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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 22:47

 

 

En conversation avec B. Au téléphone. Je viens de raccrocher.
Faisant les cent pas dans l'appartement, comme je fais toujours l'appareil collé à l'oreille,
je suis revenu me poster, plusieurs fois, en bout de piste, à mes garde-fous. Sur la rue.
Avant de repartir jusque dans la salle de bains. Ne pouvant aller plus loin.
Je jette un oeil indifférent sur le parvis, concentré sur ce que m'explique mon amie.
Et je retourne jeter un oeil tout aussi indifférent dans le miroir fixé au-dessus du lavabo.
Je proteste en me lançant à nouveau dans l'autre sens, sur la lumière en façade.
" C'est peut-être moins évident à Perpignan qu'à Paris ou ailleurs, mais...
des célibataires, crois-moi, ce n'est pas ce qui manque ! " Et je déroule des arguments.
Avant d'être stoppé net à ma porte-fenêtre. Je ne perds pas le fil de la conversation.
Je viens de raccrocher. Et je retourne vérifier ce qui ne fut qu'une impression.
Je scrute le ciel. Mais oui, bien sûr... C'est aujourd'hui !

Satie est déjà loin. Envolé dans les profondeurs de la nuit.
Une nuit bien trop claire pour être honnête. Et je me suis précipité dans l'escalier.
Précipité dehors pour aller la chercher. Pour la voir de mes yeux. Ma merveille.
Ma mer d'huile à la baie d'Argelès. Ma nuit d'été et d'espoirs prodigieux.
Accrochée au-dessus des gradins vides d'un Campo Santo désert et inquiétant.
Elle boit un peu quand j'ai arrêté début 2010. Je ne lui en tiens pas rigueur. Je souris.
Elle est belle. La treizième. Et je l'aime. Je l'adore. Je l'embrasse. La treizième ?...
Elle éclaire doucement les installations privées de lumières artificielles.
Le Campo Santo plongé dans le noir. Dirait-on... mais c'était sans compter sur elle.
Qui fait cette clarté grise, pas tout à fait blanche, qui rend tout délicieusement irréel.

Je ne saurais dire d'où me vient cette manie. D'aller et venir.
De tourner comme un lion en cage dans l'appartement, quand je suis au téléphone.
Je me vois Cours de l'Yser, à Bordeaux. Rue St Timothée à Montréal.
Le même ballet. Le même cirque. Rue Cyrano de Bergerac. Le Square Carpeaux.
Rue Alfred de Musset ?... Non. Pas rue Alfred de Musset.
Pas même dix mètres carrés. Encombrés de surcroît. Impossible.
Mon bureau y tenait à peine. Aucun recul pour mon fauteuil de ministre. Le lit...
Je n'avais que cette fameuse fenêtre pour faire mes cent pas. A ma place.
Ici, en revanche, je peux m'en donner à coeur joie. J'ai un beau dégagement.
J'y ai pensé quand je l'ai découvert, lors de la première visite, avec la fille de l'agence.
J'ai l'ai tout de suite arpenté, d'un mur à l'autre, pour apprécier l'espace gagné.
Fou de joie. Ravi du volume. De la surface. Et des kilomètres à parcourir.
Je prépare un café. Je repars dans la salle de bains. Je surveille le poil, les points noirs.
La blancheur des dents. Sans m'y attarder. Je repars sur la rue. Les lumières allumées.
Reviens chercher un sucre. Sans ne rien lâcher des arguments que j'oppose.
B. est une amie. Je dois la convaincre, la rassurer, l'encourager...

La treizième lune. Te rends-tu compte ?
Elles ne sont pas nombreuses, mon amour, mes histoires d'amour qui ont tenu plus d'un an.
Je sais bien qu'il ne s'agit pas de compétition, de performance ou de record à battre.
Mais, tout de même, je suis assez ému, assez impressionné, quand je la vois briller sur la ville.
Venue me rappeler que le temps a passé sans ne rien abîmer de notre détermination.
Elle est là pour me dire combien cette histoire est révolutionnaire. Sublime. Miraculeuse.
Et si le temps ne peut rien contre l'intensité de nos sentiments, la violence de notre attachement,
il sert à mesurer leur force de résistance,
quand elles tiennent la distance, et que je m'en émerveille.
Le temps n'aura servi qu'à cela. Prouver que nous avons su lui résister. Lui échapper.
Et les lunes égrenées, commémorent chaque fois la date historique de notre coup de foudre.
Avec le même panache. Avec la même conviction. La même sauvagerie.
Elle me paraît complice. Lorsqu'elle fut présente. Unique témoin de l'accident.
Et je suis heureux de retrouver avec elle, l'excitation farouche que l'on porte en soi,
au seuil des plus grands bouleversements. Cette voluptueuse frayeur à la perte du contrôle.
Quand l'on consent à lâcher prise. Quitte à se perdre tout à fait.

Il faut dire à B. que la roue tourne.
Ou, comme me le disait Dorothy Leigh : " Il ne peut pas pleuvoir tout le temps ".
Je pourrais ajouter : je sais de quoi je parle !
Je suis bien placé pour le savoir. Ou encore, tu peux me croire sur parole.
Je l'écoute. Laisse ma tasse dans l'évier. Passe un doigt sur la poussière d'une étagère.
Continuant ma trajectoire jusqu'à la dernière frontière. Mon dernier mur. Dead End.
Miroir. Cheveux blancs. Ok. I don't care. " Demain est un autre jour " ...
Je m'en veux. Je me le dis en repartant vers mes fenêtres. J'aurais pu trouver mieux.
Je sens que je n'ai pas été convaincant. Quand j'aimerais qu'elle soit heureuse.
Ne suis pas sûr que je puisse lui jeter mon bonheur à la figure, même à titre d'exemple.
Je croise un regard dans la rue. Je perçois une lumière. Un sourire. Quelque chose.
Je me reprends. C'est pour cela que je repars aussitôt. Pour rester concentré.
Pour rester avec elle. Suivre son raisonnement.
J'allume une cigarette. Pour les mêmes raisons.
Et repars dans cette marche qui ne me mène nulle part.

D'où tu es, tu la vois peut-être aussi. J'aime cette idée.
J'ai d'abord situé le halo. Visible depuis mon garde-fou. Deviné sa position.
Je ne suis sorti que pour cela. Pour la voir de mes yeux. Pour l'avoir dans la tronche.
Je n'ai pas quitté Perpignan depuis plus d'un an pour cela. Aussi dingue que ça puisse paraître.
Pour me vouer à ce culte païen. A cette adoration de la lune. Symbole féminin. Ou de la nuit.
Quand j'adore le soleil tout autant. Et que je suis heureux de pouvoir l'être en permanence.
Le jour et la nuit. Qu'à chaque heure, j'ai un dieu à vénérer, à remercier. L'été. L'hiver.
Pour les bienfaits qu'il m'accorde. Pour sa générosité. Et son indulgence.
La nuit, c'est une déesse. Qui croît et décroît. Selon ses phases. Symbole féminin.
Différent de celui de la Vierge des vierges. Qui incarne autre chose. Tout aussi mystérieux.
La lune ne s'embarrasse pas de la pureté.
Elle boit. Elle est pleine. Elle est vieille comme le monde.
La morale, c'est pas son truc. Elle ne nous juge pas. N'a pas idée de ce que peut être un péché.
Son job, c'est de se taire. De garder les secrets. De provoquer les marées. De faire hurler le loup.
D'inspirer des chansons et de me rendre chèvre. Quand je lui cours après.
Pour rester concentré. Pour rester avec toi.
Pour des lunes encore au plus près du soleil.




 

 

Philippe LATGER
Août 2011 à Perpignan

 

 

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