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14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 00:42


                                   
Il y a plusieurs choses qui se sont additionnées je pense.
Le plombier d'abord, que j'attends depuis un mois et à qui j'ai finalement parlé au téléphone.
Qui devrait venir vendredi matin me réparer le robinet d'eau chaude de la douche.
Une interprète ensuite, avec qui tout est un peu compliqué, que je devais rappeler,
quand je manquais de courage, et à qui j'ai laissé un message tout à l'heure.
Mon père aussi, que je n'ai pas vu depuis longtemps. Depuis Noël peut-être.
Et qui sera là ce week-end, pour un déjeuner en famille, avec ma soeur et mes nièces.
Je ne sais pas. C'est un ensemble de choses. Qui se sont ajoutées au cours de la journée.
Malgré les températures un peu fraîches, il y avait du soleil, et un truc à peine perceptible
qui m'a interpelé parce que ça ressemblait déjà au printemps. La position des astres.
La lumière. L'inclinaison des ombres sur la place et dans la ville à telle heure de l'après-midi.
J'ai assisté à une réunion publique organisée à côté de chez moi par la Mairie de Perpignan.
Dans cette salle aux luminaires art-déco que j'adore où j'ai retrouvé la mère d'un ami.
Ils vont rénover le parvis de la cathédrale. L'uniformiser avec la place Gambetta.
Paver la rue de la Cité Bartissol et, en continuant, ma rue de l'Horloge jusqu'au Campo Santo.
Ma rue déglinguée aura son tapis de granit rose jusqu'au cloître et la porte latérale de St-Jean.
Le circuit touristique sera enfin plus confortable, plus propre et engageant. Et surtout...
C'est la première chose qui me saute aux yeux sur le document que l'on me tend à l'entrée.
Le platane du presbytère. Mon platane. Sera conservé. Et je ne lâche plus mon sourire.
Oui. C'est une bonne journée. Et je suis de bonne humeur. Quelque chose a changé.
C'est une accumulation de signes positifs. Qui ne date pas d'aujourd'hui.
Quand j'ai besoin de m'occuper de mon corps. Comme s'il sortait d'une longue hibernation.
Je vais chez le dentiste pour soigner une dent. Je m'occupe de ma santé. Une préparation.
Anticipant les beaux jours comme lorsqu'on sort son matelas sur le balcon.
J'ai besoin de faire des étirements. Le chat qui bâille après une longue sieste.
Qui salue des gens qu'il reconnait dans la rue ou à la réunion. Qu'il est content de voir.
Je ne sais pas ce que c'est. Je ne sais pas pourquoi aujourd'hui.
Il y a de bons commentaires publiés sur le livre. Gena qui fait du zèle. Et des étincelles.
De petits messages qui semblent dire que mon histoire d'amour n'est pas encore morte.
Et le sourire ne me lâche plus. Jusqu'aux informations de 20 heures, contre toute attente.
Où l'hommage de cardinaux ôtant ensemble leurs mitres pour saluer un pape démissionnaire
m'émeut aux larmes sans que je puisse me l'expliquer.
Où la proposition du Président Obama de créer une zone de libre-échange entre l'Europe
et les Etats-Unis me fait bondir de joie et me conforte dans l'idée du progrès de l'universalisme.
Oui, définitivement, j'applaudis des deux mains et me dis que c'est une excellente journée.
Qu'il y a de l'espoir dans tout ça. Que le monde bouge et avance et que j'avance aussi.
Et qu'il n'y a rien de plus merveilleux que de résoudre les problèmes,
d'arranger ou d'embellir les choses, et de sauver mon platane.
                                      
Voilà plus de quinze jours déjà qu'aucune main n'a caressé mon corps.
Je prends le relais sous la douche. Je le frictionne. Lui rappelle qu'il est vivant.
Quand deux semaines sans baisers ni salive ont suffi à le rendre tout sec.
Comme du bois mort. Que je dois hydrater et ranimer moi-même.
Comme aux arbres, la vie n'est pas loin sous l'écorce. Et le printemps arrive.
Quand j'ai envie de faire la fête et de faire l'amour. Aux saisons qui basculent.
Mes cheveux ont poussé. Je le sens en les rinçant pour sortir le shampooing.
La tête en arrière sous le pommeau. Les yeux fermés. Je le sens sous mes doigts.
Et je n'ai pas tant besoin de sexe que de me sentir amoureux.
Retourner à Paris sera formidable. Il y fera moins froid au cours du mois d'avril.
Quand je suis fatigué des pulls et de leurs manches longues et des cols bien fermés.
La dentiste va sauver ma dent et la mairie sauvera mon platane.
Quand je n'aime rien de tout ce qui dévitalise.
Le champagne une nuit a pu couler tranquille. Sans réveiller le diable.
Et mes retrouvailles avec l'alcool furent des plus pacifiques.
Quand au bout de trois ans je me suis rendu compte que je pouvais faire la fête,
célébrer et trinquer avec les gens que j'aime sans risquer de me perdre,
avec modération, en toute sécurité, et rejoindre mes amis autour d'une bouteille.
J'ai eu la sensation d'être arrivé au terme d'une longue abstinence.
La cure de désintox. Quand j'ai marché sur des braises jusqu'au dernier week-end.
Un retour à la vie. Au plaisir. Puisque je peux être ivre sans être défoncé.
Et c'est une victoire. D'avoir pu me libérer sans libérer Hyde avec moi.
Je craignais qu'il revienne. Et je sais désormais que je ne craindrai plus les dîners,
réunions entre amis, où j'étais mal à l'aise dès qu'il s'agissait d'un verre ou d'un simple apéro.
C'est comme un cauchemar qu'on ne fera plus jamais. Un bras de fer gagné.
Et un poids qu'on enlève, que j'avais oublié, mais dont je me soulage.
Le tabac sera le prochain ennemi à abattre. Quand il est un problème depuis plus de cinq ans.
Depuis cette frayeur autour des amygdales et d'une opération. J'ai des progrès à faire.
D'un paquet et demi je suis à un paquet, et c'est déjà une privation qui me coûte.
Mais je dois changer mon angoisse en pensée positive. Apprécier la tendance.
Comme apprécier ma douche, le shampooing dans les yeux et l'arrivée de mars.
Pour ne pas prêter attention à ce qu'il peut rester dans un paquet de Marlboro.
                                      
Je pourrai voir mon père, d'ici deux ou trois jours.
Puisque je peux le faire. Que la vie le permet. Au stade où nous en sommes.
C'est un autre moi-même qui a été en conflit avec un autre lui. Il y a déjà longtemps.
Et les hommes que nous sommes devenus n'en ont plus qu'un souvenir lointain,
qui ne gêne personne, le fait d'un autre siècle, symptôme d'autres vies qu'on ne regrette pas.
Le temps a transformé les âmes comme les corps. Les rôles et le décor. Et la distribution.
Il est toujours étrange de penser que l'on a pu être quelqu'un d'autre.
Et de voir combien nous sommes différents même en restant nous-mêmes.
Je veux le voir pour me confronter au chemin. Je dois le voir pour le voir de mes yeux.
Cet homme qui à mon âge, précisément, devenait père de ce troisième enfant que je suis.
Je veux un contact physique. La peau vieillie de sa main dans la mienne.
Voir si quelque chose me revient de ces vies antérieures que l'on a partagées.
J'essaierai de le faire rire. De raconter des conneries. Je ne veux que la fête.
Le bonheur d'être là. Autour d'une même table. Puisque nous sommes quittes.
Ici encore je serai seul pour me représenter. Ne viendrai pas en couple.
Puisque je n'en ai aucun à promouvoir. Contrairement aux autres membres de la famille.
Mon père. Ma soeur. Mon frère. Mes nièces. Tous sont en couples. Je suis le seul.
Puisque je suis entier. Que cela ne compromet en rien toutes mes fonctions vitales.
Que cela n'affecte pas mon raisonnement. Que je suis toujours vivant. A quarante ans.
Dans un peu plus de deux mois. Le cap sera passé. Comme une lettre à la poste.
Avec de nouveaux souhaits et de nouveaux désirs. Quand Montmartre est si loin.
Que j'ai d'autres envies, sans être nostalgique, ni blessé, ni aigri.
Et que je peux envisager comme ce serait chouette de ne pas vieillir seul.
Mon dernier amour a réveillé quelque chose. Combiné aux heures de baby-sitting.
Qui n'est pas le désir d'aller le samedi faire les courses de la semaine dans un supermarché.
Mais celui de partager une vie avec une personne. Le goût de la constance. De la fidélité.
Ce fut une révélation. Que je n'attendais pas. Moi qui n'y croyais pas.
Quand avec l'âge peut-être, le désir de collectionner les conquêtes s'est éteint peu à peu.
Devenu obsolète. Quand j'aime cette idée d'accompagner les gens sur les longues distances.
Comme avec ses amis. Comme avec ses enfants. Comme avec ses parents.
Et s'il ne s'agit pas de partager les courses et le linge à laver, je veux vieillir et mourir
dans les bras de quelqu'un à qui j'aurai donné le meilleur de moi-même.
Mon histoire présente a révélé cela. Comme il est beau et sexy de n'être jamais qu'à l'autre.
Et comme tous les autres n'ont plus ces attraits illusoires qui me faisaient bouillir.
Quand ils n'éveillent aucune tentation. En connaissant d'avance ce qui se passerait.
Quand j'ai vu tous les corps, tous les sexes, tous les types d'humains, tous les âges,
toutes les couleurs de peau, que j'ai goûté à tous les modèles disponibles et à tous les plaisirs.
L'aventure désormais ne sont plus les aventures. Mais de prendre de l'âge avec un seul amour.
Avec un seul sourire qui ne vieillira pas, avec un seul regard, une main dans la mienne.
Un être à mes côtés. Ce sera hors mariage. Soyez-en persuadés. J'aspire à mieux que ça.
Je suis plus exigeant. Je ne veux pas d'un couple. Mais une histoire d'amour. En toute liberté.
Cette amitié suprême. Où la confiance règne. La confiance absolue. La plus grande volupté.
J'ai fait le tour du monde. J'ai fait le tour des hommes. Et de leurs perversions.
Je n'ai pas sur la liste d'expériences manquantes. La sodomie ? Les Asiatiques ?
Les plans à trois ? Déjà fait. Déjà fait. Déjà fait. Les hommes. Les femmes. Les touzes.
Déjà fait. Déjà fait. Déjà fait. Je sais ce qui me plaît. Ne me suis pas privé.
Et à Paris, déjà, j'avais cette impression d'avoir fait le tour de la question.
J'ai pris cette liberté de profiter de ma jeunesse. De mal me comporter. De faire n'importe quoi.
De goûter à tout. De prendre des risques. Et même de me détruire et de me déglinguer.
Alors oui, je suis prêt. Avec tout ce qu'il reste de l'homme que je suis. Que j'ai toujours été.
A parier sur l'amour. Moi qui n'y croyais plus. Quand je l'ai rencontré.
                                      
C'est le printemps peut-être. Et le bout de son nez.
Pourquoi donc aujourd'hui ? Je ne saurais le dire. Plusieurs petites choses.
De petits trucs discrets. La lumière sans doute. Qui commence à virer.
Et les jours qui rallongent. Et une sérénité. Qui s'empare de moi. Qui revient m'envahir.
Quand je me sens éclore au shampooing sous la douche. Au sourire des passants.
Aux messages qu'on m'adresse. Comme à l'actualité.
Mon platane n'est pas mort. Il n'est pas condamné. Reverdira bientôt.
Je l'accompagnerai. En phase avec le cycle. Sur la pente attendue. Sur celle de l'été.
Que j'aime voir devant ou en ligne de mire. Avec d'autres projets de bonheur à gagner.
Des changements heureux. A mon retour au monde. A ma communauté.
Quelques cercles vertueux de proches à adorer. De gens sur qui compter.
Dont certains qui me lisent font partie à jamais.
Je veux faire la fête. Je veux faire l'amour. Pas avec n'importe qui.
Je peux boire à nouveau. Et garder des enfants. Ecrire tous les jours.
Et cesser de remettre les choses au lendemain. Aller chez le dentiste. Appeler le plombier.
Profiter de mon père. Refaire des chansons. Revenir à Paris. Préparer des concours.
Embrasser mon platane. Et aimer mon studio. Réussir. Echouer. Essayer. Avancer.
Faire de nouvelles rencontres. M'ouvrir à l'avenir qui s'annonce passionnant.
Pas parce que c'est le mien, mais bien celui du monde. Où je me sens si bien.
Il y aura du soleil. Et puis du granit rose sur un parvis tout neuf. Dans ma rue arrangée.
Où je serai heureux de venir me doucher. Lorsque les robinets seront tous réparés.
Qu'on résout les problèmes. Et qu'il est bon d'aimer.


 

 

Philippe LATGER
Février 2013 à Perpignan

 

 

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