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27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 01:37

 

 

Un ami communique sur Facebook pour annoncer qu'il est réélu,
qu'il retourne au conseil municipal où il siégeait déjà, pour six nouvelles années.
Je le félicite sur son mur. Et en même temps, quelque chose me dérange.
Oui. J'ai bien lu. Et je le sais bien. Nous sommes en campagne depuis longtemps.
J'ai eu le temps de réviser ou revisiter mes cours d'éducation civique. Six ans...
Six ans, rendez-vous compte. Et cela me semble être une éternité.
Même pour la présidentielle, nous étions allés sur le quinquennat, quoi qu'on en pense,
parce qu'il paraissait évident que le septennat était d'un autre âge et d'une autre culture.
Le temps s'était accéléré. Et il s'est accéléré encore davantage, de façon fulgurante,
avec la démocratisation d'internet, la connexion possible depuis les téléphones mobiles,
et encore davantage à la réactivité des réseaux sociaux qui ont bouleversé la vie politique.
Les médias classiques sont dépassés depuis longtemps quand nous avons changé de tempo.
L'organisation de la vie publique, les temps de la décision, les méthodes de communication,
tout a été chamboulé, quand même le scrutin tel que nous le connaissons a été ringardisé.
Aux pétitions qui circulent, aux campagnes citoyennes qui s'improvisent partout sur le web,
à toutes les possibilités que nous avons désormais de nous exprimer, de faire pression,
de proposer, d'innover, de consulter nous-mêmes, de partager, de participer à la décision,
quand il n'est plus besoin d'attendre que la télévision relaie les résultats de sondages
pour connaître l'état global de l'opinion, quand il est facile désormais de savoir qui pense quoi,
à coups d'articles sur les blogs et de déclarations sur Twitter ou Facebook.
Six ans ? Mais à quelle époque sommes-nous ? Le décalage entre deux mondes.
Le rite républicain du suffrage universel. Les bureaux de vote. Les urnes. Etonnant.
La démocratie a déjà muté, et nous sommes encore à des pratiques devenues médiévales.
Je vais à mon bureau du Couvent des Minimes avec ce sentiment. Quelque chose d'archaïque.
L'isoloir. L'usage du papier. La cérémonie du citoyen se présentant devant les registres.
L'enveloppe dans la boîte. " A voté. " Un rite qui en vaut d'autres. Nous en avons besoin.
Mais à l'heure de l'hyperconnexion, nous sentons tous qu'il a désormais quelque chose
de désuet et de dérisoire.

La soirée électorale à la télévision. Encore un vestige de l'ancien monde.
Nous avons déjà eu les tendances par le biais de textos et de twits, ou de posts sur Facebook.
Des messages parvenus en temps réel lors des dépouillements depuis tous les bureaux.
Les rumeurs qui se confirment. Les chiffres qui s'affinent. Le Ministère de l'Intérieur.
La Préfecture. L'Hôtel de Ville. Des fuites. Des confirmations. Avant-même le 20 heures.
Je regarde ce que le média national annonce, et comment il prend le parti de l'annoncer.
Je découvre que des hommes sont élus dans des mairies depuis les Années 70.
Je redécouvre les limites de la démocratie française. M'interroge sur notre système.
On débat sur le cumul des mandats, mais est-ce aussi choquant que cette possibilité
d'être ainsi constamment réélu faisant de certains responsables politiques des élus à vie ?
Pour lutter contre la corruption et le clientélisme, il semble plus urgent de nous appliquer
la limitation du nombre de mandats dans la durée que l'interdiction du cumul.
Je n'ai pas d'idée arrêtée sur le cumul des mandats, quand certains d'entre eux, peut-être,
peuvent être cumulés sans que l'on y voie forcément un quelconque conflit d'intérêt.
D'autant qu'institutionnellement, si nous optons par exemple pour une fusion
des assemblées régionales et départementales pour faire des économies,
nous instituons un cumul des mandats organisé qui trouve ses arguments et peut se justifier.
Ce qui me choque davantage est qu'on puisse reconduire des mandats indéfiniment.
Sur certaines collectivités, sur certains territoires, imaginez l'ampleur du verrouillage
des réseaux d'influence et de corruption que de telles durées permettent.
Je ne dis pas cela pour juger les hommes, mais pour déplorer ce que produit le système.
Deux mandats consécutifs. Non renouvelables. Bien sûr. C'est le minimum.
Et ce à tous les étages. A tous les échelons. Pour tous les mandats quels qu'ils soient.
Du Maire jusqu'au Président de la République. Quand c'est le minimum syndical à mon sens.
Imaginez. Les deux mandats, c'était déjà l'exemple vertueux de George Washington en 1796.
Elu une première fois en 1789. Deux mandats et basta. Le modèle de la fin du XVIIIe siècle.
Suivi scrupuleusement par tous ses successeurs jusqu'à la loi constitutionnelle de 1951,
le XXII amendement qui indique que nul ne pourra être élu à la présidence plus de deux fois.
Parfois, je me demande si la moralisation de la vie publique ne nous conduira pas
à l'idée du mandat unique, pour empêcher au mieux toute professionnalisation de la politique.
La politique ne devrait pas être un métier. Et le système entretient une logique contraire.
On me dit qu'il faut du temps pour mener certaines politiques de long terme, et je l'entends,
mais l'argument me paraît léger quand le renouvellement de la classe politique n'empêche rien,
et que l'on peut très bien mener des politiques de long terme avec des hommes différents.

Il faut bien sûr des hommes pour impulser et prendre des décisions.
Il y a des experts pour participer à la conception, des fonctionnaires pour l'exécution.
Et nous pourrons toujours élire d'autres hommes d'une même mouvance politique,
d'un même parti, d'une même philosophie, pour pérenniser les politiques qui nous plaisent.
Nous n'avons pas besoin de garder un même homme trente ans au pouvoir pour cela.
Un projet n'a pas besoin d'être accompagné absolument jusqu'à son terme par son initiateur
pour être réalisé et être mené à bien, quand la démocratie a besoin de souffle et de souplesse.
Il faut, outre les contre-pouvoirs, permettre des respirations et des opportunités de changement
qui à l'heure d'internet se font sentir de plus en plus nécessaires et légitimes.
Je sais qu'il faut par ailleurs résister à la dictature de la vitesse et de l'immédiateté,
je sais que la réflexion politique doit s'imposer et prendre son temps face à la pression
de l'instantané et de la réactivité diabolique des nouvelles technologies. J'en suis convaincu.
Et je suis de ceux qui déplorent que les hommes politiques soient petit à petit devenus
de simples et vulgaires communiquants, regrettant qu'ils ne prennent plus le temps de penser.
Mais le temps de la conception d'un projet, d'une vision, n'est pas celui d'un mandat.
Le politique est censé avoir fait son travail de réflexion en amont, avant d'être candidat.
Et l'on voit bien que peu d'entre eux parmi ceux qui se présentent à nous ont eu le temps
de faire ce travail, quand ils sortent la plupart du temps d'un autre - parfois du même - mandat
et qu'ils nous servent les promesses de l'élection précédente à peine réchauffées.
Le mandat est le temps de l'action. On ne le confie pas à un homme qui dit " je vais réfléchir. "
On le confie à un candidat qui a préparé une offre politique pour qu'il la mette en oeuvre.
Et pour toutes ces raisons, en effet, j'ai cette idée qu'un mandat unique pourrait être suffisant.
Des hommes populaires et aimés pourront être regrettés à certains postes sans doute,
ils ne mourront pas en quittant leurs fonctions et en passant le relais à d'autres, pour garantir
le bon fonctionnement de la démocratie, quand ils pourront être utiles à la collectivité ailleurs,
ou autrement, comme on le voit pour les Présidents américains qui ne sont plus en exercice.
Quoi qu'il en soit, quand le mandat municipal français est de six ans, j'hallucine à l'idée que
la réélection d'un même homme puisse le laisser aux commandes du destin de ses administrés
pour plus d'une décennie, et, en mars 2014, cela me paraît parfaitement aberrant.
Cela me choque d'autant plus que nous voyons bien combien cela est contre-productif.
Cela ne remet en question nullement la valeur et la qualité des hommes. Ce n'est pas le sujet.
Il s'agit du fonctionnement de l'organisation politique de nos territoires, de la démocratie,
du choix du mode de désignation ou d'élection de nos responsables et de nos représentants,
savoir ce qui est le plus adapté à la société française à l'heure d'internet et de la mondialisation.
Le temps s'est accéléré aussi vite et fort que nos seuils de tolérance se sont réduits.
Si une démocratie équilibrée doit se prémunir de l'impatience et des caprices de l'opinion,
s'il faut prévoir des contre-pouvoirs au pouvoir du peuple qui peut avoir ses propres abus,
il faut cependant corriger tout ce que le système électoral produit d'injustices mécaniques,
de clientélisme inhérent au processus tel qu'il est de candidature, de campagne et d'élection,
voir comment, sans remettre en question le principe démocratique de consultation populaire,
celui du suffrage universel, direct ou indirect, nous pouvons éviter tout ce qui favorise
la fraude, le trafic d'influence, les conflits d'intérêts, malversations, marchés truqués,
tout ce que le système permet naturellement de corruption en dépit de l'intérêt public.
En temps de crise, cela vaut sans doute la peine de prendre le temps d'y réfléchir.
    

 

 

 

Philippe LATGER
Mars 2014 à Perpignan

 

 

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