Cette réflexion s'appuie sur deux observations.
Celle d'une réalité territoriale qui se vérifie sur plan et celle des ressources humaines.
Pour la première, il suffit en effet d'ouvrir un plan pour constater la densité de la ville,
qui, pour avoir été celle d'une capitale royale au Moyen Âge, révèle que Perpignan n'est pas,
comme d'autres Préfectures, un gros bourg amélioré, mais une véritable cité,
dont le caractère urbain, toujours bien présent, remonte au XIIIe siècle.
Il est aisé de vérifier que le Triangle d'Or, c'est-à-dire les quelques rues commerçantes
de l'hyper-centre, entre la Place Arago, la Place Rigaud et la cathédrale St-Jean,
tient dans un mouchoir de poche, semble bien étroit et minuscule par rapport à l'ensemble.
On voit qu'avec St-Jacques, le mont St-Sauveur, les quartiers de la Réal ou de St-Mathieu,
le centre-ville historique de Perpignan, aussi vaste que celui de Montpellier,
n'est pas exploité comme il devrait l'être, quand les trois-quarts ne sont pas investis
par les Perpignanais eux-mêmes, qui en ignorent les trésors et parfois même l'existence.
Ainsi donc, estimons-nous heureux si 25% de cette ville sont considérés comme exploités.
Quant aux ressources humaines, aux talents, aux énergies, aux expériences, aux savoir-faire,
si l'estimation est plus aléatoire qu'à la simple découverte d'un plan au verdict implacable,
il n'est pas difficile, après quelques mois de résidence dans cette agglomération,
de constater l'ampleur du gâchis, lorsque Perpignan ne parvient pas à conserver ses jeunes,
ni à garder les nouveaux arrivants, certes attirés par un climat et une qualité de vie,
mais qui découvrent vite qu'il n'y a pas d'emploi ni de développement économique possible.
Outre le climat, qui est, plus qu'une promesse, un potentiel d'énergie qui n'est pas exploité,
à la somme du soleil et du vent dont la plaine regorge, le Roussillon dispose de jardins,
de vergers et de vignes, d'un écosystème aussi riche qu'édénique, d'une variété géologique
qui offre de grandes capacités d'exploitations, lorsque le tourisme n'est pas, à l'évidence,
la seule piste de développement, et que l'agriculture locale est loin d'être optimisée.
Des personnalités de qualité ne manquent ni d'énergie ni de créativité, pour faire valoir
des sites, des vignobles, des produits originaux, des innovations parfois, mais, ici aussi,
elles se battent souvent seules lorsque des blocages aussi psychologiques que politiques
empêchent toute cohérence d'action et synergie collective.
Au potentiel humain comme à celui du patrimoine, historique, architectural, religieux,
comme à celui de l'environnement, des paysages, du climat, d'une situation géographique
privilégiée, cette ville sublime, passionnante, au coeur d'une région gâtée par la nature,
est l'écrin d'une tradition catalane et multiculturelle aussi marquée qu'originale,
autant d'atouts qui rendent consternantes les statistiques économiques et sociales
qui découragent tout le monde, d'autant plus face à autant de bêtise que de mauvaise volonté.
Je le dis en pensant à tous les jeunes talents qui auraient tant à donner à leur ville.
A cette jeunesse condamnée à partir au plus près à Toulouse ou Montpellier pour espérer
évoluer dans ce pour quoi elle est faite, hésite souvent à revenir ensuite, ou regrette l'avoir fait
lorsqu'elle s'y est aventurée malgré autant d'expérience que de détermination.
Je le dis en pensant à tous les battants qui ont tenté sur place de changer les choses.
A ceux qui y sont parvenus, en créant des entreprises, des festivals et quelques évènements.
Je le dis en pensant à toute la richesse humaine sous-exploitée de cette ville, et donc gâchée,
comme à la lecture d'un simple plan qui montre d'une autre manière combien Perpignan
est loin d'être, non pas ce qu'elle pourrait, mais ce qu'elle devrait être.
Perpignan est comme le cerveau humain.
On n'exploite que 10 à 20 % de ses capacités.
Et je suis de ceux qui ne peuvent s'en satisfaire.
Philippe LATGER
Décembre 2013 à Perpignan