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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 02:49



Que l'on m'enterre. Je n'ai pas envie de passer au four à pizza.
Je veux me décomposer dans la terre et nourrir les tournesols.
Déféqué par les vers, je me ferai humus et puis pin parasol.
Je serai contenu dans une jardinière. Pas dans un cendrier.
Je serai pourriture. Je serai champignons. Et puis la floraison.
Je ne veux pas du granit, d'un caveau ou d'un temple, mais un trou dans la terre.
Comme on en creuse dans les pelouses chez les anglo-saxons. Laisser faire le temps.
Laisser faire la nature. Aux mélanges chimiques et aux transformations.
Nourrir les bactéries. Servir à quelque chose. Devenir autre chose.
Quand je serai charogne et l'engrais s'il en faut. Revenant végétal. En eau et cellulose.
Je ne crains pas le feu, quand il n'y a pas à craindre de pouvoir en souffrir,
mais c'est une violence dont je ne veux pas, préférant la douceur de la putréfaction.
J'aime prendre mon temps. Et j'ai assez brûlé, partout, de mon vivant.
Pour choisir la lenteur, l'interpénétration, puisque c'est une voie qui reste sexuelle.
A se donner au monde, à partager sa chair, à se fondre aux matières, à l'environnement,
plutôt que de flamber, se consumer encore, en un flash de phosphore éphémère et fumant.
Je veux que l'on me couche pour reprendre racine. Me faire nutriment.
Honorer le vivant. La chaîne alimentaire. M'offrir au microbien, aux lombrics, aux insectes.
Pendant que je voyage et que je me repose. Je veux recomposer ce qui se décompose.
Je ne veux pas de marbre, de vanités abjectes, de stèles ou d'épitaphes.
Que l'on joue de la pelle, moi qui aime t'en rouler, pour me dissoudre enfin
et rejoindre l'ensemble.

Il faudra que je meure pour avoir la main verte.
Si personne ne la vole, j'aurai la bague au doigt que tu m'avais offerte.
A l'index une alliance qui pourra perdurer au-delà de l'anneau, du corps enseveli,
quand je t'habiterai comme un souvenir diffus qui te fera aimer, avancer et sourire.
Il n'y aura pas de lieu, où que l'on me descende dessous les pissenlits,
sur lequel s'incliner, me porter de bouquets où bien se recueillir,
quand je serai le vent qui fait lever le nez aux joies échevelées d'être encore de ce monde,
le soleil et la pluie qui font lever la tête et embrasser le ciel, le pollen migrateur,
pour tout ensemencer, pour tout recommencer, quand la mort est féconde.
Je serai dans la terre. Je serai dans le ciel. Et toi, entre les deux, tu pourras m'oublier,
continuer ta route, en riant des pleureuses et des mots du pasteur.
Le fumeur ne tient pas à partir en fumée. L'incendie, c'est ma vie.
Et ma mort s'y oppose.
Il me faut des cyprès et des arbres fruitiers. Des pignes qui explosent.
Je ferai des olives. Et des coquelicots. Aux ferments qui s'arrosent.
Aux flammèches furieuses je préfère l'orgie et le festin des ombres.
La partouze grouillante d'organismes voraces se déchirant mon corps.
Le déclin continu. La dégénérescence. Comme aux clartés qui sombrent
aux heures estivales et aux couleurs fanées du ciel au crépuscule.
Mes braises étouffées par trois pelletées de terre. Pour couvrir mon cercueil.
Ma matière. Mon relief. Sans qu'il n'y ait de repères, pas même un monticule.
Pour que je participe au gazon, aux bourgeons, au cycle des saisons.
En toute discrétion. Le travail souterrain. Le repos sous tes doigts.
Où j'irai, allongé, rejoindre les étoiles en milliards de poussières.
Rêver d'avoir vécu. D'avoir pu te connaître et d'avoir existé.
Ici anéanti aux arbres qu'on caresse, aux couches nourricières.
Mais reconfiguré pour être toutes ces choses que je n'ai pas été.
Tout ce qui n'est pas moi. Tout ce que je peux être.
Que tu pourrais aimer.

Une vie de tempêtes et d'alcool à brûler.
Que j'ai par les deux bouts vécue en pyromane et descendue en flammes.
Au moment de m'éteindre, qu'on me descende en terre.
Je suis blé et colza et non pâte à pizza. Qu'on ne m'enfourne pas.
Je voudrais qu'on me plante. Quand je n'ai rien planté.
Quand je n'ai rien fait pousser et me fous des récoltes.
Je n'ai pas la main verte. Ou seulement ouverte. Que l'on joindra à l'autre.
Avant mon immersion dans le ventre de la terre où la vie se révolte.
Pour renaître en fougères ou petits pieds de menthe.
Revenir en coton ou en oignons sauvages.
M'étirer vers le ciel en cherchant le soleil.
Quand j'aurai oublié que je l'avais trouvé.

 

 

 

Philippe LATGER
Mars 2013 à Perpignan

 

 

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