milliers d'hommes qui ont suivi.
Qui ont participé. Qui ont contribué. A cette abomination collective.
Adolf Hitler n'était pas le Diable. En revanche, il lui a donné une leçon.
Je trouve dangereux et malsain qu'on veuille lui attribuer une force paranormale.
Il était un être humain, probablement aimable pour avoir été aimé par les siens,
quand il a été un petit garçon, a grandi, avec ses espoirs, ses joies et ses frustrations,
et a, en effet, été capable et coupable de ce que l'on sait.
Rien de plus humain que la barbarie et la monstruosité.

J'aurais pu rencontrer Adolf Hitler et lui trouver du charme. Être séduit. J'aurais pu.
J'aurais pu, ignorant les déportations et les crimes de masse, la doctrine de son parti,
rencontrer un homme sympathique, un peu nerveux peut-être, mais touchant.
Me lier d'amitié avec lui. J'aurais pu, en parlant, être horrifié par ses points de vue.
Découvrir son idéologie. Et, autour d'un cognac, j'aurais pu tenter de comprendre.
Comprendre sa logique. Ses motivations. Comprendre d'où pouvait venir sa colère.
J'aurais pu, en le connaissant, lui trouver des circonstances atténuantes.
J'aurais pu être son ami d'enfance. Avoir été témoin de ses blessures et de ses traumatismes.
Et j'aurais été déchiré mortellement de découvrir le monstre qui avait sommeillé en lui.
De n'avoir pu rien faire pour l'empêcher d'apparaître, de prendre le contrôle, et faire le mal.
Alors oui. La Justice n'est pas là uniquement pour dissuader les criminels.
Expliquer aux violeurs, aux dictateurs, aux pédophiles ou aux chauffards,
que la société les traquera et les punira, fermement, à la hauteur de leurs forfaits.
Elle est là aussi pour nous dire à tous que votre voisine, en effet, qui était une dame adorable,
bien comme il faut, était capable, à la sortie de la messe ou après le thé, de dévorer son époux.
Elle est là pour dire que ce monsieur très distingué, une fois bourré, cognait sur son épouse.
Pas pour nous rendre paranoïaques, mais rappeler que l'inhumain n'est pas ailleurs qu'en nous-mêmes.
Que l'inhumanité est le propre de l'Homme. Capable des pires atrocités et des pires folies meurtrières.
Cette bête, pour qui ose y réfléchir, nous l'avons tous tapie quelque part au fond de nous.
Et c'est parce que nous en avons l'intuition, un brin effarés, que nous sommes capables de compassion.
Le drame n'est pas que celui des martyrs. Il est en premier lieu celui de l'assassin ou du violeur.
Si j'osais, je dirais que les victimes, pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment,
subissent dans leur chair des dégâts collatéraux - aux conséquences plus terribles, avec outre le mal,
l'insupportable sentiment d'injustice - quand le premier drame est celui du passage à l'acte.
Pour celui qui le commet. C'est la première vie détruite par cette folie réveillée et échappée.
La première victime. Et la compassion, bien qu'indéfendable, est permise pour le monstre.
Parce qu'il est humain et que nous le sommes aussi. Que l'ignorance nourrit la violence.
Et que nous pouvons pleurer sur la déficience des êtres qui n'ont pas été capables de se maîtriser,
pas été capables de contrôler leurs pulsions, ou de venir à bout de leurs démons.
Comme nous pleurons sur tout le mal qu'ils ont fait pour ne pas avoir été arrêtés à temps.

Mon respect pour les victimes m'empêche tout sentiment de pitié.
On ne ressent pas de pitié face aux gens qui trouvent la force de vivre, dignes, debout,
lorsqu'ils ont été brisés par un monstre. De la compassion. Et du respect. Pas de pitié.
Quand ils me donnent une leçon d'humanité. De résilience. De courage.
Me montrant combien l'homme a des ressources. Continue à vivre avec des jambes en moins.
Avec une famille détruite. Rayée de la carte. Avec ce cauchemar perpétuel qui revient chaque nuit.
A mes yeux, c'est un paradoxe, bouleversant : les victimes ont de la force.
Lorsque ce sont les bourreaux qui sont faibles. Et que ce sont eux qui m'inspirent de la pitié.
Et je pleure aussi sur leur fragilité, une forme de vulnérabilité, comme sur leur lâcheté désastreuse.
Le débat est ouvert régulièrement. Je me rappelle de dîners animés, entre amis. Un classique.
Le débat sur la peine de mort. Où l'on me retournait volontiers que, si j'étais moi-même victime
d'un fou furieux, touché dans ma propre chair, avec toujours cet exemple : " si on violait ta soeur,
si on assassinait tes enfants, comment réagirais-tu ? " Eh bien, je ne réagirais pas.
Je serais accablé par le chagrin. Inerte. Envahi par ma propre souffrance. Désespéré. Anéanti.
Mais on avait beau me servir les images les plus atroces pour réveiller ma colère ou ma révolte,
jamais je n'ai éprouvé une seule fois dans ma vie un sentiment naturel et profondément humain :
le désir de vengeance. Et serais déjà mort à mes yeux s'il devait m'arriver de l'éprouver un jour.
Là encore, comme humain, je le comprends comme manifestation humaine.
Je le comprends mais ne le ressens pas. Le oeil pour oeil, dent pour dent. Double peine.
C'est ajouter le drame au drame. Ajouter le mal au mal. Et libérer à son tour sa propre bête meurtrière.
J'aurais personnellement assez de ma propre souffrance pour ne pas y ajouter celle de la culpabilité.
Sachant que, pour ma part, la vengeance ne m'apporterait aucun réconfort. Aucune paix.
Me venger ne ramènerait pas mes enfants assassinés. N'effacerait en rien le crime initial. Originel.
Ni la douleur éternelle qu'il me promettrait.
Malheureux pour malheureux, je préfèrerais rester victime. Victime. Mais avec la conscience tranquille.
Etre tout à ma souffrance, mais les mains propres. Sans ajouter l'épouvante de devenir bourreau.
On me demande si je pourrais pardonner. Je réponds que je ne pourrais pas le faire.
Et c'est là que la Justice est utile, une fois encore. Ce n'est pas aux victimes de juger.
C'est à la société. Lorsque les réparations obtenues sont toujours dérisoires. De toute façon.
Le coupable peut demander pardon. Révéler ainsi qu'il a une conscience.
Signifier aux victimes qu'il a pris conscience de son geste. L'aveu du regret et du désespoir.
Ce qui, dans le vertige de la douleur, est tout de même un réconfort.
Il peut demander pardon. Mais la victime peut-elle pardonner.
Je ne suis pas convaincu qu'elle ait à le faire. Peut-être est-ce hors propos.

Il est clair qu'il y a deux dimensions assez distinctes. La société et soi-même.
Ainsi, on peut trouver des femmes qui, en toute cohérence et honnêteté intellectuelle,
vont à la fois porter plainte contre leur violeur et être capable de leur pardonner.
On peut trouver d'autres femmes qui, avec des arguments tout aussi intelligibles et acceptables,
vont à la fois ne jamais porter plainte contre des violeurs à qui elles ne pardonneront jamais.
Traîner son bourreau en justice et lui pardonner, sont deux actions autonomes,
qui n'ont pas les mêmes ressorts pour se trouver sur deux plans superposés.
Le besoin de justice est peut-être le trait le plus touchant de notre espèce.
Et il est réconfortant de savoir que certains de nos semblables s'attachent, quotidiennement,
à créer des lois pour les uns, à les faire appliquer pour les autres, afin de nous protéger. 
Il s'agit de nous protéger de nous-mêmes. Quand l'homme est la première menace pour l'homme.
Et qu'on n'imagine pas traîner un volcan, une plaque tectonique, ou Dieu en personne en justice,
pour avoir tué des milliers et des millions de personnes lors de catastrophes naturelles.
C'est le procès de l'homme, supposé avoir le libre arbitre, une conscience.
Et le choix de faire le bien ou le mal. De passer à l'acte ou non. En connaissance de cause.
Le procès de l'homme par l'homme. Donné publiquement pour les raisons qu'on a dites.
La pédagogie. L'exemple. La dissuasion. En plus de la reconnaissance de l'outrage à l'outragé.
Mais la mise en scène de la Justice, salutaire pour la paix civile et la cohésion du groupe,
ne règle en rien les tourments intérieurs de deux individus en particulier : le bourreau et sa victime.
Liés à jamais par un lien obscur et complexe, de façon irréversible. Une tache indélébile.
Le lien de la haine souvent, aussi liant que celui de l'amour. Quand les deux sont assez proches,
on le sait, même si nous nous étonnons toujours, fascinés, du Syndrome de Stockholm,
avec un mélange d'émerveillement et d'effroi, désarmés à l'idée que cela puisse être possible.
Ainsi, la Justice rendue, la société apaisée, avec ce sentiment un peu rapide d'avoir trouvé
à un problème une solution, rien n'est humainement réglé à l'échelle des personnes.
Le bourreau peut être en prison. Il peut avoir été castré. Guillotiné ou fusillé.
La victime trouvera-t-elle la paix pour autant ? La Justice ne guérit aucun traumatisme.
Et le visage du SS, le sourire du grand-père violent ou de la mère incestueuse,
continueront à hanter bien des nuits comme à influer sur des vies chaque jour qui est fait.
Si ce n'est pas à la victime de juger son bourreau. Ce n'est pas à la Justice de soigner les victimes.
Les juges jugent. Quand on laisse aux victimes ce travail d'une vie qu'est d'apprendre à vivre avec.
Comme on apprend à vivre avec un membre amputé. Comme on apprend à vivre en fauteuil.
On apprend à vivre avec la personne qui vous a fait du mal. Et dont on ne se débarrasse jamais.
Pardonner ou pas, c'est, j'imagine, à la discrétion de chacun.
Quand on ne fait jamais que ce qu'on peut. Et qu'il s'agit de savoir, le plus égoïstement du monde,
ce qui, de la Peste ou du Choléra, peut nous rendre le moins malheureux. Puisqu'il faut avancer.
Continuer à vivre. Avec prothèses et béquilles. A tout prix se sauver.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 14:21

 

 

Le casque est mal attaché, un poil trop grand, me gêne. N'arrête pas de bouger.
Je suis des gars habillés comme moi. Dans un couloir éclairé d'ampoules nues.
D'ailleurs, elles bougent au plafond. Dans une épaisse bruine de gravats.
Une déflagration très proche. Qui a fait trembler le sol. On commande d'avancer.
Et j'avance, les poings en l'air, comme si je cherchais à boxer quelqu'un devant moi.
Je porte des gants, mais pas de boxe. Le nez et les arcades sourcilières écrasés par des lunettes.
Les lunettes écrasées par le viseur de mon Mk. 18 Mod 0. Plus de trois kilos. Chargé.
Je transpire de la tête. Nous arrivons par un escalier de service dans un hall manifestement désert.
Nous nous séparons. La colonne se divise. Comme dans la chorégraphie d'une comédie musicale.
Nous nous postons derrière des piliers. Nous nous couvrons les uns les autres.
Il y a des tirs hors de l'immeuble. Aux grandes surfaces vitrées. Nous devons monter dans les étages.
Je ne sais pas très bien comment j'ai traversé cette zone à découvert mais visiblement sécurisée.
Je suis déjà dans une cage d'escalier, canon pointé vers le toit, répétant des gestes automatiques.
Ceci n'est pas un exercice. J'ai chaud. Et ce putain de casque m'emmerde.
Nous ne sommes pas à Virginia Beach. Où j'ai bien l'intention d'être rentré bientôt.

Bon, je me suis fait buter tout de suite.
Et je ne sers pas dans les forces spéciales de l'US Navy.
Ces jeux vidéos me dépriment. Bien que fascinants.
Le réalisme du graphisme est à couper le souffle.
Les joueurs encore dans la course continuent de tirer sur tout ce qui bouge.
Nous sommes loin de la console Videopac de mon enfance. Et j'ai le coeur qui bat.
Non. Moi, je suis interné dans un hôpital. Pour avoir mangé le chien de la voisine. Encore vivant.
Et je tue le temps comme je peux avec des compagnons d'infortune. Nous n'avons pas droit à la télé.
Comme si connaître l'actualité pouvait nous donner des idées. Alors que les jeux de guerre, bien sûr.
Le moyen idéal de décharger l'énergie qu'il nous reste quand nous ne sommes pas shootés.
Exorciser le mal. Nous libérer de nos pulsions criminelles. De toute agressivité.

Jacques vient de se faire buter à son tour. Dans le jeu. Mais voilà qu'il nous fait une crise.
Deux gaillards viennent l'emporter pour ne pas contaminer le groupe. D'ailleurs, c'est fini.
Cet incident a sonné la fin de la récréation. Et nous allons devoir regagner nos chambres.
Comme je m'arrête un instant pour voir ce qu'il y a au menu ce soir, Patrick veut faire de l'humour.
" Hey, tu regardes s'il y a du chien à dîner ?... " Je réponds d'un majeur dressé dans sa direction.
" Prends garde qu'il ne te bouffe pas la chatte pendant ton sommeil. " Je lève un sourcil.
C'est Boris. Il est avec moi. Il menace et exagère ma capacité de violence pour me protéger.
Intimider ceux qui me cherchent. Il m'adresse juste un regard pour vérifier mon adhésion.
Le regard que je lui retourne dit sobrement merci. Et me voilà dans les 3m2 de ma cellule.
La fenêtre est trop haute. Je ne peux voir l'extérieur qu'avec un pied sur le bord du sommier.
Ce soir, il y a du poisson.
 
   

 

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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19 novembre 2011 6 19 /11 /novembre /2011 03:16

 

 

Faire la route, l'été, était un véritable délice.
Lorsqu'à plus de huit heures, il fait encore jour.
Prendre les départementales jusqu'à la voie rapide.
Traverser les villages. Séparés par de longues voûtes de platanes.
Les lotissements aux clôtures inégales des pavillons, les ronds-points,
puis les vignes et les jardins, jusqu'à l'entrée de la ville, côté Moulin à Vent.
Petit à petit, d'une semaine à l'autre, la luminosité baissait. La lumière changeait.
Et, depuis le changement d'heure, bien entendu, ce n'est plus le même voyage.
Il fait nuit depuis longtemps quand je m'installe au volant, que je boucle ma ceinture.
C'est à la lumière des phares que le nom de Perpignan apparaît, fléché sur un panneau,
aux derniers éclairages d'une commune, aux noirceurs d'une fausse campagne,
ou sur l'échangeur promettant le confort de la vitesse sur une meilleure route,
parfois entre le va-et-vient cafardeux des essuie-glaces battant comme des métronomes.
Il m'arrive d'allumer le chauffage. Quand je suis déjà plus couvert qu'un mois auparavant.
Engoncé dans une grosse veste en cuir ou un blouson en polaire,
je n'ai plus dans mes mouvements l'aisance que me permettaient un simple tee-shirt,
un petit débardeur, ou mon cou sans écharpes, en effet, quand le froid et la pluie
me raidissent autant que les kilos de fringues qui me tassent à mon siège.
La saison a changé. Mais la route est la même.
C'est le deuxième automne. Je la connais par coeur.
Arrivé au niveau de la Cigale, au sommet de la butte, je dévale le boulevard Jean Bourrat.
Sur ce large toboggan qui longe la fin du parc, jusqu'au feu rouge de la rue Alfred de Musset.
Une rue. Assez courte. L'ombre des remparts qui en bouche la perspective.
Où j'ai des souvenirs.
Une grille verte. Sur une façade rose. Et je croise à nouveau l'ensemble du quartier.
Encore et encore. Pour trouver une place. M'avançant au-delà du Park Hotel.
De l'escalier monumental. De ses tours. Du Cours Maintenon.
Rue Jeanne d'Arc. Rue du Castillet. Le dimanche, souvent, se garer est aisé.
Le vendredi en revanche, il peut y avoir du monde en ville. Une voiture a les feux allumés.
Une voiture a les feux allumés. A droite. Je ralentis. Non... Ils arrivent. Je continue.
Refais un tour. Attentif à chaque intersection.
Quand c'est trop compliqué, je me dégage du secteur pour m'éloigner un peu. Je marcherai.
Le Cours Palmarole. Le Palais des Congrès. Je vais marcher. Malgré le froid.
J'allume une cigarette. C'est le temps d'arriver.
De traverser les allées ou le boulevard. Le temps de fumer une clope.
Peu importe la place où je laisse ma voiture. Au pied de l'hôtel Kyriad, l'ancien Windsor,
dès le départ de la rue Bartissol, j'aperçois ses fenêtres, au fond de la perspective.
C'est une rampe de lancement. La dernière ligne droite. Le feuillage du platane à gauche.
Qui vient un peu manger la façade. Et deux petits rectangles de lumière. Au premier étage.
Les volets ne sont jamais fermés. Parfois, le plus souvent, les battants des portes-fenêtres
sont grand ouverts, même quand il pleut, comme pour m'indiquer que je suis attendu.
Je passe devant une boutique de fringues, la vitrine d'une nouvelle galerie d'art,
celle, plus désuète, d'un bistrot lové sous les arcs-boutants de la cathédrale,
qui me saute à la figure à la place Gambetta.
J'ignore le St Jean Baptiste perché sur son dôme à écailles de marbre blanc,
observant une silhouette qui traîne dans les parages comme un zombie
que je souhaite garder à distance, jette ma clope pour m'assurer qu'il n'aura pas l'idée
de m'en demander une, ou me méfiant du groupe de jeunes, plutôt joyeux,
qui se fait une fête d'aller la faire toute la nuit dans les restos et les bars de la ville,
craignant d'être reconnu ou interpelé, si près du but, quand je n'ai pas une minute à perdre.
Je rase les murs, bien que l'air décidé, puisque je le suis, et rien ne doit me faire obstacle.
Le temps est compté. Et la pluie donne une raison supplémentaire à mon impatience d'arriver.
Quand je sors, devant l'étroite porte de bois, la clé bien minuscule qui me mettra à l'abri.

Avec l'humidité, les variations violentes de la température, la porte s'est déformée. Elle résiste.
Et c'est à la force de mon pouce serré sur mon index, à la seule prise de la tête de la clé,
que je dois pousser le panneau qui a manifestement gonflé avant de le refermer derrière moi.
Au grésillement de la minuterie, et sur un tapis de petits cubes en relief, que font ensemble
les carreaux en ciment tricolores du sol en trompe l'oeil, je remets la clé dans mon portefeuille.
Protégé de la pluie, des regards, ou du vent. Je n'ai plus qu'à monter l'escalier. Pas très large.
Raide comme une échelle de meunier. Je vérifie mon portable. J'arrive au premier palier.
Où j'annonce invariablement mon arrivée avec ce bref son de claves
ou de carillon éolien en bambou, que fait sous mon pied une tomette mal fixée,
avant de me poster devant la dernière porte. Le cou dans les épaules.
Je frappe doucement. Deux phalanges suffisent. Et me voici chez moi.
Dans la lumière orange. Sur le duvet orange. Au noyer du bureau. Et aux ombres chinoises.
C'est le même trajet. Le feuillage a changé. Mais pas l'intensité de la chaleur offerte.
Au platane, l'accolade. Qui dure l'éternité. Un moment de silence. Les vêtements trempés.
Le temps de rassembler. Emotions et idées. Ou de se reconnaître. Ou de se retrouver.
Au bout des voies rapides. Des chemins de traverse. Des boulevards. Des remparts.
Ou à un jet de pierre. C'est une autre saison. Le même itinéraire.
Et le même sourire qui s'illumine au mien.

              

   

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 23:17

 

 

Elle se lève. Va au bout du couloir où se trouve la cuisine.
Prépare son café au lait. Il fait encore nuit.
Elle a enfilé un gros peignoir à peine noué sur le côté.
Il fait froid. Une lampe pend du plafond. Allumée. Sur la table de la cuisine.
Elle s'y installe. Avec ce qu'elle a trouvé de beurre et de biscottes.
Toute seule. Elle voit le transistor sur le frigo. Pas envie d'écouter les nouvelles.
Elle mange en silence. Prend le temps de mâcher. Boit son café dans un bol brûlant.
On n'entend que la trotteuse de l'horloge murale placée haut au-dessus de l'évier.
Elle y jette un coup d'oeil. La bouche pleine. Et vide le bol d'un trait.
Elle s'est dépliée dans une grimace, pour traîner ses pantoufles jusqu'au placard.
Le beurre dans la porte du frigo. Elle range. Puis se poste à la fenêtre de la cuisine.
Soulève le store. Pour regarder dehors. Il y a de la buée sur la vitre. Il fait encore noir.
Elle soupire avant de repartir en sens inverse dans le couloir. Laisse la lumière allumée.
Traverse la salle à manger en faisant craquer le parquet. Pour aller dans la salle de bains.
Elle met en marche un petit chauffage d'appoint. S'aperçoit dans le miroir sur le lavabo.
S'en approche en se grattant la tête. En plissant les yeux. En fronçant les sourcils.
Fait une moue de découragement. Va dans le salon en traînant les pieds. Ouvrir les stores.
Il fait toujours noir. Laisse la lumière allumée partout où elle passe. Evite une photo.
Encadrée près de la télévision. Qu'elle n'a pas l'intention de regarder non plus.
Peu importe la météo. Il fera moche de toute façon. Elle va aux toilettes. Baisse sa culotte.
S'assied et fait pipi. Voûtée. Les coudes sur les genoux. Les poings fermés sur ses joues.
Manque de s'endormir. Les yeux fermés. Et le silence soudain la réveille. Elle sursaute.
Tire la chasse d'eau. Retourne dans la salle de bains. Qui est un peu plus chaude.
Elle accroche vaguement son peignoir à la patère en plastique fixée sur la porte,
enlève sa chemise de nuit, sa culotte, et entre dans la baignoire pour ouvrir les robinets.
Règle patiemment la température de l'eau chaude qui fume un moment.
Se demande si elle doit se laver les cheveux. Si elle a le temps de les sécher ensuite.
Elle a froid. Se ramasse sur elle-même. Et, lorsque l'eau est à parfaite température,
elle renonce à se doucher tout de suite. Un besoin se fait sentir. Inopinément.
Elle considère qu'elle ferait mieux de se doucher après. Elle sort de la baignoire.
Enfile nue son vieux peignoir pour retourner aux toilettes. Traînant les pieds. Se rassied.
Manque une fois de plus de s'endormir. Fait ce qu'elle a à faire. S'essuie. La chasse d'eau.
Retour à la salle de bains qui est beaucoup plus chaude. Elle peut aller nue sans grelotter.
Joue à nouveau des robinets, dans la baignoire. Se présente cambrée sous le pommeau.
Elle avait ramassé ses cheveux sous une pince. Décide finalement de les détacher.
De se mouiller les cheveux. Elle ferme les yeux sous l'eau chaude.
Offre son visage à la pluie tropicale. Verse du gel douche parfumé dans une main.
Elle s'en enduit les bras qu'elle tend l'un après l'autre, dedans, dehors, jusqu'aux omoplates,
n'oublie pas les aisselles, sentant les coulées de savon se prendre dans sa toison pubienne.
Elle s'en enduit les seins qu'elle ne savonne plus quand elle se les caresse.
Une nouvelle giclée de gel dans la main pour s'attarder entre les fesses.
Avant de jouer un moment avec son clitoris et ses petites lèvres. Elle se masturbe gentiment.
Abandonne sa vulve pour revenir à ses seins. Giclée de shampooing. Elle se lave les cheveux.
Elle se palpe les épaules. Et les hanches. Malaxe son entre-jambes. Se déhanche.
Décroche le pommeau. Et se fait jouir avec.

Une fois rincée, elle s'est enroulée dans une grande serviette en éponge jaune.
S'est fait un turban avec une serviette dépareillée. Plus petite. A éteint le chauffage d'appoint.
A allumé le sèche-cheveux. D'abord pour chasser toute la buée du miroir. Se voir sur le lavabo.
Avant de commencer un brushing, elle étale symétriquement les paumes de ses mains ouvertes
du nez jusqu'aux oreilles pour tendre la peau de ses joues, sous les os des pommettes.
Plus pour se réveiller que pour lisser des rides. Qu'elle ne regarde même plus.
Elle défait la serviette sur sa tête pour se la frictionner le plus énergiquement possible.
Et se sèche les cheveux en se contorsionnant pour compenser un méchant rhumatisme.
Elle ne peut pas lever son coude gauche au-delà du niveau de l'oreille. Mais s'arrange.
Envoûtée par le souffle continu du séchoir qui vient l'envelopper, la saouler, l'étourdir.
Elle reprend son peignoir dans lequel elle se dirige vers sa chambre. Eteignant les lumières.
Sur son passage. Quand le jour a commencé à poindre. Qu'un gris timide a remplacé le noir.
Qu'une lumière spectrale est entrée dans la maison. Comme montant du sol.
Devant les cintres alignés du dressing, elle choisit un chemisier qu'elle pose sur son lit,
où sont déjà disposés des sous-vêtements propres, puis une jupe sombre d'un tissu un peu raide.
Elle s'installe pour enfiler ses bas de contention. S'habiller doucement. Une chose après l'autre.
Range ses pantoufles au pied du lit. Referme la porte du dressing. Et jette un oeil sur le réveil.
Elle n'est pas en avance. Mais elle n'est pas en retard. Elle a le temps de se maquiller un peu.
Elle repart pour la salle de bains, avec une paire de perles qu'elle accroche à ses lobes en chemin,
et devant le miroir, après avoir réajusté sa jupe et fait bouffer son chemisier, elle prit du fond de teint.
Elle se rappelle le plaisir que c'est de s'occuper de soi. De se faire les yeux. Bâton de rouge à lèvres.
Pressé sous le duvet de sa moustache discrète. Celle d'une blonde qui n'aime pas s'épiler.
Elle vérifie la coiffure. Les prothèses dentaires. Puis se pince les lèvres. Fait deux ou trois grimaces.
Puis retourne au salon, glissant sur des patins jusqu'au tapis épais qu'elle traverse jusqu'au secrétaire.
Elle cherche des papiers dans un tiroir. Vérifie l'heure à la montre que Robert lui avait offerte.
Cherche ses lunettes. Un stylo. Sort la feuille manuscrite de son enveloppe. Relit ce qui y était écrit.
Ouvre une chemise pleine de documents administratifs. Le jour commençait à monter dans la pièce.
Avec sa lumière de ciel bas et de pluie. Trop faible pour ses yeux. Elle allume une lampe.
Vérifie quelque chose. Range tout. Y compris la lettre dans l'enveloppe sur laquelle elle écrit un mot.
Qu'elle dépose en évidence au beau milieu de l'abattant du meuble qu'elle laisse ouvert. Vérifie l'heure.
Elle éteint la lampe. Attache la montre à son poignet et repart dans sa chambre, patinant sur le parquet
jusqu'au dressing où elle dérange des boîtes à chaussures pour dégager l'accès au petit coffre-fort.
Gênée par des manteaux qui pendaient, elle compose tranquillement la combinaison pour l'ouvrir,
y prend quelques objets, dont, après une courte hésitation, un magnifique solitaire diamant
qu'elle range avec un sourire étrange à son annulaire, contre l'anneau qui s'y trouvait déjà.
Elle retourne au salon avec son butin, un peu agitée par la peur d'être en retard.
Elle s'installe dans un fauteuil près de la fenêtre, met comme elle peut un pendentif autour de son cou,
les balles dans le barillet, le canon bien au fond de sa bouche, ferme les yeux et appuie sur la détente.

La pendule du couloir a sonné huit heures. L'heure à laquelle l'infirmière passe chaque jour.
Qui a sonné trois fois à la grille. Avant d'appeler depuis son portable sur le téléphone fixe.
De se rendre compte que la grille n'était pas fermée à clé. Ni la porte d'entrée.
Un mot pour les petits-enfants sur l'abattant du secrétaire. La tapisserie pleine d'éclats de chair.
Le ciel bas. Toujours gris. D'une blancheur spectrale. Des bouts d'os et de cervelle.
La jeune femme a hurlé Mon Dieu ! une dizaine de fois. Peut-être plus.
Avant d'appeler des secours depuis son téléphone portable.
Près de la télévision, la photo de mariage avec Robert, en uniforme, éclaboussée de sang.
Il fallut appeler un fils qui vivait à l'autre bout du pays. Qui ne venait pas la voir.
Dans cette maison qui sentait la cire, la poudre, le café au lait. Et la pluie sur les arbres.

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 03:03

 

 

En fait, je n'ai pas changé. Je le vois au sourire d'un enfant qui est moi.
Une photo du genre polaroid. Un peu jaunie. Un peu verdâtre. Et le bonheur solaire.
Je n'ai pas changé. Au contraire. Je me suis retrouvé.
Quand je m'étais perdu à l'arrivée du sexe. A celle de l'alcool et des amours faciles.
Que j'ai erré vingt ans dans mes débordements, mes déboires, et mes aveuglements.
En fait, je n'ai pas changé. Je me suis retrouvé.
Heureux de voir ce môme que j'imaginais mort. Que je croyais perdu.
J'en étais persuadé, au malaise vagal : Paris l'avait tué. Je l'avais tué moi-même.
Et mon coeur était sec. Le coeur bon pour la casse. Insensible. Incapable de me reconnaître.
Qu'avais-je fait de moi ?

Crois-moi. Ce n'est pas toi qui dois penser que j'ai changé.
Mais les proches, à l'époque, mes parents, mes amis,
qui auraient dû le faire, l'ont fait sans doute, quand j'ai basculé,
un beau jour, une nuit, et renversé la table, ou mis le feu aux poudres,
sombré dans les vertiges de ténèbres délicieusement romantiques,
des choses que je trouvais, à 16 ans, 17 ans, sulfureuses et subversives.
Aujourd'hui, je l'écris, il est bon de vieillir.
Avec cette amertume d'avoir blessé du monde.
Mes parents les premiers. Que j'ai voulu tromper.
Au fond, tu me trouves comme avant le cataclysme. Tel qu'on m'avait connu.
Quand c'est toi qui as chassé des noirceurs obsolètes, des postures dépassées,
des ardeurs désuètes. Au milieu des décombres, l'enfant réapparu.
Dans l'adulte que je désespérais de pouvoir devenir.
C'est l'aurore tardive. Qui a la beauté de ce que l'on a attendu longtemps.
De ce que l'on a attendu toute sa vie. Toi.

Toi qui me libères du poids de l'apparence, du poids des illusions, du poids de la colère.
Toi qui me délivres du poids de l'inutile, en étant l'essentiel : ce que je bois, ce que je mange.
Toi qui es ce que je respire. Rendant même au désir ce à quoi il aspire.
Etre beau pour lui-même. Ou ne s'assouvir que de toi.
Que je bois, que je mange. Que j'attends. Que j'adore et chéris.
C'est une peau de lait qui fait bouillir mon sang. Des yeux purs et si vrais que l'on brille dedans.
Toi et moi enlacés, détachés, l'un à l'autre mais libres, quand les liens qui nous lient
ne nous attachent pas. Que les chaînes s'allègent quand elles sont éternelles.
La contrainte disparaît quand le temps n'a plus cours.

Je n'ai pas changé. C'est la même folie. Le même ésotérisme.
Qui s'étaient retournés contre moi trop longtemps. Avaient raison de moi.
M'asphyxiaient peu à peu. Réduisant l'atmosphère et les lignes d'horizon.
A l'air que j'expirais j'inspirais le poison. Et j'attendais ma pâque, brisé, les bras en croix.
Expiant trop de fautes et demandant pardon. En venant, te voici : j'ai pu dire merci.
Me repaître du mot qui est celui de l'enfance. D'une enfance bénie qui ne s'excuse pas.
Le bonheur, c'est merci. C'est dès mon plus jeune âge. Aux lumières du monde.
Rendre grâce à la vie. Au plaisir d'être encore.
Quand tout change un été. L'espace d'une seconde.
Le retour à ma ville. Le retour à ma mère. Le retour à bon port.
Si tout change un été, je m'y suis retrouvé. Nez à nez avec toi.
Tu me vois. Tu le sais. Ce n'est pas moi qui ai changé.
C'est Mister Hyde qui est mort.

          

 

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 20:43

 

 

J'ai été une peste
qui ne doutait de rien.
Sans demander mon reste,
je défaisais les liens.

En me blessant moi-même,
je me faisais du bien.
Refusant que l'on m'aime.
Le Diable s'en souvient.

Au revers de ma veste,
Mister Hyde se retient.
Il a eu la main leste.
M'a fait un mal de chien.

Il se voulait bohème,
beau mais comme un vaurien.
A cours de stratagèmes
pour fuir le quotidien.

Ce moi que je déteste,
qui ne doutait de rien,
je l'ai tué, je l'atteste,
sans pitié, comme un chien.

En me blessant moi-même,
je ne sentais plus rien.
Mutilé à l'extrême.
Ce suicide est le mien.

De ce duel funeste,
seul l'amour s'en sort bien.
Il est là, plus un geste.
C'est l'espoir qui revient.

 


 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 11:42

 

 

Ce devait être du côté de St Cyprien, j'imagine, quand je me rappelle vaguement
m'être réveillé Rive Gauche, entre le Pont St-Pierre, celui des Catalans,
et que je ne me bourrais pas la gueule qu'à Bordeaux ou Paris, mais aussi à Toulouse.
Je m'étais fait engueuler, et presque foutre dehors. J'avais pissé mon whisky dans le lit.
Réveil en fanfare, avec un visage inconnu dont je me souvenais à peine pour me faire les gros yeux :
" mais, mais... c'est mouillé... ça sent le pipi !... "
Misère... ça sent le whisky, dont j'étais imbibé. Un breuvage que ma vessie ne pouvait plus contenir.
Prête à céder quand je ne sentais plus rien. Une éponge alcoolisée qui me jouait des tours.
" Oh... ai-je dit d'un ton grognon... ça va sécher, pas de panique... "
Je voulais simplement me retourner et dormir encore. Qu'on me foute la paix.
Mais je n'étais pas chez moi. Et la voix, offusquée, n'était pas décidée à me lâcher la grappe.
" Le matelas est foutu ! Les draps, je peux les laver. Mais le matelas !... "
Je ne sais pas si l'on m'a accordé le temps de prendre une douche avant de débarrasser le plancher.
Je m'étais rhabillé, et je me revois, luttant contre un terrible mal de crâne, sur un coin de table,
et mon initiative, en train de signer un chèque pour que la voix s'arrête de crier une fois pour toutes.
" Tiens, avec ça, tu devrais pouvoir t'acheter un matelas neuf... meilleur encore que celui-ci... "
Et j'étais parti les cheveux en pétard, tenant à peine debout, avec dans les oreilles, la voix stridente
qui continuait à se lamenter derrière la porte, m'accompagnait jusqu'à la voiture que je n'avais pas.
Ou que j'avais peut-être. Garée diable sait où. Il me fallait rentrer pour dormir au plus vite.

Le corps saturé d'alcool, que je transpirais et pissais parfois dans mon sommeil, il est vrai,
tant les doses étaient déraisonnables, je pouvais malgré tout jouir de la ville au matin.
Sentir l'air brumeux de Garonne m'envelopper et me porter dans les rues vides et tranquilles.
Comme j'aimais ces sorties de boîtes ou d'adresses étranges, dont je ne me rappelais pas ou peu
comment j'avais pu m'y trouver, traversant sur des jambes en coton la Place des Innocents, à Paris,
la Concorde ou Bastille, des endroits familiers comme des lieux inédits qui ne m'inquiétaient guère.
Une pente naturelle vers un carrefour fréquenté, où la circulation semble plus dense, trouver un plan,
sur un abribus ou dans une bouche de métro, utiliser mes derniers neurones connectés pour rentrer.
Je ne me réveillais pas toujours chez moi. Capable d'ouvrir l'oeil aux côtés d'une personne seule,
comme au milieu d'un couple, habitué à me sauver discrètement sur la pointe des pieds,
pour ne réveiller personne, quand j'étais un pro du retrouvage de fringues dans une chambre inconnue.
Attentif à la respiration du sommeil, aux craquements de parquet, je pouvais, même dans le noir,
retrouver une chaussette, un caleçon, la bonne chemise, le bon froc, une chaussure, quand ma hantise
était toujours de pouvoir rassembler carte bleue, clés de maison, de voiture quand il y en avait une,
et téléphone portable, mes organes vitaux, que j'avais l'habitude de perdre une fois sur deux ou trois.
J'adorais m'enfuir à la sauvette. Comme un voleur qui ne volait rien. Eviter l'embarras du face à face.
Et des " je te laisse mon numéro de téléphone ? " quand personne n'en a véritablement envie.
Mais, quand les doses de whisky étaient telles que j'étais en quasi coma éthylique, anesthésié,
incapable de me sortir de là à temps, il me fallait bien affronter mes victimes, et les découvrir souvent.
Pour des réveils agités comme celui du matelas à changer, il y en avait de moins violents,
de plus doux, de plus accueillants, de plus voluptueux, quand ils réservaient tous une part de surprise.

A Toulouse toujours, j'ai le souvenir d'une chambre, assez vaste, gentiment éclairée par un soleil franc,
de midi ou pas loin, filtré par des volets clos ajourés et des voilages de couleur. J'étais bien.
Pas de gueule de bois. Ou à peine. Dans des draps qui sentaient la lessive. Je n'avais pas pissé.
Je vous rassure. Lorsque les fois où c'est arrivé se comptent sur les doigts d'une main. Ou des deux.
Enfin, c'était accidentel. A tel point que je ne vérifie pas ce genre de choses en me réveillant ici.
J'ai bu comme un trou. Evidemment. Et ce sont les black out qui eux, étaient systématiques.
Comme au jeu Tournez Manège, allait venir le moment où il allait bien falloir tirer la porte ou le rideau,
pour découvrir sur qui j'étais tombé cette fois, quelle personne avait été assez saoule pour être séduite
et me ramener chez elle, tenter d'obtenir de moi un quelconque plaisir sexuel en pilote automatique.
J'étais nu sous le drap près d'une personne seule. Qui me tournait le dos et finit par s'éveiller à son tour.
Je n'avais pas fui quand j'en avais eu le temps. Etais resté dans ce lit dont on ne m'avait pas chassé.
Essayant de me rappeler je suppose, quelque chose de la nuit passée. Rien ne m'est revenu.
Un jeune homme plutôt blond, au visage facétieux, se redresse sur un coude en m'offrant un sourire.
Il porte une moustache. Je ne le trouve pas moche. Il est plutôt plaisant. Me demande si je vais bien.
Et si j'ai bien dormi. Je souris vaguement en répondant deux fois oui. Sa moustache me chatouille le nez
et je manque d'éternuer au moment d'un baiser qui me tombe dessus. Que je ne repousse pas.
Quelqu'un ouvre la porte franchement, fait irruption dans la pièce pour ouvrir les volets et la fenêtre.
" Debout les garçons ! Nous passons à table ! Tout le monde est prêt, il ne manque plus que vous ! "
Je regarde mon camarade de fortune, interloqué. " C'est une journée magnifique, il faut en profiter ! "
Le jeune homme n'a pas le temps de me présenter sa mère qui est déjà sortie de la chambre.
Je ne pose pas de questions. M'habille pour l'imiter. Abasourdi. J'en tente une tout de même :
" Excuse-moi... où sommes-nous ?
- Chez moi, à Muret. Tu ne te rappelles pas ? "

Réveil étonnant que ce déjeuner en famille dans le jardin d'un pavillon de la banlieue toulousaine.
Je me retrouve assis dans un fauteuil en plastique, entre mon moustachu et son jeune frère pré-ado.
Il y a une jeune femme qui doit être leur soeur, avec son petit copain. On me sert des frites. Et à boire.
En effet, il fait beau. On a ouvert un parasol. On ne me demande rien, comme si j'étais à ma place.
Je crois comprendre que maman élève ses enfants toute seule. Trop enjouée pour être honnête.
La pudeur d'une mère dépressive. Qui me demande seulement mon prénom, dans un sourire sincère.
J'avais déjà connu des situations pittoresques, me réveillant une fois au milieu de têtes de mort,
une autre dans un lit à baldaquin colonial, au fin fond de St-Ouen ou du Queens, parfois tétanisé,
ouvrant l'oeil au milieu d'une flopée de yorkshires qui me faisaient la fête et me léchaient les doigts,
comme dans un squat où il me fallut enjamber des gens qui dormaient par terre pour me sortir de là,
ou bien la queue entre les jambes, comme à la sortie d'une suite du Ritz, mes chaussures à la main,
où j'ai fait marrer des garçons d'étage complices, soumis à la discrétion.
Mais je dois dire que ce repas du dimanche improvisé fut des plus folkloriques et des plus attachants.
Un One Night Stand transformé en Bed&Breakfast des plus conviviaux. Le temps d'un brunch.
Je n'avais bien sûr aucune intention de revoir mon camarade de jeu, chose qu'il avait déjà comprise,
lorsque je n'avais qu'une idée en tête, au milieu des sourires : comment allais-je rentrer chez moi.
Merveilleusement accueilli, tout le monde m'a raccompagné au portail où s'échangèrent d'étranges :
" A bientôt ? ", jusque dans la voiture où mon moustachu m'attendait pour me ramener à Toulouse.

Retrouver la sortie d'un immeuble à Perpignan s'était avéré plus compliqué que prévu.
J'avais pourtant réussi à sortir de l'appartement sans faire de bruit. N'avais rien perdu de mes affaires.
Malheureusement, une fois au rez-de-chaussée, dans l'entrée, près des boîtes aux lettres, rien à faire.
Impossible d'ouvrir la porte. Pas d'interrupteurs pour déverrouiller. Pas de concierge. J'étais coincé.
J'ai dû rebrousser chemin, me retrouvant dans une cour intérieure qui servait de parking, à ciel ouvert.
Les murs étaient hauts. Et je n'ai eu d'autres choix que d'escalader le portail électrique de la résidence.
Au passage d'une voiture de police. Qui a ralenti. Mais ne s'est pas arrêtée. M'ayant considéré.
Je devais me faire une raison. Sans en prendre ombrage. J'avais moins l'allure d'un cambrioleur en fuite
que d'un mec parfaitement bourré et perdu qui s'était manifestement réveillé ailleurs que chez lui.
Et n'avait pas été foutu de trouver le moyen d'ouvrir la porte sécurisée d'un bâtiment moderne.
Après m'être réceptionné comme j'ai pu sur le trottoir, j'ai tapoté mes bras et mes épaules,
réajustant ma veste, des mèches dans mes cheveux, pour marcher dignement, ce jusqu'au centre-ville.
Laissant derrière moi une centième personne dont j'ignorais le prénom. Encore ivre de la veille.
Reprenant conscience à mon rythme dans cette marche vers la surface, réincarnant mon corps,
qui à travers les rues, l'activité de la ville, anonyme, me donnait le temps d'embrasser la vie qui revenait.
La marche nécessaire pour revenir à moi. Pour revenir en moi. Remonter aux hublots de mes yeux.
Dissiper les brumes de Garonne. De la Seine. Sans l'ombre d'un scrupule. Sans sentiment de honte.
Etonné d'être en vie. Et ivre d'être vivant.

 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 02:45

 

 

Je ne dormirai pas sans avoir dit merci. Sans avoir dit je t'aime.
Je suis déjà au lit. Mais je ne peux dormir. Sans te l'avoir écrit.
Je ne tournerai pas la page de ce jour sans l'avoir une fois gravé dans notre écorce.
Comme un heureux bilan, celui de la journée, qui pourra me bercer, me faire de beaux rêves.
Il me faut le taper, le dicter ou l'inscrire, le noter quelque part pour tuer l'insomnie.
Pour m'endormir confiant au creux d'un oreiller, à écouter la nuit à l'abri de la pluie.


 

 

Philippe LATGER
Novembre 2011 à Perpignan

 

 

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