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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 00:25



Bon, ok, ils m'ont niqué le parvis. Pas grave.
Bien des choses changent. Et d'autres ne changent jamais.
Il reste la cathédrale. Il reste le platane. Même avec le sabot ignoble qu'on lui a mis au pied.
Ah ça, il ne manque rien. Moins deux, et nous avions droit à la roue de charrette.
Ou à la machine viticole. Comme on en trouve au milieu des ronds-points des villages alentour.
Des trucs qui ne servent à rien. Ah, si... pardon. Qui servent à " faire joli ". J'imagine.
Bref, ici, à la Cathédrale St-Jean, étendre le pavage de granit rose ne semblait pas suffire.
Il a fallu pas moins de 7 matériaux et types de revêtement différents.
Qui comptent double dans un mouchoir de poche de 400 m2.
Le granit utilisé pour toute la surface piétonnière de la ville, et le seul légitime à mes yeux,
et puis du gros galet, et du petit galet, et de la brique rouge, et ce matériau 70 venu de nulle part
pour emprisonner mon platane, et cet autre dallage qui vient bouffer, contre le porche,
le grand rectangle de marbre rose dont on suppose qu'il fut le plateau d'un autel plus ancien.
Au patchwork de goudron déglingué que nous avions, nous en avons obtenu un autre.
" Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? " avais-je titré sur Facebook,
photo à l'appui, lorsqu'on m'a à juste titre peut-être rétorqué que c'était toujours mieux qu'avant.
Certes, je n'ai jamais trouvé les voitures en ville ni très utiles, ni très décoratives.
Et j'enrage toujours aux stationnements le long de trottoirs de rues étroites ou historiques,
quand elles viennent emmerder les piétons, fauteuils roulants et poussettes,
et abîmer les perspectives, empêchent de jouir des façades et de leurs alignements.
Pensez qu'à la place de la Pyramide du Louvre, il n'y a pas si longtemps,
se trouvait encore un parking de surface qui serait inimaginable aujourd'hui.
Ici aussi, au beau milieu de la place de la cathédrale, j'ai connu le temps où l'on avait trouvé
pratique d'offrir du stationnement à une vingtaine de voitures, que personne ne regrette.
Il ne tiendrait qu'à moi, tout le coeur de ville serait piéton depuis longtemps.
Véhicules prioritaires, livraisons, résidents. Ok. Avec accès par badge comme ça existe.
Pour le reste, pas de stationnement possible à l'intérieur des boulevards. On peut marcher.
Et en effet, il était honteux qu'il reste quelques places au pied de mon campanile.
Nous avons sacrifié le parking devant le Castillet. Il était temps d'en faire autant ici.
Mon ironie ne disait en aucun cas que je regrettais la présence de l'automobile.
Elle portait sur le travail de concepteurs qui ont tenu à laisser leur trace en faisant du zèle.
J'hésite d'ailleurs à utiliser le mot d'architecte. Paysagiste peut-être serait plus approprié.
On pouvait faire propre, net, économique, écologique, et bien d'autres choses encore,
en se contentant de virer les bagnoles avec une seule chape, unie, sans fioritures.
St-Jean ne suffisait-elle pas à embellir les lieux à elle-seule ? Il faut croire que non.
Car c'est bien pour faire "joli" que l'on a utilisé la brique rouge ici et le gros galet là.
Voilà que ce fourre-tout de grand n'importe quoi vient détourner l'attention de ce qui importe.
La rampe pour handicapés, qui est une bonne chose, est d'une lourdeur qui vient casser
l'harmonie de la porte latérale, ravissante, avec ses colonnes blanches et son fronton brisé,
le bac enserrant désormais mon platane est tout aussi grossier qu'inutile, déplacé, ridicule,
et gâche de surcroît les deux petits escaliers charmants qui se trouvent derrière.
Bref, j'accuse les concepteurs d'avoir préféré mettre en valeur leur propre délire
que mettre en valeur le patrimoine existant qui n'avait pas besoin de ça.
J'ai connu ça dans la musique, où des chanteurs essayaient de tirer la couverture à eux,
où des auteurs voulaient l'emporter sur les compositeurs, et inversement, se mettre en avant,
au lieu de travailler ensemble, en équipe, au service de l'oeuvre plutôt qu'à leurs petites gloires.
On trouve partout, dans tous les secteurs, ces dérives mégalomaniaques. Les luttes d'ego.
Je ne jette pas la pierre au maître d'oeuvre et à ses ouvriers, qui eux, exécutent les plans.
Et qui, j'en suis témoin, ont été remarquables, ont parfaitement travaillé. Vite, et bien.
Je maudis juste ceux qui ont décidé de ce foutoir, leur en veux d'avoir défiguré mon parvis.
Qui ressemble désormais à celui de la Mairie de Bompas ou de Ste-Marie-la-mer.
Puisque ça vaut à peine les délires des designers improvisés de conseils municipaux.

Je suis peut-être sévère. Je suis d'abord en colère.
Parce qu'ils ont réussi à ôter tout charme à ce lieu qui en avait tant.
Au bénéfice du recul de la voiture dont je devrais me réjouir, je reste perplexe.
Mieux qu'avant ? Permettez-moi finalement d'en douter.
Quand aux arguments écologiques que je comprends sur la guerre contre l'automobile,
je réponds que le désert minéral que l'on y oppose n'est pas non plus une panacée,
puisqu'il contrarie les cycles de l'eau et ses réseaux d'évacuation naturelle.
Mon platane était ce qu'il restait de végétal dans mes fenêtres,
et le voici pris dans une camisole débile qui me rend malade pour lui.
L'éclairage orange est le même que lorsque je me suis installé dans cet appartement.
Et je suis heureux de retrouver son feuillage dense contre le marbre et la pierre de la tour.
C'est toujours ce même décor d'Opéra qui avait su me convaincre à la première visite.
Mais oui. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cela me désole.
J'attendais que les travaux progressent pour réagir. Je rongeais mon frein.
Pouvais être confiant au départ, craindre le pire en cours de route. J'attendais de voir.
Et ce soir, à mon garde-fou, oui, je vois. Je vois le résultat.
Une belle branlette de gens qui se sont fait plaisir. Grand bien leur fasse.
Ce n'est sans doute pas si grave. Ce que je disais au camarade Fonquernie.
Flanqué dans mon autre porte-fenêtre pour constater les dégâts.
Il n'y a rien ici d'irréparable. Rien d'irrattrapable. Ce ne sont que des galets.
Des choses que l'on pourra changer. Virer. Transformer. Et c'est un moindre mal.
Mais c'est un coup de griffe. Dans la tronche. Quand mon coeur a une belle balafre.
Quand j'ai conscience que ma réaction révèle d'autres enjeux plus personnels.
Qu'en touchant à ce lieu ils n'ont pas seulement touché à un lieu mais à toute une histoire.
Ce qu'ils en font ne me plaît pas. La tournure que ça lui donne ne me plaît pas.
J'étais dans mon élément et mon amour avec moi dans le charme discret, émouvant,
d'une parcelle gothique habitée de fantômes et de liaisons secrètes, propice aux roucoulades,
à l'errance des chats et au chuintement des fontaines, et nous voici dans la pompe grotesque,
outrancière et sans âme, de vanités locales, aussi ostentatoires qu'absurdes.
Je m'attendais à une plus-value. Pour mon appartement comme pour mon histoire d'amour.
Et vous me trouvez déçu. Amèrement déçu. Prêt à jeter l'éponge. Ou être indifférent.
Cela profitera à d'autres. Ce n'est sans doute qu'une affaire de goût.
Il y a bien des touristes et des Perpignanais peut-être qui trouveront ça " joli ".
Le petit sentier façon Magicien d'Oz pour les chaises roulantes. Ne manque que des nains.
Pour chanter à leur passage. Ou un petit âne avec des fleurs dans des paniers.
Pour qu'ils sachent par où passer s'ils venaient par mégarde à s'égarer si près du but.
Ok. Il y a des choses qui ne changent jamais. Mais il y en a qui changent.
Et certains changements ne me plaisent pas du tout. Des choses qui se dégradent.
Qui se délitent. Qui s'abîment. Quand c'est un des tranchants de la lame du temps.
Que je dois accepter. Des choses s'améliorent. D'autres se détériorent. C'est le jeu.
Très bien. Il n'y aura plus de voitures. Alléluia. Et je me dis, refermant ma fenêtre,
que ça me fait une belle jambe.

   

    

 

Philippe LATGER
Juin 2013 à Perpignan

 

 

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