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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 07:33

 

 

L'aigreur. Brûlures d'estomac. L'acidité du jus de citron sans doute.
Son petit frère avait reposé le verre, ça ne lui avait pas plu du tout.
Dans les grands verres à orangeade, maman avait versé ce qui devait être un rafraîchissement.
A l'ombre de la pergola prête à céder sous le bougainvillier à la monstrueuse floraison rose.
Au-delà, le soleil était blanc. La chaleur accablante. Enivrante. Et la sieste s'imposait.
Nous étions sortis de table. Les cigales s'en donnaient à coeur joie.
Leur tintamarre assourdissant devenait aussi envahissant qu'angoissant.
A ces heures d'inaction où les adultes disparaissaient dans leurs chambres.
Laissant seul le baby-sitter, repus, somnolant sur sa chaise longue.
C'était l'heure de la digestion. Trop tôt pour aller s'ébrouer dans la piscine.
Louis s'était endormi sur la banquette marocaine à l'ombre de la tonnelle.
Sur ses cahiers de coloriage. La joue écrasée sur un coussin. La bouche ouverte.
Emma se rendit compte qu'elle était la seule à veiller encore sur la maison.
Alexandre, dans son débardeur blanc, ronflait sous un chapeau de paille.
Papa et maman s'étaient retirés à l'étage. Et elle n'avait pas sommeil.
Seulement mal au ventre. Sous ce ciel bleu menaçant au-dessus de cet océan de cigales.
Lever la tête et plisser les yeux au soleil éblouissant lui donna le vertige. Elle dû se tenir.
Ses jambes étaient en coton. Le sol se dérobait sous ses pieds. Elle ne se sentait pas bien.
Le vacarme de la cymbalisation amplifiée par des milliers d'insectes invisibles
l'oppressait au point de la rendre folle. Elle voulut courir à l'intérieur sans pouvoir bouger.
Elle serrait très fort le fer forgé du dossier de la chaise auquel elle s'agrippait.
Quand tout tournait autour d'elle. Incapable de prononcer un mot quand elle avait envie de crier.
Une chose pourtant, soudain, bien que discrète, vint enfin la tirer de sa torpeur.
Emma s'aperçut qu'elle n'était pas la seule encore éveillée. Ce qui la rassura un peu.
Sur la terrasse, apparut la silhouette féline de la chatte de la maison. A pas de velours.
Ce qui eut pour effet immédiat de mettre fin au vertige nauséeux de la petite fille.

Emma allait joyeusement s'élancer vers Marette qui s'apprêtait manifestement à rejoindre Louis.
Elle s'arrêta net et regarda fixement Emma qui se figea à son tour pétrifiée par ce qu'elle crut voir.
La chatte reprit tranquillement sa marche indolente jusqu'à la banquette où dormait son petit frère.
Y parvint aisément en sautant avant de s'allonger de tout son long à l'endroit où la toile était fraîche.
Emma se frotta les yeux un moment. Chercha à bonne distance le regard de Marette qui ronronnait.
Heureuse d'avoir trouvé le lieu où un léger courant d'air rendait la canicule supportable,
la bête fermait les yeux, déterminée à ne rien faire de plus que le reste de la famille.
Inquiète, Emma se demanda si elle avait rêvé. Si elle avait eu une hallucination.
Etait-ce la chaleur ? Le jus de citron ? Avait-elle de la fièvre suite à une insolation ?
L'espace d'une seconde, elle aurait juré...
" Tu ne dors pas ? "
Alexandre avait relevé le bord de son chapeau et lui adressa un sourire un peu désolé.
" Non. Je n'ai pas sommeil... " Elle hésita un instant et renonça à lui parler de son mal au ventre.
Le baby-sitter savait qu'il aurait dû se lever et lui proposer une activité pour lui tenir compagnie,
mais il manquait de courage. La chaleur le clouait à la chilienne transformée en hamac.
" Tu devrais te reposer un peu. Allonge-toi avec un livre... " proposa-t-il mollement.
Embarrassé à l'idée que la petite fille puisse s'ennuyer, il jeta un oeil alentour sur la terrasse,
sur Louis qu'il était content de voir assoupi, et n'eut pas le temps de faire d'autres suggestions.
Ce grand dadais s'était rendormi. Ce qui aurait d'ordinaire beaucoup amusé Emma.
Mais ce qu'elle avait vu l'avait tellement impressionnée qu'elle n'avait pas le coeur à rire.
Elle était encore sous le choc. En avait froid dans le dos.
Ce qui était une drôle de sensation par une chaleur pareille.
Il lui fallait vérifier par elle-même que ce qu'elle avait pensé voir n'était pas vrai.
D'ailleurs, ce n'était pas possible. Et elle devait s'assurer que tout était normal.
Elle dut se faire violence pour s'approcher de Marette. Elle l'appela doucement.
La chatte tourna la tête vers elle, impassible, ouvrit ses yeux de chat avant de les refermer.
Ce qui tranquillisa complètement Emma qui vint s'asseoir auprès d'elle pour la caresser.
L'espace d'une seconde, et cela lui avait glacé le sang, Emma avait cru voir
que les yeux de Marette étaient ceux d'un humain.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

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