Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 00:42

 

 

J'imagine volontiers ce que je ne vois pas de mes propres yeux.
L'ouverture de la portière. La ceinture de sécurité. La clé dans le contact.
Je ne suis pas dans la voiture. Mais j'ai l'odeur de l'habitacle.
Le coup d'oeil dans le rétroviseur. Tu sors de la place de stationnement.
Je vois tout comme si j'y étais. Mais ne sais pas ce que tu éprouves.
Es-tu déjà ailleurs ? Dans tes propres projets ? Ce que tu as à faire aussitôt après ?
Eprouves-tu du regret ? De l'amertume ? De la culpabilité ? Du soulagement ?
Tu remontes la rue du Castillet. Tu ralentis au carrefour de la rue Bartissol.
Tu sais qu'en regardant à droite, il y aura une silhouette dans l'une de mes fenêtres.
Tu le sais d'avance. Tu freines. Immobilises le véhicule au milieu du carrefour.
Comme prévu. Il y a le parvis. Le platane. La façade jaune. Le premier étage.
Tu vois que j'ai attendu. Que je suis à mon garde-fou. Les bras croisés.
Il y aura dix kilomètres à faire. Dans les rues de la ville d'abord. En pleine nuit.
Puis dans l'agglomération. Sur des routes éclairées à la seule lumière de tes phares.
Une distance pour passer d'une vie à l'autre. D'une réalité à l'autre.
Une distance suffisante pour changer de peau et de costume. Changer de vie.
Comme à ce moment où le Boeing amorce sa descente sur l'aéroport.
Où, avant l'atterrissage, sortis de nos rêveries ou de nos somnolences, on se reprend,
on commence à penser à ce qu'il faudra faire, l'immigration, le passeport, les bagages,
trouver le taxi ou la ligne de métro, ce moment où l'on revient à soi et au présent.
Bien sûr, il y aura quelques petites choses à faire en arrivant.
Celles à faire le lendemain. Et puis dans la semaine. Des choses à régler.
Mais peut-être le trajet te donne-t-il le temps de repenser à la soirée.
Et à ce qui s'y est dit. Comme peut-être que tu ne penses à rien.
                                         
Mes mains ouvertes sur ma boule de cristal.
J'approche mes yeux pour y voir des volutes de constellations nébuleuses.
Ton désir et tes interrogations. Ton étonnement. Quiétude et inquiétudes mêlées.
C'est ton visage entre mes doigts. Mon présent. Mon avenir. Et mon passé. Déjà.
L'ado qui n'aimait pas l'école. Qui n'aimait pas le collège. L'ado que je n'étais pas.
Qui écrira des poèmes étranges quand j'en écrivais d'autres de mon côté.
Rosas en partage. Et l'Espagne au-delà. Des chemins de traverse que j'ai pu traverser.
Je rentrais du Québec. M'installais à Toulouse. Pour tomber amoureux. Une histoire d'amour.
Qui allait m'emporter sur la Côte d'Azur, dans l'hémisphère sud, jusqu'au port de Sydney.
2001. Une année de tourmentes. Manhattan mutilée. Mon nuage de cendres.
Ainsi donc, tu avais une vie. La tienne. De ton côté. Quand je n'existais pas.
Aussi vrai que je ne me doutais pas que tu puisses exister.
Il fallait ces méandres pour en arriver là. Dans ce lit où je suis. Où tu te laisses faire.
Quand mon pouce sous ton oeil vient cerner la pommette. Avec application.
Je caresse tes cheveux. Et mes mains forment un étau sur les os de ton crâne.
Tu n'es pas une perle rare. Les perles rares, j'en ai enfilées des rangs entiers.
Des plus belles que toi. Des plus chères et des plus convoitées.
Toi, c'est autre chose. Tu es l'amour de ma vie.
                                         
Que faisais-tu à l'époque ? Et avec qui ?
Pourquoi ne nous étions-nous pas croisés ?
Quand nous aurions pu, sans doute. Ici ou là.
D'ailleurs, peut-être nous sommes-nous croisés sans y prendre garde.
De toute évidence, je n'aurais pas été foutu de te voir ni de t'aimer.
Quand l'amour est un sentiment qui s'affine avec l'âge.
Le travail d'une vie à polir les matières pour en trouver le coeur.
Tu n'aurais vu, il y a quinze ans, qu'un petit con qui ne doutait de rien.
Incapable de se faire confiance.
Et tu ne m'aurais pas même regardé la gueule.
Et nos chances auraient été gâchées.
Il fallait que tu fasses ce que tu avais à faire.
De mon côté, je devais m'envoyer Barcelone et la syphilis.
Paris et les étoiles lointaines d'un show business sordide.
Pour revenir éreinté mais purgé de mes vices. Dans ma case départ.
Il y a eu ce moment où nous étions parés. Le croisée des chemins.
Ce moment très précis. Au millimètre près.
Où nous étions fin prêts.
A nous connaître enfin.
Prêts à nous rencontrer.
Et à nous reconnaître.
                                         
Les phares éclairent la route dans la nuit, terrain vague,
qui enveloppe le corps de son anesthésie légère.
Propice aux rêveries quand on roule en voiture. Quelque part. Entre deux.
A quoi pensais-tu sur le déroulé des platanes et du marquage au sol,
pendant que je fumais l'espace déserté qui restait dans la pièce,
avec des sensations si fortes encore à fleur de peau.
Avais-tu des regrets et des doutes ? Un mélange de tristesse et de satisfaction ?
Etais-tu seulement à tes buts à atteindre ? Ton planning ? Ton travail ?
Pensais-tu à des mots qui furent échangés. Aux regards et aux gestes.
Les yeux dans les yeux. " Je ne sais pas où on va, mais on y va... "
Si les routes qui se croisent ne font que se croiser,
les nôtres s'accompagnent sur un bout de chemin.
Elles devaient se rejoindre sans faire une autoroute
mais deux voies parallèles filant à travers champs.
Avec la tentation parfois de venir se confondre.
Je ferme les yeux sur la boule de cristal qui confirme une idée.
Nous sommes maîtres à bord de ce que l'on désire,
ce que l'on se destine, ce que l'on veut pour soi.
Quand entre mes deux mains j'ai vu le visage parfait de ce que j'attendais,
plus beau que toutes les perles, qui ne peut être rare alors qu'il est l'unique.
L'amour brut tel que je n'aurais pu le décrire avant de le connaître.
Celui que l'on compose avec nos libertés et nos aspirations.
Avec nos égoïsmes, nos caprices de sales gosses, mais sans peur de souffrir,
sans peur d'être trahi, sans blessures d'orgueil ni crainte de reproches.
Quand d'égal à égal, nous n'avons pas de liens, ni rien à faire ensemble,
sinon nous admirer et nous vouloir du bien.
Au carrefour dans la ville, tout au bout de la rue, il y a sur ma façade jaune
deux fenêtres ouvertes à son premier étage où je me tiens debout.
Tu ralentis. Je te regarde sans te voir. Un instant accordé.
Comme dernier baiser. A ce nouveau départ. 

 

 

 

 

Philippe LATGER
Février 2013 à Perpignan

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

  Parolier / Discographie 

 

LaViedeChateauArtMengo

 

 BlondedanslaCasbahBiyouna

 

 

BOAzurAsmar

 

 MeskElilSouadMassi

 

 LoinLambertWilson

 

 7ViesTinaArena

 

 BetweenYesterdayandTomorrowUteLemper

 

 CestTropMissDominique

 

 SijenétaispasmoiMissDominique

 

 

WinxClubenConcert

 

 

OuvontlesHistoiresThierryAmiel

 

 

Live en trio 

 

 

 

 

  Compilations  

        Compilation 2009

 

 

Compilation 2010 Universal

 

 

 

 

cinéma

 

MauvaiseFoi

 

 

 

 

  spectacle café de la danse 

MadreFlamenco