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21 juillet 2010 3 21 /07 /juillet /2010 01:09

 

 

Le moustique attiré par la lumière de l'ampoule.
J'allais me cramer les ailes sur mon écran d'ordinateur. Une seconde fois.

( ... )

T'ai-je parlé de mes angoisses ? De mes insomnies ? De mon Mister Hyde ?
Ce moi qui fait tant de conneries quand je suis bourré ?
Qui me fait tant de mal dès que je l'ai le dos tourné ?
T'ai-je parlé de mon alcoolisme ? Du décès de ma mère ?...
T'ai-je parlé de Manuel de Falla ?

Oui... du repos. J'ai besoin de repos. Besoin de boire et d'oublier.
Besoin de m'oublier. De sortir de moi-même. D'être quelqu'un d'autre.

( ... )

L'inox de la bouilloire déformait tous les objets reflétés,
arrondissait les arrêtes de la pièce, jusqu'à mon visage grotesque,
qui s'étirait lorsque je l'en approchais par jeu.
Nu devant les plaques électriques, je faisais chauffer de l'eau pour mon café.
Il faisait déjà nuit et la lumière chaude de la cuisine m'enveloppait.
J'allais me doper au café soluble pour tenir jusqu'à l'aube.
Et à la musique de Jean Leloup peut-être... ou de Marc Déry.

Marc Déry... Pourquoi ne le connaissions-nous pas en France ?
Ce type est génial. Sa musique est géniale...
Qu'est-ce que j'allais chercher au juste dans le whisky-coke du Unity ?
Mais nous ne connaissions pas plus Claude Lamothe,
ni Yves Lambert et La Bottine Souriante.
Suite Indian Intermezzo dans les Vacances de Monsieur Lambert.
L'intro aérienne me donnait toujours le frisson...
Et me fait encore pleurer. Des années plus tard.

( ... )

 

Il m'avait choisi comme escorte pour un cocktail, une présentation dans un show room
sur Ste Catherine Ouest, côté anglophone, côté fric, côté glamour et business,
loin de la Ste Catherine déglinguée de l'UQAM et du Village, avec ses putes et ses junkies.
Il y avait des créateurs de Montréal, des designers et des attachés de presse.
Des coupes de champagne à vider. Des sourires polis à distribuer avec un air cynique.
Des mannequins à ignorer dans une grimace dégoûtée quand on les désire irrémédiablement.
Bouffi par l'alcool, déshydraté, je me contentais d'être là, de me tenir debout.
Une des rares fois que nous nous sommes vus en dehors de la boîte.
Une chroniqueuse mondaine, un journaliste, une assistante, un décorateur,
de ses amis, de ses connaissances, à qui il fallait serrer ou baiser la main.
Un petit monde enclavé dans la médiocrité francophone, imbu de lui-même,
à qui je donnais du nice to meet you devinant le dédain pour ma langue maternelle.
Certains tentèrent un début de conversation. Je fuyais leur regard et coupais court.
Je ne comprenais pas ce qu'ils me disaient, de toute façon.
Mais je n'avais ni le courage, ni la volonté de faire les efforts
épuisants pour moi d'un échange en anglais.
Quitte à passer pour un malade mental ou un goujat.
Mister Hyde était plus à l'aise pour séduire les touristes US dans l'obscurité d'un bar.
Comme par magie, il savait avec virtuosité contourner les lacunes, retomber sur ses pattes,
arriver au bout de ce qu'il voulait exprimer, se débrouiller avec le tout-venant
pour développer une idée, même complexe, optimiser son piètre vocabulaire
pour décrocher des mots oubliés ou inconnus, en reconnaître d'autres, suffisamment,
pour comprendre le sens d'une question ou d'une réponse.
L'alcool endort la sensation d'effort physique, comme l'impression d'effort intellectuel.
Ramollissant tous les muscles, il les rend insensibles à la douleur comme à la pénibilité.
Et puis, parler une langue étrangère, c'est comme danser, draguer, ou conduire une voiture.
Il faut faire les choses sans y penser, sans s'y arrêter. La moindre hésitation, le moindre doute,
vous fait risquer la chute, l'accident, ou le ridicule.
Je n'avais pas encore assez bu à ce stade de la soirée. Je réfléchissais trop.
Me demandais ce que je foutais là. Ne sachant que faire de mes mains.
Je les occupais donc, comme toujours, à fumer et à boire.
Suppliant Hyde de venir me tirer d'affaire.

 

 




Philippe LATGER

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