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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 00:26

 

 

A chaque accord, sur le piano, qui pleut à ma cadence, la main lourde,
je plonge mes doigts dans mes plaies, et dans mes veines,
j'arrache un coeur à perdre haleine, sur une marche, presque funèbre,
lorsque des cuivres de fanfares ou d'harmonies, depuis un kiosque,
se déploient dans ma grimace, dans ma poitrine, et mes vertèbres.
Au tempo d'une trotteuse, chaque seconde est martelée, sur le clavier,
au feutre de ma peau usée, sur des cordes qui se dénouent, un peu plus à chaque vague
qui écume à mes hublots, laisse en se retirant un regard flou et des regrets.
Je joue la mort au corbillard de mon piano, noir et laqué, et au panache des chevaux,
la fin d'un épisode ou de cette page à tourner, le déchirement, écartelé, sur le clavier,
entre ce que j'ai aimé, avant, et ce que je pourrais aimer, après.
Les trombones obséquieux, qui cherchent la lumière, s'élèvent dans nos crinières,
quand je serre les mâchoires, marquant la pulsation comme à un compte à rebours.
Les cors aussi semblent d'accord, pour mimer l'aube, l'or de l'aurore, du petit jour,
quand j'étais bien dans cette nuit, que la quitter me fend l'armure,
brise mon coeur ou broie mon corps.
L'espoir présent dans la débâcle me triture le ventre et le cerveau.
Me tord le cou et les boyaux. Comme à l'heure du départ. Quand on ne veut pas partir.
Et ma main gauche continue, pour faire durer le plaisir. Ou pour reculer l'échéance.
Mon sourire est monstrueux. Celui qu'on fait pour ne pas pleurer.
Qu'on fait pour transformer l'essai. Tenir le rythme et la distance.
Quand il faut aller au bout.
L'accordéon s'épuise.
Ma main restera en l'air.
L'index levé.
Le noir est fait.

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 02:03

 

 

Je sors du bloc.
Anesthésie générale.
Quand le charme s'opère.

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 02:21

 

 

Bon sang, ça y est. Je la tiens !...
J'avais fermé la porte fenêtre de mon étage, laissant la rue derrière moi.
J'avais laissé la nuit dans la ruelle et mes pupilles se sont ouvertes ou dilatées.
Demi-tour. Je rouvre, le coeur battant, et empoigne mon garde-fou. Le nez tendu.
Bon sang. C'est elle. Elle est revenue. Je la sens. Je la cherche. Pris de panique.
C'est dehors qu'elle rôde. Pas tout à fait imperceptible. Et je lève le menton.
Je m'étire. Aux losanges de fer forgé du bastingage de ma façade, je m'allonge,
prêt à basculer, à plonger dans le feuillage de mon platane, à nager dans le vide.
Immobile. Comme si le moindre geste pouvait tout compromettre soudain.
Je suis un chien à l'arrêt. Le museau en l'air. Concentré. Prêt à bondir.
Je ne rentrerai pas sans l'avoir capturée. Je la veux. Je respire.
Sûr de n'avoir pas rêvé. Quand un frisson m'a parcouru à son signalement.
Je ne la lâcherai pas. Saleté de madeleine. Je sais que c'est elle.
Cette odeur de l'été...

J'ai envie de chialer. Cela me bouleverse. Me crève le coeur et me ravit à la fois.
En accéléré, le film me balance des taches d'images de vieux super 8 qui déraillent.
Les pentes douces de pelouses de la maison de Bompas sous l'immense olivier,
aux miracles du crépuscule qui n'en finissait pas, aux bosquets de yuccas,
quand le ciel s'élargissait, semblait reculer à mesure que la soirée s'installait,
s'approfondissait toujours davantage pour recueillir le soleil couchant.
Des étoiles commençaient à percer faiblement aux bruits des asperseurs,
dans un jardin plus grand que jamais qui sentait l'herbe coupée à plein nez.
Et la fuite du ciel ne cessait d'emporter ses lumières turquoises qui résistaient toujours.
Pour situer le soleil au-delà qui devait être déjà loin quelque part sur l'Atlantique.
Le jour ne voulait pas me quitter quand la nuit piétinait à la porte et attendait son tour.
Que la lune, agacée qu'on l'éclipse, avait déjà pris place en attendant d'être seule à briller.
Et moi-même, tiraillé entre la mélancolie du jour qui s'en va et la joie de la nuit qui arrive,
j'avais l'intuition de ce que l'amour procure de contrastes et de contradictions.
C'est d'amour il faut dire, que l'adolescent se prenait à rêver.
Puisque c'est ce que lui inspirait ce paroxysme étrange de tristesse et de sensualité.
Sans visage précis, sans prénom particulier, j'avais envie d'aimer, envie d'être deux,
souffrais de ne pas l'être, quand j'étais décidé et fin prêt à aimer être amoureux.
La nuit, c'était la fête, avec son mélange d'insouciance et d'angoisse.
Lorsque les ombres contenaient leurs mystères, leurs menaces, le goût de l'interdit.
A ses portes, le jour qui m'échappait m'arrachait physiquement une part de moi-même.
Une douleur subtile et délicieuse. Celle du temps qui passe. Celle du temps perdu.
Le deuil de ce que j'ai été, l'espace d'une journée, et de ce que je ne serais plus.
A ce point de bascule, la nostalgie le disputait à mon excitation.
L'euphorie au regret. Le chagrin à l'espoir. Le blues à l'impatience.
Quand chaque crépuscule incarnait tous les soirs les conflits voluptueux de mon adolescence.
Le spleen de voir partir le bonheur de l'enfance, édénique, et solaire, dans les bras de ma mère.
Le désir d'en découdre, dévorer l'âge adulte, attiré par le large, le danger et d'autres expériences.
Super 8 qui se bloque sur la lampe soudain. Le film fond à la chaleur. C'est un blanc qui se fait.

C'est aussi indéfinissable que le parfum de la branche de tomate.
Cette sensation que Barbara essayait de saisir à l'élection de Mitterrand j'imagine.
Quelque chose a changé. L'air semble plus léger... C'est presque insupportable.
De ne pouvoir décrire exactement ce que ce c'est. Ce que je sens.
J'inspire à fond. J'inspire. C'est le platane sans doute. Les feuilles du platane. La chlorophylle.
L'herbe coupée. Les asperseurs. Une fraîcheur tranquille qui est moins de chaleur.
C'est quand il a fait chaud. Qu'il le fait un peu moins. Que la peau réagit. Qu'il fait doux.
Une caresse. La plus érotique de toutes. Toute la vie en éveil. L'écume des odeurs.
Et l'ivresse me poignarde. Et mon coeur s'époumone. A respirer l'été qui revient sur ma ville.
J'ai rêvé de l'amour. Qui avait ton visage. Qui portait ton prénom. Et je n'en savais rien.
Aux jardins de Bompas, aux essences des cyprès, j'imaginais tes yeux et j'embrassais ta bouche.
Je voulais être deux et ce souhait à lui seul avait donc ce pouvoir de rendre un homme heureux.
Je le suis davantage, aujourd'hui, à mon âge, quand je sais qu'être deux c'était être avec toi.
Respirer mon enfance, ma jeunesse et mes quêtes d'absolu, me renvoie la saudade du succès,
de l'objectif atteint, du bonheur absolu et complet d'avoir su t'attendre et puis te rencontrer.
Le vertige est parfait. Et je pourrais mourir. A cet instant précis. Comblé de pouvoir l'être.
A mon arbre, à l'écorce, je sais que j'ai trouvé une moitié d'orange. La pulpe de ma chair.
La part manquante enfin ou mon entièreté. Qui vient m'ensorceler aux parfums de l'été.
Que la nuit devient vaste. Que la nuit devient claire. Comme de l'eau de roche.
Comme un ciel de juillet. Où je retrouve le goût du sel, des cigales, et des haies de cyprès.
La pêche de ta peau au fruit de ton épaule. Que je meurs de croquer pour me fondre avec lui.
La poitrine s'élargit. Toutes les cloisons reculent. L'espace est infini. Se dématérialise.
Tu es l'été de retour. Tu es l'amour de l'amour. Et mon coeur qui s'enlise.
Perpignan redorée de son aspect magique. Frémissante d'envies. De toutes les permissions.
Qui me promet autant qu'au jardin de l'enfance.
Et la lune complice n'a aucune objection.

Accro à l'été que je suis. Un vrai toxicomane.
Servez à l'alcoolique abstinent que je suis un seul whisky-coca.
Quand c'est de ce mélange, sans doute le plus vulgaire, que j'ai gardé l'empreinte.
Je n'aurai qu'à le porter à ma bouche, sans avoir à le boire, pour tout réanimer.
Une simple inspiration, au-dessus du verre, et ses effluves réveilleront mes diables.
La fête dans mon corps. Comme une effervescence. Dans mes fibres. Dans mes veines.
C'est cet effet coupable que me fait cet air doux dont je me suis saoulé.
Le retrouver ce soir ressuscite ma soif. La même fulgurance. J'en avais la mémoire.
Gardé le sceau. La trace. La marque indélébile. Et je le reconnais.
Cramponné à ma rampe, à mes branches, à mes bronches, je le prise à plein nez.
Je le sniffe comme un junkie en manque. Reconstruit tout à coup. C'est mon métabolisme.
Mes pupilles réagissent. Mes cils et mes cheveux. Les pores de ma peau.
Comme un poisson dans l'eau.
C'est bien elle, mon amour. Cette odeur de vacances, de plage et de bronzage.
De sable et de baisers. Qui nous enveloppait soudain au lieu de la rencontre.
Comme une pluie de cendres à ce feu d'artifice. Où j'ai été cramé à tes yeux étonnés.
Le feu aux poudres. Place Molière. La poudrière. Le poudrier. Et les flammèches.
De l'incendie qui danse et ne s'est pas éteint. Et qui danse toujours quand rien ne l'en empêche.
Je tends mon nez, balaie la zone, traque la sève ou son nectar, la composition, la formule,
de cet élixir de jouvence, l'aphrodisiaque imperceptible, délicatement diffusé, dans cette nuit
que je respire, que je caresse, heureux de pouvoir la goûter et de me laisser envoûter.
A cette drogue, le trouble est grand quand je comprends que le délire, s'il est possible,
me fait rêver à ce qui existe, quand l'amour invoqué n'est plus sans nom ni sans visage.
Une extase en appelle une autre. Le cerveau relie les saveurs, et les douceurs, l'ocytocine.
Tu es l'été et son odeur. Cette fragrance insaisissable. Vertigineuse. Sophistiquée.
Que je m'efforce de décrire sans jamais pouvoir l'expliquer.


 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 10:51

 

 

Les drapeaux français ont fleuri ailleurs que dans les meetings.
Sur les monuments aux morts. Quand j'ai emprunté le sentier sur la Têt.
Sur mes jambes, avançant au milieu des fleurs de pavot, des massifs de genêts,
des nuées de moucherons et d'enclos à chevaux, comme parfait exercice de l'après-déjeuner.
Je sors de Perpignan sur la berge indocile où poussent des coquelicots, à l'abri,
loin de toute circulation automobile, pour rejoindre des amis et des souvenirs ex aequo.
Mon chemin de Bompas. Où je viens faire mon lit. Aux chardons comme aux haies de roseaux.
Je ne suis le fleuve que jusqu'à mon village et son passage à gué.
Quand le ciel se refuse à donner la lumière de mai.
Marcher est un bonheur. Quand on va quelque part. L'utile à l'agréable.
S'éloigner du départ. Comme l'avion sur l'écran traversant l'océan.
La victoire des Alliés. 1945. D'une campagne à l'autre. D'autres drapeaux français.
Et chacun se déplace au gré de souvenirs. Quand je porte les miens pour façonner ma route.
Aux oiseaux migrateurs si bien organisés, je souris à l'idée que je suis dans la soute
d'un couloir aérien, en mouvement, de passage, d'un continent à l'autre,
du point A au point B, puisque c'est le chemin qui donne la direction,
qui fait notre origine et la destination.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

 

 

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 00:55

 

 

Imposteur à la Clinique du Pré.
Interné en psychiatrie. Quand l'objectif était d'échapper à mes obligations militaires.
La question tombait à la table du réfectoire. " Et toi ? Tu es là pour quoi ? "
Mes voisines étaient toutes en dépression.
Infirmières urgentistes. Enseignantes surmenées. Déconsidérées.
Femmes fraîchement divorcées. Esseulées. Abandonnées.
J'ai dit la vérité. " Je viens de perdre ma mère d'un cancer généralisé. "
Je ne voulais pas mentir à ces femmes qui jouaient franc jeu avec moi.
Imposteur cependant. Quand je n'étais pas là à cause de ce drame.
Je n'étais pas en dépression. N'avais aucun besoin clinique d'internement.
Et je me sentais misérable de me servir de la mort de maman pour me justifier.
Mais c'était un moyen pour moi de ne pas mentir tout à fait à ces femmes.
Je ne me voyais pas leur dire : " Je ne suis pas comme vous. "
J'avais fait jouer des relations. 10 jours d'internement.
Quand je prenais le risque d'y ajouter 10 mois de caserne à la sortie.
Mais les autorités militaires, en pleine réforme du Service National,
qui s'étaient crispées sur les derniers appelés, ont finalement lâché l'affaire.
Et j'avais gagné mon pari. Gagné ma liberté. Celle de faire ma vie. Et partir.
Tous les matins, à six heures, la porte de ma chambre particulière, individuelle,
qu'on ne pouvait pas verrouiller de l'intérieur, s'ouvrait systématiquement
au chariot de l'infirmière qui apparaissait dans la lumière du couloir
pour distribuer pilules, molécules, les doses prescrites à chacune des ordonnances.
Elle vérifiait à voix haute le numéro de la chambre et le nom de l'occupant.
" Alors... Monsieur Latger... voyons voir... "
Elle consultait ma fiche. Rien. Pas de camisole chimique. Aucun traitement.
Elle ne semblait pas s'en étonner. Bien décidée à ne pas se poser de questions.
Elle refermait la porte pour que je puisse me rendormir sur un simple " bonne journée ! ",
quand elle commençait la sienne et devrait administrer toutes ses drogues.
J'évitais au maximum les contacts à l'intérieur de l'établissement.
Ne sortais de ma chambre que pour aller dans le fumoir, juste en face,
quand j'étais certain d'y être seul. Où je ne m'éternisais jamais.
Lorsque quelqu'un venait m'y rejoindre, j'avais beau jeu de ne pas parler,
de m'enfermer dans un mutisme qui ne saurait être suspect dans ce genre d'endroit.
Ayant des autorisations de sortie pratiquement quotidiennes, des amis, de la famille,
tous complices, venaient me chercher l'après-midi, et je pouvais prolonger ma vie sociale,
quand j'étais tenu d'être rentré avant l'heure du dîner et dans ma chambre au couvre-feu.
En général, je ne descendais pas au réfectoire. J'avais mangé à l'extérieur.
Puisque j'avais eu ce privilège sur lequel je ne voulais surtout pas avoir à m'expliquer.
J'étais un intrus. Me sentais comme un espion infiltré en terrain ennemi. Un imposteur.
Me sentais comme un traitre au regard de ces femmes qui étaient là pour de bonnes raisons.
Quand elles n'étaient pas bonnes, pour la plupart, je le crains.

Lara Fabian chantait son single Je t'aime.
C'est sur cette chanson que j'ai été accueilli le premier jour à la clinique.
Le clip passait sur un téléviseur flanqué en hauteur au coin de la salle d'attente.
On préparait ma chambre. Comme il peut arriver dans un hôtel malgré sa réservation.
Une jeune femme est venue s'asseoir juste à côté de moi. Une résidente. Manifestement.
Qui a commencé à se balancer violemment d'avant en arrière au rythme de la chanson.
J'ai compris très vite qu'il s'agissait de sa part d'une parade nuptiale.
Lorsqu'elle ne m'a plus lâché, qu'elle m'a suivi jusque dans ma chambre.
J'ai eu un grand mal à m'en débarrasser quand je devais rester poli et courtois,
et que c'était, outre mon éducation et ma nature, une question de prudence.
J'ai dû me demander un instant ce que j'étais venu faire dans cette galère.
Quand certains avaient trouvé ma manoeuvre aussi immorale qu'indécente.
Que j'échange contre quelques bouteilles de champagne, le droit discutable
de payer ma pension dans un établissement psychiatrique, bien que privé...
Cela bien sûr avait choqué autour de moi.
En effet, je prenais la chambre, ou la place, de quelqu'un qui en aurait eu besoin.
Ou plus besoin que moi. Quand je n'en avais besoin que dans le cadre d'une supercherie.
Mais j'étais déterminé à ne pas laisser l'armée et la caserne me prendre dix mois de ma vie.
J'étais disposé à rendre un service civil qui ne m'a pas été accordé.
Je trouvais normal que chaque citoyen donne de sa personne pour la communauté.
Et j'aurais été ravi d'aider dans une association à lutter contre la drogue ou l'analphabétisme.
Mais dans la débâcle de l'institution accélérée par la réforme voulue par le Président Chirac,
j'étais de ceux, du fait de mon sexe, de ma date de naissance, et de mon manque de relations,
qui furent réduits au seul choix de tuer le temps pendant dix mois dans des baraquements.
Je n'avais pas les pistons nécessaires pour trouver les associations où me faire une place.
N'avais pas ceux qui m'auraient permis de partir à l'étranger dans le cadre de la coopération,
ou d'une entreprise, et les reports accordés pour suivre mes études étaient tous épuisés.
Pendant des années, voire des générations, seuls ceux qui voulaient faire l'armée la faisaient.
Quand on réformait tout le monde pour un oui ou pour un non, à la moindre réserve.
Je trouvais injuste que, pour des raisons de calendrier ou de réactions à des décisions politiques,
je me trouve obligé de faire le con en uniforme pendant presque un an de ma vie dans un lieu, où,
de surcroît, je n'aurais été utile à personne.
Ce n'était pas pour des raisons antimilitaristes. Quand je respecte l'armée et les militaires.
Ce n'était donc pas par conviction politique, mais par dépit face aux incohérences administratives.
Ce sont elles qui me poussaient à la fraude. Quand la fraude avait été la norme pendant des années.
Une des raisons d'ailleurs, pour lesquelles la réforme avait été votée.

Pas de raisons donc que je sois le seul à ne pas pouvoir me soustraire à mes obligations militaires.
D'autant plus à cette époque où l'on considérait que ces obligations n'avaient plus à l'être.
Que l'on avait pris le parti d'une armée de métier sur la base des engagements volontaires.
N'ayant donc pas les pistons utiles à faire mon service dans de bonnes conditions
- j'entends par bonnes intelligentes ou constructives - ni ceux permettant d'être réformé,
j'ai étudié mon réseau personnel en l'état et y ai trouvé cette option toute trouvée.
Un psy qui en connaissait d'autres. Et le plan fut vite rendu opérationnel.
Encore une fois, il n'y avait aucune garantie de succès.
Lorsque l'armée aurait pu m'intégrer directement à la sortie de mon internement.
Je prenais le risque, en connaissance de cause, de cumuler les enfermements.
Mais tout de même, dix mois, quand on a 24 ans et que l'on a aucun goût particulier
pour l'entretien des armes à feu ou la mécanique, aucun projet de carrière dans la défense,
cela valait la peine d'essayer. J'ai payé ma chambre au prix fort. Et fait profil bas.
Moins vis à vis de mes détracteurs à l'extérieur que par respect pour les résidents.
Je me foutais pas mal de la réprobation que mon choix avait pu susciter ici ou là.
Ceux qui me condamnaient n'étaient pas menacés de passer un an dans une caserne.
Ils pouvaient penser ce qu'ils voulaient de moi et en conclure ce qui les arrangeait.
Je venais de perdre ma mère, en effet, étais encore jeune, et n'avais pas l'intention de gâcher,
seulement pour briller à leurs yeux, ce temps dont je connaissais plus que jamais la valeur.
Le temps était précieux. Je l'ai toujours compris. Et la vie s'était chargée de me le rappeler.
C'est avec cette détermination de disposer de moi-même que je suis entré à la clinique.
Dix jours passés ici sur ma seule décision valaient mieux que dix mois en caserne contre mon gré.
D'autant que j'ai joué le jeu. Malgré mes privilèges. Et que j'ai fréquenté des fantômes.
Pris ma part à cette misère humaine. Qui errait dans les couloirs. Avec toute mon empathie.
Si j'avais le sentiment d'être un imposteur pour ne pas être à ma place, à vrai dire,
bien des résidents n'y étaient pas non plus, même si dispensés de culpabilité.
Des personnes âgées, manifestement, auraient été aussi bien dans des maisons de retraite.
De jeunes adultes, bien que toxicomanes, auraient pu sans doute être pris en charge autrement.
Quand tous étaient abandonnés. D'une façon ou d'une autre.
Par des enfants. Par des parents. Par des conjoints. Par des familles. Ou par leur hiérarchie.
Et j'ai l'intuition d'avoir appris plus en dix jours sur l'humanité, sur mes semblables,
comme sur moi-même, que je ne l'aurais fait ailleurs en dix mois.

J'avais fait mes trois jours. Avais déjà passé une nuit avec des inconnus à Tarascon.
Vécu ce bonheur de la mixité républicaine à nous retrouver en slip, tous ensemble,
dans les couloirs, à attendre de pouvoir exhiber sobrement nos organes génitaux
dans le cadre d'une visite médicale, à nous mélanger dans une salle de cinéma de fortune
pour regarder un film de guerre américain propre à louer les valeurs de circonstance.
Le courage. La loyauté. La discipline. Quand il fallait manger quand nous n'avions pas faim.
Quand il fallait dormir quand nous n'avions pas sommeil. Et nous lever aux aurores.
J'aurais pu, dans cette ambiance virile et fraternelle, avoir une révélation.
Que je n'ai pas eue. Avec tout le respect que je dois à ceux qui y ont trouvé leur vocation.
Quand je suis toujours reconnaissant aux garçons - et aux filles désormais ! -
qui risquent leur peau au service de notre nation, de notre pays, pour notre sécurité parfois,
pour des intérêts discutables souvent, mais n'ont pas peur du sacrifice d'eux-mêmes.
Et j'ai du mal avec les postures antimilitaristes, chaque fois que des cercueils reviennent,
d'Afghanistan par exemple, quand la guerre n'est pas le fait des militaires mais des politiques.
Que les soldats m'inspirent du respect et de l'estime, parfois même de l'admiration.
Dans cette abnégation dont je suis incapable.
Les pacifistes devraient s'en prendre aux politiques plutôt qu'aux militaires.
Quand ce sont les premiers qui donnent les ordres et déclarent les guerres.
Je peux rendre hommage aux seconds quand je sais que j'ai le profil type du déserteur.
Quand c'est bien de cela qu'il s'agit. Que c'est ce mot que j'ai inspiré à beaucoup.
A ceux qui ont trouvé de la lâcheté à mes manoeuvres indignes.
Puisqu'en effet, je n'ai pas ménagé ma peine pour échapper à mon devoir.
Nous sommes en 1997. Je vis en France. J'étudie les lettres modernes.
En parfait petit pédé qui a vécu dans les jupes de sa mère et n'a pas connu la guerre.
Et qui, je l'assume, et l'écris tranquillement, en cas de conscription, disparaîtrait dans la nature.
Préférant prendre le risque de me faire arrêter et fusiller par les miens,
que de me retrouver en situation de n'avoir d'autre choix que de tirer sur des hommes.
C'est un cas de conscience. Et je ne veux pas de morts d'hommes sur la mienne.
Ainsi, à choisir, je préfère être abattu comme un lâche qui refuse de se battre.
Je garderais alors une meilleure estime de moi-même.
Et si l'on ne peut pas présumer de ce que serait son comportement sur un champ de bataille,
des réactions que l'on y aurait, dans un contexte où il faut tenir compte de l'instinct de survie,
où il serait galvanisé dans une folie destructrice réveillant plus la monstruosité que l'animalité,
dans un déferlement de violence et d'horreurs, je peux dire, dans l'absolu, théoriquement,
que si l'on me forçait physiquement à prendre une arme et à tirer sur des ennemis désignés,
je préférerais retourner l'arme contre moi, me suicider, et me sauver,
plutôt que d'avoir à survivre à une telle situation.

Je ne veux pas savoir ce que ça fait d'avoir tué quelqu'un.
Il peut bien y avoir de bonnes ou de mauvaises raisons de le faire sans doute.
Des circonstances atténuantes. Accidentelles. De légitime défense. Que sais-je...
Je ne tiens pas à être en situation de pouvoir l'apprécier.
Et à l'admiration que je porte aux soldats, j'ai aussi beaucoup de compassion.
Pour ceux qui doivent vivre avec ce qu'ils ont vu, comme avec ce qu'ils ont dû faire.
Quand on peut se sentir coupable aussi bien, aussi fort, lorsqu'on n'a rien fait.
Seulement pour avoir été témoin de choses. Avoir la certitude d'y avoir participé.
Je ne pense probablement pas à cela dans le fumoir de la Clinique du Pré.
Je regarde peut-être le Canigou, par une fenêtre taillée comme une meurtrière,
en songeant seulement à mon objectif immédiat : me dégager de mes obligations.
Quand je considère, à l'heure de la réforme, qu'elles n'ont pas à être les miennes.
Quand j'ai d'autres projets. Que ma vie m'appartient.
Et que je n'ai pas l'intention de ne rien donner de ma vie à mon pays ou à mon peuple.
Ma vie entière, j'en fais le serment, sera donnée aux autres, et, autant que possible,
je n'économiserai rien, donnerai le meilleur à mes concitoyens, à ma nation,
à ceux qui partagent ma langue, jusqu'à mon dernier souffle.
Voilà bien un service. Qui durera semble-t'il un peu plus que dix mois.
Que je ne dois à personne. Que je ne dois qu'à moi. Mais que je vous rendrai.
La France, c'est le français. Ce n'est que cette langue.
Qui sera ma seule arme. La seule que j'accepte.
La seule que je prendrai.
Elle m'a porté ailleurs, jusqu'aux terres québécoises.
Où j'ai pu faire mes classes. Et aimer mon pays.
A Théza, au fumoir, je ne sais pas encore qu'on me réformera.
Qu'on lâchera l'affaire. Que l'on me permettra de prendre ma vie en main.
Que je serai libre de trouver par moi-même la meilleure discipline.
Et le meilleur moyen de devenir un homme.
Je deale avec ma honte. Celle d'être en ce lieu où je ne devrais pas être.
Imposteur que je suis. Déserteur en puissance.
Et déjà je devais me promettre d'en faire quelque chose.
Quand rien ne sert à rien si on en fait oeuvre utile.
Le cancer de ma mère. Son décès. Son absence.
Mes lâchetés. Mes paresses. Et mes inconséquences.
Tout pouvait prendre un sens si je lui en donnais un.
Quand ici comme ailleurs, il m'a semblé comprendre
que c'était le devoir et le droit de chacun.

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 03:12

 

 

Elles ont deux ans.
La blonde. La brune.
Elles ont deux ans.
Grandiront chacune de leur côté.
La brune. La blonde.
Quand mon émotion à les prendre dans les bras me désarme toujours.
L'une d'elles s'endort sur mon épaule. A la promenade du front de mer.
A la forêt de mâts de St Cyprien.
L'autre se tord de rire aux chatouilles que je lui fais. Sur le canapé.
Quand la télévision annonce des résultats de deuxième tour.
Elles auront sept ans.
La blonde. La brune.
Elles iront à l'école. S'exprimeront parfaitement quand elles parlent déjà.
Leurs parents, mes amis, veillent déjà au grain de leur éducation.
Et je vois, au-delà de la chair, le vertige de toutes les transmissions.
Conscientes. Inconscientes. Les valeurs. Les principes. Et quelques traditions.
Le coeur qui bat, si jeune, tout contre ma poitrine, m'impressionne toujours.
La sensation d'une fragilité, comme celle d'une force qui me dépasse.
Celle de la vie, aveugle, opportuniste, qui se déploie partout où elle tient une chance.
La blonde. La brune. La vingt-deuxième lune.
Une femme me donnera-t'elle une fille ? Une fille ? Un garçon ? Un enfant ?
Qui m'arrachera à mon égocentrisme. Déplacera le centre d'inertie ?
A la forêt de mâts, une intelligence en sommeil respire profondément, en confiance,
quand celle de ses parents m'accorde une brève responsabilité qui m'honore.
Je réalise ici, au ciel tourmenté d'un mois de mai timide,
que des proches m'ont confié bien souvent ce qu'ils avaient de plus précieux.
A ces heures, ces soirées, et ces journées entières, et à ces nuits parfois,
où l'auteur toujours vert était baby-sitter.

Les foules en liesse et les forêts de drapeaux me laissent indifférent.
Ce n'est pas à cela que je ferai la fête. En ce jour si étrange. Ste Prudence.
Quand j'ose espérer pour deux petites filles un avenir serein, brillant ou confortable,
où le droit à chercher le bonheur, à l'atteindre, sera permis aux générations futures.
C'est la blonde que j'ai portée. Fille de mon ami d'enfance.
Sortant d'un restaurant pour longer une plage et respirer la mer.
Mais c'est mon coeur qui est lourd, que j'ai traîné comme j'ai pu au Couvent des Minimes.
Dans ce bureau de vote, magnifique, où j'ai tiré le rideau pour cacher mon dépit.
Et c'est sans enthousiasme que j'ai dû en conscience choisir entre deux choses.
A la nouvelle lune, j'ai des projets pour moi et pour les gens que j'aime.
Des tonnes de combats à livrer à mains nues. Sans armes et sans argent.
Avec mon seul amour pour cette espèce humaine qui m'exaspère et m'exalte,
qui me bouleverse aux promesses endormies dans mes bras.
Ce rire éblouissant. Terrible. Un peu cruel. Celui de l'insouciance.
Au canapé ouvert sur les toits de ma ville. Au soleil qui décline dans un ciel barbouillé.
Je ne comprends pas bien d'où me vient le chaos d'une infinie tristesse.
Quand un tiers du pays a explosé de joie, qu'un second est cynique,
qu'un troisième hésite entre la déception, la colère et le découragement.
Je suis un peu des trois. A l'étroit dans mes contradictions et mes morcellements.
J'ai voté pour le vainqueur avec le sentiment paradoxal de partager la défaite.
En ce jour. Ste Prudence. Je ne suis pas à la fête.
La blonde. La brune. Un dimanche d'enfants. Qui marchent et qui raisonnent.
Qui m'émerveillent chaque fois aussi vrai qu'ils me crèvent le coeur.
Est-ce ma solitude ? Ce que je n'ai pas fait ? Que je n'ai pas construit ?
Mon moral qui hésite. Avec ce ciel de mai. Je ne suis pas certain. Ne le serai jamais.
Ni de ce que je fais. Ni de ce que je dois faire.
Si l'auteur est bien vert, il est loin d'être père.

Elles ont deux ans.
A mon âge, un instant, j'ai l'impression d'être enfant ou bien aussi vieux qu'elles.
Quand elles savent déjà user des sentiments, obtenir ce qu'elles veulent,
qu'elles s'en tirent mieux que moi avec si peu de mots.
Qu'elles s'extasient sur tout, s'enthousiasment d'un rien, et découvrent le monde.
Je le découvre alors, dans son jus, avec elles. La brune. La blonde.
Mon Azur. Mon Asmar. Et moi comme nourrice.
Qu'est-ce que j'ai pu rater ? Quel est ce pincement ?
Cette pincée bien mince de regrets dispersés ?
Qui pleut dans la lumière, les embruns de la côte, et mon âme angoissée ?
Je ne pourrai pas subvenir aux besoins d'un petit être humain.
Et l'échec que j'essuie n'est pas électoral. Il n'est pas politique.
Perméable à mes frères, j'arrive à me réjouir au concert de klaxons,
à sourire franchement aux sourires ravis d'un espoir soulevé, amplifié par la foule.
Perméable à mes frères, j'arrive à être ému au discours élégant
d'un homme qui s'en va pour avoir été trop vulgaire.
Je ne sais plus où je suis. Si je suis quelque chose.
Quand je n'existe en vrai qu'au contact de semblables.
A ces enfants qui rient. A ces enfants qui dorment.
Et dans le regard fugace d'un amour qui m'échappe.
Je ne suis pas d'un clan. D'une communauté. Je ne suis pas d'un groupe.
Ne suis pas d'un parti ou d'une religion. Ne suis pas d'un pays. Ni même d'une famille.
Je ne suis pas d'un couple. Ne suis pas d'un courant ni d'une société.
Ne suis que de ce vide qui s'est fait en silence au bureau de ma tête.
Au creux de ma poitrine. Qui saigne dans le soleil qui se couche pour rien.
La blonde. La brune. Venues me secouer. Me remettre debout.
Me renvoient tout autant à mes vagues remous.

Le port de St Cyprien. Avec mon ami fidèle comme dernière branche.
Quand j'ai eu cet honneur de croiser tant de vies, tant d'amour, et d'êtres d'exception.
Je traîne ma liberté comme de lourdes chaînes.
Quand c'est elle, je le crains, qui est mon plus lourd boulet.
La promenade où, je crois, je n'ai pas même regardé une seule fois au large.
Agrippé à l'enfant qui dormait contre moi. C'est moi qui m'accrochais pour ne pas m'effondrer.
Agrippé à la vie, j'ignorais l'horizon. Celui de mon parcours. En manque de prisons.
Je me suis concentré sur la respiration de la petite fille.
Pour ne pas me laisser prendre par le chant de sirènes.
Qui m'emportant au loin m'emportaient toutes au fond.
Une blonde. Une brune. Deux enfants de deux ans.
Quand je ne peux lutter comme amant, comme ami, ni comme camarade,
contre l'amour immense qu'éprouvent des parents pour leurs progénitures.
Aux chatouilles du soir, dans ce grand canapé d'une amie essentielle,
c'est sa fille qui rit, se moque du désespoir, de crises existentielles.
Et la lune m'accompagne, dans la pente de rues qui descendent chez moi.
Aux klaxons d'une fête que je ne ferai pas.
J'ai le blues d'être libre.
D'être seul maître à bord.
J'en ferai quelque chose pour ne pas m'y noyer.
C'est la nuit qui me gagne. Et l'idée d'être en mai.
Je remonte la pente en descendant chez moi.
Et j'entends les sirènes, tout ce bourbier de chaînes,
que je traîne avec moi comme autant de ressources.
Je remonte au bureau de ma tête. A la source. Pile au milieu de toi.
Qui n'appartient qu'à ceux qui savent que ce milieu existe.
Que j'ai vu dans tes yeux. Qui ne m'appartient pas.
Mais reconstruit le monde aux forces qui lui résistent.
La brune. La blonde. Et d'autres vies humaines. Pour me tenir debout.
J'ai plusieurs fois deux ans. Et toutes les prisons que je peux m'inventer.
Auxquelles m'accrocher pour ne pas m'effondrer.

Ste Prudence. Priez pour nous.
Je suis prêt à en manquer. A m'armer de l'amour plutôt que de patience.
De sourire à l'instant donné pour être en vie. Ecorché ou battu.
Exposé aux tempêtes comme aux désillusions.
Si c'est un jour de fête, je refuse le cynisme.
Ou de me protéger d'autre chose que de moi.
J'arrive à mon platane où Dieu me tient sous cloche.
Dans l'espace où je sens tous les mouvements du monde.
J'ai puisé l'énergie et l'iode maritime, la chaleur de l'humain, et de mes amitiés.
Je suis de tous les clans. Toutes les communautés. Comme de tous les groupes.
De tous les partis, les pays, de toutes les religions. Et j'ai une famille.
Et c'est à ce constat que je sais être riche, pour savoir être en vie.
Le rire des enfants qui ne sont pas les miens m'appartiennent autant
que Mozart et Chopin, que le soleil couchant ou la nuit qui revient.
La victoire est la mienne. Quand je prends la défaite. Tous les points cardinaux.
L'horizon. Ses sirènes. Les prisons. Et leurs chaînes. Les douleurs et les peines.
Pour m'en couvrir la peau. Pour m'en faire un manteau. Quand je peux tout porter.
Je n'ai besoin de rien quand j'ai besoin de tout.
Que le vide que je sens est une plénitude.
Qu'il est plein à craquer de tout ce qui existe.
Que je le distribue pour ne pas m'y noyer.

Je suis riche de toi. De mes frères. De mes soeurs. De la blonde. De la brune.
Et de tous nos parents. Libre de tout recevoir et de tout endosser.
Le blues comme le noir. Tout ce qui est à portée. La vingt-deuxième lune.
Mon amour est l'enfant endormi dans mes bras que j'entends respirer.
Celui-là, c'est le nôtre. Il a bientôt deux ans.

 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 04:08

 

 

Qu'il était beau, ce bastion. Comme un château de Salses.
Enveloppant le fortin aux vagues de brique étranges.
La façade du Castillet ondulant comme un drapeau en proue de ma cité.
Quand Charles Quint pouvait se glorifier de régner sur le monde.
La muraille s'avançait sur le bord de la Basse. De ces courbes féminines.
Aux tourelles érectiles comme autant de tétons. Aux fentes meurtrières.
Je rêve au bras armé replié sur la place tendant son échauguette.
Où circulent aujourd'hui vélos et autobus, longeant une agora.
Un lieu pour toutes les foules brandissant sang et or, boucliers de Brennus,
qui connaissent par coeur les paroles de Luis Llach, celles de l'Estaca.
La Porte Notre-Dame posée comme un décor, à l'onde déployée.
Sous laquelle j'avance pour rejoindre le coeur où j'ai trouvé ma niche.
Grimper dans mon platane, à l'ombre de St Jean et son casque de bronze.
Veiller à mes croyants comme à mes infidèles. Veiller sur mon amour depuis deux garde-fous.
Je suis gardien de phare, vigie ou sentinelle. Et j'attends le retour d'un seul mot : rendez-vous.
Ce n'est pas une sommation. Une mise en demeure. Quand nous sommes aussi libres.
De ne pas nous défendre, ni même nous attacher.
Plus libres que les amoureux ne le seront jamais.
Pas d'intimidation. De chantage affectif. Pas de siège. Pas de pièges.
Ni aucune stratégie. Pas de plan de bataille. Ni chaînes, ni représailles.
Nous sommes l'air marin comme la tramontane. Impossibles à saisir. Que rien ne peut contrer.
Que l'on n'enferme pas. Qui polissons le marbre et les statues profanes. Creusons toutes les rues.
Les chemins qui conduisent au point de la rencontre. Où nous venons nous rendre.
Rendez-vous. Mon amour. Au berceau du mélange. De ta chair à la mienne.
Que je mords sans scrupules comme un quart de citron giclant à pleines dents.
Perpignan est ma pulpe. Et tu en es le jus. Dont je peux m'enivrer sans craindre de me perdre.
Quand chaque itinéraire retourne à notre camp, me ramène aux remparts qui protègent de tout.
Aux orages de sang. Aux assauts de ce monde. A ce point vulnérables qu'on nous croit à genoux.
Personne ne peut nous prendre les rafales de nous.

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 02:31

 

 

La main fut transpercée au premier coup de marteau.
Les autres furent donnés pour que le clou s'enfonce plus loin dans le bois.
Le sang a coulé à l'intérieur du bras et j'aime autant m'arrêter là.
" Je veux savoir, vous devez me dire.
- Je ne suis pas celui que vous croyez...
- Pourquoi vous aurait-on cloué sur une putain de croix ?
- C'était un jeu, rien de plus. Nous avions bu. Beaucoup trop.
- Ne me prenez pas pour un con. "
Quelque chose ne va pas. Stop. Passez les filles au maquillage.
Je dois dire une chose ou deux à Carlos. On fait une pause.

Le scénario est bidon. Le réal est bidon. Tout est bidon.
Au feu, j'écrase ma cigarette dans le cendrier du tableau de bord.
" Tu es obligé de travailler sur ce tournage débile ?
- Je dois gagner ma vie.
- En perdant ton temps ?...
- Tu as le droit de voir les choses négativement. C'est un parti pris.
Pour moi, c'est une expérience. On ne perd pas son temps à apprendre.
- C'est un porno !
- Eh bien, ça reste du cinéma. Cinéma de genre. Pardon...
- Hardcore latino gore mon cul. Tu parles de genre toi.
- Tu es jalouse.
- Jalouse de quoi ? De ce ramassis de tarlouzes ?
Dis-moi Sean... Je devrais avoir des raisons de l'être ? Dis-moi !
- Ne sois pas ridicule. De quoi est-ce que tu te plains ? J'ai un job ! "
Evidemment, ce n'était pas dans les studios. Petite prod minable. Bidon.
Avec un contrat bidon. Un salaire bidon.

" Les romaines, s'il vous plaît... quand vous aurez fini de vous poudrer le nez !... "
Topless, les figurantes en tenues de pseudo-légionnaires façon Crazy Horse,
reviennent sur le plateau avec chacune un bout de plastique grotesque sur le bas-ventre,
toutes équipées de godes ceintures, après avoir éteint leurs cigarettes sans enthousiasme.
" Tu sais Freddy, je suis un pro, si tu me dis que les six doivent me passer dessus,
je me prends les six à la suite, on doit pouvoir faire ça d'une traite en une seule prise. "
Carlos expliquait ça tranquillement sans cesser de se triturer nerveusement
ce qui devait rester en érection, à poil sous sa perruque et sa couronne d'épines.
" Les amateurs sur le web ont ruiné notre industrie, est-ce que vous en avez conscience ?
- Et vous êtes obligés de donner dans le blasphème et le mauvais goût ?
- Nous avons un budget pour faire ça, et des engagements à respecter.
Qu'est-ce que vous allez faire ? Envahir le plateau et chanter des cantiques ? "
Linda, une figurante a vomi dans son casque de légionnaire.
Agitation. " Besoin d'aide ? " Une comédienne à la dérive ramassée dans un club.
Songeur, je me demande s'il peut sérieusement y avoir un bon goût dans le porno.
" Elle n'est vraiment pas bien. Faudrait appeler un médecin... "
Freddy se passe la main sur la figure, entre panique et consternation.

" Je connais Fabio super bien. C'est un super coup.
- Fabio Lanzoni ? Tu as couché avec ?
- Non. Je ne couche avec personne. Je me réserve pour le mariage.
- Un super coup tu me dis. Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Je dis ça comme ça. Avec un nom pareil c'est forcément un bon coup.
Et puis, il est connu. Il a fait cette pub pour la bière et ses trucs de fitness.
- Je le confonds toujours avec Lorenzo Lamas."
Linda était bourrée. Il était à peine midi. " Vous pourriez nous donner un coup de main ? "
" Putain, quelle merde. Je prends mon cacheton et je retourne à Vegas dès ce soir.
- Mon père a une chambre à Long Beach. Tu peux y passer la nuit si tu veux.
- Il va me faire payer le loyer en nature ? Quel âge il a ton père ? "
Sans même prévenir Freddy, je prends la porte. Et le soleil dans la figure.
Je vais poser mon cul dans ma voiture et tracer jusqu'à Phoenix. Je rentre chez moi.
Ras le bol de cette ville de fous. " Sean, tu ne peux pas me faire ça ? Sean... "
Un coup de fil à maman. Elle ne me posera pas de questions. Sera ravi de me revoir.
" Sean, qu'est-ce que je vais devenir sans toi ?... "

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 07:51

 

 

Malgré la Batmobile autour de laquelle étaient installés candidats et journalistes,
à cette table de chauve-souris en manque de super-héros,
rien d'épique ni de flamboyant, ni dans la forme ni dans le fond, en presque trois heures de débat.
La seule surprise peut-être tient à la pugnacité de François Hollande qui a bien tenu,
face à un président sortant qui n'a retrouvé son énergie habituelle que tardivement,
sur le volet concernant l'immigration et les frontières, comme on pouvait s'y attendre.
Aucune phrase digne de rentrer dans l'Histoire de la Présidentielle,
aucune saillie, aucune de ces reparties qui pouvaient couper le souffle et changer la donne.
Malgré cet espoir toujours présent bien que honteux de voir l'un d'eux envoyé au tapis,
un vieux truc archaïque que l'on retrouve autour des combats depuis ceux des gladiateurs,
et qui, je le confesse, m'a tenu jusqu'au bout du programme en me disant qu'il allait forcément,
à un moment donné, d'autant plus avec de telles personnalités, se passer quelque chose,
j'ai dû lutter moi-même pour suivre un échange de gestionnaires, extrêmement comptables,
se renvoyant des chiffres et des responsabilités, sans ouvrir la moindre perspective
ni proposer dans l'absolu aucun modèle de société.
Ces messieurs ont devisé sur la bonne gouvernance d'un même système.
Avec les divergences marginales sur des points de TVA et nombre d'immigrés légaux,
résumant l'Europe à un traité qui ne dit rien à la population,
se contentant de servir le bon vieux clivage droite/gauche attendu,
qui propose le même choix prétendu idéologique depuis 1974.
Au-delà des portes virilement enfoncées, bien que toutes grandes ouvertes,
des discours enflammés des meetings pour exalter des foules gagnées d'avance,
où l'on martèle des idées neuves comme celles de la justice ou du mérite,
où l'on explique avec brio que celui qui travaille devrait gagner plus que celui qui ne travaille pas,
ou, avec tout autant de verve, qu'il vaut mieux avoir de bons services publics que de mauvais,
qu'en effet nier les libertés et les différences est aussi injuste que piétiner l'égalité des chances,
que la pluie mouille, que le vent souffle, et que l'on est toujours pris, depuis l'aube de l'humanité,
collectivement comme individuellement, entre l'intérêt général et l'intérêt particulier,
j'avais l'innocence d'attendre peut-être les pistes originales d'un nouveau paradigme.
Un peu contrarié de m'être laissé prendre à la fièvre collective comme au teasing des médias,
toujours prompts à gonfler des évènements pour assurer leurs audiences
à grands coups de bandes-annonces dignes de blockbusters américains,
où l'on promet de l'action, du suspens, et parfois même du sexe,
lorsque la campagne, depuis un an, avait bien donné le ton du conservatisme le plus paresseux,
je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même, et j'ai éteint le téléviseur avec un sentiment d'amertume.
Celui que je partage finalement avec les 18% de Français qui ont voté pour Marine Le Pen.
C'est à dire le constat selon lequel le système se protège
en ne concédant qu'un simulacre de démocratie.
Sentiment partagé à vrai dire, par tous ceux qui se reconnaissent dans d'autres courants politiques
que ceux incarnés par les deux grands partis de gouvernement qui concentrent tous les financements.
Une fois que j'ai, à mon tour, enfoncé une porte ouverte, je me retrouve à nouveau face au dilemme
du citoyen à qui l'on fait ce chantage affectif du droit de vote, lorsque tant d'individus ne l'ont pas,
et que l'on nous rappelle les luttes qui nous ont permises de l'acquérir pour bien nous culpabiliser,
mais qui est conscient aussi que ce vote n'est là que pour cautionner ce système et le perpétuer,
signer un chèque en blanc à des équipes qui leur assure la tranquillité d'un mandat à l'autre.
L'Histoire récente peut nous convaincre aisément que l'alternance n'a d'effets que dans la marge,
dont certains peuvent être appréciables sans doute, lorsque le clivage affiché tambour battant
est un jeu de rôle devenu folklorique, dont on a vu le masque tomber à celui de la cohabitation.
Que ces messieurs aient la décence de ne pas nous prendre pour de parfaits imbéciles,
en gonflant les biceps, montrant les crocs et s'invectivant sans cesse, lorsque nous savons bien
que tous ces petits camarades de promo vont dîner ensuite ensemble, journalistes compris,
et se répartir des postes comme des circonscriptions.
Pourquoi attendre un combat de gladiateurs lorsqu'on sait qu'il s'agit plutôt de catch ?
Si les prouesses sportives et athlétiques sont bien réelles, l'affrontement est factice,
et, c'est bien ce qui est fascinant dans le catch, le public joue sa partition avec autant de brio,
faisant consciemment semblant de croire que l'affrontement est réel,
lorsque l'effet de foule finit par le convaincre qu'il craint vraiment pour l'intégrité de son héros.
C'est le conditionnement de masse qui permet à ce système de s'assurer de beaux jours.
Malgré les échecs et les erreurs, qui ne doivent pas cependant balayer les succès, et malgré tout,
des réussites notoires et profitables, nous sommes tenus dans l'impossibilité du changement,
invoqué systématiquement à chaque échéance, y compris par les équipes sortantes.
Lorsqu'on ne change que de personnes, ce qui est sans doute déjà quelque chose,
sans changer de paradigme quand ces dernières sont toutes formatées aux mêmes certitudes,
formées aux mêmes écoles, issues des mêmes milieux socio-professionnels et culturels.

Ainsi, il était touchant de voir ce qui était au fond le véritable enjeu du débat.
Rappeler autant que possible qu'il y a une différence entre la gauche et la droite. 
Les deux hommes pourtant appartiennent aux courants réformateurs de chaque camp,
tenants du Oui au référendum sur la Constitution, dont Bayrou aurait pu être le président.
Puisqu'il y a moins de différences philosophiques et idéologiques entre eux,
qu'entre Hollande et Mélenchon d'un côté, ou qu'entre Sarkozy et Le Pen de l'autre.
Et c'était bien l'ambition du MoDem que de réunir les réformateurs des deux côtés,
dans une même majorité, écologistes compris, pour notamment changer d'institutions.
Ici, l'exercice tient à maintenir le statu quo, l'équilibre bétonné assurant quelques privilèges,
à ceux qui exercent la profession politique dans sa dimension strictement carriériste.
L'un comme l'autre, hier soir, a souligné, formellement, fermement, toutes les lignes de fracture :
" voilà ce qui nous sépare ", " ce qui nous différencie ", il y a bien la droite et la gauche,
comme s'il fallait s'en convaincre soi-même, quand il faut convaincre ceux qui, depuis longtemps,
savent bien qu'ils mèneront l'un et l'autre la même politique au service des mêmes intérêts.
Pour le fédéralisme que je défends dès que m'en vient l'opportunité, et je saisis celle-ci,
on peut comprendre qu'aucun de nos princes ne poussent à la construction européenne
dans ce sens qui est pourtant le seul possible, puisqu'en fait de transfert de souveraineté nationale,
il s'agit pour eux de ne rien lâcher de leurs pouvoirs à un exécutif complémentaire.
Et si l'on peut remercier Sarkozy d'avoir affaibli la Commission de Bruxelles,
au profit des chefs de gouvernements qui eux, ont au moins la légitimité des suffrages
dans leurs pays respectifs, on comprend bien qu'il n'est pas question de perdre de l'influence
au profit d'un exécutif européen élu au suffrage direct, qui bousculerait bien des habitudes.
Pour le meilleur (la gestion des affaires courantes) comme pour le pire (la corruption généralisée),
le système est parfaitement cadenacé, avec l'appui assumé des médias et faiseurs d'opinion.
Depuis l'Elysée sans doute, vers le haut - avec une Union Européenne parfaitement kafkaïenne -
comme vers le bas, avec une décentralisation illisible, où personne ne sait qui paie quoi.
Ainsi, au bras de fer outré de nos deux candidats, mon coeur balance. Pas entre eux.
Mais entre aller voter et m'abstenir.

Diluées les idées fortes de Montebourg ou de Manuel Valls.
Diluées les exigences républicaines de Villepin ou de Borloo.
Dans ce grand gloubi-boulga de ce que les cadres du FN appellent habilement l'UMPS.
Nous voici avec deux synthèses tiraillées par leurs contradictions internes, et symétriques,
quand l'une comme l'autre doit faire le grand écart idéologique que l'on dénonce sans cesse,
que l'on moque souvent, mais que l'on valide systématiquement à chaque élection.
Pour ma part, j'attendais de voir et d'entendre. D'avoir un coup de foudre soudain.
Soit pour un programme. Une idée neuve. Soit pour une personnalité. Un tempérament.
Déception prévisible. Quand j'aurais pu écrire d'avance les arguments et les ripostes.
Du réchauffé. Bien tiède à vrai dire malgré les efforts pour entretenir une tension de forme.
Contrairement à ce que pensent les gens, et dont je peux comprendre qu'ils n'attendent
que des gestes factuels, concrets, de variations de taxes ou de rémunérations,
ayant une incidence directe sur leur quotidien, le cadre des institutions est essentiel.
Et à mon avis primordial. Ce n'est pas un machin de juristes ou de journalistes.
De la branlette de constitutionnalistes en soif de virtuosité technique.
Il s'agit de démocratie au sens propre. Savoir qui prend l'argent et qui le distribue.
Avant-même de savoir à qui on le prend et à qui on le distribue.
Pour cette question, il s'agit de politique pure, et il y a des candidats, comme hier soir,
qui vous feront à loisir tout le catalogue des prélèvements et des subventions.
La question préalable est celle des institutions, à tous les niveaux, du local au national,
en passant par la région, qui est la seule pouvant répondre à nos besoins de justice.
C'est dans les failles de ces cadres que la corruption s'installe et prolifère.
Et cette chaîne parallèle peut prospérer sans crainte dans le duo qui nous est imposé.
Aucun des deux n'a proposé un nouveau régime. Personne n'a préconisé un changement.
Ni de République. Ni d'institutions européennes. Alors... Rendez-vous dans cinq ans ?
Quel que soit le gagnant je nous souhaite bon courage, bonne chance et bien des succès.
J'ai encore trois jours pour décider si je mets un bulletin Hollande dans l'urne,
ou si je n'en mets aucun.

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 01:25

 

 

C'est un corps qui vieillit mais réagit à ton souffle.
Comme la surface de l'eau qui s'agite et frémit. Qui devient chair de poule.
Le sang se propulse en des lieux érectiles. Par vagues d'oxygène.
La moindre parcelle de chair se réveille, se délecte, se fait zone érogène,
pour peu que tu l'approches, pour peu que je te touche.
Et je me régénère. Les tissus se réparent. Les plaies se cicatrisent.
Quand tout se raffermit. Pour être ultra-sensible.
La chaleur échangée, l'énergie partagée, qui viennent nous confondre.
Ce sont des sensations qui s'impriment et me révolutionnent.
Résolument violentes. Brûlantes et volatiles. Le feu auquel me fondre.
Quand toutes tes réactions m'orientent et m'impressionnent.
Mes mains lissent tes hanches d'un même mouvement, deux gestes symétriques,
dont la caresse lente libère enfin un sexe de ton sous-vêtement.
Ma bouche vient s'y affairer. Mes mains s'occupent ailleurs.
Et je peux continuer pour être encouragé par d'heureuses contractions.
Des frissons perceptibles. Des choses retenues. Comme une oscillation.

Au devoir accompli qui n'en était pas un, le repos du guerrier en est un véritable.
Quand la pulsion cardiaque est au bord de la crise, menace de tout rompre. 
La tension est palpable au moment voluptueux où l'étreinte se relâche.
Sans nous lâcher la main. Nos corps extirpés, rejetés sur un lit, ne se séparent pas.
Quand nous sommes côte à côte, pour fixer le plafond, écumants et radieux,
à reprendre notre souffle, mais pas ce qui est resté de notre âme dans l'autre.
Tu t'aides et te redresses, pour te pencher sur moi, avec un sourire grave.
Je retrouve dans tes yeux la lumière changeante de tes regards fiévreux.
Nuages et éclaircies. Tout le ciel se dégage. Le sourire change aussi.
Et c'est du grand soleil quand tu me reconnais. Comme au premier instant.
Je peine à retrouver le rythme de croisière et ma respiration. Et je ris de moi-même.
Quand ta mine amusée, attendrie, vient me dire que tu m'aimes et que je suis trop vieux.
Je vois bien que tu vois le garçon de l'été, celui que tu as vu sur la place Molière.
Tu ne m'as pas perdu. A cette certitude, je peux fermer les yeux.
Tes doigts se tendent pour se glisser dans des cheveux que je n'ai plus.
J'ai soixante-quinze ans. Tu en as soixante-dix.
Nous n'avons pas vieilli. Nous avons fait semblant.
Nous ne nous sommes jamais lâchés. Ce depuis trente-huit ans.
Je serre ta main dans la mienne pour te dire que je ne le fais pas maintenant.
Pas maintenant que mon coeur s'arrête. Et que tu t'en rends compte.
Puisque je t'attendrai, où que j'aille, comme je l'ai toujours fait.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

  Parolier / Discographie 

 

LaViedeChateauArtMengo

 

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