Ma cousine Valérie, la soeur de Frank, fut la première à venir me rendre visite.
Je vivais encore, bien que provisoirement, dans mon rez-de-chaussée sur René-Lévesque.
Avec son époux, William, elle avait partagé son séjour canadien entre le Québec
et la Colombie Britannique, à l'autre bout du continent, sur la façade ouest, pacifique,
pour y découvrir les Rocheuses et Vancouver.
Pour la première fois depuis mon installation,
j'avais une opportunité de sortir de Montréal, de voir autre chose...
C'est avec eux que j'ai découvert la ville de Québec, le Château Frontenac,
et au-delà, les chutes de Montmorency, le site splendide des Sept-Chutes,
ou le village huron de Wendake.
J'ai rebroussé chemin, alors qu'ils avançaient vers le Nord,
pour retourner en ville où je cherchais déjà une nouvelle adresse.
Ils m'ont rejoint plus tard à Montréal, où ils se sont posés deux jours,
avant d'entreprendre ensemble le fameux périple en Ontario,
premier pour moi d'une longue série.
J'avais en leur absence dégoté l'appartement de la rue St-Timothée.
Contrairement à celui que j'habitais, que je pouvais payer au mois,
en cash, sans bail ni garanties, que je pouvais quitter sans préavis
pour être du logement essentiellement étudiant,
ce nouvel appart nécessitait plus de précautions, de gages et d'assurances.
J'avais affaire directement avec le propriétaire qui s'inquiétait de ma solvabilité.
Il s'en inquiétait d'autant plus que je n'avais encore aucun statut précis au Québec.
En attendant qu'Immigration Canada ne m'accorde les droits de résident permanent,
je n'étais accepté sur le territoire que comme simple touriste.
J'ai convaincu Monsieur Poulin en lui proposant de payer 12 mois d'avance.
Une année de loyers. En une seule traite. C'était un argument.
De toute façon, je n'avais pas trop le choix. Je devais faire vite.
Mon frère allait être le second de la famille à venir outre-Atlantique.
Valérie et William, encore à mi-parcours, allaient décoller pour Vancouver.
Ils m'ont dit au revoir précisément la veille de mon déménagement sur la rue St-Timothée.
Et mon frère est arrivé précisément le lendemain.
Je l'ai reçu à Montréal au milieu de cartons à peine défaits,
dans une odeur de polystyrène et de ruban adhésif.
A l'encontre de Valérie et William venus chercher les grands espaces,
Jean-François et Luc préféraient les excursions urbaines.
Ils ne manifestèrent aucune curiosité pour Niagara Falls ou les forêts d'érables,
ni pour les Hurons, ni pour les caribous, et, pour mon plus grand bonheur,
nous avons simplement profité de ma vie de quartier,
des restaurants, des terrasses pour les petits-déjeuners au soleil,
de celles, sur les toits, à investir le temps d'un apéro en début de soirée
avant de nous engouffrer joyeusement dans la nuit.
C'est en leur compagnie que j'ai découvert mon nouvel environnement.
Seule une journée à Québec avait interrompu notre semaine montréalaise.
Lascive. Débraillée. Dans l'insouciance d'un mois de juin chaud et sec.
La ville les accueillait comme elle accueillait l'été. Ouverte et disponible.
La deuxième semaine de leur séjour, nous passions aux choses sérieuses.
Nous avons pris un autobus pour New York.
Philippe LATGER