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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 04:22

 

 

Dans le colimaçon menant à la tourelle, je marche pour en affronter l'escalier
cramponné à la rampe pour me hisser jusqu'au gland où l'on devient vigie.
Le Castillet transperce une brume de bruine qui veut aniser les lumières.
Je découvre le Palais inquiétant sur sa butte et sa chapelle haute,
je devine la silhouette sobre du clocher carré de l'église La Réal,
et éclairée, plus loin, la brique de celui de St-Jacques qui veut défier la nuit.
Mon campanile enfin, que l'on croirait tout près, quand je vois mon platane,
imposant sa verdure à cet amas de toits au halo de lueurs indiquant une place.
C'est la mer, non le ciel, qui postillonne ici son crachin de novembre aux portes de l'été.
Un nuage poisseux de mouettes et fausse pluie, qui nappe de brouillard la skyline de ma ville.
C'est un smog d'océan, d'un bleu gris doux de cendres, de sable saharien tenté par le orange,
d'une eau qui hésite à pleuvoir, flottant sur nos collines avec l'opacité étrange d'un agua lemon.
Au mât du navire mauresque, ventru, crénelé, j'avais cette émotion assez inattendue
du parisien concédant aux amis provinciaux l'ascension si longtemps méprisée de la tour Eiffel.
Voilà bien des lieux devant lesquels nous passons tous les jours et font partie des meubles.
Que l'on ne voit plus. Pour lesquels la curiosité ne se réveille plus qu'au regard des touristes.
Et l'opportunité de les découvrir ravit finalement autant l'étranger que le guide.
Je scrute l'horizon depuis ma tour de gué et j'invente tout ce qu'il dissimule.

Ce n'est pas le clocher de Collioure, mais la tourelle en a l'aspect phallique.
Elle domine une terrasse où l'on aimerait organiser quelques fêtes privées.
Une dernière caresse à cette mer de tuiles chaotique avant de m'engouffrer
dans le colimaçon médiéval me ramenant sur le plancher des vaches.
Pour la Nuit des Musées, les Beaux-Arts ouvrent leurs portes.
L'occasion d'ausculter tendrement une jeunesse qui ne s'offre qu'ici.
Bouillonnante et fiévreuse, soucieuse d'exister, de paraître, comme de s'exposer,
elle grouille sur la passerelle à l'étage, protégée de la rue à hauteur de feuillages,
fumant et buvant à la lumière d'une projection sur un mur de façade.
Les embruns nocturnes ajoutent à l'étrangeté du lieu et des looks improbables.
Les filles affichent des maquillages d'une grande sophistication. Désirables et désirées.
Les garçons affichent des maquillages similaires pour ceux qui aiment l'ambiguïté.
Je traîne ma barbe de vieux pervers au milieu des installations attendues,
sans me sentir loup dans la bergerie pour avoir dix-neuf ans et me penser comme eux.
L'art contemporain a ses codes. Les mêmes à New York, Paris, Barcelone, Montréal.
Quand je retrouve les tics de plasticiens, les tocs de vidéastes, ici à Perpignan.
Manquait une performance. Musicale. Chorégraphique. Pornographique.
Quand ces enfants bien sages ne m'ont pas attendu pour se dévergonder.
Mon sourire satisfait hurle à qui veut l'entendre que je les encourage à tout déstructurer,
repousser les limites, inventer, dénoncer, singer les interdits ou bien les transgresser.
Tout cela est ludique. Tant pis pour ceux qui se prennent au sérieux.
Ceux-là, je le crains, seront condamnés à être malheureux.
J'aime ces gosses. Leurs postures et leurs tourments mis en scène.
La théâtralisation de leur condition. Et la réalité de leurs voies d'excommunication.
Ce chemin difficile et nécessaire dont la société voudrait faire abstraction.

Le coeur léger comme la brume, je me glisse dans l'envolée ample de l'escalier
qui me dépose à La Source, ce café amputé de son arbre, au coin de St-Mathieu.
Au bras d'une soeur aussi enthousiaste que moi au spectacle de cette relève prometteuse.
Nous dérivons jusqu'à la Place Arago où l'ambiance est soudainement bien classique.
Des couples sont venus dîner au Café de la Paix ou au Vienne, malgré le mauvais temps.
Je vais retourner à la place devinée au pied du campanile depuis le Castillet.
Au pied de mon platane téméraire qui se dresse contre Dieu et son marbre arrogant.
Celui de ma cathédrale d'amour et de sexe, d'allégresse et de fièvres, de rendez-vous galants.
Le nid de mon histoire. L'écrin de mon idylle. Le coffre à jouets de l'auteur hystérique.
Amoureux comme un fou du chaos de sa ville. De l'amour de sa vie.
Quand les deux se confondent au crachin incendiaire d'un brumisateur d'octobre.
Je me perds dans le temps. Lorsque j'ai dix-neuf ans. J'étudie à la fac. Aux Beaux-Arts.
C'est la rentrée scolaire. C'est l'automne. Au café de La Bourse. Je ne te connais pas.
Trop jeune sans doute pour tomber amoureux. Quand je ne pouvais l'être que de toi.
Je fais le con à Paris. Prends l'avion et m'éloigne. Je reviens. Je repars. Ne suis jamais parti.
Et me voilà chez nous. A tes fesses admirables comme à tes merveilleux genoux.
Dans tes bras voluptueux où je pourrais dormir. Respirant à ton cou.
La confusion n'est pas celle des genres ni même des sentiments. C'est celle des saisons.
Quand je sais qui je suis et ce que je ressens. Que je suis bienheureux de me foutre du temps.
Le climat de Biarritz, Cap Breton ou d'Hendaye. Perpignan-Bilbao. L'océan à mes pieds.
J'ai passé la seconde de vingt ans à te trouver enfin au coeur du labyrinthe.
Dans ce laboratoire où je tiens la formule de l'amour impossible devenu immortel.
Je le consomme au-dessus de l'écume, des tempêtes contenues dans le creux d'un verre d'eau.
Quand je tiens dans ma main prête à l'écrabouiller la peur d'être trahi ou d'être abandonné.
Le brouillard est complice. Un voilage aux fenêtres.
Une buée compacte pour nous soustraire au monde.
Qui nappe le miroir où je t'écris un mot.
Et Perpignan entière qui peut bien disparaître.

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 03:52

 

 

Le coup de crayon qui n'existe pas au bord d'une paupière.
Tes yeux ne sont pas faits. Mais il y a cette lisière au-dessus de ton oeil.
Le charbon commando sur ton visage pâle. Qui souligne un regard qui fait fondre la pierre.
Qui fait fendre l'armure. Quand tu cherches à trouver ce que cache mon orgueil.
Tu me prends par la main et tu me fais entrer. Je te suis volontiers.
Et je suis bouleversé par la confiance acquise.
Désarmé. Cela m'engage. Et je suis engagé.
Notre union est permise.
Quand elle est protégée.


 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

 

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 05:16

 

 

Cela part du bout des orteils pour remonter le long de vos jambes.
Cela vient des extrémités de vos cheveux, de la surface de votre peau,
pour confluer soudain dans votre queue comme un courant électrique.
C'est toute l'eau du bain qui est évacuée d'un coup dans la canalisation.
Toute votre matérialité qui se concentre sur votre sexe où elle s'anéantit.
C'est une drôle de sensation que de se sentir partir.
Celle de se vider de soi-même.
C'est aussi délicieux que de tomber dans les pommes.
Que de se coller au plafond avec des produits illicites.
Ce sont des fourmis, des démangeaisons étranges, dans tout le corps.
Comme si tout était aspiré par l'urètre pour que vous deveniez à la fois zéro et infini.
Ce moment vertigineux où l'on perd tout contrôle de soi et toute maîtrise.
Voilà qui est aussi agréable qu'inquiétant. Aussi merveilleux qu'apocalyptique.
Le coeur pourrait lâcher. Les muscles se raidissent. Spasmes. Convulsions.
C'est le saut dans le vide. L'effondrement sur soi. Tout reflue dans la bite.
Tout votre être s'enfuit. Propulsé dans un accélérateur de particules.
Et le sperme peut jaillir sans pouvoir égaler la violence de l'orgasme.
Qui vous éjacule bien plus loin que vos spermatozoïdes.

Il est difficile de commencer ou de finir son travail.
De prendre la voiture. D'aller faire ses courses. De préparer à dîner.
Sans penser à ce plaisir qui rôde sans cesse et dont on ne se lasse jamais.
Au réveil déjà, une érection indique que même dans votre sommeil le désir est présent.
Stimulé par des frottements, des réactions mécaniques, comme par des rêves érotiques.
Et tous les gestes portent dès lors des connotations franchement sexuelles.
Faire bouillir de l'eau. Porter la tasse de café à sa bouche. Le verre de lait.
Mordre une extrémité du croissant. Le tremper dans son bol. Boire. Manger.
Allumer sa première cigarette. Entrer nu dans la baignoire ou la cabine de douche.
Se laver. S'habiller. Saisir la poignée de l'attaché-case ou celle de la porte d'entrée.
Enfoncer la clé dans la serrure. Démarrer la voiture. Passer la première.
Pas besoin de Freud pour savoir que tout est invariablement sexuel.
La moindre vision. La moindre sensation. La moindre odeur. Le moindre contact.
Ce que l'on voit. Ce que l'on imagine. Ce qui nous motive. Ce qui nous transporte.
On entre dans les toilettes. On empoigne des robinets qu'il faut ouvrir. On se lave les mains.
Le savon liquide. Le robinet que l'on serre. L'humidité. L'air chaud ou la serviette.
Le sucre dans son papier que l'on prend au bord de la sous-tasse pour le déshabiller.
Le faire fondre dans le café. La cuillère que l'on plonge pour remuer le tout.
Cela part des dernières frontières du corps. Du fond des talons. Du bout des cheveux.
Quand l'extérieur en entier est potentiellement une caresse érotique.
Le feu, jamais éteint, couve toujours sous la cendre. Et vite ranimé.
Il prend au premier courant d'air comme au premier sourire.
La clé USB que l'on enfonce. Le capuchon du stylo.
La fiche foutue dans la prise. Et nos doigts dans la bouche.

 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 15:57

 

 

Contre la crise ? Deux solutions.
Le fédéralisme ou la guerre.


 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

 

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 01:41

 

 

Est-il un endroit où nous puissions nous rejoindre ?...
Je traîne une valise à roulettes sous la voûte du terminal et me présente au contrôle.
Les billets en main. Je passe en salle d'embarquement. Vol à destination de Rome.
Il y a des prêtres qui portent la soutane et des bonnes soeurs.
Nous avons une réservation au Rose Garden. Ne sortirons pas de notre chambre.
" Non. Tu es sur le quai de la gare. Tu vas prendre l'Eurostar. "
Très bien. Le taxi m'a déposé Gare du Nord. Et nous nous retrouverons à Londres.
Est-il un endroit où nous puissions passer quelques jours ensemble ?...
" Allons en Espagne. A Barcelone... ce sera facile.
- Mieux que ça mon amour. Je veux retourner à Séville. "
La voiture s'engage dans un chemin empierré, encaissé entre deux murets.
Elle franchit la grille laissée ouverte pour me déposer dans la cour.
Je paye la course au chauffeur qui repart seul dans le tunnel de verdure.
Pour m'accueillir, quelqu'un que je reconnais, devant la maison splendide.
Une location. Un très beau jardin. Une immense piscine. Et toi qui me souris.
Nous sommes à Lourmarin. Au milieu des cigales entêtantes du Luberon.
" Non. Nous sommes à Cadaquès. Ou bien à Port Lligat chez Salvador Dali. "
Des barques catalanes alignées sur la plage de galets.
Est-il un endroit où nous puissions nous aimer ?...
" Quel est votre problème les enfants ? Seriez-vous, comment dire... un couple illégitime ? "
L'expression me heurte. Voilà pourquoi je n'aime pas ce concept de couple.
Précisément parce qu'il peut être légitime. Ce qui dépasse mon entendement.
" Croyez-vous vraiment que l'amour puisse avoir un rapport avec la légitimité ?
De quoi est-ce vous me parlez au juste ?... "
Suivant quels critères aurions-nous le droit ou non d'être ensemble ?
Je sais où nous pourrions nous retrouver mon amour.
Laisse parler cette vieille chouette qui crève de jalousie.

Prends cette clé et glisse-la dans la serrure.
La porte n'est pas très engageante. Ne t'effraie pas de son étroitesse.
Il y a un interrupteur avec une minuterie en fonctionnement.
L'immeuble semble abandonné. Inhabité. Mais je t'y attendrai.
Prends l'escalier aux carreaux de terre cuite et frappe à la porte du premier étage.
" Bien-sûr, ce n'est pas le Rose Garden... " Tu m'interromps. Un doigt sur ma bouche.
Tu me dévisages comme si l'heure était grave avant de murmurer : " Je m'en fous... "
Ton doigt, très vite, est remplacé par ta bouche immense qui me dévore la langue.
Ma barbe de trois jours comme papier de verre pour irriter tes lèvres.
La pièce est vide. Elle n'est meublée que de cette lumière orange qui vient de la rue.
Qui vient transfigurer nos caresses et l'incendie qui se propage en nous.
" Eh bien, j'imagine que le mariage, par exemple, impose certaines obligations... "
Je sors ma bouche de la tienne pour dévisager madame Casse-Couilles.
Elle est assise derrière son bureau et me regarde par en-dessous. Fixement.
" Je ne suis pas marié. Je ne crois pas au couple. Encore moins au mariage.
- Et votre partenaire ?... "
Je m'approche d'elle. Approche mon visage très près du sien.
" Vous travaillez pour qui ? Vous vivez de constats d'adultères ?...
Avez-vous si peu de vie sexuelle qu'il vous faille vous occuper de celle des autres ? "
Mes poings dans son bureau. L'un d'eux s'était posé sur la couverture d'un livre. La Bible.
Je la prends et la lui tends. " C'est votre code civil ?... " Elle ne dit rien. Je poursuis :
" Commencez par faire votre propre examen de conscience et nous en reparlerons...
- Cela veut dire oui n'est-ce pas ?... Vous avez une relation avec une femme mariée.
- Il faudrait pour cela, madame Casse-Couilles, qu'il s'agisse d'une femme. "

Elle semblait agitée. Ses doigts s'acharnaient sur sa serviette en papier.
" Tu te rends compte... Elle a quinze ans de plus que lui !...
- Eh bien, cela aurait pu être pire. Il aurait pu sortir avec une musulmane.
- Ne plaisante pas avec ça. C'est ton frère !
Bon sang. Qu'est-ce que nous avons fait pour mériter ça ?... " Sanglots.
A se demander si elle n'aurait pas préféré que son fils soit homosexuel.
" Pire encore... Il aurait pu sortir avec un musulman. " Hurlements.
La Bible parle d'abomination. Le livre était aussi sur la table de la cuisine.
" Est-ce un sport national à la fin de condamner les gens qui s'aiment ?... "
L'humour, décidément, n'arrivait pas à la détourner de son chagrin.
" Eh bien soit, sois malheureuse. Mais n'empêche pas mon frère d'être heureux. "
De quoi s'occupe-t-on ici ? Qu'y a-t-il de mal lorsqu'on est entre adultes consentants ?
Dans le taxi qui me conduit à l'appartement, je n'ai aucun scrupule.
Je suis juste fou de joie à l'idée de te retrouver. On m'ouvre la portière.
" C'est un sport national que d'être jaloux du bonheur des autres... "
Circulation dense de Central Park West. Je m'engouffre dans le Majestic.
" On me prête ce duplex qui a appartenu à Conan O'Brien pour le week-end.
- You're kidding me... "
Oui, bien sûr. Faute de duplex sur le parc, il s'agit d'un studio sur le platane.
Tu as la clé. Tu la glisses dans la serrure. Qui que tu sois. Quoi que tu aies fait.
Tu prends l'escalier et tu frappes à la porte du premier.
Nous nous aimons. Est-ce quelque chose que l'on choisit ?
L'avons-nous décidé ?... Nous nous aimons.
Et Dieu reconnaîtra les siens.


 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 04:02

 

 

Je voyais bien qu'il y avait quelque chose d'obscène dans cette photo.
Jambes écartées. Genoux relevés très haut. Les bottines de danseuse de saloon.
La coiffure afro-égyptienne auréolée d'un rond blanc de pleine lune.
La photo de la pochette. La pochette de l'album. L'album de Donna Summer. I Feel Love.
Nous sommes en 1977. J'ai 4 ans. Et sur ce titre est née la musique électronique.
Celle sur laquelle j'allais danser vingt ans plus tard au Playa ou au Queen. La techno.
Musique répétitive. Michael Nyman. René Aubry. Philip Glass. Où étiez-vous ?
Moi, j'étais au milieu de mes vignes, avenue François Cassagnes, au soleil d'un palmier.
La voiture à pédales au plastique orange vif, cuit par la chaleur, dans les allées du jardin.
La pergola où nous pouvions déjeuner et dîner au parfum des cyprès.
Le piano jouait Chopin. Geneviève usait l'album live de Véronique Sanson.
J'écoutais Pierre et le loup, la sorcière de la Belle aux bois dormants ricaner,
et le troisième mouvement de l'Héroïque de Beethoven qui sciait tant de bois.
Le tout, sous cette image terrible de Néron satisfait du supplice d'une femme blanche et nue,
à l'ample chevelure, sur le corps d'un taureau, étendus ensemble sur un tapis de roses et de sang.
Dircé chrétienne. Une reproduction de l'oeuvre du peintre polonais Henryk Siemiradzki.
La gravure encadrée ouvrait, plus encore que la télévision, une fenêtre sur des rêves étranges.
Des histoires fantastiques. Appuyées par la musique symphonique ou les chansons de Ange.
The Kick Inside de Kate Bush n'était plus très loin. 1978. La France giscardienne.
Entre le Jazz de papa et l'Opéra de maman, Geneviève allait goûter à la Fièvre du samedi soir.
John Travolta et les Bee Gees. Quand je m'étourdissais de mots, de soleil et de disco.
1977. Jacques Brel chante cette chanson que j'adore. Les Flamingants.
Dont je ne comprends pas bien les paroles. Mais dont j'aime les cuivres et la basse.
Et la machine entêtante de Donna Summer se remet en marche furieusement.
A la suite du Radioactivity de Kraftwerk dont nous avions le 45tours, et qui l'avait devancée.
La musique ne s'arrêtait jamais, et j'aimais ce format étonnant pour une chanson.
Je l'entends à nouveau. Et je me rappelle aussitôt combien j'aimais ma vie.
Combien j'étais heureux.

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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16 mai 2012 3 16 /05 /mai /2012 02:13

 

 

L'été ne prend pas et je suis fatigué.
Mai ne vient pas. Je meurs à petit feu.
Le feu s'éteint. Et je n'ai pas de perspectives.
Aucun but. Rien qui puisse s'inscrire à l'horizon.
Le vent me fatigue. La vie me fatigue. La mienne me tue.
Le puits s'est asséché. Je roule sur la réserve. Le voyant allumé.
L'encre de mon stylo est sèche. Il déchire le papier. Je ne peux plus écrire.
Alors j'attends l'été. Et je me tais.

 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 02:08

 

 

Son pouce chasse une icône de l'écran tactile.
Il joue avec dextérité avec divers pictogrammes ou des applications.
La frange dégradée. La moue adolescente. Elle a bien 35 ans.
N'a toujours pas d'enfants.
Le coude près du corps, le poing ne s'apprête à poignarder personne.
Il ne contient aucun couteau. Elle porte seulement un sac à main.
Comme il convient. Le bras plié. Un air blasé sous ses lunettes.
Chaussée de plat, de ballerines ou de Converse.
Elle fait son catwalk en ville, tout en twittant ou vérifiant sa page Facebook.
A vive allure. Jette un oeil discret à son reflet dans une vitrine.
S'assurant que le vent n'a pas totalement ruiné son brushing.
Comptant le nombre de pouces levés à la photo de l'apéro posté la veille.
Le nombre de commentaires. Aucun de la part de celui qu'elle avait provoqué.
Ce gros con de Stéphane qui décidément, ne comprend rien.
Elle avait pourtant tenu à lui prouver combien elle pouvait s'amuser sans lui.
Aucune réaction. Quand il aime tout ce que cette salope de Clothilde poste sur son mur.
Qu'il aille se faire mettre. Elle n'a pas besoin de lui pour se faire du bien.
Elle a commandé ce vibro fantastique qui lui assurera un orgasme dès ce soir.
Et qui aura le bon goût de ne pas ronfler toute la nuit ou de lui préférer Clothilde.
Après tout, un sex toy, c'est comme un yorkshire, ça ne peut pas vous décevoir.
Elle est indépendante. N'a pas besoin d'un homme. Et surtout pas de ce looser.
Si elle a besoin d'un godemichet sur pattes, elle a l'embarras du choix sur le web,
adopteunmec.com et associés... qu'est-ce qu'il s'imagine, ce blaireau ?

Elle a garé sa Mini Cooper dans le parking de sa résidence.
A fait des achats dont elle fait le détail à son amie Clarisse, au téléphone.
Elle, au moins, elle l'écoute. Surtout quand il s'agit de ce gros con de Stéphane.
Contrairement à Maeva qui était toujours partante pour raconter ses problèmes,
mais qui se foutait éperdument des siens et ne s'en inquiétait même pas.
Le coup de grâce, ce fut quand Maeva a accepté Clothilde comme amie.
Elle a tiré les cinq ou six paquets du coffre de sa voiture et appelé l'ascenseur.
Cherché les clés de l'appartement dans le sac à main, devant sa porte,
la tête penchée sur l'épaule pour maintenir son smartphone contre son oreille.
Absorbée par l'analyse rétrospective des activités de Stéphane sur Facebook
qu'elle exposait à son amie Clarisse, elle trouva un avis de passage du facteur.
Probablement son vibro. Qu'elle irait chercher à la poste le lendemain.
" Tu veux venir dîner devant Koh-Lanta avec moi ?... "
Un rapide coup d'oeil dans le frigo vide qu'elle referme aussitôt.
"... On pourrait commander des sushis... "
Elle a allumé son ordinateur portable installé sur la table de la cuisine,
puis le téléviseur devant lequel elle s'est plantée un moment pour zapper.
Alors qu'elle passait en revue une vingtaine de chaînes sans s'arrêter nulle part,
Clarisse expliquait embarrassée qu'elle devait aller au restaurant avec Jérôme.
" Je croyais que c'était fini. C'est lui qui t'a recontactée ? "
Alors qu'elle repassait en revue la même vingtaine de chaînes dans l'autre sens,
Clarisse s'excusait presque d'avoir décidé de laisser une deuxième chance à son ex.
" Tu fais ce que tu veux. Mais, à mon avis, tu ne te rends pas service... "
Elle lâcha la télécommande après avoir jeté son dévolu sur une émission de coaching
d'une chaîne de la TNT, avant de revenir sur son ordinateur portable pour se connecter.
" Tu sais bien que ce mec ne vaut rien, qu'il se fout de ta gueule... "
Une fois sur internet, elle ouvrit sa page Facebook pour voir qui était en ligne.
" Enfin, je dis ça... c'est pour toi ! "

Clarisse n'avait aucune volonté et avait replongé avec Jérôme.
Maeva s'était vendue à l'ennemi.
Quant à Mylène ou Sybille, comme d'autres avant elles,
étaient toujours dispo pour sortir ou faire des soirées entre filles,
y compris devant Koh-Lanta avec des sushis, en semaine,
jusqu'au jour où elles ont trouvé des mecs avec qui s'encroûter à la maison.
Sans parler de celles qui ont signé leur arrêt de mort en tombant enceintes.
Elle erra un moment sur Facebook. Voilà qui était mal emmanché.
Pas même ce foutu vibro pour prendre son pied toute seule comme une grande.
Elle n'allait tout de même pas appeler Gérard. Le pharmacien. Ce gros malade.
Qui certes, ne lui dirait jamais non, mais chercherait encore à la sodomiser.
Quant à Pierre, évidemment, il ne dirait pas non non plus.
Mais il n'y a qu'à voir sa tête pour comprendre qu'il n'est pas en situation de refuser.
Et quel boulet. En plus d'être moche. Gentil, certes... Mais manquerait plus qu'il morde.
Elle hésita un instant. Jeta encore un oeil sur la page de cette salope de Clothilde.
Et ne put faire autrement que lire les derniers commentaires de Stéphane.
" Allô Gérard ? Comment tu vas ?... Dis-moi, tu fais quelque chose ce soir ?... "
Evidemment, elle avait oublié un détail. Gérard était marié et père de deux enfants.
Elle raccrocha amère. Se servit un verre de vin.
" Rappelle-toi. Avec les hommes mariés, on finit toujours par se faire enculer. "
Forte de ce bon mot ou de cette pensée puissante, elle envoya un texto à Pierre.
Il sonna à sa porte dans la demi-heure. Avec un bouquet de fleurs et du champagne.
" Tu n'aurais pas dû. Tu es fou !... " fit-elle dans un sourire en essayant de rougir.
Chose relativement aisée en ayant bu les trois quarts de la bouteille de vin en l'attendant.

La chemise à carreaux. Les chaussettes blanches dans des mocassins à glands.
Elle dut prendre sur elle pour le regarder sans laisser paraître son aversion.
Les cheveux gras. La coupe de merde... Elle se jeta amoureusement sur le champagne.
Et très vite, alors qu'il n'avait rien demandé, elle s'est mise à genoux devant lui.
A ouvert sa braguette pour descendre son vieux froc aux chevilles.
Ainsi que son vilain slip kangourou. Et là... son abnégation fut dignement récompensée.
Pierre était doté d'une bite magnifique. Une queue parfaite. Bien longue et bien épaisse.
Qui tint ses promesses quand elle donna très vite sa pleine mesure. Inespérée.
Mais elle n'était pas au bout de ses surprises quand Pierre, au-delà d'atouts naturels,
avait aussi une certaine éducation et un savoir-faire tout à fait appréciable.
Qu'aurait-elle pu twitter ? Langue magique. Cunnilingus du siècle. Vive le 69.
Un premier orgasme fut permis à tout ce qui est considéré comme préliminaires.
Incrédule, elle regarda Pierre se lever, la laissant pantelante sur le tapis du salon,
entre le canapé et la table basse, et découvrit qu'il avait un cul splendide.
Redressée sur ses coudes, elle fronça les sourcils en essayant de résumer la situation.
Pierre était à la fois le meilleur coup de la ville et un véritable canon.
" Dis-moi, tu fais du sport, non ?... " osa-t-elle alors qu'il disparut dans la cuisine.
Son seul problème, au fond, c'était ses fringues. Qu'il suffisait de lui enlever.
" De la natation. Du triathlon. De l'équitation. Du tennis. Et un peu de voile... Pourquoi ? "
Il avait répondu comme un gosse à la question qu'on lui avait posée, lorsqu'il réapparut,
brandissant toujours son érection monstrueuse quand il n'avait pas débandé un instant,
rapportant des glaçons, du chocolat liquide, du beurre et de la chantilly.
Alors que des candidats cherchaient le collier d'immunité dans la jungle,
Pierre trouva du premier coup ce qu'il fallait pour être certain de ne pas être éliminé.
En faisant tout tilter en quelques coups de reins dans le canapé, sur la table basse,
dans la cuisine, dans la salle de bains, dans la panière à linge, dans le couloir.
Dans la chambre à coucher.

Le jeu télévisé était fini depuis longtemps.
Elle regarda l'heure affichée sur la table de chevet.
Pendant six heures, elle n'avait consulté ni ses textos, ni les réseaux sociaux.
Elle mourait de faim. Pour une nuit pareille, quatre sushis n'auraient su suffire.
Elle rêvait d'une choucroute ou d'un cassoulet. D'autant qu'elle avait la gueule de bois.
Qu'aurait-elle pu twitter ? Amoureuse. L'homme de ma vie. Ne ronfle même pas.
Il était allé lui chercher des croissants. Lui avait fait une dernière faveur dans la cuisine.
Il prenait sa douche quand elle ouvrit Facebook et découvrit un commentaire.
De Stéphane. A la photo de l'apéro qu'elle avait postée.
Quand Pierre se présenta à elle, dans ses fringues de la veille, et qu'il lui demanda :
" On se revoit quand ?... " Elle lui rit au nez et lui indiqua la porte.
Déjà occupée à chatter avec Stéphane qui était en ligne.
Comme il hésita à partir, elle précisa sa pensée. " Tu n'as pas eu ta dose ?... "
Le morceau qu'elle voulait emporter était celui qui lui résistait toujours.
Et Pierre put rentrer chez lui la queue entre les jambes.
Cette pensée la fit sourire. Et lui rappela qu'un paquet l'attendait à la poste.
Clarisse avait appelé. Plus pour venir aux nouvelles que pour lui raconter sa soirée.
" Et Stéphane a refusé ?... " C'est ce qui s'appelait un râteau. Elle répondit tranquillement.
" Tu sais quoi, en fait... y'a plein de trucs qui me font penser qu'il a viré homo... "
A la réflexion, ce n'était pas idiot. Clothilde faisait quand même très mec.
Enfin, ça pouvait expliquer beaucoup de choses.
Elle embrassa son amie, jeta son téléphone dans son sac ouvert côté passager
et sortit du parking sur les chapeaux de roues.
Direction le bureau de poste.


 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 03:37

 

 

Au bord du vide. Les pieds joints. Comme un plongeur.
Je me tiens droit. J'ouvre les bras. Comme un plongeur, je plonge.
Un léger instant d'hésitation, en l'air, mes ailes déployées,
quand l'attraction terrestre me happe. D'un coup.
Et sous mon propre poids, je tombe, je tombe, je tombe.
Mes cheveux comme des flammes. Sans parachute. Je tombe.
Et je vois les sourires, d'Emilie et Ingrid, aujourd'hui, puis plus jeunes, petites filles,
mes nièces qui jouent à Denia ou Castelldefels, la maison de Bompas, et maman.
Et je vois les sourires de papa, de Geneviève, Jean-François. Et puis Luc.
Ceux de Laetitia et Virginie, d'Alexandre et Michel, de Lambert, d'Arnaud et de Gary.
Et je vois Laurent et Anna. Irina. Mes amours. Mes amis. Mon cousin.
Des souvenirs de fête. Des souvenirs heureux. Le vent dans mes cheveux.
Le piano. La musique. Le théâtre. Les concerts. Barcelone et Paris.
La naissance de Charlotte. La naissance de Lilly. La plage à Ste-Marie.
Mes amis du Québec. La rue St-Timothée. La ville de Toulouse. Une vue aérienne.
Mes vêtements flottent et claquent à la tempête verticale. Mes lèvres retroussées.
Je perds de l'altitude. Je tombe comme une pierre. Et je me laisse aller.
Je vois Doris Stiegler. Et l'école communale. Je vois Cédric et Sarah. Le collège. Le lycée.
La route de Fronton, les Ramblas et la Plaça Reial. Montjuic. Le Corte Inglés.
Marlène et Sabine. Le cinéma à Noël square Wilson pour le dernier Walt Disney.
Je vois les pinèdes et Rosas. Le Playa. Perpignan. Et l'université.
Montréal sous la neige. Tout New York à mes pieds.
Les sardanes aigues dans le Barri Gotic, la fontaine lumineuse à la place d'Espagne.
Manoukian. Bellucci. Sanson et Art Mengo. Galibert et Montmartre.
Le Big Band et le Queen. Procession de la Sanch. Mes parents qui sourient.
Et je m'écrase au sol.

Un homme a brandi des banderilles en arquant ses bras
cambré comme un danseur de Flamenco.
Dans un nuage de poussière, le taureau a surgi de nulle part.
Ecumant. Foudroyant. Arquant ses cornes comme les bras du torero.
Des choses sont sorties de mon corps disloqué. Avec beaucoup de sang.
Le dîner des vautours. De mouches et asticots.
Je vois tout ce désordre au pied de la falaise quand je refais le trajet à l'envers.
Les membres brisés et le crâne défoncé alors que je m'élève. Marche arrière.
Comme si je rembobinais. Aspiré vers le haut dans la hotte allumée.
Je ne sens plus mon corps. Seulement le mouvement. La vitesse.
Et j'entends la voix de ma mère. " Quel homme est-ce que tu t'apprêtes à devenir ? "
Je vois Claude, Franz, Bertrand, Jean-Christophe, Jean-Baptiste et Christian.
Nicolas. Olivier. Pascal et Jean-René. Carlos. Alain. Didier. François. Mehdi. Jean-Pierre.
Sylvain. Arnaud. Franck. Nordine. Laurent. Thierry. Diego. Barry. Des visages sans noms.
Des ombres et des menaces. Des sourires bienveillants. Des lumières fugaces.
Rue grande la Réal.
J'entends des chansons dans la cour d'une école. A la récréation.
Des repas de famille. Le rire des grands-mères. Et celui de Christelle.
Je suis à Mexico et à Acapulco. Je suis à Istanbul et à San Francisco.
New York Palace à Budapest. Delano. Miami. L'hôtel de l'Opéra.
Le Ritz de Barcelone. Monaco et Menton. Hong Kong et Macao.
Aéroport de Genève. De Houston. De Francfort. De Detroit. Singapour et Bali.
Rome. Termini. La gare Victoria. Les chutes du Niagara. Pierre et René. Ste-Catherine.
Le pont Jacques Cartier. Et le pont de Brooklyn.
" Quel homme est-ce que tu t'apprêtes à devenir ? "
C'est la place de la Loge. Ou la rue de l'Horloge.
J'ai huit ans et je joue mon morceau en direct. Radio B.

Je ne vois plus rien. Je suis trop haut.
Tout est devenu minuscule. Tout est loin. Tout est blanc.
Je suis bien. Léger. De bonne humeur. Comme si j'avais fumé.
Je note que ça ne sent pas le cannabis, que ça ne sent rien.
Un gosse de cinq ans vient vers moi dans une pièce vide.
Je ne sais pas comment il y est entré quand il n'y a aucune porte.
Il a une bonne bouille. Il me sourit. Et vient me prendre la main.
" Tu veux bien être mon papa ? "
Je me rends compte que l'enfant me ressemble mais ne m'en étonne pas.
" Mais je suis ton papa... lui répondis-je gentiment. Ne t'inquiète pas.
Tout va bien se passer. " Je me baisse pour le prendre dans mes bras.
Ses cheveux bruns frisés. Sa fossette à la joue droite. Son grain de beauté à la gauche.
Il me sourit. Et je suis ému. Troublé. Il me ressemble vraiment beaucoup.
" Est-ce que ça te plairait de voir ta maman ? " Ai-je pu dire cela ?
Je ne me rappelle pas avoir prononcé ces mots qui sont sortis de ma bouche.
" Je sais que ça fait longtemps que tu ne l'as pas vue. Elle a dû te manquer... "
L'enfant ne s'est pas mis à pleurer. Il me regarde, fasciné, sans cesser de sourire.
Il me fait oui de la tête. Visiblement ravi. Et je sens son émerveillement en moi.
Il m'inonde comme une vague géante et m'éblouit. Ivre de son propre bonheur.
" Ton vrai papa est encore en bas. Mais il ne tardera pas à nous rejoindre.
Et je crois que ta maman sera folle de joie de te retrouver... "
Je n'ai pas fait un pas et me voici pourtant avec l'enfant dans un magnifique jardin.
J'aperçois ma mère et mon coeur chavire. Elle se lève du banc où elle était assise.
" Philippe ! Mon chéri ! " s'écria-t-elle en ouvrant ses bras au petit garçon.
Je le lui confie et la regarde le serrer contre elle sans chercher à comprendre.
L'émotion qu'elle ressent me brûle comme si c'était moi qui l'éprouvais.
Elle me sourit, bouleversée, et me dit, sincèrement :
" Merci mon Dieu. ".

Je suis arrivée ici prématurément.
Arrachée à une partie de ma famille et pourtant.
J'ai pu retrouver mon père. Comme je l'avais laissé.
Et puis Julian aussi. Le petit frère qui n'avait pas eu sa chance.
Maman nous a rejoints ensuite. C'était drôle d'être réunis.
J'aurais sans doute dû me dire qu'il était trop tôt pour revoir Philippon.
Mais pourquoi aurais-je éprouvé du chagrin quand nous étions si heureux ?
Je l'ai reconnu tout de suite dans mes bras quand je me le suis rapporté.
Sans m'étonner que je puisse moi-même ramener des morts à la vie.
" Ou ramener des vivants à la mort ! " dit mon fils qui avait déjà dix-huit ans.
Il a joué du piano. Comme à Bompas à cette époque que j'ai peut-être rêvée.
Avec sa fossette à la joue droite. Son grain de beauté à la joue gauche.
La part de moi qui le portait dans ses bras à cinq ans tout à l'heure,
m'avait dit clairement sans le dire, quand j'ai bondi pour venir à leur rencontre :
" tu savais bien quel genre d'homme il s'apprêtait à devenir, pas vrai ? "
Je l'ai toujours su. Le connaissais par coeur. Connaissais jusqu'à son avenir.
Ce par quoi il passerait. Quand je suis allée à Los Angeles avec lui.
C'était si gentil de sa part de m'avoir emmenée écouter Manuel de Falla.
Je ne me suis inquiétée de rien. Je lui ai fait confiance. Et j'ai bien fait.
" Oui, j'ai vu pour Art Mengo. Nicole Croisille... C'est rigolo. " Claude Nougaro.
Je n'avais rien manqué. Pas même les erreurs et les fautes. Les errances forcées.
Jusqu'aux pieds joints. Au bord du vide. Avant de sauter de la falaise. Comme un plongeur.
La muleta écarlate a virevolté sur les cornes du taureau. Au soleil des arènes. Ole.

Avant de plonger, je jette un oeil sur la distance.
Je ne suis pas au bord du vide mais du sommeil.
C'est un fait. Je suis Dieu. Et ma mère. Je ne vais pas mourir.
Mais simplement dormir. Rêver ce que je ne vis pas. Ou vivre ce que je rêve.
J'ai cinq ans dans mes bras. Dix-huit ans au piano. Je dors dans la DS.
Nous roulons sur l'autoroute. Je suis en sécurité. Le tabac de mon père.
Jean-François à Toulouse. L'école d'architecture. Cyrano de Bergerac.
L'Alhambra de Grenade. Manuel de Falla.
De quoi est-ce que je me souviens ? De choses que j'ai vécues ?
Le Clos Banet. Le Square Carpeaux. Le duplex du boulevard St-Germain.
Paris. Montréal. La route de Lacroix-Falgarde. La maison de Bannières.
André Latger a existé. Je l'ai connu. N'est-ce pas ? Cet homme que je faisais rire.
J'ai bien connu Sabine avec qui j'aimais faire le zouave et le clown au Paseo Tramuntana.
Je ferme les yeux et essaie de comprendre d'où me viennent ces souvenirs.
Les avais-je inventés ? Comme Dieu et ma mère ? Manhattan et l'été ?
J'en aurai le coeur net. Descendrai dans l'arène.
Je respire. Ferme les yeux. Les pieds joints. Comme un plongeur.
Je compte jusqu'à dix. J'ouvre les bras. Et je saute. Et je plonge.
Dans la nuit. Ou le soleil. Me réveiller dans le sommeil.
Pour m'écraser au ciel. Et tout recommencer.


 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

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13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 23:48

 

 

Ce sera une nouvelle lune. Une nouvelle ville. Une nouvelle aventure.
Ne pleure pas. Je n'irai pas bien loin. Je ne serai pas loin.
Tu penseras à moi. Je penserai à toi. Et nous nous reverrons.
Ne pleure pas s'il te plaît. Mon bébé. Je t'aimerai toujours.
Je n'irai pas bien loin. Et je te le promets. Nous nous retrouverons.


 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2012 à Perpignan

 

 

 

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