Son visage était encadré de bois rouge,
baigné dans une lumière orange, verni de reflets ou silhouettes.
Cette photo m'accompagnait partout.
Elle y portait le chemisier avec lequel nous l'avons enterrée.
Son départ en février 97 avait, au bas mot, changé la donne.
L'appartement à Bordeaux n'avait plus aucune raison d'être.
Nous avions perdu une guerre.
Mais les perdants aussi jouissent de la paix qui lui succède.
Mon frère me l'a dit. Sans détours.
Sur la plage familiale de Ste Marie la Mer.
Cette plage où nous avions notre résidence d'été.
Nous nous y sommes retrouvés, cette année encore. Sans elle.
Pour pleurer. Rire. Pour réfléchir. Ne penser à rien. Ou être ensemble.
" Depuis le temps que tu parles d'Amérique... Pars maintenant.
Plus rien ne te retient en France... si tu dois le faire un jour, c'est aujourd'hui... "
Sans doute. Je n'avais pas de famille à nourrir. Pas de couple à préserver.
Pas d'emploi à conserver. Pas même d'études à terminer.
Jean-François avait raison.
J'avais 25 ans.
Plus de mère pour s'inquiéter de mon départ, de mon avenir.
Une vie à construire. Une nouvelle. Puisqu'on renaît à la mort de sa mère.
C'est un paradoxe. Cruel. Implacable.
J'avais tué l'enfant en moi en partant à New York trois ans plus tôt.
Maman l'avait achevé en mourant, l'avait emporté avec elle, définitivement.
J'étais une boîte vide. Une terre vierge. Nettoyé par une explosion nucléaire.
Il fallait que je replante. Il fallait que je remplisse la boîte pour ne pas sombrer.
Partir en Amérique. Oui... c'était le moment.
Philippe LATGER