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3 mai 2010 1 03 /05 /mai /2010 19:29

 

Passage express à Perpignan où vit ma soeur. Je rentre d'Espagne.
Micro-ondes de la plage avec des amis... et ma soeur m'appelle :
" Oui, expo machin, CharlElie, Centre du Monde,
voilà, New York, très bien... 17 h 00 ?...
- Euh... TGV Paris 17h37, un peu juste, ok... 17 h 00... Pas le choix."

Je cours dans le foutoir du quartier d'une gare qu'un Dali aurait sublimée en d'autres temps,
roulettes de mon bagage malmenées sur des trottoirs étroits et défoncés, en plein soleil,
jusqu'à la verrière d'une coopérative viticole transformée en galerie.
J'y retrouve la sister, radieuse. Qui me pousse à partir m'installer à Manhattan.
(J'ai le numéro spécial du Nouvel Obs' dans mon sac,
sous un volume de l'Histoire de New York de François Weil.)
C'était bien ça... un type à la barbichette malicieuse, Merlin l'Enchanteur, élégant,
qui n'en prend que pour les collectionner d'après un mémorable reportage télé,
avait planté un Empire State Building aux reflets de nacre, en plein bourbier perpignanais.
Je n'ai qu'un quart d'heure pour monter dans ce foutu TGV et rentrer à Paris. Nous sommes hier.
Mais nous ne sommes qu'à " Cent mètres du Centre du Monde "...
La jeune femme de la galerie, sophistiquée, à l'accent catalan, barcelonaise, de toute évidence,
me laisse entrer gratos... " Ne loupez pas votre train... "
Je refoule mon envie de lui rouler une pelle pleine de gratitude
et parcours le damier de Manhattan.
Des taches de rouge orangé sur un fond bleu me rappellent le Miro
qui me faisait marrer quand j'étais gosse, à la fondation, immaculée,
perchée sur le flanc de Montjuïc dominant le damier de Barcelone cette fois.
Barcelone... C'était mon New York à moi...
Je montre à ma nièce de 16 ans, la pagode improbable du Belvedere
répondant au campanile du Metropolitan Life.
" Ils construisent une tour au One Madison Park "...
Des condos... des condos... growing up...
Il y a longtemps que l'Enchanteur parle d'avions sans ailes.
On peut toujours couper... à New York, ça repousse...

Le train démarre. Je suis en nage. J'ai un peu couru.
Je vois défiler ces merdouilles de pavillons aux clôtures immondes,
qui s'étalent autour des villes au sud de Valence.
En zones inondables comme sous les lignes à haute tension. Impunément.
Les entrées d'agglomérations avec leurs ronds-points dégueulasses
et leurs centres commerciaux pathétiques.
La région est superbe. C'est chez moi... ça sent les cigales et les pins parasols.
Mais tout est cheap. J'ai envie de chialer.
Les petits barons locaux, mégalos, ont niqué le paysage.
Le mobilier urbain est à gerber. Il n'y a aucune cohérence.
Si ce n'est celle de la corruption.
Je revois le Crown Building
déstructuré par la façade de verre de son voisin... devenu cubiste.
La corruption à New York, au moins, a de l'allure.

La tour de condos sur Barclay est très laide, certes,
mais le Woolworth la rend acceptable.
La résille d'acier du nouveau Goldman Sachs n'annonce rien de nouveau,
une tour de verre sans intérêt, mais réveille un peu le cratère de Ground Zero.
On menace de détruire l'hôtel Pennsylvania, comme on a détruit le Drake,
pour construire de vulgaires glass boxes sans âme, mais par ailleurs,
Renzo Piano déroule les espaliers du New York Times pour des spidermen intrépides,
l'émeraude de l'ex Verizon sur Bryant Park
joue avec le gris perle du mastodonte de la Bank of America,
et Jean Nouvel au MOMA, comme Frank Gehry sur Spruce Street,
promettent de l'audace digne des Années 30.

" Artiste parmi les milliers d'artistes qui profitent des forces telluriques ",
l'Enchanteur est dans la place.
Ce que je l'envie... Ma soeur a raison. Il faut que je traverse.
Comme des millions d'émigrants avant nous.
Le trac au ventre. Rues perpendiculaires. Avenues parallèles. Tout est fulgurant.
On m'a confié les adaptations de deux titres du nouvel album de Ute Lemper.
New-Yorkaise avant d'être Allemande. Nue et enceinte dans un film de Robert Altman.
Elle chante au Carlyle. Elle m'envoie un e.mail. Me remercie. Me félicite.
Et je me vois déjà en train cloper au coin du Park, au pied du Plaza,
jetant un oeil méfiant à la flèche menaçante du Sherry-Netherland.
J'arrive à Paris avec les contrastes d'ombres et de lumières des canyons de la grande ville,
que Merlin sait si bien saisir, avec ses ambiances d'aubes ou de crépuscules ou d'après la pluie,
le sentiment d'être toujours entre deux états, entre deux mondes, entre deux chaises,
saisir le vide et la solitude, courant dans les rues de New York
comme dans The World, The Flesh and The Devil...
le temps s'est arrêté. Miracle.

Bon, il paraît que même à Spielberg on a dit non.
Au moins, non, c'est une réponse. Cash.
On ne perd pas de temps. On peut passer à la suite.
Pas facile d'obtenir un " non " à Paris.
Je jalouse le roman de Ray Loriga : L'Homme qui inventa Manhattan.
Et j'envoie mon Hôtel Carter à qui veut y descendre, y séjourner peut-être.
Mes errances entre Times Square et le Terminal des autobus. Entre Chelsea et Canal Street.
Faut-il que je revienne sur la rive d'où je suis déjà revenu ?
Merlin s'est donné les moyens. Au fond, il n'y a rien de magique là-dessous.
Il suffit de faire ce qu'on a à faire sans se poser de questions.
Alors, je te préviens... j'ai bien l'intention d'être l'un de ces artistes,
" parmi les milliers d'artistes qui profitent des forces telluriques... "
au diable les ronds-points et les géraniums du sud de la France.
Je veux voir l'après Bush et la construction de la Freedom Tower.
Parler espagnol et redécouvrir Harlem. La neige. La canicule.
Assister à la chute de Babylone qu'on nous promet en France depuis trente ans.
Les banquiers ne se jettent pas encore par les fenêtres
(probablement parce qu'ils n'y ont pas encore intérêt)
et les émigrants continuent d'affluer.

Alors... il est où ce Centre du Monde ?
A l'endroit précis où nous sommes. Sans doute.
Pour ma part, même à Perpignan (et ce, un peu à cause de toi)
je suis toujours à New York...

Merci.

 

 

 

Philippe LATGER
Juillet 2008 à Paris 

 

 

 

CharlElie 

 

 

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