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21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 00:40

 

 

 

LatG2 © A.R.S 2010         

 

 

 

 

A Geneviève Colonna.

Remerciements à Alexandre Laborie et Véronique Sauger. 

Et à une histoire d'amour dont j'écrirai la suite.

 

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8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 03:02

 

 

La lumière orange de la rue. Je ne la supporte plus.
Sa chaleur. Sa douceur. Sa caresse me brûle.
L'écrin de quelque chose qui n'existe plus.
Je me promets de déménager très vite. Au plus vite.
Le décor d'Opéra de la rue de l'Horloge. Le parvis de la cathédrale.
Mon platane. Tout me sort par les yeux ou me brise le coeur.
C'était le nid d'une histoire qui ne veut plus de moi ou dont je ne veux plus.
Ce qui revient au même. Cette lumière est celle d'une étoile déjà morte.
Elle éclaire encore ma chambre. Traverse les vitres depuis la rue.
S'étale sur le drap blanc où j'en viens à la craindre.
Si l'amour n'est pas mort, il renaîtra ailleurs. Mais ici, c'est fini.
Une lampe au grand pied, articulée. De type lampe de dessinateur industriel.
Je la sors de l'oubli pour la flanquer au coin de mon lit, elle parvient à changer l'éclairage.
La pièce en est changée. Je joue avec l'ingénieux assemblage, je fais tourner le bras,
fais plier le coude, renverse le cache de l'ampoule, essaie toutes les combinaisons,
et l'ambiance change à chaque position, révèle des choses de la chambre que j'ignorais.
Et sans bouger, voilà que je voyage. A bord du lit-bureau où je suis installé.
Quelle que soit la lumière, vers le sol, vers le plafond, déplaçant des masses d'ombres,
elle a le mérite de contrer l'éclairage public qui suffisait à faire le jour dans la pièce.
Moi qui ne ferme jamais les volets. La lanterne au coin de ma fenêtre. Complice.
De mille choses que je n'oublierai jamais mais dont je dois me défaire.
La lumière orange. Que je laisse encore entrer et grimper sur mon lit.
Je la fais reculer avec la lumière franche de ma nouvelle lampe de chevet.
Les deux se font l'amour ou font un bras de fer. Une lutte il me semble.
Qui ne s'opère pas qu'à l'extérieur de moi. Entre la lumière du dehors et celle du dedans.
Je ne peux plus continuer sans les deux êtres qui ont tout justifié et permis.
L'amie qui s'est suicidée et l'amour que je quitte parce qu'il ne m'aime plus.
Casa est cet espace à la lumière orange dont il me faut refermer les volets.
L'espace de quatre ans où j'ai eu à écrire ce qui me traversait, ce que tu m'inspirais,
et le déménagement sera aussi virtuel, d'une maison à l'autre.

J'écrirai. Encore et toujours. Comme je l'ai toujours fait.
Je sais qu'en ce moment, on sollicite plutôt le photographe que je ne suis pas,
mais je ne suis pas à une imposture près et je fais toujours ce qu'on me demande.
Ce ne sont pas mes photos qui sont belles, mais la ville que je photographie.
Cette ville qui était belle parce que j'y étais amoureux. La lumière y était belle.
Tout y était sublime et tout y était heureux. Mais la roue tourne. Et le bonheur est fragile.
Surtout quand il est l'illusion d'être deux.
Les photos des façades et des portes, des heurtoirs et des porches, des fontaines, des ruelles.
C'était mon Perpignan. Ce que l'état d'amour me permettait de voir comme un super-pouvoir.
Mes sens aiguisés à l'appétit du monde. Ouvert à tout quand je n'avais rien à craindre.
Je n'avais rien à perdre. Parce que j'étais aimé, que j'étais amoureux, et que nous nous aimions.
Même la pourriture pouvait avoir du charme. Et Perpignan être belle. Sensuelle. Attirante.
Pendant quatre ans, j'ai écrit et pris des photos. Le matériel est là. La production est faite.
Une même démarche. Fixer. Saisir. Contrer le temps. Le déjouer. Immortaliser.
Ce qui est gravé sous vos yeux sur l'écran ne disparaîtra pas parce que vous le lisez.
Mon amie ne s'est pas jetée dans la Garonne. Mon amour m'aime encore.
Et j'écrirai ensuite. Ailleurs. Faire vivre d'autres choses. D'autres lieux. D'autres gens.
En essayant toujours d'être le plus précis possible. Sur des sensations diffuses.
La confusion des sentiments. Tout ce que j'ai sur le bout de la langue.
Tout ce que j'ai sur le bout de mes doigts. Qui prend forme et m'échappe.
Je tourne autour. Je m'en approche. Quand la capture n'est jamais une fin.

Cette fille est entrée dans ma vie en venant comme d'autres m'encourager.
Le blog est discret, son succès relatif, me laisse indifférent, il trouve son public,
j'aime son aspect confidentiel, la liberté que ça me donne, j'y suis tranquille, planqué,
on y vient par hasard, on s'y attache, on ne fait qu'y passer, peu importe, j'écris.
Je n'ai pas des foules de supporters, c'est entendu, mais il arrive qu'on m'écrive.
Et même si je n'écris pas pour ça, il est toujours intéressant pour moi d'être confronté
à ce que ces écrits provoquent, évoquent, voir ce que les gens en font.
Cela me rend toujours un peu perplexe quand les textes ne m'appartiennent plus.
Je m'en libère. Je m'en sépare. Ils ne sont pas moi. Ou bien ne le sont plus.
Et je m'étonne toujours de la confusion que l'on fait souvent entre l'écrit et son auteur.
J'entends le compliment ou la critique à propos de tel texte ou tel autre.
Je suis embarrassé de ce qui est toujours un malentendu quand on flatte l'écrivain.
Ce n'est pas l'écrivain qui est bon. C'est son livre. Et je me méfie toujours des transferts.
J'étais heureux pour tel texte qu'il ait plu. Heureux pour tel autre qu'il ait pu être diffusé.
Heureux et bouleversé quand certains ont pu toucher des gens, les émouvoir ou les inspirer.
Ravi de voir qu'une énergie pouvait être partagée. Cause et effet. Et le pouvoir des mots.
Mais j'ai toujours été mal à l'aise qu'on puisse m'attribuer le pouvoir de mes textes,
quand les lecteurs leur en donnent plus que moi avec leur histoire et leur imagination propre.
Geneviève avait donné un pouvoir incroyable à un texte sur lequel je n'ai pas d'avis.
" Chambre solaire ". Elle l'avait lu et m'a écrit qu'il lui avait sauvé la vie.
J'étais déstabilisé. Elle m'écrivait que je l'avais sauvée du suicide et c'était trop pour moi.
J'ai mis du temps à lui expliquer qu'elle s'était sauvée toute seule, en trouvant dans ce texte
des choses dont je n'avais pas conscience et dont elle était la seule détentrice.
Un texte, comprenez-le, n'est véritablement écrit que par ceux qui le lisent.

Ce fut une entrée en matière brutale et envahissante en effet.
Me donner une telle responsabilité, évidemment, d'entrée de jeu, c'était impressionnant.
Pour ne pas dire délirant. Mais la fille avait une écriture, beaucoup d'allure, une culture,
qui me firent comprendre rapidement qu'il n'y avait pas eu erreur sur la personne.
J'ai posé très vite le fait de mon homosexualité pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés.
Quand je déteste donner de faux espoirs en général,
et du grain à moudre aux érotomanes en particulier.
Les choses clarifiées, une amitié put s'installer tranquillement, en confiance,
quand je ne voulais en rien endosser la responsabilité du mec qui vous a sauvé la vie.
Ma correspondance avec Geneviève, longue de trois années, ne fut faite que de ça.
La persuader qu'elle se sauvait la vie elle-même. Qu'elle était maîtresse de son destin.
D'autant que j'ai vu très vite sa capacité à créer sa propre vie comme une oeuvre.
Geneviève était une artiste. Elle était interprète mais avec une force créatrice.
Et je l'ai très vite invitée à écrire elle-même. Elle qui lisait tant.
Ceux qui l'ont connue savent de quoi je parle. Elle était excellente comme critique littéraire.
Passionnée et passionnante. Avec cette humilité qui lui interdisait de se comparer à d'autres.
Il fallait convenir que l'on s'en foutait. De n'être ni Proust, ni Céline, ni même Albert Camus.
Elle pouvait bien être Geneviève, avec ce qu'elle portait en elle d'émotions à formuler.
C'était déjà un talent que d'en trouver aux autres.
Je l'ai encouragée à s'autoriser à s'en trouver aussi.
S'en trouver n'était pas difficile quand elle en avait tant. S'autoriser à le faire fut plus compliqué.
Mais elle accepta d'écrire quand j'ai accepté de lire ce qu'elle m'envoyait par e.mail.

Gena voulut être ma soeur. Elle voulut être aussi mon assistante.
Des cartes de visite en guise de private joke l'attestent encore au milieu d'une pile de lettres.
Un jeu devenu rituel se mit en place très vite. Gena a participé activement à Casa Latger.
J'écrivais mon texte la nuit depuis mon lit-bureau à Perpignan.
Je passais le relais aux petites heures du matin quand elle se levait pour aller travailler.
Elle corrigeait les coquilles et les fautes d'orthographe pendant son petit-déjeuner à Toulouse.
Je trouvais les corrections dans ma messagerie quand je me réveillais à mon tour
et je pouvais ainsi ajouter in extremis les tirets oubliés puisque la coquetterie allait jusque-là.
Je pouvais me permettre d'aller au bout des textes, même épuisé à six heures du matin,
quand le filet de sécurité qu'elle était devenu m'assurait la livraison de quelque chose de propre
et ce dispositif rendit possible l'idée de publier un texte différent chaque jour.
Alors oui. En 2012, 2013, le rythme fut soutenu et respecté. Pendant deux ans. Une discipline.
Un rite auquel j'avais pris goût. Et Geneviève était en effet devenue une assistante. Précieuse.
Ma correctrice attitrée. Et celle finalement qui connaissait le mieux mon travail. Par force.
Si l'amour de ma vie m'inspirait les plus belles pages, quand il m'a inspiré la plupart des textes
écrits et publiés sur Casa, Geneviève connaissait sans doute mieux que lui mon amour pour lui,
sa nature, son ampleur, jusqu'à l'écoeurement, quand elle était de fait la plus assidue.
Elle était plus qu'aux premières loges. Elle était dans la machine. Dans le moteur.
Et cela est étrange pour moi d'écrire dans mon lit-bureau, à la lumière de ma nouvelle lampe,
sachant qu'elle ne lira pas ce texte tout à l'heure, au lever du soleil quand je m'endormirai,
depuis son appartement de Croix-Daurade, pour me dire si j'ai oublié un tiret quelque part.
Je ne l'ai pas sauvée du suicide. Elle était maîtresse de son destin.
Et elle sut nous en faire la démonstration. La plus parfaite de toutes.

La lampe sur son bras articulé est belle. La lumière qu'elle fait sur mon lit est belle.
Ce n'est plus la lumière orange de la rue. Mais ç'a de la gueule. Franchement.
Je m'en rends compte quand je me lève pour aller chercher le chargeur de la batterie.
Pour Ordi VI. Qui ne démérite pas. Et que j'installe sur mes cuisses pour finir ce texte.
Les oiseaux du matin gazouillent déjà dans le platane.
Je ne dirai pas ici ce que je pense du suicide. La liberté ultime. La seule.
Ce geste à la fois noble et terrible. Lâche et courageux. Désarmant. Révoltant. Fascinant.
Je dirai juste ici qu'il est impensable pour moi de continuer à écrire sur Casa sans Gena.
2014 de toute façon confirmait un essoufflement. Celui de mon histoire d'amour.
Ajouté à d'autres paramètres. D'autres activités. Des projets à défendre.
Plus de mille textes suffiront sans doute à ce blog en l'état.
Avec ce corps central des deux ans de coopération avec Geneviève Colonna. 2012. 2013.
Et les trois ans et demi de la plus belle histoire que j'aie jamais vécue de mémoire d'homme.
Qui n'est peut-être pas terminée. Mais qui ne pourra plus être comme avant désormais.
J'ai assez dit et écrit que le bonheur se décidait. Et je le décide encore.
Parce que je me le dois comme je le dois à Gena et à tous ceux à qui j'ai fait l'argumentaire.
Etre heureux se décide. C'est un choix que l'on fait quand on en a besoin ou envie.
C'est un choix que l'on fait quand c'est une discipline, un credo, une hygiène de vie.
La peur. La souffrance. Le doute. La solitude. N'empêchent rien.
Les oiseaux gazouillent à cinq heures du matin et je suis émerveillé de les entendre.
La lumière sur ce lit. Sur le drap blanc. Le silence dans la pièce. Tout est miracle.
Même la tristesse. Même le chagrin. Même le manque. Tout est miraculeux. Et splendide.
Geneviève va me manquer. Mais je suis heureux d'être là pour vivre l'expérience.
La pleurer. Et écrire la lumière d'une étoile qui n'est plus.

Il faut une cigarette. Quelque chose de familier dans tous ces changements.
Le geste de l'allumer. En choisir une dans le paquet et la porter à ma bouche.
Le crissement du briquet. La fuite du gaz. La flamme. Le papier qui s'enflamme.
La volupté de la première bouffée. Le tabac de l'enfance. Cette madeleine.
Ma constitution. Mon métabolisme. Pour me recentrer sur ce que je crois être.
Je ne fais pas les choses à moitié. J'ai deux deuils à faire en même temps.
Peut-être même trois quand un très bon ami semble prêt à me perdre.
Gena ? Mon amour ? Et un ami de longue date en prime ? Trois à la fois ?...
J'y suis prêt. Que l'on charge la barque. Je ne me noierai pas. Je l'ai fait avec elle.
Et je suis toujours là. Dans mon lit-radeau. Dans la méduse des volutes de ma clope.
J'ai survécu à la mort de tant d'autres. A tant de séparations insurmontables.
Je porte tant de défunts en moi. Tant d'êtres qui m'ont fait. Je suis devenu eux.
Je suis tous les gens que j'ai aimés. Je suis tous les gens que j'ai admirés.
Je les pleure sans pouvoir les maudire quand je les remercie.
Pas de séparations. Ces histoires s'éteindront avec moi quand il me faudra mourir.
Nous n'existons que dans la mémoire des autres. N'existons pas en nous-mêmes.
Gena n'est pas morte. Elle le sera lorsque nous ne la lirons plus.
Mon histoire d'amour n'est pas morte. Elle me porte vers un nouvel absolu.
Et tant pis si ce n'est pas avec l'être qui m'en a donné le goût et l'envie.
Je ne peux forcer personne. Ni à m'aimer. Ni à me suivre là où je dois aller.
Je continuerai à écrire. Parce que c'est la seule arme contre la mort.
Ou bien la seule qui puisse en faire une amie.

" C'est lui ! " ...
Oui mon amour. C'était bien moi.
Ne l'ai-je pas prouvé ? Peut-être même que je te le prouve encore.
Quand je te rends à ton travail. Quand je te rends à ta famille.
Que je te rends en somme à tout ce qui compte vraiment pour toi.
C'était bien moi. Et je le reste. Celui qui pouvait rendre cette histoire possible.
Tu n'en as plus besoin. Je peux reprendre ma route. Me rendre utile à d'autres.
Il n'y a pas de tristesse. Rien n'est définitif. Et je fais des miracles de rien.
Je suis heureux. Même quand je souffre. Même quand j'ai mal.
J'aime sentir la brûlure, la nausée, et perdre la tête à force d'insomnies.
J'aime sentir les déchirures. La violence. Voir la misère et la connerie en face.
Le pire de ce monde que je peux embrasser quand j'en sais le meilleur,
quand j'en sais le possible, et qu'il n'y a de lumière qu'à la force de l'ombre.
Les monstres que nous sommes, je peux les aimer tous.
Quand le pire des échecs est qu'ils ne s'aiment pas eux-mêmes.
Moins je comprends et plus je sais. La vérité est plus forte que la réalité.
La réalité n'a aucun pouvoir. La vérité, c'est ce que nous en faisons.
C'est le sens qu'on invente. Celui que l'on se donne. Et rien ne vaut de croire.
Le réel est tellement improbable. Des oiseaux qui gazouillent... non mais, vraiment...
Dans un arbre. A la fin de ce truc qu'on appelle la nuit. Qu'est-ce que c'est que ce délire ?
J'ai des mains qui s'agitent sans que j'y réfléchisse pour aligner des mots sur un écran.
Que tu ne liras peut-être pas, mais que Gena lit avec moi à mesure que je les écris.
Je fais attention à mes tirets pour ne pas l'entendre me dire que j'en ai encore oubliés.
Je ne suis plus mon amour celui que tu as cru aimer. Et je le suis encore.
Le " C'est lui ! " de la Place Molière, je le suis toujours aussi vrai que je ne le suis plus.
Mais notre histoire est morte quand nous avons cessé d'y croire.

Je tiens toujours mes promesses. Je continuerai à écrire.
Je le ferai ailleurs par respect pour Gena comme pour notre histoire d'amour.
C'est notre lieu. A tous les trois. Le coffre de quatre ans de bonheur absolu.
Que je veux protéger. Que je veux préserver. Laisser intact.
Tes grains de beauté alignés au coin de ta bouche. Ton sourire et tes larmes.
Le bonheur est un choix. Le malheur en est un autre. Il ne sera jamais le mien.
Même au plus sombre d'un cancer ou d'une séparation. Au moment de mourir.
N'ai-je pas eu cette chance insolente de connaître ce monde ? De vous connaître tous ?
Celle de te trouver. De t'aimer d'une façon dont je ne me croyais pas capable ?
J'embrasse la folie, l'impatience et la frustration, tout ce qui nous rend dingues.
Je ferme des volets sur la lumière orange. L'esprit serein. Ou en confiance.
Pas pour fermer la porte mais pour finir ce que je veux protéger.
Et passer à autre chose, avec toi, avec Gena, avec qui voudra,
quand je sais que je serai heureux sans vous, et que je vous aimerai toujours.
Que vous m'accompagnerez jusqu'à mon dernier souffle. Trop tard.
Vous êtes entrés dans ma vie. Je suis devenu vous. Et je ne renie rien.
La paix que c'est de savoir à quel point c'est nous qui gouvernons à nos propres destins.
Même quand ils sont violents, chaotiques, douloureux. C'est nous qui décidons.
Y compris et surtout de faire ce que l'on veut de ce qu'on nous impose.
Nous avons toujours le dernier mot. C'est une bonne nouvelle.
Et j'en ai d'autres à écrire pour ceux qui me suivront.



 

Philippe LATGER
Mai 2014 à Perpignan

 

 

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8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 02:37

 

 

L'eau est entrée dans les poumons jusqu'au silence.

 

 

 

Philippe LATGER
Mai 2014 à Perpignan

 

 

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2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 01:58

 

 

On va y aller doucement. Tout doux.
Les deux lames étalent le savon qui bave dans mon cou.
Le menton est tendu. Je me débrouille de la proéminence de la pomme d'Adam.
Qui se déplace quand je déglutis. Des coulures blanchâtres. Visqueuses.
Les gestes que l'on fait en pensant à autre chose. Se raser. C'est comme conduire.
Je rince la tête du rasoir jetable sous l'eau chaude. Cette eau qui fume dans le lavabo.
Je reprends où j'en étais. Tout doux. Des petits copeaux de poils noirs pris dans le savon.
Certains sont blancs. De plus en plus. Je ne m'y attarde pas. Je ne m'y arrête pas.
Je ne m'attarde pas non plus sur l'image de l'homme que j'aperçois torse nu dans le miroir.
Il promène, le menton tendu, la tête en arrière, le rasoir dans son cou avec application.
Je vais retrouver mon visage d'autrefois. Mon visage de jeune homme. Celui que j'ai été.
Je vais gagner dix ans et rien de ce qu'il s'est passé ne se sera passé.
Je remonte les lames vers l'arête de la mâchoire.
Pour rajeunir. Pour remonter le temps.

La chemise. Bouton après bouton. Les gestes que l'on fait en pensant à autre chose.
S'habiller. C'est comme se raser. Ma mère n'est pas morte. Ma tante n'est pas morte.
Maria. Gena. Callas. Angèle. Les figures tragiques. Les eaux de l'Hôtel-Dieu.
Je quitte Paris et la rue du Square Carpeaux. Je rentre à Perpignan. Et tout devient possible.
Je m'extirpe d'un piège et je sauve ma peau. Mieux que ça. Je vais trouver l'amour. Moi...
Rendez-vous compte. Je vais tomber amoureux. Le coup de foudre. Extraordinaire.
On va y aller doucement. Tout doux.
Tu me regardes. Tu me brûles de l'intérieur. Nos bouches se rencontrent.
La pression délicieuse de tes lèvres contre les miennes. Qui s'entrouvrent. En confiance.
Rien ne me dérange. De ton goût. De ton odeur. De ta langue. De ta salive. De ton baiser.
Je pleure tout le bonheur du monde au plaisir d'être humain, d'être deux, d'être en vie.
Je t'aime depuis toujours. Et nos mentons tendus l'un vers l'autre. Nous nous rejoignons.
Nous devions ne faire qu'un. L'espace d'un instant et de la nuit des temps.
Je remonte mon froc. Les boutons de braguette. S'habiller. C'est comme conduire.
La ceinture. La flemme de me coiffer. Que s'était-il passé ? Avais-je tout rêvé ?...
Je suis ailleurs. Ma vie a changé. Ma vie a changé. Moi qui suis bien vivant.
Je remonte le temps.

Merci de n'avoir pas choisi la mer. Je n'aurais pas aimé détester la Méditerranée.
Tu le savais mon amie. Tu savais que je pouvais bien détester un fleuve qui fuit à l'opposé.
Vers cet océan stupide qui promet l'Amérique. C'est peut-être l'avenir. Who knows ?...
Mais je peux détester les fleuves qui ne conduisent pas à l'enfance, la naissance, le berceau.
Tout ce qui me ramène à la mer où est né notre monde. L'Atlantique est devant.
La Méditerranée restera un lieu saint où je n'aurai pas une ombre. Ni des âmes à pleurer.
On va y aller doucement. Tout doux. Sur le sable brûlant.
Le verrou m'insupporte. Le couloir où je ne trouve personne. L'escalier.
Mon amour disparu dans le grésillement de la minuterie. Qu'il est triste ce couloir.
Sans un chat à ma porte. Je dois descendre. Sortir de cet immeuble. Sortir de ce platane.
Je dois descendre et remonter le temps. J'ai rasé ma barbe. J'ai le visage d'autrefois.
Je n'ai connu ni l'amour que je pleure, ni l'amie que je pleure, ni rien qui puisse me faire pleurer.
On va y aller doucement. Tout doux. Je ne ressens plus rien.

Ma ville se fout de moi. Elle n'en a rien à foutre. Elle fait ce qu'elle a à faire.
Je m'étonne de la reconnaître. Je m'étonne que rien n'ait bougé. Tout semble être à sa place.
Un commerçant fait sa cigarette devant sa boutique et me regarde arriver de loin.
Je le regarde aussi et il ne détourne pas le regard. Je ne sais pas si je lui dirai bonjour.
Il manque quelque chose à mon doigt. Mes mains sont nues. Quelque chose leur manque.
Perpignan est la même que d'habitude et c'est moi qui ai changé.
On va y aller doucement. Tout doux. C'est ma vie qui a changé.
Où est mon amour ? Où est mon chagrin ? Je marche et je ne pense à rien.
L'homme de ma vie ne m'a pas choisi.
L'amie-soeur sans un bruit n'a pas choisi la vie.
Et le silence est double. Trouble. Dans la coquille vide qui me sert de poitrine.
Le vendeur fume en me regardant, seul devant sa vitrine.
Bonjour... J'aime quelqu'un d'autre. Je ne peux rien donner.
Je remonte la rue St-Jean vers l'arête de ma mâchoire.
Pour rajeunir et remonter le temps.

C'est d'accord mon amour. Je donnerai ma bite à d'autres si toi tu n'en veux pas.
Je donnerai mon corps à d'autres. Je donnerai ma vie à d'autres.
La barbe. Perpignan me désole. Et je suis désolé.
Le réveil est brutal. Le réveil est atroce.
Toulouse est cette ville où ma mère vint au monde, où ma mère l'a quitté.
Toulouse est cette tombe où l'on jette les gens qui m'ont accompagné.
Une soeur de ma mère. Une soeur littéraire. Deux d'un coup. C'en est trop.
Je vomis la Garonne. Dans un mouchoir de poche. Et je dois m'accrocher.
C'est d'accord mon amour. Je donnerai mon coeur à d'autres si toi tu n'en veux plus.
J'avance vers la Loge. Perpignan, je te hais. Quand je devrai survivre.
Apprendre à respirer sans le souffle amoureux.
On va y aller doucement. Le sexe et la violence. Tout doux.
Le sperme dans ta gueule. Et des vies oubliées. Des histoires perdues.
Trois années de délire qui partent en fumée.

La cigarette prolonge sa main. Je cherche le paquet. Poche arrière du jean.
Je ne le désire pas. Je désire quelqu'un d'autre. Mais je lui dis bonjour.
Je lui dis qu'on ne vit pas toujours avec l'homme de sa vie.
Quand sa vie est ailleurs. Que la mienne commence.
J'ai la nausée soudaine du jour d'une naissance.
Comment ? Qu'est-ce que j'ai écrit ? Comment ça ? Sur Casa ?...
Une histoire d'amour ? Le Mont des Oliviers ? La lune de juillet ?
Ai-je connu Gena ? Le platane et le chat ? Et j'avais une alliance ?
Je me suis rasé. De près. J'ai le visage d'avant. Ou bien celui d'après.
Avec mes cheveux blancs. Des voyages. Des projets.
On va y aller doucement. Tout doux.
Il y a des plaisirs qui se perdent. Des amours et des amis aussi.
Je suis perdu. Serre les dents. En perdant un à un tous les êtres que j'aime.
Mais à ceux qu'il me reste, je les garde vivants. Eternellement présents.
Et plus fort que jamais, j'apprends à me détacher, à perdre et à quitter.
A me retrouver seul.

Je mange. Je ne pense à rien. Manger. Comme s'habiller. Se raser ou conduire.
Je me suis trompé. Sur un amour. Sur un ami. Et sur tant d'autres choses.
J'apprends à être trahi. J'apprends à être laissé. Trompé. Abandonné.
Et toutes ces douches froides raffermissent ma chair. Je m'endurcis.
Pourquoi donner sa vie à quelqu'un qui n'en veut pas ?... A quoi bon ?
La Garonne emportera des montagnes de mots qui ne peuvent se noyer.
L'océan. L'Amérique. Où nous n'irons jamais ensemble.
Je peux voyager seul. Comme je l'ai toujours fait.
Je peux voyager seul et voyager léger.
Je vais y aller doucement. Tout doux. Et un pas après l'autre.
J'ai perdu une amie. J'ai perdu une tante. Et je n'ai plus le temps.
Que je ne remonte pas. Je remonte la pente.
Je reviens au noyau. Quand je reviens à moi.
Où je ne suis pas encore sûr de me plaire sans toi.


      

 

Philippe LATGER
Mai 2014 à Perpignan

 

 

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2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 01:53

 

 

 

Latger Perpignan 2010

 © A.R.S 2010          

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 01:56

 

 

Et de douze.
   

 

 

 

Philippe LATGER
Avril 2014 à Perpignan

 

 

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30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 17:36

 

 

Le chat aime revenir sur les lieux du crime.
Une lecture organisée à la Maison Rouge bien sûr, est toujours un bon prétexte.
Il gambade le long des façades de la rue Rabelais, le long de la caserne.
Heureux de revenir sur le Mont des Oliviers. Le lieu saint. Adoré.
Le mur qui dissimule la Poudrière, et le voici arrivé devant la maison de Bausil.
Il ne rentre pas tout de suite. Une cigarette à finir. Puisque c'est un chat qui fume.
Quelques pas de côté, entre les deux candélabres, sur l'espace couronnant l'escalier.
Il est posté comme la maison au sommet des remparts de la ville des Rois de Majorque.
Il domine la Place Molière qu'il peut embrasser avec tendresse et émotion.
Le cratère est toujours béant. A cet endroit où la foudre est tombée il y a plus de trois ans.
La cabine téléphonique n'a pas survécu. La place fut rénovée. La cabine supprimée.
Mais le chat, en inspirant le tabac, et avec lui les parfums d'une ville aux abords du printemps,
sans reconstituer la scène précisément, retrouve aussitôt l'état dans lequel il était,
lors de cette nuit de juillet, retrouve les sensations intactes, de la fièvre et de l'émerveillement.
La voiture. La cabine. Ce regard sombre qui cherchait confusément des mots dans le ciel.
Le chat ronronnait. Devinait que sa vie était en train de basculer. Dis-moi ces mots.
Dis-les moi mon amour. Dis-moi que tu n'attendais que moi. Dis-moi que tu m'as trouvé.
La lune était haut dans le ciel comme elle peut l'être en été. Attirante. Ecrasante.
Et au silence de ce train d'anges qui prit son temps pour passer, la Place Molière,
encore fumante de l'incendie apocalyptique provoqué par deux regards captivés, les premiers,
qui se découvrirent et se reconnurent à la fois, pulvérisant tout le quartier, toute la ville,
était devenu le lieu secret le plus romantique de l'univers et la plus belle place de la Création.
Du haut des escaliers, de leur débauche de balustres, le chat veillait sur les reliques.
La maison des Objets Trouvés était à sa place. Le Park Hotel. Les platanes du Square.
La plaine du Roussillon. Cet écrin de douceurs, de violences, d'intensités splendides.
Il faisait nuit. C'était juillet. Il faisait bon. Et le chat entendit les mots qu'il désirait entendre.
Ils neigèrent gentiment comme les flammèches et les cendres d'après le souffle de l'explosion.
Comme une pluie bienfaitrice aux soirs de canicule. Et le coeur du chat devint immense.
S'ouvrit et put se répandre sans fin comme l'univers sous l'effet du Big Bang.
La lecture à la Maison Rouge était commencée, le chat finissait sa cigarette.
Profitant du crépuscule délicieux qui libérait tous les charmes d'une cité complice.
Trois ans plus tard, son coeur n'avait cessé son expansion, continuait à s'étendre.
Et l'animal fut troublé et ému de s'en apercevoir, de le sentir dans sa poitrine. Dématérialisée.
Où le tabac se frayait un chemin en volutes qui se lovaient ensemble au coeur de son extase.

La maison éclairée changeait d'apparence à mesure que la lumière déclinait.
Le chat en regardait les lignes géniales qui épousaient celles d'une tour médiévale.
A l'intérieur, un autre chat, de ses amis, lisait du Mark Twain pour ouvrir les frontières.
Exciter l'imagination d'un public qui pouvait être là tout en étant ailleurs.
Un public à deux pas qui ne pouvait savoir ce que vivait le chat. Dehors.
Qui flottait entre deux lieux emblématiques pour lui. Dans ce mouchoir de poche.
Des deux côtés de l'escalier. Les deux sanctuaires de part et d'autre du rempart.
Le ciel était orange et mauve. Un délire de couleurs dans les braises du soleil.
Sur la couronne d'épines du clocher de la cathédrale St-Jean qui se dressait plus bas.
Le spectacle bouleversant du jour qui s'enfuit, d'une journée qui meurt, une de plus,
sur celui de la foi d'êtres humains capables de bâtir et ciseler des temples et des églises.
Le ciel agonisait merveilleusement sur le fatras des toits de la chapelle St-Dominique.
Un palmier se hissait le plus haut possible pour s'inscrire dans une skyline étonnante,
gothique et orientale, chrétienne et mauresque, catholique et maghrébine, magnifique,
Méditerranéenne en somme, catalane pour tout dire, et le chat se frottait dans les jambes
de ce merveilleux décor d'Opéra, se révélant de plus en plus mystérieux et féérique,
aux noirceurs amicales qui venaient de la mer avec leurs myriades d'étoiles.
Le chat de gouttière avait derrière lui cette place Molière où il fut foudroyé.
Il avait devant lui le Mont des Oliviers. Le havre ravissant d'un premier baiser.
Blotti entre l'Evêché et la Poudrière. Un carré arboré. A l'abri des regards indiscrets.
Une oliveraie miniature sur les flancs voluptueux de St-Jacques. Suspendue.
Un premier baiser, même à 37 ans, reste un premier baiser.
Aussi beau, innocent, et puissant, que le premier baiser amoureux de toute une vie.
La même timidité. Le même trac. L'attraction irrépressible. Le chat en frémissait.
Après le premier regard, après le train d'anges à la cabine téléphonique.
Ce même mois de juillet n'avait pas tout donné. L'amour était en marche.
Il fallut trouver un lieu tranquille. Le long des pelouses des remparts dans la nuit.
Aux caresses des asperseurs de la rue Pierre Ronsard faites pour rafraîchir le cayrou.
Il y avait du passage. Et le lieu de repli fut trouvé sur la margelle de la Poudrière.
Dominant le petit escalier incurvé. Côte à côte. A écouter ce fabuleux silence.
Où les asperseurs avaient passé le relais aux grillons. Au tempo comparable.
Assez fort pour couvrir la chamade. Le battement de deux coeurs en panique.
J'ai envie de faire quelque chose. Que je ferais... si j'étais sûr que tu ne le regretterais pas.
Ensuite... Le chat, à pattes de velours, demandait un consentement. Avec délicatesse.
Pas de réponses. Et puis. Ces mots bien pesés furent prononcés. " Je ne le regretterai pas. "

Le chat se rappelait de tout. La pleine lune. Les grillons. La douceur de l'air.
Cette tiédeur salutaire de la nuit après une longue journée à la chaleur torride.
Le Mont des Oliviers. La Maison Rouge. L'Evêché. La margelle. Côte à côte.
Le destin était scellé. Deux êtres séparés depuis leur naissance, enfin réunis.
Le chat avait 37 ans. Ce soir, il en a quarante. N'en revient toujours pas.
Un dernier regard sur le palmier dominant le couvent pour embrasser sa ville,
où il était heureux comme il ne l'avait jamais été, avant d'entrer dans le restaurant.
Il reconnut la voix du chat ami amplifiée par un micro dans l'escalier de la maison.
Il s'engouffra aussitôt dans d'autres escaliers conduisant à la mezzanine où il serait planqué.
Mark Twain. Chez Louis Bausil. Décidément. La vie pouvait être bien agréable.
Dans cette bâtisse en équilibre entre la ville haute et la ville basse.
Entre les deux sites où se jouèrent deux actes fondateurs d'une même histoire d'amour.
Le chat était à sa place. Au milieu de lui-même. Et il n'y était pas tout seul.
Trois ans et demi après, quarante-quatre lunes plus tard. Ne le regrettes-tu pas ?...
Quelque chose m'indique que non. Tes yeux. Mon amour. Dans les miens.
Tu es toujours là pour me regarder te regarder dans les yeux. La même intensité.
Le même miracle. Renouvelé. Les pupilles dilatées. En alerte. Incandescentes.
Le chat repart rôder dans la ville. Accélérant le pas à chaque automobile. Se sauvant.
Se faufilant sur un territoire qu'il connaît comme sa poche. Remonte dans son platane.
Dans sa lumière orange. Celle de la rue. Qui donne une chaleur de nuit à la bougie.
Propice à la concentration, à l'émerveillement, à l'intimité la plus sécurisée de toutes.
La confiance. La rêverie. Où Perpignan se révèle être le centre du monde.
Et le chat, contre toute attente, un animal fidèle.

   

   

 

Philippe LATGER
Mars 2014 à Perpignan

 

 

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30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 01:43

 

 

C'est une peau de marbre. Du marbre de Céret. Du marbre de Baixas.
Une peau de galet de rivière. Que je caresse intrigué par la chair minérale.
C'est froid à l'aube. C'est chaud le soir. Ça garde la chaleur reçue en plein soleil.
C'est une peau calcaire. Une peau de terre cuite. De brique rouge orangée.
La ferronnerie d'une bête qui peut cracher de l'eau. Le métal brûlant et l'eau tiède.
L'ombrage d'un platane constellé de taches de lumière qui bougent avec le vent.
C'est la place tranquille au bosquet de bambous, aux parasols immenses,
pour dîner tous les deux, lorsque des voix gitanes semblent pleurer pour nous,
ce qu'il y a de joie et de douleur à tomber amoureux, au détour des ruelles,
le bonheur de trouver avec la peur de perdre, et tout devient mystère et nuit recomposée.
Tu trompes ma solitude. Tu me regardes comme je meurs de ne plus être regardé.
L'immeuble où j'ai vécu a fait place au Figuier. Et je peux t'embrasser.
Je ferme les yeux. Et je sais qui j'embrasse. Et pourquoi je le fais.
Tu es ma ville natale. La ville où je mourrai. L'enfance et les amours.
L'impatience de vivre. Te fuir et te quitter. Le besoin de partir et construire un destin.
Le soleil aux fenêtres dans tout ce fer forgé qui dessine des ombres étranges sur le parquet.
La chaleur du matin. Qui monte dans la rue. Mon amour dans les draps dont j'aime la sueur.
Les odeurs singulières de la rue Paratilla, qui ouvrent l'appétit, au tournant de midi.
Tu as l'huile de la friture sous les ongles des petits restaurants où tu sers les touristes.
Je quitte le studio quand la nuit se retire, au permis de l'aurore qui me couvre sans peine,
pour venir te rejoindre à quelques rues de là, pour gratter à ta porte et m'endormir sur toi.
Tes lèvres sont épaisses, m'enveloppent en entier, comme tu le fais toujours d'un regard étoilé,
étonné de me perdre et de me retrouver, quand le chat que je suis revient te réveiller.
Je me sens à l'abri quand nous dormons ensemble. A l'abri de moi-même. Ma culpabilité.
Tout s'éloigne et c'est une autre vie. Qui ne peut être la mienne. Qui ne l'a jamais été.
Ton visage a sombré au coin de l'oreiller, je caresse le marbre d'un front qui peut être veiné,
quand les rêves que tu fais ne sont pas si tranquilles. Je veille et te protège. Je peux être l'aîné.
J'ai l'écorce du platane. Celle de l'olivier. Dont je goûte le fruit sans pouvoir m'en lasser.
Aux façades de rouille. A l'ocre lumineux. Elle est loin l'antichambre et sa lumière orange.
La nuit a décampé, a ramassé ses lunes, pour céder le terrain au lever du soleil.
Je regarde ton corps qui pèse dans le lit avec cette émotion d'être enfin à ma place.
Etre au coeur de la vie de quelqu'un est un honneur dont j'avais oublié la superbe.
Quand j'avais par orgueil refusé d'être aimé pour de bon, à plein temps,
de partager ma vie, n'acceptant d'être aimé que si c'était de loin.

Les marches sont usées comme aux pierres des porches.
Elles brillent à ces endroits où les pas les polirent depuis combien de temps.
Tu es fidélissime. M'as toujours attendu. Mais je n'étais pas prêt.
J'ai passé quarante ans à chercher la confiance. J'ai eu quelques espoirs. Et des amours déçues.
Barcelone et Paris sont plus chaudes que toi et bien plus délirantes mais elles ne sont pas toi.
Je suis rentré pourtant et j'ai dû réapprendre comment on peut aimer et se laisser aimer.
Je me suis fait attendre. N'ai pas d'autres excuses. Il fallait que je pose une pierre après l'autre.
Je suis resté planqué pour soigner des blessures. Le platane était beau. Et je m'y sentais bien.
Si j'en descends à peine, c'est que je peux y aller. Je suis allé au bout de la métamorphose.
Je suis prêt à te prendre et prêt à me donner. Si tu me trouves digne d'être enfin pardonné.
J'espérais mieux ailleurs, j'ai voulu l'Amérique, quand tu étais mon Eden de métal et de brique,
le chaos de l'Histoire, la terre et les racines, le bois que je caresse et le vin que je bois.
Je ne te voyais pas, et soudain, je comprends que ton regard sur moi ne date pas d'hier.
J'avais peur de le croiser. Avec l'intuition que j'aurais pu m'y perdre.
Il fallait que je sois prêt. A ne plus me cacher. A ne plus vouloir passer après tout le monde.
Prêt à être l'être le plus important de la vie de quelqu'un. Comme tout le monde cherche à l'être.
Je trouvais prétentieux de prétendre le devenir. Il était orgueilleux de refuser de l'être.
Je n'ai pas fait d'enfants pour ne pas m'égarer à vouloir être un père qu'ils abandonneraient.
Je ne suis pas marié. J'ai toujours vécu seul. Et tu savais qu'un jour je changerais d'avis.
C'était question de temps. L'histoire d'une vie. Tu attendais ton heure et ton heure est venue.
Je caresse ton front en marbre de Céret. Le granit. Le pavé. Les pierres de rivière.
Tu es la plus belle ville que j'aie photographiée. Tu sens bon le café et la viennoiserie.
Du petit-déjeuner que nous prenons ensemble, au soleil, sur le ciel, du bonheur en terrasse,
qui côtoie tous les toits en pagaille alentour, et le clocher aimé de la tour de l'Horloge.
J'aime te faire l'amour. Pouvoir te faire l'amour quand nous en avons envie. En vie.
Au printemps qui progresse. Aux matins de paresse. Qui s'éternisent enfin.
Dans les bras l'un de l'autre. Nous ne vivrons pas ensemble sous le même toit.
Mais sur le même toit. L'attique merveilleux à l'abri des regards. Perpignan.
Quand à l'abri du tien je sais que je suis bien au centre de toi-même.
Au coeur-même de ta vie. Et c'est une importance qui ne me fait plus peur.
Je m'endors en confiance et j'aime le sommeil. Même à l'heure d'été.
Ta lumière sensuelle à travers les volets. Ta violence magnifique. Et ton entièreté.
Je t'aime comme personne. Tu es ma ville natale. J'accepte de t'aimer.
Et que tu sois un homme ne me dérange pas.


            
      

 

Philippe LATGER
Mars 2014 à Perpignan

 

 

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29 mars 2014 6 29 /03 /mars /2014 12:51

 

 

L'hôtel de Paris, avec sa tourelle d'angle, avait l'air d'un petit château.
Et ressemblait exactement à ce que je pouvais imaginer du Canada.
La couleur de la pierre et les toits vert-de-gris comme on les voit à Québec et Ottawa.
Ce cuivre oxydé qui résiste à la neige et bave sur les façades. C'était l'endroit parfait.
Sur la rue Sherbrooke. Côté français. Francophone. Sherbrooke Est. Au bout de St-André.
Je ne me rappelle pas comment j'ai fait le voyage depuis Perpignan jusqu'à Paris.
Si j'y suis resté quelques jours avant d'aller attendre mon avion à Roissy. Terminal 9.
Ce dont je me souviens, c'est d'avoir repéré le magazine Québec Canada, Grandeur Nature,
dans les rayonnages de presse d'une boutique, d'en avoir acheté un exemplaire pour le voyage,
sans savoir que j'allais collaborer au magazine quelques mois plus tard.
Compagnie Canada 3000. Paris-Montréal. Atterrissage à Mirabel. Je connaissais déjà.
L'aéroport par lequel j'étais entré en Amérique la première fois de ma vie quatre ans plus tôt.
Je voulais partir. De toute façon. Avais hésité entre Montréal et Mexico, cette ville démente
dont j'étais tombé amoureux quelques mois auparavant lors d'un séjour au Mexique,
mais Montréal l'avait emporté pour deux raisons parfaitement contradictoires.
D'abord, c'était l'Amérique francophone, et malgré ma familiarité avec la culture hispanique,
c'était tout de même un confort, rassurant d'avoir cette continuité linguistique pour amortir
le choc de l'immersion dans une culture et une civilisation qui ne sont pas celles de l'Europe,
ensuite, c'était l'hiver, et le Méditerranéen avait envie de se frotter à cette douche froide,
d'expérimenter cette violence climatique, attiré malgré tout par l'extrême et l'exotique.
L'idée n'était pas seulement celle d'un séjour de quelques mois ou de quelques années,
il s'agissait pour moi de m'y installer véritablement, n'excluant pas celle d'y prendre racine.
Ce qui emporta mon choix fut aussi la proximité de New York. Un aspect non négligeable.
J'avais quoi... une ou deux valises pleines de fringues et d'effets personnels.
Plus un bagage à main. Mon billet d'avion et ma réservation à l'hôtel de Paris.
J'avais 25 ans et la ferme intention de changer de vie.
En fait, à 25 ans, on ne change pas de vie, on se contente de la construire.
Une chose que je comprendrais plus tard. Mais sur le moment, c'était vécu ainsi.
Je m'arrachais à une région que j'aime, à une famille et des amis auxquels je tenais beaucoup,
avec qui je n'étais pas en rupture, ce qui pouvait donner une ampleur romantique à mon geste.
Il y avait dans la démarche quelque chose j'en conviens, de délicieusement déchirant.
Ensuite, je ne partais pas avec un dollar en poche, j'étais blindé, venais d'hériter, j'avais du fric.
Ce qui ne me donne pas moins de mérite mais qui limitait les risques. Cela me sécurisait.
Me donnait des marges de manoeuvre et la liberté d'échouer ou de changer d'avis.

Ce qui forçait l'admiration de mes proches, je m'en rendais bien compte,
ce n'était pas le courage du pionnier qui a le sens du commerce et de l'entreprise,
le sens des affaires et des opportunités, quand je n'avais aucun talent dans ces domaines,
que je n'avais encore jamais véritablement travaillé et encore moins gagné ma vie.
Ce qui était respecté chez moi, et était assimilé aussi à une forme de courage,
c'était cette aptitude à être seul, à ne pas paniquer face à la solitude, à être autosuffisant.
Je pouvais en effet faire huit heures de train tout seul. Puis sept heures de vol tout seul.
Pouvais passer des journées entières sans parler à qui que ce soit. Pouvais partir seul.
M'installer ailleurs. Y compris à l'étranger. Dans une ville où je ne connaissais personne.
Je n'avais aucun mérite quand cela ne me faisait pas peur. Ce n'était donc pas du courage.
J'aimais ma solitude. Et n'avais pas à m'en convaincre moi-même. C'était ma nature.
J'y étais bien. Les voyages en solitaire. En train ou en avion. J'adorais ça.
Des séquences interminables où le temps lâchait prise, où l'on me foutait une paix royale.
J'avais le loisir de laisser libre cours à mon imagination. C'était très agréable.
Allais-je tenir la distance des trois mois à ne parler qu'à des commerçants ?
Ce n'était pas un problème. J'étais conscient de mes points faibles.
J'étais plus anxieux à l'idée de savoir trouver une opportunité d'obtenir du travail.
Dans l'immédiat, avec l'argent dont je disposais, trouver un appartement n'était pas un souci.
Finaliser le déménagement non plus. Mon problème était de trouver quoi faire au Québec.
Je n'avais aucun diplôme et aucune formation professionnelle. Ni aucun projet établi.
J'avais ce billet retour obligatoire dans un premier temps puisque je partais sans avoir attendu
le précieux visa de résident permanent qui m'aurait économisé et épargné les tours du poteau
que j'allais faire pendant deux ans et demi, autant de Paris-Montréal, avec Canada 3000,
et je décollais de Roissy en sachant que j'étais tenu de revenir en France tôt ou tard.
C'était une sécurité pour l'Immigration canadienne. C'en était une aussi pour moi.
J'ai présenté mon passeport à Mirabel. J'ai trouvé une navette pour le centre-ville.
J'ai pris un autobus pour parvenir au coeur de Montréal. Mon Amérique.
J'ai reconnu des sensations. Une ambiance. Des odeurs. Ivre de joie et d'émotions.
La montagne qui dissimule les buildings, puis l'échangeur Turcot et sa débauche de béton,
digne des grands échangeurs de Los Angeles, et enfin la skyline de mon nouveau chez moi.
Je ne me rappelle pas où je suis descendu. Si j'ai pris un taxi pour parvenir à l'hôtel.
Je me rappelle à peine de la chambre. Vaguement. Une bonbonnière guimauve et chichiteuse.
Qui m'indiquait ce que les Américains semblaient imaginer de Paris et de la vieille Europe.
Cela m'a amusé et déprimé à la fois. C'était confortable. Et j'allais pouvoir dormir.
Mais j'ai su aussitôt que je me replierais sur un autre lieu le temps de la recherche d'un appart.
C'était l'endroit idéal pour atterrir. Une chose après l'autre. J'étais mort de fatigue. 
Et heureux dans l'immédiat à la seule perspective de rattraper mon sommeil.
Les sirènes de police dans la ville et l'accent québécois à la télévision,
étaient autant d'indices que j'étais bel et bien arrivé à destination,
mais je n'étais plus très sûr de mon discernement et de mes perceptions.
Demain, ce sera autre chose. Demain, j'ouvrirai les yeux à Montréal.
A 6000 km de chez moi.

        
     

 

 

Philippe LATGER
Mars 2014 à Perpignan

 

 

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28 mars 2014 5 28 /03 /mars /2014 22:28

 

 

L'escalier sombre et large. A gravir. Le trac au ventre.
Dans les basses lourdes qui défonçaient déjà ma poitrine.
Une pression dans les pectoraux. Dans le ventre. Le bas-ventre.
Qui perfore mon crâne au milieu des arcades sourcilières.
Je suis rasé. La peau est nette. Front dégagé. Le sourire carnassier.
Je cache mon trac derrière une mine arrogante et sûre d'elle.
Au Queen, il fallait les descendre. Au Unity, il fallait les monter. Les escaliers.
Ce n'était pas Cannes. Pas vraiment. Mais c'était la montée. Sur le ring.
Dans l'arène du club où je venais chasser. Les canines sur les lèvres prêtes à mordre et crever.
Mordre ces putains de verres. Whisky Coke. Alignés. La glace dans mes yeux. Délavés.
Dans ma gorge serrée. C'est le combat de boxe contre ma solitude. Montréal. Enneigé.
Sur le trottoir, je n'ai pas attendu, je suis habitué. Banana Republic. Gap et Jean-Paul Gaultier.
Des fringues de Floride, mi-velours, mi-résille, sous la fourrure synthétique et ma barbe taillée.
Des hommes me déshabillent et me roulent des pelles. J'ai oublié le kitsch. Et tout de noir vêtu
c'est du Philippe Dubuc qu'on m'arrache gentiment pour pincer mes tétons et me lécher le cou.
Je suis une pute de 26 ans, 27 peut-être, je n'aime personne, j'aime tout le monde, indifférent.
Je suis au bar. Rufus Wainwright. La cocaïne. Les filles peuvent lâcher l'affaire. Le club est gay.
Il y a ce photographe de mode à éviter. Ce mannequin que je veux me faire. Je suis largué.
Dans la noirceur. Dans la lumière. J'ai perdu pied. Y'a quelqu'un qui suce ma bite et ça me plaît.
Pendant que je descends mes verres sans sourciller. Le Whisky Storm est à son comble.
Je suis comblé. La techno cogne sur mes tempes. La mort s'en foutra plein la lampe.
Je suis vivant. Au bar le barman qui m'arrose, lèche ma paille et d'autres choses,
et c'est marrant. Mon trac resté dans l'escalier, j'ai survécu. Au milieu de ces Québécois.
Et de ces Ricains de passage avec qui j'irai à l'hôtel pour partouzer. Le sens de l'hospitalité.
Bienvenue ! Le Québec libre. Ste-Catherine. Place Dupuis. Berri-UQAM. Les Gouverneurs.
Ma fourrure et mon dernier whisky dans l'ascenseur. J'aime pas les afters dans les boîtes.
J'aime pas danser. Je ne sais faire que la pute. Faire jouir les hommes et les vider.
Flatter leur queue. Les faire mousser. Je suis blasé. Quand seul leur plaisir me fascine.
Les voir s'y tordre. S'y abandonner. Moi qui n'en prenais plus jamais.
Le don de moi à ces danseurs, ces strip-teasers bodybuildés, tous les petits prostitués,
que je payais pour ne rien faire sinon se laisser caresser, se laisser faire, me laisser faire,
quand j'aimais les voir résister, se débattre avec le supplice des voluptés à sens unique,
se déhancher à mes tortures, prendre leur pied comme des gonzesses, se contracter,
et faire pleuvoir à gros bouillons le spasme des libérations.

Je pouvais bien ouvrir les yeux. Dans ma chambre à St-Timothée.
J'avais passé l'âge d'avoir la gueule de bois. Juste épuisé. Il a neigé.
Il y a ce photographe de mode, celui que je voulais éviter. A réveiller.
Je fais du thé et place nette. Il doit rester des cigarettes. Et du café.
Monsieur va sortir de la douche pour que je le foute à la porte.
Je me sens bourré de la veille. Je ne le raccompagne pas. Il connaît le chemin.
Je dois ouvrir l'ordinateur. Vérifier ma messagerie. Juste pour voir s'il m'a écrit.
" Hier soir j'étais au Unity. " On joue au chat, à la souris. Petite salope.
Mais c'est tant mieux. Je suis joueur. Jean-Sébastien, tu as tout compris.
Reste planqué. Résiste-moi. Fais-moi courir et rends-moi dingue. Dingue de toi.
J'ai juste un nom et une voix, au téléphone, rien qu'une fois, où tu avais trouvé des couilles
pour cet appel interurbain, quand la distance suffisante t'a permis de sortir du bois.
Fin de semaine à Toronto. Il te fallait bien l'Ontario pour pouvoir t'approcher de moi.
Nous qui sommes de la même ville. Le Plateau et le Mont Royal. Où que tu sois.
Tu es dans l'écran de ma chambre. Quelque part au bout de mes doigts
Quand tu es peut-être sur Maisonneuve, Sherbrooke ou le Carré St-Louis.
J'étais hier soir au Unity. Hier soir comme toutes les nuits. Tu y étais aussi.
Rufus Wainwright. La cocaïne. Le Campus et le Stereo. Mon Brad et ses abdominaux.
Dans cette orgie de tatouages, de gel, de sourcils épilés, de piercings et de racolage,
passif comme on le devinait, j'ai frayé pour fourrer ma langue et tout ce qui peut se dresser.
A tromper ma désespérance, j'étais voulu et respecté, même quand je faisais pitié,
à boire toute ma violence, à me débattre comme un diable, dans mon deuil et ma déchéance
quand je crevais d'être vivant, lorsque ma mère ne l'était plus, quand je me vidais de mon sang,
que l'alcool n'y suffisait plus, j'étais un cadavre de France coupable d'avoir survécu.
J'ai mis ma mère dans ma terre. La terre que j'avais quittée. Pour faire le tour de la terre.
Qui ne voulait plus me quitter. Et je remontais tous les soirs, les marches du même escalier.
Les strip-teasers dans les miroirs. Et ces hokeyeurs folles à lier. Les masturbations dans le noir.
Et tant de bouches dévorées. Quand je bouffais ma solitude pour mieux la vomir en dedans.
Avec du mépris pour tous ceux pour qui j'avais de l'affection, épouvanté par ma tendresse,
dégoûté par mes sentiments, l'amour était une faiblesse et je lui pissais à la raie,
j'ai toujours préféré le sexe, en consommais à pleines dents.
J'ai hurlé Dieu dans la luxure, le bonheur dans le St-Laurent,
traîné ma rage en altitude, à en déchirer l'océan, dans mes avions et mes bitures,
et dans ma cage tournais en rond, à te chercher comme à te fuir, à me punir comme d'habitude,
d'avoir été heureux enfant, ou d'être lâche et inconstant, désorienté et décevant.
J'entends mes pas croquer la neige, le bruit qu'elle fait quand je l'écrase,
dans la nuit qui me déshydrate où mes yeux cherchent la lumière.
Je peux voir celle de mon phare de la place Ville-Marie, qui tournoie, balaie des hectares
de noirceurs qui flottent en ville sur tant de braises incandescentes où je peux cacher mon désir,
cacher ma peur et ma folie, ce que j'ai honte de souhaiter et la faiblesse d'espérer.
Je reviens sur Ste-Catherine, voir mes amis danseurs du Stock, gonflés, accros aux stéroïdes,
se tortiller dans leurs jockstraps, pomper du spermatozoïde, le temps de boire ce qu'il fallait
pour m'aventurer au-delà, dans l'enfer de cet escalier, dans ce club quelques blocks plus bas,
où je cherchais à exister, où je cherchais à disparaître, et arrivé sur le palier,
il fallait une inspiration comme pour qui saute dans le vide, avant le saut et l'immersion,
où j'allais trouver le repos.

    
   

 

 

Philippe LATGER
Mars 2014 à Perpignan

 

 

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Lectures

 

 

Stéphane Facco  Stéphane Facco 

 

Lambert Wilson  Lambert Wilson 

 

  Contes du Jour et de la nuit

      Véronique Sauger     

 

Lettres à ma ville

  (spectacle des Estivales juillet 2000) 

 

 

  publication chez Soc&Foc 2012 

La terre est rouge

 

interview la terre est rouge

 

 

 

 

  Parolier / Discographie 

 

LaViedeChateauArtMengo

 

 BlondedanslaCasbahBiyouna

 

 

BOAzurAsmar

 

 MeskElilSouadMassi

 

 LoinLambertWilson

 

 7ViesTinaArena

 

 BetweenYesterdayandTomorrowUteLemper

 

 CestTropMissDominique

 

 SijenétaispasmoiMissDominique

 

 

WinxClubenConcert

 

 

OuvontlesHistoiresThierryAmiel

 

 

Live en trio 

 

 

 

 

  Compilations  

        Compilation 2009

 

 

Compilation 2010 Universal

 

 

 

 

cinéma

 

MauvaiseFoi

 

 

 

 

  spectacle café de la danse 

MadreFlamenco